Italie 2001/02 : bilan de la saison

 

C'est une saison paradoxale qu'a connu le hockey italien, qui a pu tutoyer de nouveaux les sommets européens grâce à Milan, finaliste de la Coupe Continentale. Mais la performance des Lombards dans une compétition européenne dépréciée ne doit pas masquer les handicaps structurels d'un hockey italien extrêmement fragile. L'optimisme encore présent à la fin du championnat a disparu un mois plus tard : l'équipe nationale a logiquement fini par quitter l'élite mondiale, et la faiblesse de la jeune génération italienne, comparée aux pays voisins, est apparue au grand jour. A quatre ans de l'organisation des Jeux Olympiques dans une ville sans culture hockey (Turin), le chantier est immense. Et la construction des fondations est déjà bien mal engagée, puisque le projet de nouvelle élite pour l'an prochain ne compte déjà plus que six clubs, qui ne partagent pas les mêmes vues. La viabilité de ce championnat paraît fort douteuse puisqu'il est clair que les clubs italiens n'arrivent pas à équilibrer leurs comptes, en partie parce que leurs pratiques de gestion sont traditionnellement assez chaotiques et dépensières. La formule de championnat a d'ailleurs encouragé ces habitudes car le classement resserré par les divisions de points a facilité les renversements de situation et les réactions intempestives de certains dirigeants. Peu d'équipes ont su garder leur sang-froid et ne pas virer leurs étrangers au premier coup de vent.

Premier : Milan. Au vu de ses performances très médiocres en saison régulière, Milan aurait également pu suivre ces mauvais exemples et se laisser aller à couper quelques têtes, en particulier celle de l'entraîneur Adolf Insam, qui a dû faire face à une très forte vague de contestation. Mais ceux qui ont stigmatisé le manque de résultats et l'ont critiqué un peu vite peuvent s'en mordre les doigts a posteriori. Même si les Milanais ne se sont qualifiés en play-offs que dans les dernières journées (à la sixième et ultime place qualificative), leur bilan final est exceptionnel avec une première place nationale et une deuxième place continentale. Les supporters ont eu l'occasion de festoyer, eux qui ont si longtemps été frustrés de trophées et ont rongé leur frein pendant les périodes de domination de Bolzano ou encore des Devils, éphémères concurrents financés à coups de milliards (de lires) par Silvio Berlusconi.

Le palmarès s'est enfin réouvert grâce à une vraie "équipe de play-offs", présente dans les grands rendez-vous. Entre le Milan tâtonnant de la saison régulière et celui conquérant de la Coupe Continentale ou de la demi-finale et de la finale du championnat, il y avait en effet un monde d'écart. Décisif, le gardien Jason Muzzatti a tout particulièrement su élever son niveau de jeu pour la circonstance, et le jeu de puissance a été la clé de voûte du succès. C'est la victoire d'un collectif de qualité, qui disposait à la fois d'un banc fourni et d'une première ligne offensive de feu avec l'implacable trio canadien Hiller-Beattie-Lefebvre.

Deuxième : Alleghe. Pour sa première saison à la tête d'Alleghe, Fabio Polloni a réussi un coup de maître. Entraîneur au talent reconnu de formateur, il a su imposer ses schémas fondés sur une entrée très rapide en zone offensive des ailiers. Les "Civette" ont été une des équipes les plus constantes du championnat, même si un passage à vide à Noël a immédiatement provoqué une contestation d'un public aussi exigent et impatient qu'ailleurs. La place en finale est donc tout sauf illogique, c'est la récompense d'un vrai travail en profondeur, même si cela n'aurait pas été possible sans le meilleur marqueur, l'indispensable buteur canadien Stéphane Roy. Mais l'équipe a trouvé un bon équilibre, notamment après le retour de Fabrizio Fontanive, qui a permis de créer un bon second bloc. Daniele Veggiato est alors monté en première ligne et son entente avec Lino de Toni, qui a pris le rôle du passeur, a fait merveille. La défense, où on aura observé avec intérêt les présences moins épisodiques du jeune Mario Guadagnini, a eu plus de mal, notamment en raison de la blessure de Peter Janik. Quant au gardien italien Diego Riva, il a effectué un championnat tout à fait intéressant et a été préféré à son concurrent finlandais Pasi Heinisto jusqu'en finale. Dans cette saison en tout point satisfaisante, l'unique déception est venue de l'attaquant slovaque Pavel Fedor, viré en cours d'année.

Troisième : Asiago. Malgré l'absence de Lucio Topatigh au début du championnat, le vétéran souffrant des ligaments du genou depuis la finale 2001, le champion en titre a bien débuté sa saison avant de connaître un passage à vide après la Coupe Continentale. Ses pièce maîtresses, Gravel dans les buts, Da Corte en défense et Houde en attaque, étaient blessées, et même John Parco, arrivé en qualité d'entraîneur des jeunes, a dû revenir au jeu où il a été bien utile. Mais dans l'ensemble, Asiago a clairement dominé le championnat. Son moteur a été le duo offensif formé par Eric Houde et Martin Gendron, même si ce dernier n'a pas tout à fait été au niveau attendu par le club eu égard à ses stats. Parmi les joueurs italiens, Rodeghiero et Mosele ont aussi apporté leur contribution.

Mais cette bonne saison s'est arrêtée prématurément en demi-finale face à Milan, devenu la véritable "bête noire" d'Asiago. Après avoir battu la formation du Veneto en Supercoupe, après lui avoir soufflé la qualification en Coupe Continentale, Milan a remis ça en play-offs. Asiago a remporté difficilement le premier match, de manière peut-être imméritée, mais a nettement dominé les trois rencontres suivantes... pour autant de défaites, les attaquants étant inefficaces devant un Muzzatti en état de grâce. Malgré la qualité de son jeu et la solidité de sa défense, Asiago n'a donc gagné cette année qu'un seul trophée, la Coupe. Mais sa capacité à se maintenir aux sommets du hockey italien est tout à fait encourageante pour l'avenir, et le palmarès devrait encore s'étoffer dans le futur.

Quatrième : Bolzano. Autre confirmation, le fait que Bolzano n'est plus une force dominante du hockey italien, mais la récession a été beaucoup moins forte que prévu. Après un début de championnat raté, où les étrangers Currie et Bullock ont mis du temps à trouver la bonne alchimie, l'entraîneur italien Roberto Varotto a dû rapidement rendre son tablier et son remplaçant Pat Coolen a su trouver un juste équilibre. Bolzano s'est même un temps retrouvé en tête du championnat, au bénéfice d'une astuce comptable censée redonner de manière complètement artificielle de l'intérêt à la compétition. La division des points acquis au cours de la deuxième phase étaient en effet différée jusqu'à la fin de celle-ci, alors que celles des points de la première phase avait déjà eu lieu. Le deuxième aller-retour sitôt terminé, l'ordre du classement a ainsi changé, et Bolzano, qui a alors perdu la tête, ne s'en est pas remis en fin de championnat. Le gardien finlandais Siekkinen, que Coolen avait préféré à son homologue italien Günther Hell, a alors été particulièrement décevant. Pourtant, Bolzano avait sorti son chéquier pour engager Brian Loney et le trio québécois Petit-Marois-Tardif, tout en laissant partir sans regrets Dan Currie pour Merano et Greg Bullock pour Lausanne. Cela laissait une abondance de biens avec six étrangers pour quatre places, mais avec la baisse des résultats, l'espoir d'une place dans les deux premiers et d'une qualification directe en demi-finales s'est envolé, et Alleghe est passé devant.

C'est alors que survient le coup de théâtre : à une semaine du début des play-offs, Dan Coolen remet sa démission pour "motifs personnels", prétendant rentrer au Canada... et s'engage dans la foulée comme entraîneur-adjoint avec Vipiteno ! Cette nouvelle provocation du club rival, qui avait déjà "volé" Iob en début de saison, est très mal vue à Bolzano, qui part à la conquête de sa fierté perdue. Le club y parvient en play-offs sous la direction du vieux lion Robert Oberrauch, qui ramène le moral dans le vestiaires et redonne sa confiance à Hell. Bolzano élimine Merano et se qualifie pour les demi-finales (contrairement à Vipiteno), s'assurant ainsi la suprématie sur le Haut-Adige. Dans un environnement plus calme, Bolzano aurait sans doute pu mieux faire. La défense, où Camazzola et McCosh ont été très sûrs aussi bien à l'arrière qu'en zone offensive, a en effet été toujours à la hauteur, pouvant travailler dans la sérénité sans connaître les mêmes remaniements que l'attaque, puisqu'elle n'a connu que l'adjonction de Petit.

Cinquième : Vipiteno. Après avoir affolé le marché en faisant de la surenchère et recruté à tour de bras dès le début de la campagne des transferts, Vipiteno se présentait comme l'épouvantail du championnat, mais déchantait rapidement dès les premiers matches fin septembre. Les défaites s'enchaînaient, les "Broncos" étaient largués au classement, et la seule satisfaction était alors le petit et énergique attaquant David Stricker. Le manager Markus Kaserer procéda alors à une grande lessive : Roman Mucha (Bressanone), Rob Wilson (Manchester) et Tuomo Kyhä se virent indiquer la direction de la sortie, tout comme l'entraîneur Jari Helle, parti à Appiano. Pour solidifier une défense qui était jusque là la pire du championnat, on fit appel à Ron Aldoff, un bon patineur élu meilleur arrière de Bundesliga 2, et à Jean-Marc Richard. Enfin, on engagea en janvier l'Américain polyvalent Sean O'Brien. Autre recrue, Rod Hinks s'adapta bien comme centre de Iob mais ne fut pourtant pas conservé et partit pour Villach, remplacé par Clayton Beddoes. Avec tout ce remue-ménage, il fallait une main ferme pour amener de la discipline. Ce fut celle de Paul Thériault, qui avait gagné le surnom de "sergent de fer" du temps où il officiait à Alleghe et Varèse. Revenu du Mexique où il s'occupait du projet hockey du pays, il réussit à instaurer un jeu efficace. Le redressement fut spectaculaire, et la division des points permit à Vipiteno de passer de la dernière à la troisième place. Une position piégeuse, puisqu'elle attribua Milan comme premier adversaire en play-offs. Les Broncos furent sortis en deux manches et n'eurent plus leurs yeux que pour pleurer.

Mais leurs mésaventures ne s'arrêtaient pas là. Deux jours après leur élimination, Tony Iob, le meilleur marqueur du championnat italien, s'engagea en WCHL avec les San Diego Gulls. Il restait alors exactement sept matches à jouer en saison régulière, soit le minimum requis pour qu'un joueur soit autorisé à participer aux play-offs d'après les règlements de la ligue nord-américaine. On comprend dès lors que Iob, qui avait prémédité son coup et s'était inscrit dans la liste des joueurs disponibles en WCHL deux semaines auparavant, n'ait pas été très motivé pour faire gagner Vipiteno ! Une qualification en demi-finale, et son lucratif contrat de fin de saison outre-Atlantique lui passait sous le nez. Devant ce comportement inacceptable, Vipiteno résilia le contrat de Iob qui courait encore sur une année, mais le mal était fait, et le club savait d'ailleurs à quoi s'en tenir en engageant un mercenaire capable de faire volte-face pour 3000 € de plus. En fin de compte, quelques jours plus tard, Vipiteno se retirait de l'élite, et son président Willi Stoefner expliquait que c'était la voie de la sagesse, car il lui était impossible de rééquilibrer les comptes, qui étaient déjà dans le rouge l'année dernière. Il y a de quoi être estomaqué en entendant de telles déclarations, car la gestion du club depuis un an ne ressemble vraiment pas à celle d'un club en difficulté financière. Elle représente au contraire un exemple d'école des comportements irresponsables qui peuvent mener le hockey italien (et européen) à la ruine.

Sixième : Merano. Au rayon des mouvements de joueurs, Merano n'a pas été en reste. L'ex-Milanais Torkki, appelé en renfort pour pallier la longue suspension de Darcy Martini, est ainsi resté moins de deux mois, alors que l'attaquant tchèque Šrsen a été prié de faire ses valises. Quant à l'entraîneur Brian de Bruyn, il a finalement jeté l'éponge et a été remplacé par Blair McDonald. Mais ce dernier n'a pas su guérir le mal obscur dont semble souffrir cette équipe, qui disposait pourtant d'un effectif intéressant. Luca Ansoldi en particulier a été le plus régulier des jeunes attaquants italiens. Stefan Figliuzzi a retrouvé ses qualités offensives, en s'appuyant sur le danger créé par Vladimir Eremin ou Max Ansoldi. Quant à Ake Lilljebjörn, il a été constant dans les cages. Mais cette équipe n'a jamais franchi un palier supplémentaire, et même l'arrivée d'un joker spectaculaire en la personne du défenseur Zarley Zalapski n'y a rien changé. Le vétéran de NHL au long curriculum vitæ a souvent eu tendance à dégarnir sa défense en se portant un peu trop facilement à l'attaque.

Septième : Fassa. Emmené par Andrea Carpano, le meilleur gardien de l'automne, Fassa a été la révélation du début de saison, transformant son antre du Scola en forteresse. Les deux buteurs suédois Mathias Bosson et Fredrik Nasvall faisaient merveille. Le jeu de puissance qui s'appuyait sur les redoutables slaps de McNevin était parfaitement au point. Du vétéran Scracreppa au jeune Ciresa, c'est toute l'équipe qui était gagnée par l'euphorie. Mais l'effectif était beaucoup trop juste pour tenir toute la saison. En défense, McNevin, Eriksson et Alessandro Carpano devaient effectuer des marathons, alors que les autres étaient peu utilisés. A cause de la blessure de Stefano Margoni, qui n'est ensuite pas revenu au niveau de la saison passée, l'entraîneur Bernard Haake ne pouvait pas aligner trois blocs complets en attaque. Alors que beaucoup d'équipes montaient en régime pour la troisième phase, la fatigue se faisait alors sentir à Fassa et sa faiblesse à l'extérieur éloignait alors définitivement son rêve de play-offs.

Huitième : Renon. Comme Fassa, Renon s'est mêlé à la tête du classement à la surprise générale en début de saison. Cette réussite était en grande partie due au duo Peltonen-Ramoser, responsable de la moitié des buts de l'équipe. Renon réussit ainsi à se qualifier pour la Coupe d'Italie, qui rassemblait les quatre premiers de la première phase, et à accéder à la finale, ce qui était sans doute le plus grand jour de l'histoire du club. Mais c'était également le début de la fin... C'est au cours de cette coupe que le conflit entre Jarno Peltonen et l'entraîneur Miroslav Frycer éclate au grand jour. Ecarté du groupe lors de la finale, Peltonen fait ses valises, et Roland Ramoser se retrouve dès lors bien esseulé sur le front de l'attaque. Renon lâché ainsi prise encore plus tôt que Fassa, dès la deuxième phase, bouclée avec quatorze défaites en quatorze matches. Le jeu offensif et spectaculaire prôné par Frycer ne fait alors plus recette. On porte alors plus d'attention aux problèmes défensifs chroniques de l'équipe, qui s'avèrent de plus en plus insolubles. Kautonen (qui partira finalement comme son compatriote) et Tchukhanov sont un peu trop attirés vers l'attaque et le reste de la défense, trop inexpérimentée, multiplie les erreurs. En attaque, Marchioni, Scelfo, et surtout Christian Walcher, un ton en dessous de ce qu'il faisait à Bolzano, ont été décevants. Quant aux renforts, Menard en défense, Pirozhkov et Beran en attaque, ils ont été inutiles. Renon a ainsi finalement terminé à la dernière place qu'on lui prédestinait. Il ne reste qu'à vivre dans le souvenir de ces quelques mois de bonheur à l'automne, d'autant que le club décide de se retirer du championnat nouvellement baptisé "élite" à la fin de la saison.

Marc Branchu

 

 

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