Bilan des championnats du monde

 

Résultats de la compétition

 

Tout le monde s'accorde à le dire, ce fut un beau championnat du monde. Il y eut bien sûr la présence de grands joueurs, élément essentiel mais insuffisant en lui-même. En effet, il n'y a pas de grande manifestation sportive sans écho populaire, et de ce point de vue, on a été servi en Finlande. Le pays des mille lacs est une vraie terre de hockey, et il l'a prouvé à nouveau. L'ambiance lors du quart de finale Finlande-Suède a été exceptionnelle, et l'on n'ose penser ce qu'auraient pu donner les tours suivants si la Finlande s'y était qualifiée. Mais le parcours de la Suède a assuré l'intérêt des tribunes, d'une part à cause de la présence d'une colonie jaune et bleue venue - tardivement - en voisine, d'autre part parce que les Finlandais ont bien évidemment soutenu les adversaires de leurs rivaux suédois.

Les autres rencontres ont également été plus suivies que l'année dernière chez les Suédois, qui n'avaient pas montré la même passion sans équivoque pour ce sport. Néanmoins, les organisateurs se sont beaucoup avancés en annonçant avant les Mondiaux que tous les billets étaient vendus, hormis pour la poule de relégation. La réalité était bien différente, et de nombreux billets sont restés longtemps en vente. Les prix prohibitifs ont ainsi empêché ce championnat du monde d'approcher le record de spectateurs, détenu par cette même Finlande en 1997, et qui aurait certainement été battu si les tickets avaient été plus abordables. Il est dommage que des matches de championnat du monde se passent devant des tribunes à moitié vides, surtout quand on se dit qu'il y aurait eu les moyens de mieux les remplir si ce public qui aime le hockey n'avait pas été parfois découragé par des contraintes pécuniaires.

Mais la raison du succès de ce Mondial, c'est aussi et surtout de la qualité du jeu pratiqué, qui tient autant du talent présent dans les effectifs que de la volonté offensive des différentes équipes. La présence sur le podium des deux formations les plus tournées vers l'attaque, la Suède et la Slovaquie, est un signe qui ne trompe pas. Du coup, René Fasel, qui avait poussé un grand coup de gueule contre le jeu défensif cet hiver en agitant la menace de mesures réglementaires, a annoncé que les discussions sur la réduction de l'équipement des gardiens et l'agrandissement des cages n'étaient plus à l'ordre du jour. Car, comme il l'avait lui-même rappelé en ouvrant le débat il y a quelques mois, c'est surtout la tactique des entraîneurs qui détermine in fine la quantité des buts marqués.

 

Premier : Canada. Il peut paraître paradoxal qu'un championnat du monde ayant suscité autant d'intérêt ait été remporté par la nation qui en fait le moins cas. Car, même si les matches du Canada ont été retransmis sur la chaîne de télévision TSN, on ne peut pas dire qu'ils aient éclipsé les play-offs de NHL dans l'attention des médias du pays. Pourtant, alors que les Américains sombraient presque corps et biens avant de monter in extremis dans un canot de survie, les Canadiens ont su mener leur barque jusqu'au bout.

Le mérite en revient grandement à un homme : Andy Murray. C'est peur dire que le changement de coach a modifié l'allure de cette équipe. Aux derniers championnats du monde, les équipes canadiennes à la sauce Wayne Fleming étaient vraiment peu ragoûtantes. Leur jeu physique stéréotypé leur avait permis de gêner l'un ou l'autre des participants, mais jamais d'aller très loin dans la compétition. Le Canada de cette année a adopté un jeu plus mixte et s'est aussi inspiré du hockey européen au lieu de passer en force. Mais alors, si ce n'est pas le triomphe du jeu à la canadienne, qu'est-ce qui explique la prise de pouvoir des Canadiens (champions olympiques en titre et champions du monde chez les moins de 20 ans, chez les moins de 18 ans et chez les seniors) sur les compétitions internationales ? Andy Murray l'a lui-même avoué, c'est son réservoir de joueurs, tout simplement. Une réalité avec laquelle aucun pays au monde ne peut encore rivaliser avec la nation-mère du hockey.

Pour autant, on aurait tort de croire que le Canada est devenu champion du monde en se reniant. S'il n'a pas balancé le palet au fond, il a fait appel à d'autres caractéristiques du hockey nord-américain, par exemple un coaching très actif et toujours adapté à l'adversaire. La "checking-line" de Kris Draper a ainsi neutralisé tour à tour les premières lignes adverses, et la parfaite répartition des rôles dans l'effectif a payé. Autre vertu, le fait de marquer des buts dans les moments importants. C'est ce qu'a su faire Anson Carter en finale, mais aussi la jeune star Dany Heatley, qui malgré des performances inconstantes a su répondre présent au bon moment, par exemple avec son triplé en demi-finale. Plusieurs fois, à la fin du quart de finale contre l'Allemagne et pendant une bonne partie de la finale, le Canada a semblé débordé par l'envie adverse. En demi-finale, il a été contrarié par la blessure de Burke et le retour tchèque. Mais s'il s'en est toujours sorti, c'est grâce à une grande discipline. Autant de qualités propres déterminantes dans ce titre mondial.

Parmi tous les joueurs qui méritent évidemment tous cette médaille d'or, on peut en distinguer deux : le capitaine et nouveau recordman des sélections Ryan Smyth, aussi important sur la glace que dans les vestiaires, qui a su faire comprendre à chacun l'importance qu'il fallait accorder au maillot national, et puis le surprenant centre Daniel Brière, le meilleur joueur canadien du tournoi, qui a déployé une très grande activité dans la conquête du palet et dans l'animation offensive.

 

Deuxième : Suède. Hardy Nilsson avait invoqué la "Justice" après la demi-finale gagnée contre la Slovaquie, mais malheureusement pour lui, le monde du hockey ne reconnaît qu'une seule loi, celle des vainqueurs... Pourtant, les progrès sont indiscutables, et après le bronze de l'an dernier, l'argent est venu récompenser le tempérament tourné vers l'attaque que défend l'entraîneur de la Tre Kronor.

Mais la Suède ne rêve que d'or, et elle n'est toujours pas parvenu à le décrocher. Cette équipe le méritait pourtant, elle était encore meilleure que ces dernières années, tout en restant aussi agréable à voir jouer. Elle bénéficiait de deux leaders incontestables, Mats Sundin et Peter Forsberg, que la presse suédoise avait trop rapidement rangé au placard comme des figures du passé après l'échec olympique. Il est probable que les médias de son pays n'épargneront toujours pas Hardy Nilsson, même s'il a peut-être gagné un sursis avec cette finale. Reste que la réussite a encore une fois fui les Suédois dans un moment critique, et qu'on attend toujours la consécration que méritent leurs intentions offensives.

 

Troisième : Slovaquie. Dans l'euphorie de la victoire de l'an passé, les Slovaques se demandaient avec une pointe de nostalgie s'ils reverraient jamais une équipe aussi forte. La réponse est oui, et ils n'ont pas eu à attendre longtemps. La formation slovaque 2003 n'avait rien à envier à la championne du monde 2002. En plus des habituels leaders comme Šatan ou Bondra, elle s'est découvert de nouvelles locomotives avec le duo formé du prolifique Zigmund Pálffy et de l'exceptionnel passeur Jozef Stumpel. Ces deux-là ont retrouvé les automatismes de leur jeunesse et leur entente a été magique. Comme les quatre joueurs cités étaient parfois alignés ensemble en jeu de puissance, on comprend pourquoi les défenses adverses ont particulièrement souffert dans ce domaine.

Malgré ce formidable potentiel offensif, la Slovaquie n'a pas pu conserver son titre. La faute à des leaders un peu défaillants aux moments cruciaux, la faute à un entraîneur, František Hossa, qui a moins de métier que son prédécesseur Jan Filc, la faute aussi à l'incertitude du sport. Car les Slovaques ne peuvent pas être champions du monde tous les ans, et ils n'en font pas un drame. Pour un pays qui a dû repartir du bas de l'échelle après la partition de la Tchécoslovaquie, la réussite actuelle se savoure à chaque instant. Après l'argent de 2000 et l'or de 2002, voici un nouveau métal, le bronze, pour que la collection soit complète. Trois médailles en quatre ans, voilà qui permet de se poser en interlocuteur incontournable, alors que les Slovaques sont souvent négligés sur le plan international (chassés de l'Euro Hockey Tour et de la Deutschland Cup, mais aussi relégués au tour préliminaire aux JO sans leurs joueurs de NHL, une injustice que la fédération internationale ne tolèrera plus dans les négociations pour 2006, Fasel vient de l'annoncer).

 

Quatrième : République Tchèque. Impressionnants selon certains, ces Tchèques ne l'ont été que lorsqu'ils se sont retrouvés dans une situation confortable pour eux, c'est-à-dire quand ils ont pu se laisser dominer et attendre les contre-attaques fatales. Lorsqu'il s'agit au contraire de faire le jeu, la tâche est beaucoup plus délicate et leur défense bien plus friable, comme on avait pu le constater contre l'Autriche, l'Allemagne ou l'Ukraine, où les gardiens avaient été un facteur déterminant. C'est ainsi qu'en demi-finale, les très efficaces Canadiens en ont aisément profité, alors que le rapport de force des gardiens s'inversait en leur faveur.

Après avoir dit adieu aux Patera, Prochazka, Moravec et compagnie, l'entraîneur tchèque Slavomír Lener n'a pas trouvé la génération pour les remplacer. Il a agi à la manière du scout de NHL qu'il était auparavant, et a sélectionné les joueurs qui lui paraissaient les meilleurs, mais ce n'est pas ainsi qu'on fonde un collectif. Est-ce en permettant à un défenseur de NHL de 32 ans (Modrý) de fêter sa première sélection qu'on prépare l'avenir ? La grande force des Tchèques qui avaient su dominer le hockey mondial de 1998 à 2001, c'était leur capacité à se transcender, ensemble, sous leur maillot national. Sans aller jusque là, le minimum vital, c'est au moins de faire preuve de discipline. Mais c'est déjà trop demander à un Radek Duda, qui a confirmé la réputation sulfureuse qu'il traîne en Extraliga et n'a pas saisi l'occasion de montrer un autre visage, plus conforme aux exigences d'une sélection nationale.

 

Cinquième : Finlande. La malédiction du pays organisateur continue, avec ce qu'elle a d'explicable et d'inexplicable. Bien sûr, la pression était énorme sur les épaules des Finlandais, mais cela implique-t-il de perdre un quart de finale face au rival par excellence alors que l'on possède quatre buts d'avance ? Quand la peur de perdre gagne une équipe qui mène encore au score, comme cela a été le cas pour la Finlande lors de la remontée suédoise, c'est évidemment fatal.

Mais, même en prenant du recul par rapport à l'atmosphère unique de cette soirée historique, le bilan chiffré des Finlandais est désastreux. Ils n'ont pas été capables de battre un seul adversaire de valeur, piégés par les Tchèques, les Slovaques, les Suédois, et même par les Allemands. Pourtant, cela ne correspond pas aux véritables démonstrations de hockey réalisées contre des petits pays, comme la Slovénie. Le talent était bien présent dans cette équipe finlandaise, ça ne fait aucun doute, mais il a manqué la capacité à faire la différence dans les moments décisifs, et à cet égard Selänne et Koivu n'ont pas été les égaux de Sundin et Forsberg. De plus, les performances des gardiens Nurminen et Hurme n'ont pas été formidables, et on peut regretter que Hannu Aravirta n'ait pas eu le culot d'aligner le jeune super-talent Kari Lehtonen dans les buts.

 

Sixième : Allemagne. L'année de tous les dangers a finalement été celle de tous les succès. Malgré une avalanche de blessures, une préparation chaotique et des débuts cahin-caha, l'Allemagne a une nouvelle fois atteint les quarts de finale. Elle a même fait mieux et a pris date en poussant le Canada, futur champion du monde, à une prolongation. Désormais, elle peut espérer entrer dans le carré final, ce qu'elle n'avait jamais réussi dans les années 80, période pourtant dorée où elle disposait sans doute de plus de talent. Sa position est néanmoins plus précaire qu'à l'époque car, si elle est capable dans un bon jour de se qualifier pour une demi-finale, elle est loin d'avoir sa place en quart de finale garantie - ni même son maintien si l'on en croit Hans Zach.

Cette équipe n'a aucune star, mais c'est justement ce qui fait sa force. Car la différence avec les nations qui pourraient prétendre la devancer dans la hiérarchie mondiale, ce n'est pas sur son talent qu'elle le fait, c'est sur sa discipline collective, domaine où elle possède vraiment une marge énorme sur ses rivaux, notamment ses deux voisins du sud de langue germanique... Non que les joueurs allemands soient au bagne, ils ont beaucoup de libertés, mais quand Zach a fixé une échéance ou une consigne, il ne viendrait à l'idée de personne de s'y soustraire. Zach a dit... et les joueurs font. Toute remise en question serait de toute manière éliminatoire car la concurrence est de plus en plus forte au fur et à mesure que la DEL fait de la place aux joueurs allemands. Personne ne peut revendiquer un statut de titulaire indiscutable, et ce réservoir est pour les exigences de Zach un luxe dont les adversaires de l'Allemagne ne disposent pas forcément.

 

Septième : Russie. L'illusion n'a pas duré bien longtemps, seulement le temps du premier tour, voire du premier match contre les Suisses. Les mouvements géniaux de la première ligne Kovalchuk-Datsyuk-Grigorenko promettaient le retour aux heures de gloire de l'école russe, à laquelle chacun voulait croire depuis l'arrivée de Plyushchev aux commandes. Les autres blocs allaient se mettre au diapason, et le festival pourrait commencer... En fait de feu d'artifice, ce fut un pétard mouillé. La première ligne n'a pas assumé son rôle et s'est complètement éteinte. Même les rares joueurs à surnager, comme Vladimir Antipov, ont fini par rejoindre la médiocrité générale lors du quart de finale. Pourtant, on a longtemps cru un réveil possible. Même après les trois défaites d'affilée et la qualification miraculeuse, un coup d'éclat était sérieusement envisageable face aux Tchèques. Les occasions se sont présentées pendant un quart d'heure, puis il a fallu se rendre à la réalité, et au terrible constat d'inefficacité.

Ces joueurs russes qui cherchent à montrer leur technique individuelle et à tenter des solutions personnelles, cela peut à la rigueur réussir chez les juniors, mais pas dans un championnat du monde, contre des adversaires organisés et certainement pas manchots. Quant au jeu de puissance, il a été comme prévu le maillon faible, et Plyushchev de récriminer contre les tactiques trop passives utilisées dans le championnat russe, où l'on ne cherche pas assez à s'imposer dans l'enclave. Cette jeune génération n'a jamais trouvé de discipline collective, et il lui a manqué un homme d'expérience en attaque, un "oncle" comme on dit en Russie. Pour Vladimir Plyushchev, il fallait soit un leader du niveau d'Aleksei Yashin, malheureusement blessé et pas autorisé à venir par les médecins des New York Islanders, soit personne. Les faits lui ont donné tort. Alors, que faire ? On change encore une fois du tout au tout ? Après le "jeunisme", on amène l'an prochain un effectif de trentenaires ou plus avec Papy Larionov comme capitaine ? Ou on tente enfin de définir un projet cohérent ? Réponse sous quelques jours, avec l'assemblée générale d'une fédération russe très critiquée...

 

Huitième : Suisse. Avec une solidité défensive retrouvée et un jeu physique qui a fait mentir son ancienne réputation, la Suisse a su profiter de la faillite américaine pour retrouver les quarts de finale, malgré une attaque pas des plus efficaces. En gagnant sa place de titulaire, le gardien Marco Bührer, qui avait été exclu du voyage à Salt Lake City pour permettre la rentrée d'Aebischer, a été la révélation d'un tournoi où il a été déterminant, et il a ainsi pris sa revanche en faisant oublier la non-sélection du gardien du Colorado. Pourtant, une autre polémique est née, parce que les 525000 francs suisses versés par l'IIHF pour la qualification en quarts de finale ont été intégralement reversées au staff et aux joueurs, qui ont été ainsi les plus payés de la compétition !

Ces largesses seraient excusables dans un pays où la sélection n'a jamais été complètement rassembleuse et où il faut bien récompenser cette renaissance... si la fédération n'était pas en train de crouler sous les dettes au point que la fédération internationale a dû lui consentir un prêt de deux millions de francs suisses ! Contrainte de se serrer la ceinture, la fédération suisse a supprimé son équipe B (des moins de 23 ans), et les prochaines mesures d'économie vont toucher de plein fouet les équipes juniors. On comprend que le moment soit mal choisi pour ces primes pharaoniques quand elles se font au prix de stages et tournois annulés pour les équipes de jeunes. Au moment où la continuité du travail de formation, mené entre autres par le recordman helvétique des sélections Jakob ("Köbi") Kölliker, entraîneur des moins de vingt ans et assistant de la sélection nationale, vient de prouver toute son utilité lors de ces Mondiaux avec la percée d'une nouvelle génération, cette pyramide à peine bâtie risque d'être mise en péril.

 

Neuvième : Lettonie. Le contrat initial a été rempli pour les Lettons qui sont revenus dans les dix premiers mondiaux. Pourtant, la glissade américaine permettait d'envisager un meilleur parcours, et le match contre la Suisse laisse forcément des regrets, surtout que l'exceptionnelle victoire contre la Russie n'a du coup pas suffi, à un but près. Toujours aussi doués techniquement, bien meilleurs tactiquement, les Lettons ont manqué d'énergie pour faire la différence quand il le fallait. Ils ont ainsi confirmé malgré eux leur réputation d'équipe talentueuse mais inconstante.

Beaucoup souhaitaient que le destin rende justice aux Lettons, et que leur exploit russe ne soit pas vain, mais, comme on l'a vu plus haut, la Justice n'est pas de nationalité suédoise. Pire pour le pauvre entraîneur Curt Lindström, c'est le glaive de ses propres compatriotes qui a fait pencher la balance. Après quelques atermoiements, la Suède a finalement battu la Suisse, ce qui donnait une qualification peut-être imméritée aux Russes, et renvoyait les Baltes chez eux avec leur lot de regrets quant à un potentiel de nouveau pas complètement exprimé.

 

Dixième : Autriche. Même si la dixième place finale est une satisfaction, le bilan autrichien est imprégné des carences mises à jour sans détour par le voisin allemand. Certes, les récents progrès, le succès de son championnat, l'éclosion d'une jeune génération, sont autant de bons points pour l'Autriche, mais ils ne suffiront pas à lui garantir un quart de finale lorsqu'elle organisera le championnat du monde en 2005.

Celui-ci ne tombera pas tout cuit dans le bec comme aboutissement du travail accompli, il faudra d'abord franchir un palier dont on a pu mesurer l'ampleur. Le président de la fédération Dieter Kalt senior a eu des mots très durs envers l'équipe dont son fils est le capitaine après la défaite face à l'Allemagne. Il a exigé un changement d'état d'esprit de la part de joueurs qui se croient sans doute trop beaux et qui ne se remettent pas assez en question pour progresser. Il faut dire que le jour de repos accordé aux joueurs après le premier tour avait finalement fait plus de mal que de bien. Certains joueurs se sont crus déjà en vacances, ce qui a engendré des tensions dans l'équipe et un recadrage de l'entraîneur Herbert Pöck. C'est surtout dans l'attitude que l'Autriche n'a pas encore le profil d'un quart de finaliste.

 

Onzième : Danemark. Même s'ils n'aiment pas beaucoup celui qu'ils ont sur place, les journalistes suédois ont vu dans ce Mondial l'illustration de la qualité des entraîneurs de leur pays, maîtres ès tactique et discipline, comme le prouvent Lindström en Lettonie et bien sûr Mikael Lundström au Danemark. Ses mots d'ordre ont été appliqués à la lettre, et la défense bâtie autour de Jesper Duus, l'homme qui a eu le plus grand temps de jeu parmi tous les joueurs de ce Mondial avec vingt-sept minutes par match, a fait preuve d'une abnégation exemplaire.

Même si ses joueurs ne sont pas tous devenus brusquement des talents de classe mondiale, le Danemark a concrétisé les bons résultats de ses équipes de jeunes, et sa progression ne doit rien au hasard. Il a abordé ce championnat avec l'état d'esprit qui convenait à un promu et a réussi un coup de maître contre les États-Unis dans le match d'ouverture. Ensuite, il n'a jamais craqué face à qui que ce soit et s'est même permis d'accrocher les futurs champions canadiens. Que pouvait-on raisonnablement lui demander de plus ? Même si son jeu attentiste ne révolutionnera certainement pas les standards du hockey, le Danemark n'avait de toute façon pas les moyens d'enthousiasmer les foules autrement qu'en réalisant de grosses surprises, ce qu'il a réussi.

 

Douzième : Ukraine. Heureusement que ces Ukrainiens avaient le Japon dans leur groupe pour leur permettre de conserver tranquillement leur place en groupe A, car l'unique victoire face au représentant asiatique ne constitue pas un bilan très enviable. La progression manifeste de l'Ukraine jusqu'à l'an dernier a subi un coup d'arrêt tout aussi évident. La limite d'âge a été atteinte, mais c'est aussi tout un style de jeu qui a montré ses limites.

La réputation de rugosité que cette équipe ukrainienne s'était récemment forgée s'est confirmée, mais le seul classement qu'elle peut espérer mener ainsi est celui des pénalités - objectif atteint. Ce n'est pas en donnant des coups inutiles que l'on gagne des rencontres, et son indiscipline flagrante est devenu un véritable boulet pour l'Ukraine. On attend non seulement la relève d'une nouvelle génération, mais aussi une nouvelle mentalité. Sinon, on pourra toujours s'en remettre au Japon, mais il n'y a maintenant plus qu'une année de sursis pour se raccrocher à cette branche-là.

 

Treizième : États-Unis. L'ère des miracles est terminée pour Lou Vairo. Son bagou italo-américain ne le laisse jamais à cours de blagues, mais il ne suffit pas à attirer les joueurs de NHL. Il pourrait certainement faire fortune en écrivant un recueil d'excuses bidon, tellement il en entend des vertes et des pas mûres, quand des dizaines de joueurs refusent chaque année d'honorer leur sélection. Et encore, Vairo ne se donne même plus la peine d'appeler les grandes stars surpayées, tellement il connaît d'avance la réponse. C'est pourquoi vous n'entendrez pas l'entraîneur américain critiquer ceux qui sont venus, pour qui, au moins, le patriotisme n'est pas qu'un décorum vulgaire. Il n'y avait pas de millions de dollars à gagner dans ce championnat du monde, mais il y avait gros à perdre en fin de compte après l'entame complètement ratée. Finalement, la combativité des joueurs présents leur a quand même permis de se sortir de la poule de maintien, et d'enlever une sacrée épine du pied de l'IIHF, sachant que les tickets olympiques doivent être distribués aux championnats du monde de l'an prochain.

 

Quatorzième : Belarus. La principale victime de l'injuste protection du Japon est cette équipe du Belarus, puisqu'elle y succombe pour la seconde fois, à peine remontée après un premier passage au purgatoire. Sur ses qualités, elle ne devrait pourtant pas avoir à faire l'ascenseur, mais elle doit avant tout s'en prendre à elle-même. Elle n'a pas disputé ce Mondial comme un demi-finaliste olympique, mais comme une formation peu ambitieuse qui joue le maintien. Elle a été punie en beauté par la Lettonie, comme il y a deux ans, et ce n'est pas une simple coïncidence, car les Baltes, eux, ne se posent pas de question et profitent de la chance qu'ils ont de jouer dans la cour des grands. Après avoir refusé le combat dans son premier match contre le Canada, le Belarus ne pouvait décemment pas espérer répondre au défi des Américains. Vladimir Krikunov a tiré les leçons de cet échec en démissionnant, et les prospections ont déjà commencé en Russie pour lui trouver un successeur.

 

Quinzième : Slovénie. Ce championnat du monde a tout simplement été trop dur pour les Slovènes, dépassés techniquement, physiquement et collectivement. La poule de maintien, bien plus relevée que l'an passé, s'est rapidement transformée pour eux en mission impossible. La division I leur conviendra sans doute mieux pour repartir avec un esprit gagnant, qu'ils ont perdu cette année. Ils ont connu le classique syndrome de la deuxième année, toujours plus difficile que la première, ce qui peut constituer un avertissement pour le Danemark l'an prochain.

 

Seizième : Japon. L'abonnement des Japonais à la seizième place mondiale ne sera bientôt plus valide. L'an prochain, leur protection sera levée et il faudra soit faire enfin mieux, soit accepter la relégation en division I. Le maigre nul face à des Slovènes eux-mêmes pas au niveau ne constitue pas vraiment un indice favorable, mais c'est l'an prochain que tout se jouera. Au moins, il y aura un vrai enjeu, et le nouvel entraîneur Timo Tuomi a un objectif clair fixé. Le Japon ne se battra plus pour rien et pourra enfin essayer de mériter l'honneur d'une présence dans l'élite mondiale.

Marc Branchu

 

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