Russie 2002/03 : présentation
Résultats du championnat russe
Dans une interview accordée cet été, le président de la fédération internationale René Fasel a mis en garde les clubs européens contre la tentation de rivaliser avec les salaires pratiqués en NHL, ce qui est selon lui une voie préjudiciable. Même si elle n'était pas mentionnée nommément, la cible de cette petite phrase était clairement le championnat russe. La course à l'armement s'amplifie en effet d'année en année, et le salaire moyen a encore grimpé de 15% cet été. Cette inflation financière menée par six gros (Yaroslavl, Kazan, Omsk, Magnitogorsk, Cherepovets et le Dynamo Moscou) étouffe peu à peu les clubs formateurs (Traktor Chelyabinsk, Voskresensk, Nijni Novgorod) qui ont chuté les uns après les autres. Les petits clubs vont beaucoup souffrir cette saison car le championnat sera réduit de dix-huit à seize équipes l'an prochain, et il y aura donc pas moins que quatre relégués (pour deux promus).
Cette inflation se traduit non seulement par un afflux d'étrangers sans précédent (ils seront 82 cette année), mais aussi par l'arrivée de certaines stars russes de la NHL. Il est toutefois permis de douter que ces retours s'expliquent uniquement par le mal du pays ou un soudain sentiment patriotique. Bien plus prosaïquement, les clubs russes leur offrent tout simplement des contrats bien supérieurs à ceux dont ils disposent outre-Atlantique. L'exemple le plus frappant est Sergueï Krivokrasov. Lorsque son coéquipier d'alors Maksim Sushinsky avait quitté Minnesota pour Omsk, Krivokrasov avait critiqué publiquement ce choix et avait même interdit à sa femme de rester en relation avec l'épouse de son ex-ami. Il faut croire que les mallettes de dollars l'ont fait changer d'avis, puisque le voilà qui débarque à son tour en Russie, direction le plus offrant, l'Amur Khabarovsk.
Le comportement de "mercenaires" à l'extrême, décrié chez beaucoup de joueurs russes en Amérique du Nord, pourrait ainsi être importé en même temps que le talent des joueurs en question, et il n'est pas sûr que le championnat russe y gagne au change. En attendant, on ne se pose guère ce genre de questions et on se réjouit du retour des fils prodigues, même si on regrette généralement les temps où les joueurs restaient fidèles à leurs clubs et en devenaient des figures indissociables. Les mouvements de joueurs se sont en effet accélérés comme jamais cet été, à l'exception très notable du champion en titre Yaroslavl, qui a choisi la continuité et est resté extrêmement calme sur le marché des transferts.
Notons enfin une petite évolution dans le règlement : les clubs sont obligés d'aligner au minimum trois juniors (et non plus deux) sur la feuille de match, auxquels il faut ajouter deux joueurs dans leur première ou leur deuxième année senior. Compte tenu de la méfiance culturelle des Russes envers les jeunes en manière de sport, espérons que certains n'en profiteront pas pour jouer à trois lignes. Car plutôt que de racheter à prix d'or les joueurs partis outre-Atlantique, il serait tellement plus simple de créer les conditions du développement des jeunes dans le championnat local... Pour ce qui est des étrangers, ils sont toujours limités à trois, et les clubs remplissent de plus en plus ces places disponibles. Ne sont pas compris dans ce quota les joueurs des pays de l'ex-URSS (Belarus, Ukraine...) qui ont notifié par écrit à l'IIHF qu'ils renonçaient à porter les couleurs de leur sélection nationale.
Les clubs de Superligue
Après son titre acquis haut la main, le Lokomotiv Yaroslavl a refusé de tomber dans le piège de la surenchère, même si Kazan lui a ainsi chapardé Korolev. Avec aucune recrue (en attendant d'éventuels joueurs qui ne réussiraient pas les camps NHL et qui choisiraient de revenir), Yaroslavl a battu un record de stabilité pendant que ses rivaux explosaient les records de dépenses de recrutement. Les dirigeants ont estimé à juste titre qu'il n'y avait guère de raison de changer une équipe qui gagne, et qu'une éventuelle recrue ne pourrait être qu'un véritable renfort.
Le symbole de cette confiance aux joueurs en place est le gardien international Yegor Podomatsky, fidèle parmi les fidèles qui a tout connu avec Yaroslavl et qui a progressé avec le club. Andreï Kovalenko, qui a connu une adaptation parfaitement réussie, chose rare pour les revenants de NHL, est devenu en un an le leader ardent de l'équipe et un modèle à l'entraînement. L'équipe de l'entraîneur tchèque Vladimir Vujtek bénéficie d'un important esprit de corps, que permet la présence de nombreux joueurs formés au club.
Les deux principaux rivaux de Yaroslavl ont par contre effectué de gros recrutements. C'est le cas des Ak Bars Kazan, qui continue à se renforcer très nettement quantitativement et qualitativement. Après le bon exemple du joker Aleksandr Tsyplakov l'an passé, Kazan a recruté un autre vétéran de NHL, Valeri Zelepukin, qui a quitté Chicago parce qu'il voulait rejoindre une équipe plus "ambitieuse" et retrouver son meilleur ami Dmitri Kvartalnov. Autre recrue "nord-américaine", Aleksandr Korolyuk, qui n'avait pas la confiance de l'entraîneur de New Jersey et qui n'avait obtenu qu'une trop faible revalorisation de salaire à son goût (10%). Gageons que Kazan lui aura proposé bien plus.
Ces investissements suivent les grandes ambitions du club toujours fermement soutenu par la république autonome des Tatars, dont le président Mintimer Shaïmiyev annonce la construction pour août 2005 de "la plus belle patinoire de Russie", qui pourra contenir 10500 spectateurs. Mais le titre, il est attendu pour tout de suite car l'équipe n'a perdu aucune pièce maîtresse, sauf Aleksandr Zhdan, qui formait avec Dmitri Bykov une des meilleures paires défensives du championnat. Par contre, les arrivants sont nombreux avec Namestnikov en défense, et le duo du Spartak, Gogolev-Zinoviev (ce dernier recruté alors qu'il était encore sous contrat, d'où polémique...), en attaque. Dans les buts, histoire de faire un pied de nez et de démontrer si besoin est sa puissance, Kazan s'est même permis de recruter Andreï Mezin, l'homme qui a frustré toute la Suède en quart de finale des JO, comme... troisième gardien, juste en cas de blessure de Tsarev ou Yachanov. Seule ombre au tableau, la fracture aux cervicales de Yerofeïev dans un match de pré-saison au CSKA, puisqu'il sera indisponible au moins jusqu'au nouvel an.
Qui plus est, voilà que Kazan rassemble même quelques-uns des meilleurs jeunes du pays, dont Anton Babchuk, un des membres les plus éminents de la génération 1984 d'Elektrostal. Pas sûr que l'entraîneur Youri Moïseïev les fasse beaucoup jouer, mais l'identité de son assistant, l'ex-entraîneur des équipes nationales de jeunes nommé nouveau sélectionneur de l'équipe A russe, Vladimir Plyushchev, est sans doute déterminant dans leur choix.
Le troisième favori, l'Avangard Omsk, n'aura pas non plus droit à l'erreur. Le président Anatoli Bardin a copié un ingrédient du succès de Yaroslavl en engageant un entraîneur tchèque. Tant qu'à faire, autant que ça soit le plus célèbre de tous, Ivan Hlinka. L'homme qui a conduit la République Tchèque au titre de Nagano a vite été adopté en Russie, par exemple en confessant qu'il connaissait Pouchkine par cśur à l'école. Il s'est entouré comme il le voulait en prenant comme assistant Radim Rulik, ex-entraîneur des juniors tchèques. Il aura aussi trois de ses compatriotes comme étrangers, puisque le duo Patera-Prochazka est rejoint par Tomas Vlasak (Ambrì-Piotta). Avec ces trois-là, l'entente parfaite en attaque est assurée, mais ils ont besoin de bons défenseurs derrière pour assurer pendant qu'ils exécutent leurs superbes combinaisons.
Or, la défense n'est pas vraiment le point fort d'Omsk, qui a surtout porté ses efforts sur une attaque déjà bien fournie. L'autre recrue majeure chez les joueurs de champ est en effet le centre Ravil Yakubov (Dynamo) dont l'arrivée a provoqué le départ de Koznev, barré à ce poste. L'arrière-garde sera donc inchangée, reste surtout à voir la tactique que choisira Hlinka. Son prédécesseur Guennadi Tsygurov pratiquait un style très offensif. Avec le trio Sushinsky-Prokopiev-Zatonsky comme premier bloc, les trois Tchèques juste pour les relayer, et une troisième ligne autour de Yakubov, Hlinka a de quoi faire dans ce domaine. Il devra veiller à laisser libre cours à ses créateurs tout en assurant ses arrières. Pour cela, il pourra compter sur un atout majeur qui lui rappellera un peu Nagano : Maksim Sokolov, le gardien qui s'est essayé à imiter les performances de Hasek lors de la phase finale des championnats du monde. On verra en play-offs s'il pourra sortir des grands matches chaque soir.
Le dilemme du Severstal Cherepovets a justement consisté à trouver un remplaçant à Sokolov. Après l'échec des négociations avec Salfický qui a préféré le CSKA, la charge reviendra à Marcel Cousineau. Le portier québécois, dont la femme officier de police est restée au pays, n'a eu de contacts avec la Russie que via l'école de gardiens de Tretiak qu'il a fréquentée à seize ans, mais il pourra prendre exemple sur les précédents gardiens nord-américains qui ont bien réussi dans le championnat russe (Plouffe, Fauntin).
Cherepovets s'est enrichi de nombreux joueurs de Magnitogorsk (Kuznetsov, Kalyuzhny, Subbotin, Glovatsky) et de Kazan (Nikitenko et Dobryshkin) et a musclé sa défense avec le mastodonte Aleksandr Yudin (Nijni Novgorod), un gorille de combat plus dans le style NHL que dans la tradition russe. A en juger par son effectif, le Severstal a désormais sans doute les moyens de ses ambitions, à savoir une place en demi-finale.
Après être revenu en haut de tableau, le Dynamo Moscou veut maintenant se mêler à nouveau à la lutte pour les médailles. Pour cela, Zinetula Bilyaletdinov a choisi trois recrues très importantes : le défenseur Aleksandr Zhdan, pour un contrat de deux ans, et les attaquants Aleksandr Semak, fâché avec Ufa, et Aleksandr Golts. Ce dernier retrouve ainsi Andreï Razin, avec qui il avait réalisé une excellente saison il y a deux ans à Magnitogorsk. Puisque l'on a vu que Razin seul ne suffisait pas, on attend beaucoup de ce duo reconstitué. A noter également le retour en Russie de Youri Babenko, qui n'a pas fait son trou en NHL où il n'a joué que trois matches en cinq ans.
Quant aux joueurs partis, les Marat Davydov, Ravil Yakubov, Mikhaïl Ivanov ou Aleksandr Nizhivy, ce n'étaient pas ceux qui avaient le plus convaincu, alors que les nouveaux sont tous des hommes en forme. Si les tendances individuelles de la dernière saison résistent au changement d'air, le Dynamo pourra peut-être viser haut. Sérieux bémol toutefois, il ne semble pas avoir de gardien taillé pour les play-offs, même si l'intéressant Aleksandr Eremenko, qui avait été prêté au Mechel, a été rappelé pour remplacer le vieux Mikhaïl Shtalenkov (36 ans) comme doublure du gardien kazakh Vitali Eremeïev.
Encore une fois, le Metallurg Magnitogorsk a perdu quelques-uns de ses cadres, et il sera difficile de remplacer un Aleksandr Golts, voire un Youri Kuznetsov, même si pour ce dernier les frères kazakhs Koreshkov ne devraient pas avoir trop de mal à mettre à l'aise l'ailier gauche qui lui succèdera. La plupart des joueurs expérimentés, les Voronov, Nikulin, Glovatsky, Kudinov, s'en vont.
Pour les remplacer, le Metallurg est allé piocher un peu partout : aux Etats-Unis avec le gardien canadien Jeff Maund (Providence, AHL) qui sera chargé d'apporter un peu de concurrence à l'international ukrainien Igor Karpenko, en Suède avec Oleg Belov (HV71 Jönköping), et... au Japon, avec le rugueux défenseur Sergueï Bartin, autrefois brièvement international. Mais le Metallurg a aussi recruté plus près de lui avec un trio de Kazan (Kudermetov-Garifullin-Sarmatin). L'autre nouveau visage en attaque est Andreï Troshchinsky, dont le frère Alekseï a été champion avec Magnitogorsk en 2001. Il est difficile de situer cette équipe renouvelée de moitié, mais elle aura quand même du mal à ramener le club vers les sommets russes et européens.
Après la qualification ratée en play-offs, l'entraîneur du Salavat Yulaev Ufa, Sergueï Nikolaïev, a pratiqué une sélection draconienne à l'intersaison et s'est séparé de nombreux joueurs qui n'ont pas joué à leur niveau, parmi lesquels Buturlin, Shikhan ou Spiridonov. Mais il a également vu partir son meilleur joueur, le capitaine Aleksandr Semak, qui demandait à doubler son salaire, déjà le plus important du club. Le recrutement a été imposant avec l'arrière international ukrainien Artem Ostroushko, le défenseur Vitali Novopashin de Nijni-Novgorod, les attaquants Denis Afinogenov et Andreï Petrunin de Togliatti, plus Askarov et Galkin du Mechel et quatre joueurs qui faisaient banquette à Omsk.
Ce qui est sûr, c'est que Sergueï Nikolaïev ne pourra plus se plaindre de ses gardiens, une de ses spécialités l'an dernier. En effet, le moustachu Konstantin Simchuk, révélation du Spartak et gardien de l'équipe d'Ukraine, est le nouveau titulaire. Quant à son remplaçant, l'entraîneur pourrait difficilement le critiquer nommément à moins de ressentir une drôle d'impression d'auto-flagellation. Il s'agit en effet d'un parfait homonyme, qui s'appelle comme lui Sergueï Nikolaïev, et qui vient de Saint-Pétersbourg. Toujours au chapitre des gardiens, signalons par parenthèse qu'Ufa a dans ses rangs deux joyaux de seize et quinze ans, Dubakin et Davydov, qui figure parmi les meilleurs de la nouvelle génération. Pour ce qui est des seniors, vous l'aurez compris, Nikolaïev n'a plus d'excuse et Ufa doit ce coup-ci atteindre les play-offs.
L'objectif minimum fixé par le manager du Lada Togliatti, l'ex-joueur et arbitre Valentin Kozin, est l'entrée en play-offs. Mais la marge de manśuvre de l'entraîneur Piotr Vorobiev est très faible car son équipe a perdu en qualité à l'intersaison. Il s'est en effet volontairement privé de bon nombre de cadres, comme Oleg Khmyl, Denis Afinogenov, Yevgeny Namstnikov ou Andreï Petrunin, qui ne suivaient pas à la lettre ses consignes toujours très strictes. Il va donc devoir composer avec une équipe aux ordres mais moins talentueuse, car la liste des recrues ne fait rêver personne, malgré les arrivées de Pavel Desyatkov (Novokuznetsk), d'Aleksandr Buturlin (Ufa), de l'international ukrainien Boris Protsenko et de Vladimir Tarasov (SKA Saint-Pétersbourg) qui revient ainsi dans son club d'origine.
Pourtant, Togliatti s'était mis en quête d'un centre de niveau international, et avait visé très haut avec les Suédois Michael Nylander (Chicago) et Matthias Johansson (Färjestad), mais en vain, car le club ne veut pas mettre des sommes faramineuses sur une star étrangère - d'autant qu'il a toutes les chances de ne pas s'adapter au système de Vorobiev, même si Johansson a de grandes qualités défensives et si Nylander en impose pas son seul talent - et privilégie l'engagement durable. Le Lada n'a pas eu de chances avec ses renforts étrangers puisque l'attaquant slovène Marcel Rodman pris à l'essai ne s'est pas adapté dans ce pays inconnu dont il ne parle pas la langue et a préféré aller jouer beaucoup plus près de chez lui en Autriche. Du coup, il a fait presque comme tout le monde et a opté pour des Tchèques et des Slovaques. Avec comme tête d'affiche un Radek Belohlav qui a tout sauf étincelé l'an dernier au Sparta, il n'y a là non plus rien d'impressionnant. Mais ils auront le mérite d'apporter de l'expérience (tout comme Igor Malykhin, ancien champion du monde junior 1989 revenu de quatre années en Amérique du Nord) à une équipe à qui elle fait cruellement défaut. Après le départ des cadres, il n'y a guère qu'Aleksandr Nesterov, Artur Oktyabrev et le revenant Desyatkov pour se vanter d'avoir un peu de vécu.
Ce n'est pas une raison pour mésestimer cette jeune équipe où l'on suivra les frères Sevostyanov en progrès constant et le tout jeune Aleksandr Semin, 18 ans, issu de l'école du Traktor Chelyabinsk. Même s'il n'y a pas de stars, ce n'est pas forcément un mal, et c'est en fin de compte le but inconsciemment recherché. Car, avec Vorobiev, l'obéissance et le travail sont plus importants que le talent individuel des joueurs.
Simple intérimaire au Dynamo, l'entraîneur Andreï Pyatanov, qui succède à Mikhaïl Varnakov, a l'occasion de faire ses preuves avec l'Amur Khabarovsk, une équipe au jeu peu spectaculaire dont les fondements sont dans l'organisation défensive et la discipline. C'est d'ailleurs dans ce compartiment que Khabarovsk a fait l'essentiel de son recrutement avec le retour d'Oleg Vevcherenko (Omsk), l'engagement de Aleksandr Grishin (qui vient des Krilya Sovietov tout comme l'attaquant Igor Shevtsov), de Dmitri Ustyuzhanin (le meilleur défenseur d'Ekaterinbourg en division inférieure) et surtout de Jeremy MacCarthy et Dave MacIsaac, qui formeront avec le gardien Alex Westlund un trio d'étrangers 100% américain, une première historique en Russie.
Si ce choix peut surprendre compte tenu de l'histoire des relations entre les deux pays, il s'explique tout à fait dans le contexte de Khabarovsk. Les Américains rechignent beaucoup moins que les Européens à venir en Sibérie orientale, plus proche de chez eux par le décalage horaire, car ils ont l'habitude des voyages en avion et ne se formalisent pas des longs trajets. Ils regardent surtout le montant du contrat, comme l'a d'ailleurs fait Sergueï Krivokrasov, le joueur cité en introduction dont on comprend qu'il a fallu des arguments sonnants et trébuchants pour lui faire préférer Khabarovsk au champion Yaroslavl également sur les rangs.
L'Amur a un budget qui, même avec le surcoût des déplacements, lui permet de former une équipe compétitive. Le problème sur les berges du fleuve Amour est que... l'amour du maillot ne se perde pas. Car il n'est pas que les nouvelles recrues puissent revivre la même "love story" avec le public que Steve Plouffe, idolâtré au bout de trois ans. Mais le gardien canadien avait demandé une considérable augmentation et, le temps qu'il revoit ses prétentions à la hausse, Westlund avait déjà signé.
Le Neftekhimik Nijnekamsk a perdu sept défenseurs à l'intersaison, même si en fait la plupart avaient déjà été prêtés ailleurs et ne rentraient toujours pas dans les plans du club. Un vide se fera tout de même sentir, surtout à la place qu'occupait le terrible Yudin - cela laissera un peu de répit pour le banc de la prison qui souffrait de supporter sa grande carcasse. Les nouvelles lignes arrières ont belle allure, renforcées par l'international biélorusse Oleg Khmyl (Togliatti) et par deux Slovaques, Stanislav Yasecko (HV 71 Jönköping) et Peter Šimovsky. Un autre représentant du pays champion du monde, Richard Šechny, centre venu de Zvolen, renforcera le secteur offensif qui a perdu Tsarev et Bezrukov.
Au bilan, Nijnekamsk semble donc s'être plutôt renforcé dans tous les compartiments du jeu. Même le quota de juniors a été rempli avec des joueurs venus de division inférieure, l'attaquant Evgueni Lapenkov (18 ans, Podolsk) et le défenseur Evgueni Petrov (19 ans, Lipetsk). Pour autant, la bataille pour la qualification en play-offs sera loin d'être une partie de plaisir.
Le Spartak Moscou a effectué la grande lessive en changeant les deux tiers de ses titulaires. Les départs les plus difficiles à compenser sont ceux du vétéran Igor Boldin, même s'il n'est pas éternel, du capitaine Dmitri Gogolev, qui est monté avec le club, et bien sûr de Konstantin Simchuk. Le gardien ukrainien, méconnu en Russie il y a un an, était devenu trop gourmand après son excellente saison. Pour le remplacer, le Spartak avait engagé Mark Lamot, mais dès que Hasek a annoncé sa retraite, Detroit s'est empressé de mettre celui-ci sous contrat. Le gardien ne sera pas pour autant un second choix, puisque Steve Plouffe arrive de Khabarovsk. Il n'a néanmoins pas été assuré d'être titulaire, et devra être mis en concurrence avec Denis Khlopotnov, gardien de Magnitogorsk lassé d'être la doublure de Karpenko.
Revenu aux commandes de l'équipe, Fedor Kanareykin dispose d'un des plus jeunes effectifs de Superligue. On a bien essayé de recruter des anciens, mais faute de Sergueï Fokin (39 ans) qui a choisi de rester en Suède, "l'oncle" - comme on appelle en Russie le joueur expérimenté chargé d'enseigner le hockey à ses coéquipiers - sera le défenseur Sergueï Voronov, trois fois champion de Russie (deux avec son club formateur, le Dynamo, et une avec Magnitogorsk). Pour le reste, le Spartak a montré ses limites financières sur le marché des transferts, et il n'aura plus l'euphorie de la promotion pour lui permettre de réaliser le même début de saison tonitruant que l'an passé. Malgré l'environnement moscovite exigent, il serait donc prudent de viser le maintien dans une saison qui sera dure pour tout le monde.
La nomination de l'ex-arbitre Leonid Weisfeld comme directeur sportif du Metallurg Novokuznetsk avait été abondamment commentée, et il était considéré comme le bâtisseur de l'avenir du club... jusqu'à ce qu'il décide à la surprise générale de démissionner, six mois seulement après son arrivée. Ceci dit, il n'a pas laissé derrière lui une morne plaine, puisque les deux principaux piliers de son recrutement sont toujours opérationnels.
Le premier, c'est l'entraîneur Nikolaï Soloviev, qui a signé un contrat de deux ans avec une option pour une année supplémentaire, et dont on disait que son engagement avait été rendu possible en grande partie grâce à Weisfeld. Le second, c'est le gardien Vadim Tarasov. L'ex-grand espoir du hockey russe, celui en qui voyait Tretiak lui-même voyait un futur grand, veut reprendre la trajectoire qui s'est embourbée en AHL du côté de (feu) Québec. Opéré de l'épaule gauche à l'intersaison, il s'estime maintenant fin prêt pour redevenir international. Le club a mis le paquet sur lui et fonde tous ses espoirs sur sa seconde jeunesse. Espérons-le, car la saison n'est pas la plus appropriée pour tenter un banco.
Même les Krilya Sovietov Moscou, quarts de finaliste l'an passé, ne sont pas épargnés par la menace de la relégation. Tous les leaders de cette jeune équipe sont partis : Tortunov, Gordiuk, et surtout les deux grands espoirs Aleksandr Frolov et Anton Volchenkov, dont les carrières passeront certainement par la NHL.
Financièrement, le club ne dort pas sur un lit de roses, et le recrutement a été difficile. Le club a quand même réussi à récupérer deux joueurs qui ne rentraient plus dans les plans du Dynamo nouvelle formule. C'était inattendu pour Mikhaïl Ivanov, attaquant au style non académique qui faisait partie des meubles. Ça l'était moins pour le gardien Alekseï Yegorov, qui avait déjà été prêté au CSKA l'an dernier, et qui réussit encore à rebondir en Superligue sans quitter la capitale.
Enfin, le grotesque feuilleton est terminé et "les" CSKA Moscou ne font plus qu'un. La famille Tikhonov (puisque Viktor a rappelé de Suisse son fils Vassili) est la grande gagnante de la refusion puisqu'elle a désormais les pleins pouvoirs sur le club. De "l'autre" CSKA, canal habituel, le "canal historique" a décidé de ne conserver qu'une demi-douzaine de joueurs, laissant les autres sur le carreau. En outre, Viktor Tikhonov se prend à espérer comme au "bon vieux temps" rassembler les meilleurs jeunes du pays, comme les deux vice-champions du monde des moins de 18 ans d'Elektrostal, Nikolaï Zherdev et Alekseï Shkotov.
Pourtant, le "revival" a ses limites et le club de l'armée va donc accueillir pour la première fois de son histoire des étrangers, en premier lieu Dušan Salficky. Le gardien tchèque s'est dit ravi de trouver un style plus autoritaire qu'à Pardubice où il n'y avait selon lui pas de cohésion dans l'équipe. Il devrait donc se plaire avec Tikhonov, mais n'est pas assuré d'être titulaire, car il devra affronter la concurrence d'Ildar Mukhometov, deux fois champion de Russie avec le Dynamo. Il aura le soutien d'une colonie tchèque également renforcée de l'attaquant Michal Straka et du défenseur Miroslav Guren.
On prédit au CSKA un retour en élite plus difficile que celui du Spartak, car il n'a pas la même qualité de joueurs et est resté plus longtemps au niveau inférieur - on parle ici du CSKA-Tikhonov, puisque c'est sur lui que se fonde la nouvelle équipe. Mais la principale différence, c'est qu'il y aura quatre relégués au lieu de deux. Par conséquent, les Moscovites devront surtout assurer leurs arrières. Ils pourront compter pour cela sur Ildar Yubin, un défenseur qui n'est pas très éloigné par la rugosité de son jeu de son quasi-homonyme Yudin. En attaque, les principales recrues sont Maksim Ossipov (Krilya Sovietov) et Aleksandr Kharlamov. Le fils de l'un des plus célèbres joueurs de l'histoire du CSKA et du hockey mondial, Valeri Kharlamov, mort dans un accident de voiture en 1981, revient donc au club qui l'a formé et où il est le seul à avoir eu le droit de porter le n°17, retiré en l'honneur de son père.
On l'a dit, avec quatre clubs qui descendent, pas grand-monde n'est à l'abri, et surtout pas le Molot-Prikamie Perm, qui pourrait être le premier visé par les sables mouvants. Le club, qui se débat face à la concurrence du foot et surtout du basket, a changé de propriétaire et n'a survécu que grâce à l'aide du gouverneur de la province. Mais sa situation a du coup gagné en stabilité et il aborde ainsi la nouvelle saison avec une relative sérénité assez inhabituelle.
Quasiment tous les titulaires sont restés au club, ce qui permet déjà de repartir sur de bonnes bases. Les recrues se connaissent bien, à l'image des quatre joueurs venus d'Ufa, les défenseurs Kramskov et Makarov et les attaquants Shikhan et Gareïev. Revenu d'Amérique du Nord, Andreï Sryubko apportera une dimension (trop ?) physique. Quant au vétéran Lev Berdichevsky (Podolsk), il revient chez lui pour sans doute y finir sa carrière. Autant de facteurs a priori plutôt positifs qui ne doivent pas faire oublier que cette équipe n'a pas de gros moyens et qu'il faudra vraiment beaucoup de volonté pour arriver au maintien.
La rumeur faisait état à la tête du Mechel Chelyabinsk d'un possible triumvirat de la fratrie Makarov, une des plus célèbres de l'histoire de l'URSS. L'ailier de la fameuse ligne "KLM", Sergueï Makarov, serait revenu des États-Unis pour prendre en mains la destinée du hockey à Chelyabinsk aux côtés de son frère Nikolaï, en fusionnant les deux clubs de la ville, le Mechel et le Traktor. Mais cela n'était pas du goût du Traktor, dont l'esprit et l'histoire se retrouvait dissous dans une sorte de super-Mechel. Finalement, la réalité est très différente de ces conjectures. Nikolaï Makarov a quitté son poste d'entraîneur du Mechel et est parti s'occuper du Traktor Chelyabinsk pour redonner à ce club ses lettres de noblesse, qu'il avait acquise en étant un des meilleurs clubs formateurs du hockey soviétique, où ont notamment débuté les Makarov.
Quant au Mechel, il a dû d'abord supporter des annonces contradictoires sur l'augmentation de son budget. Finalement, après avoir vécu dans la plus complète confusion structurelle et financière, il a trouvé un nouveau propriétaire, une entreprise de Kemerovo. Le Mechel n'appartient donc même plus à des gens de la ville, mais il a quand même voulu montrer qu'il avait aussi une identité locale en recrutant des joueurs originaires de Chelyabinsk comme le défenseur Valeri Nikulin et le nouveau capitaine Andreï Kudinov. Ces deux joueurs provenant de Magnitogorsk doivent devenir les leaders d'une équipe qui a perdu la plupart de ses cadres, dont les frères Khatseïev.
Avec un nouveau propriétaire et un nouvel entraîneur (Sergueï Paramonov), le Mechel a au moins une organisation bien définie et plus stable. Mais il est peut-être trop tard pour redresser la barre d'un navire qui n'avait plus de maître à bord. Le centre Evtyukhin, pré-retraité, n'a plus ses qualités de passe d'antan. Quant aux vétérans du Spartak (Igor Boldin, Alekseï Tkachuk, Vladimir Tyurikov), ils ne sont pas tout jeunes non plus. De l'expérience, le Mechel n'en manquera certes pas, d'autant qu'il faut ajouter deux internationaux venus de Liepaja, l'attaquant letton Juris Ozols et le défenseur biélorusse Vladimir Kopat. Mais est-ce vraiment le meilleur moyen pour impulser un nouveau départ ?
Le Sibir Novossibirsk de l'entraîneur Vladmir Golubovich compte aussi sur sa vieille garde - Klimovich, Belyakov, Tarasenko... - qui a une bonne expérience du haut niveau et qui lui a permis de monter en Superligue. Klimovich, Deev et Tarasenko constitueront un trio percutant qui pourrait faire souffrir plus d'une défense. Les Tchèques Cermak et Tomašek formeront également une ligne offensive intéressante aux côtés de la nouvelle recrue Petrenko, champion olympique à Albertville.
Avec ces vétérans, les dirigeants de Novossibirsk visent une place en milieu de tableau. Pourtant, ils ont quand même perdu pas mal de joueurs à l'intersaison (Golubovsky, Korobkin, Kostromin...) et ils n'ont pu les remplacer qu'en ayant recours à des étrangers. C'est ainsi qu'ils ont engagé le gardien canadien Christian Bronsard. Le Sibir est un promu au nom bien moins ronflant que le CSKA Moscou, mais cela ne veut pas dire qu'il finira derrière ou que ses objectifs sont irréalisables. En effet, s'il est vrai que beaucoup de clubs peuvent être concernés par la lutte pour le maintien, il est sûr aussi qu'aucun d'eux ne paraît condamné d'avance. Cela promet donc un championnat russe palpitant à tous les niveaux.
Un petit mot de la Vysshaya Liga
Du fait de la fusion du CSKA, il n'y a plus qu'un seul relégué en Vysshaya Liga, le Torpedo Nijni Novgorod, qui devient du même coup favori pour la montée, et il a cherché à s'en montrer digne en engageant un entraîneur de renom. Après avoir abandonné les rênes de l'équipe nationale, Boris Mikhaïlov n'était pas intéressé par ce challenge. Nijni Novgorod s'est alors tourné vers Guennadi Tsygurov, qui avait dû quitter Omsk car il fallait faire de la place pour dérouler le tapis rouge à Ivan Hlinka.
Tsygurov prend en mains une équipe trop habituée à la défense et qui pratique un jeu de transition trop lent à son goût. A cette équipe qui joue pour ne pas perdre, il tentera d'insuffler un esprit vainqueur nécessaire à l'étage inférieur. Tsygurov devrait avoir confiance en son gardien Sergueï Fadeïev, qu'il connaît depuis Togliatti, et pourra donc s'occuper à loisir de développer le style offensif qu'il aime tant et qu'il faudra enseigner à de nouveaux attaquants comme Alekseï Bulatov (Novokuznetsk), Mikhaïl Kuznetsov (Izhevsk), et surtout Leonid Tambijevs. Le deuxième Letton de l'équipe - avec le défenseur Bondarievs - se lance dans un nouveau défi à trente et un ans après être devenu une star du championnat danois.
Le deuxième favori sera le Gazovik Tioumen, qui a effectué un gros recrutement pour prendre une des deux places de promus. Peu de vrais outsiders se dégagent derrière ces deux-là, en partie parce que des clubs comme le Vityaz Podolsk, le Kristall Elektrostal (où le président Ravil Iskhakov, entraîneur de l'équipe russe des moins de 18 ans, a admis le départ de certains de ses meilleurs poulains), et le Dynamo-Energiya Ekaterinbourg (où la Coupe Stanley est venue en visite cet été, amenée par l'enfant du pats Pavel Datsyuk) ont perdu pas mal de joueurs.
Beaucoup de nouveaux entraîneurs ont été nommés, comme Guennadi Syrtsev à Lipetsk. On a évoqué le retour de Nikolaï Makarov au Traktor Chelyabinsk, mais il faut aussi noter qu'Elektrostal a fait appel à un de ses anciens entraîneurs, celui de la meilleure saison du club (1995/96), Vladimir Marinichev.
Marc Branchu