Journal d'un fou... de hockey

 

Plus d'un siècle et demi après Gogol, un journaliste de radio isérois récemment muté à Moscou a décidé d'écrire sa propre version du Journal d'un fou... de hockey ! Bruno Cadène vous livre ses premières impressions d'un "hockeyphile" au pays des (ex-) Soviets

 

Quand on vit en France et que l'on aime le hockey, on ne se rend pas compte...

Bien sûr, on sait qu'il existe dans le "vaste monde", des pays où le hockey est un sport roi. On sait bien qu'au Canada, aux États-Unis, en Suède, en Finlande, en République Tchèque, en Slovaquie et donc en Russie, le hockey est plus qu'un sport, c'est une passion dévorante. C'est une chose entendue, mais absorbé par l'actualité du hockey français, cela reste abstrait. Après tout, il est normal de s'intéresser en priorité à la préparation du prochain Brûleurs de Loups - Sangliers Arvernes plutôt qu'aux transferts dans la Superligue russe. De temps en temps, la réalité vient frapper à notre porte, à la vitesse d'un Spoutnik, lorsqu'en EHL, Magnitogorsk vient en mettre douze à Clémenceau... On y pense, et on oublie, jusqu'au prochain championnat du monde où l'équipe de France...

Tout ça pour dire que venir vivre dans un pays comme la Russie, quand on a baigné depuis l'enfance dans l'ambiance de la Première série, devenue Série A, puis Nationale A, Nationale 1A, puis Ligue Nationale (ouaf !), Ligue Nationale de Hockey, Ligue Élite, et finalement Super 16, hé bien cela fait un choc !

Le premier choc s'étale en lettres d'imprimerie. Des pages entières dans les journaux consacrées au hockey. Surtout quand début septembre 2003 marque le retour en équipe nationale de l'entraîneur mythique de l'URSS et du grand CSKA (celui de Tretiak à Fetissov), c'est-à-dire Viktor Tikhonov. Des pages entières qu'on vous dit !

Le second est visuel, télévisuel. Le dernier match de championnat de France à être passé sur une chaîne hertzienne doit remonter à Léon Zitrone (encore un Russe...). Ici, il faut compter les jours où il n'y a pas de matches de hockey ! La chaîne "Sport" qui dépend de Rossiya, l'ancienne deuxième chaîne soviétique, diffuse, comme son nom l'indique, du sport 24 heures sur 24, gratuitement, sans décodeur et sur le canal hertzien. Or, donc, elle passe son temps à montrer du hockey. La première fois, quand j'ai su qu'il y allait avoir en direct "Lokomotiv" Yaroslavl contre "Metallurg" Magnitogorsk en direct, j'ai téléphoné à tout Grenoble pour les faire enrager. Bon, ils s'en moquaient un peu parce qu'il y avait le derby contre les Ours le soir même et que je sais depuis le jour où je suis né (ou presque) que s'il y a une chose avec laquelle on ne peut décemment pas plaisanter, c'est le derby contre Villard. Cependant, quand j'ai su qu'ensuite il y avait en différé CSKA-Nijnekamsk, j'ai rappelé tout le monde. Maintenant, j'ai arrêté, cela coûterait trop cher, j'ai compris que chaque journée de Superligue, il y a deux matches à la télé, et que les jours sans championnat, ils rediffusent les matches passés pour faire patienter en attendant la prochaine journée. En clair, on peut voir et revoir près d'une dizaine de matches par semaine, même la nuit en cas de manque brutal. Je sais, ça fait mal de savoir cela quand on est en France.

En plus, les patinoires sont pleines ! Bon d'accord, pas à Moscou. Le Moscovite est comme le Parisien. Il a toutes les distractions du monde à portée de main, alors il ne va pas aller deux fois par semaine dans une patinoire pour voir des ploucs de provinciaux battre les équipes de la plus belle ville du monde. Oui, le Moscovite a tendance à être un peu snob... Mais en "province", Boje Moï, mon dieu, quels fous de hockey !

Yaroslavl : plus de 9 000 places disponibles, toutes occupées, pas moyen d'y glisser un billet de cent roubles. Magnitogorsk, moins de place dans la patinoire mais grosse affluence. Tiens, d'ailleurs, j'ai aperçu dans les tribunes le moustachu président qui nous avait accueillis si chaleureusement en 1999. Si Jean-Jacques Bellet lit ce billet, il se rappellera... Mais la palme des plus fous me semble être pour les fans du Sibir de Novossibirsk. Dans le genre "je hurle pour pousser mon équipe", ils semblent être très forts. Si la Sibérie était à une station de métro de chez moi comme la patinoire du CSKA, j'irais bien vérifier sur place...

En attendant, je vais aller lundi voir mon premier match de visu. Et quel match, le derby de Moscou entre le CSKA (ancien club de l'Armée Rouge) et le Dynamo (ancien club du KGB). Je me sens comme un jeune Boyard avant son premier bal chez le Tsar ! Tout ému ! En plus, IL sera là. Qui, IL ? Ben, Viktor Tikhonov, derrière son banc, avec son "sourire" à la Buster Keaton et les fantômes des plus grands joueurs russes qui errent dans la patinoire. Enfin, il n'y a pas que des fantômes. Ce sera l'occasion de voir évoluer la future (très) grande star du hockey russo-mondial : le junior Alexandre Ovetchkine. Je l'ai vu (à la télé...) marquer un but ahurissant en break l'autre soir contre Severstal Cherepovets...

Bruno Cadène

 

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