Suisse 2002/03 : bilan

 

Résultats du championnat suisse

 

Le classement final de LNA a été complètement perturbé par un effet-papillon, parce que Fribourg-Gottéron a commis l'erreur de faire jouer Sandro Apblanalp, un jeune joueur qui avait été prêté à Guin en 1e ligue et y avait joué après la date-butoir du 1er février. Il n'était donc plus qualifié pour jouer en LNA, ce qui fait que Gottéron perdit deux rencontres sur tapis vert et fut exclu des play-offs au profit de Rapperswil. Les conséquences furent encore plus graves en bas de classement où les remous auraient dû envoyer Langnau au lieu de Zoug en barrage de maintien, auquel les Tigers refusèrent de participer. On annula finalement les barrages de relégation, et le champion de LNB, Bâle, qui aurait eu beaucoup du mal à monter via un barrage, se trouva promu directement, sans doute un peu en avance par rapport à ses plans... Avec tout ça, la LNA se jouera donc à treize l'an prochain !

 

Premier : Lugano. Comme entraîneur, comme manager ou avec les pleins pouvoirs, Jim Koleff a fait la pluie et le beau temps pendant de longues années à Lugano. Certains joueurs le considéraient comme un génie, d'autres se sentaient bafoués ou trompés, en tout cas l'homme déchaînait les passions. Son aura en clair-obscur n'a pas résisté à un début de saison moyen, et Larry Huras est alors arrivé à la rescousse. Il fallait sans doute couper ce cordon pour que les bianconeri jouent plus libérés. Même si la série de douze victoires à l'arrivée de Huras a pris fin, Lugano s'est préparé à la conquête de nouvelles victoires.

Huras a en effet amené ce qu'il a toujours apporté : des titres. La Coupe Continentale était un trop gros morceau cette année face à une équipe de la trempe du Lokomotiv Yaroslavl, mais pour les play-offs, le HCL a parfaitement répondu présent. Zurich, la bête noire des années Koleff, ne lui a pas fait peur. Et en finale, ni le gardien Lars Weibel face à Ronnie Rüeger, ni le collectif de Davos face à celui de Lugano, n'ont réussi à prendre le dessus. Ce titre couronne la carrière du défenseur Sandro Bertaggia, six fois champion en dix-huit saisons au club, mais il récompense aussi la formidable saison de Petteri Nummelin. En demi-teinte la saison précédente, le défenseur finlandais a cette fois éclaboussé la LNA de sa classe et a été l'indispensable organisateur du jeu de Lugano.

 

Deuxième : Davos. Le HCD a surtout été victime de la résurrection de Lugano, mais, hormis sa sortie peu recommandable en Coupe Continentale où Lugano a prouvé que prendre l'épreuve au sérieux était une meilleure façon de situer sa valeur, on ne peut pas dire qu'il ait fait une mauvaise saison. En championnat, il a encore été un modèle de régularité, avec un jeu solide pourtant éprouvé par chacun de ses adversaires. L'opposition physique de Berne a été matée au dernier match de la demi-finale, mais Lugano a joué à un rythme supérieur.

Davos a encore montré qu'il avait les meilleurs joueurs suisses, à commencer par Reto von Arx, pas toujours apprécié ailleurs que dans les Grisons, surtout depuis sa virée nocturne de Salt Lake City, mais dont la qualité est indéniable. Ses passes précises et son caractère bien trempé ont renforcé sa popularité à Davos, pendant que celle de l'attaquant canadien Lonny Bohonos s'est estompée. L'ancien chouchou du public est en effet passé à côté de sa saison.

 

Troisième : Zurich. Avec un trio d'attaque Plante-Matte-Alston et le vétéran finlandais Ari Sulander dans les cages, les ZSC Lions étaient bien armés, mais ils n'ont jamais réussi à se défaire de leur réputation d'équipe "minimaliste", qui gagne en en faisant le moins possible. Parfaite illustration, la saison régulière, que les Zurichois ont terminé en tête avec un point d'avance sur Davos. Néanmoins, ils n'avaient jamais battu leur rival dans les confrontations directes, ce qui était déjà mauvais signe.

Ils n'auraient toutefois même pas l'occasion de prendre leur revanche en finale. Après une nouvelle victoire à la Pyrrhus contre Rapperswil en quart de finale, ils tombèrent devant Lugano. Les Tessinois éliminaient ainsi avec une rage libératrice une équipe dont le dernier titre remonte à l'époque de... Larry Huras, viré sans ménagement quelques mois plus tard. Les ZSC Lions étaient décidément trop limités, notamment en défense où Mark Streit a été trop seul à tenir la baraque, sans l'appui suffisant des autres internationaux Matthias Seger et Edgar Salis, ce dernier étant excusé par ses problèmes de dos.

 

Quatrième : Berne. Sébastien Bordeleau a fait une entrée remarquée dans la LNA. Ses qualités de patinage lui ont permis d'imposer le rythme du jeu bernois et de devenir le meilleur joueur de la saison régulière... et malheureusement pas au-delà. Dans les play-offs, il a joué sans Christian Dubé à ses côtés, et les deux joueurs ont été moins décisifs. Mais sur ce point aussi, il s'est adapté à Berne, car le manque de constance est le principal problème de cette formation.

Le talent de base est là, même si le défenseur suédois Rikard Franzén a un peu déçu, et dans les bons jours, l'agressivité bernoise prend à la gorge n'importe quel adversaire. Mais dans leurs mauvais jours, ce sont les Ours qui se prennent les coups de griffes, paraissant mal canaliser leur énergie. C'est sans doute purement psychologique, mais le SC Berne ne parvient pas à convaincre - y compris à se convaincre soi-même - qu'il est actuellement capable de devenir champion.

 

Cinquième : Kloten. Les Aviateurs ont perdu dans la dernière ligne droite l'avantage de la glace en play-offs, mais ils se sont surtout retrouvés face à l'adversaire à éviter, Lugano. Face à des Tessinois en grande forme, sans Jaroslav Hlinka blessé, Kloten n'a presque pas existé et sa saison s'est terminée en eau de boudin. Elle a pourtant été auparavant convenable, même si le départ d'Adrian Wichser à Lugano a été difficile à digérer. Sans le troisième larron, la meilleure ligne de l'année précédente n'était plus qu'un souvenir, Rintanen et Plüss était d'un coup bien moins bien harmonisés, et ils ont été séparés.

Après une saison en demi-teinte, Martin Plüss a endossé en toute fin de championnat un rôle de leader auprès des jeunes en encadrant Romano Lemm et Patrik Bärtschi. Ce dernier n'a de toute manière plus besoin de parrain, il a déjà dépassé le stade d'espoir du hockey suisse pour devenir un maillon essentiel du club. Il a été le meilleur marqueur des derniers championnats du monde juniors puis a logiquement été déjà appelé en équipe nationale.

 

Sixième : Genève-Servette. Jamais évidemment un promu n'avait disposé d'une telle défense. Avec deux étrangers à l'arrière, Brett Hauer et le très complet Jamie Heward, avec un gardien de la trempe de Pavoni, et bien sûr avec le système très cadenassé de Chris McSorley, Genève-Servette était vraiment blindé.

Sachant que l'attaque pouvait se reposer sur les éternels Philippe Bozon et Gian-Marco Crameri, il n'est donc pas surprenant que les Genevois aient directement accédé aux play-offs. Leur folle ascension est maintenant terminée, il faut maintenant que les Aigles ouvrent un nouveau chapitre, celui du vol stationnaire. Cela ne consiste pas à planer avec insouciance, mais à stabiliser les comptes pour devenir un club viable financièrement, sous peine de voir Anschutz refermer son portefeuille aussi vite qu'il l'a ouvert.

 

Septième : Ambrì-Piotta. À l'automne, il n'y avait ni les résultats, ni surtout la manière. La pression est montée autour de l'entraîneur tchèque Rostislav Cada, intransigeant sur son système défensif et qui laisse très peu de liberté aux joueurs. Il a d'abord pris du recul pour raisons de santé avant que son licenciement soit officiellement notifié. Son remplaçant Riccardo Fuhrer a réussi à atteindre l'objectif assigné, les play-offs, mais Ambrì n'a jamais été enthousiasmant, hormis lorsqu'il a interrompu lui-même la série victorieuse de Lugano dans un derby comme toujours enflammé.

La transformation des Tessinois a été trop peu spectaculaire, et les étrangers toujours décevants, à l'image d'un Zdenek Sedlák qui n'a jamais pu enlever l'étiquette de second choix qui lui collait à la peau. Dans ce club de passion, on jouait encore sans envie, avec un minimalisme presque zurichois. On a donc assisté à une décision étonnante, la mise à l'écart de Fuhrer en plein milieu d'un quart de finale catastrophique, histoire d'annoncer la couleur : le HCAP pense déjà à la saison prochaine, au retour comme directeur sportif du buteur Peter Jaks qui a pris sa retraite des ZSC Lions, et à la résurrection de sa vocation formatrice et exemplaire. Tout un programme, mais il faut un choc psychologique en profondeur pour réveiller Ambrì.

 

Huitième : Rapperswil-Jona. Le nouveau roman de Rappi serait absolument semblable aux précédents si l'on n'y avait pas ajouté un épilogue absolument inattendu. Comme d'habitude, Rapperswil a surpris tout le monde en début de championnat, dans des proportions plus importantes que d'habitude, en tenant longtemps la deuxième place. Puis, comme d'habitude, Rapperswil a calé, tout comme son attaquant Daniel Giger un peu vite porté aux nues, et a entamé sa lente dégringolade au classement. On pensait que l'avance serait quand même suffisante pour rester parmi les huit premiers, mais la maladie chronique du SCRJ est tenace. Le refrain était déjà connu, simplement plus spectaculaire que d'habitude : succession de défaites, gâchis, espoirs déçus...

Et puis est arrivée l'affaire Fribourg. Déjà en vacances, les joueurs de Rapperswil ont été soudain conviés à disputer des play-offs où ils n'avaient plus rien à perdre. Le temps de se mettre dans le bain, et ils terrassaient trois fois de suite un ogre zurichois qui ne pouvait plus parler d'effet de surprise. Tout était prêt pour conclure à domicile et fêter avec délice la plus grande surprise de l'histoire de la LNA. Tout, sauf la victoire. Les Lions ont rétabli la situation et Rapperswil a flanché au moment où il fallait confirmer. Comme d'habitude, en somme, en plus condensé...

 

Neuvième : Fribourg-Gottéron. On se serait sans doute bien passé à Fribourg de cette saison riche en rebondissements. Après de bons débuts, les performances devenaient de plus en plus catastrophiques. Finalement, Colin Müller fut écarté du poste d'entraîneur, alors que Popikhin fut conservé mais épaulé par le légendaire Slava Bykov. Les joueurs, emmenés par l'incroyable vieux guerrier Montandon, réalisèrent alors un formidable travail pour remonter in extremis à la huitième place... avant que tout soit gâché sur tapis vert.

En effet, le budget avait été calculé assez juste et Gottéron ne se priva pas de se séparer de quelques joueurs, imitant en cela d'autres clubs sans aller toutefois jusqu'au management impitoyable de McSorley à Genève. La concurrence entre deux gardiens fut jugée superflue, et Lauber alla s'enterrer avec Lugano, pendant que Mona devenait avec brio n°1. Puis on se débarrassa de Vjeran Ivankovic, joueur au comportement jugé exécrable et déstabilisateur, et l'on appela pour renforcer la quatrième ligne le junior Sandro Abplanalp, devenu célèbre bien malgré lui. L'erreur fatale a semé le chaos dans tout le championnat, mais elle n'a pas coûté sa place à Roland von Mentlen, dont la gestion est toujours très controversée. Se trouvant en Suède pour négocier les futurs transferts au moment des faits, RvM n'a pas été tenu pour principal responsable, et il a bénéficié d'un sursis au prix d'un changement de dénomination de son poste. Le directeur n'est plus général...

 

Dixième : Zoug. La tradition de l'EVZ est depuis pas mal de temps canadienne, ce qui lui donne un style de jeu physique et une certaine solidité de jeu. S'il n'a jamais dépassé le premier tour des play-offs ces derniers temps, il l'a en revanche toujours atteint sans trop de problèmes. Mais cette saison a imposé un cinglant démenti à cette régularité. Doug Mason, qui prétendait conduire le club vers les sommets, a amené trois points en un quart de saison. Il a bien évidemment été licencié après un tel départ-catastrophe.

Le nouvel entraîneur Serge Pelletier n'a pas eu de mal à redresser la barre, il n'était pas possible d'aller plus bas. Cependant, cette relance n'a pas eu les effets escomptés. Sur le plan strictement sportif, Zoug a terminé douzième, et s'apprêtait à jouer un barrage de relégation. Mais les modifications de résultats à cause de l'affaire Abplanalp l'en ont dispensé en propulsant Zoug à un dixième rang inespéré. L'EVZ a pris la perche tendue, mais ne fait pas le fier...

 

Onzième : Langnau. Même si les derbys contre Berne ont apporté leur lot d'émotions, positives comme négatives, les SCL Tigers ont connu dans l'ensemble un championnat sans grand relief. Là où Rapperswil a bâti en partie ses succès sur son gardien Thomas Berger, Langnau a connu des problèmes à ce poste. Le fait de ne pas avoir désigné de gardien titulaire a été plus déstabilisant qu'autre chose, et lorsque Claudio Bayer s'est blessé, Marco Streit n'a pas été à la hauteur de la charge soudain confiée. Au final, ce championnat sans vagues aurait dû se terminer prématurément, mais le bouleversement du classement envoyait Langnau en barrage de relégation. Le club prétextait alors que les joueurs étaient déjà en vacances pour ne pas avoir à le disputer. C'est bizarre, comme il a été facile à Rapperswil de rapatrier ses joueurs pour les play-offs, alors que Langnau trouvait la même tâche insurmontable pour les play-out...

Ce n'est pas la seule mansuétude de la ligue dont a bénéficié le club. Après avoir donné un coup de crosse dans les jambes d'un juge de ligne à Fribourg, l'attaquant canadien Todd Elik avait été initialement suspendu neuf mois. Ses défenseurs trouvaient que la sanction était disproportionnée pour un joueur nerveux et colérique, mais pas foncièrement méchant. En appel, la suspension fut ramenée à dix matches, dont deux déjà effectués pendant la fin de saison, et cinq autres à purger pendant la pré-saison. La peine devenait du coup extrêmement clémente pour un joueur au lourd casier qui s'est permis de porter atteinte à un arbitre, et qui pourrait dès lors encore obtenir un contrat en Suisse la saison prochaine.

 

Douzième : Lausanne. La seconde saison est la plus difficile, le LHC a encore vérifié le dicton... Moins d'envie, moins de public, moins de réussite, tout est allé de pair pour que l'effet-promotion retombe, surtout qu'on avait un peu légèrement espéré les play-offs. Le coup des quatre étrangers s'est révélé comme prévu une vaste blague. Jarrod Skalde n'a jamais convaincu que l'entraîneur Mike McParland, qui a traîné ce choix peu judicieux comme une casserole. Comme un ultime pied-de-nez, l'attaquant russe Dmitri Shamolin n'a retrouvé son sens du but que lorsqu'il a été brièvement prêté à Kloten, alors qu'on ne savait qu'en faire quand il était étranger surnuméraire à Lausanne.

Avec des renforts étrangers aussi décevants, le surprenant meilleur marqueur a été Gerd Zenhäusern. Il est une des rares satisfactions de ce championnat de Lausanne, qui n'a pas vraiment connu de fin. Le LHC s'est retrouvé sans adversaire en play-out, et il a alors refusé de les jouer seul et de tout risquer sur une unique série face à Bâle, qui n'aurait pas forcément été gagnée d'avance.

Marc Branchu

 

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