Bilan du Super 16

 

La page du championnat de France 2003/04 de Super 16

 

Premier : Amiens. C'est avec une obstination courageuse qu'Antoine Richer a appliqué ses principes. Il n'a jamais dérogé à la règle qu'il s'était fixée d'intégrer les juniors en les mettant en situation. Cela avait fonctionné l'an dernier en plaçant Kévin Hecquefeuille, finalement élu meilleur espoir, sur le premier trio. Cette saison encore, quand un joueur expérimenté manquait à l'appel, un junior le remplaçait poste pour poste, et s'en sortait le plus souvent très bien. Ce vrai réservoir auquel il a donné confiance a permis à Richer de jouer la quasi-totalité de la finale à quatre lignes, un vrai pari sur un aller-retour si court. Le culot a fonctionné, et Amiens remporte le deuxième titre de son histoire, avec une pléiade d'internationaux, emmenée par un excellent duo Jon Zwikel - François Rozenthal, et un seul étranger, le défenseur finlandais Tommi Hämäläinen, parfois du genre à chercher des noises en saison régulière, mais beaucoup plus sobre en play-offs. Mais si les jeunes se sont intégrés, cette victoire est trans-générationnelle et on ne saurait que trop souligner les mérites d'un grand ancien, Denis Perez. Loin de faire la saison de trop, il a épaté tout le monde à 38 ans, au point presque de regretter qu'il ait pris sa retraite internationale après les derniers JO. Les déceptions ont été rares, se limitant principalement aux prestations moyennes de Richard Aimonetto qui a fini en quatrième ligne, et au syndrome de la deuxième saison dont a été victime Hecquefeuille.

Mais cette victoire amiénoise n'a pas été sans heurts. Une partie du public, sceptique après quelques prestations moyennes au Coliséum, est encore dubitative envers Antoine Richer, bien qu'Amiens ait connu moins de contre-performances que l'année dernière. Il est donc important pour l'ex-recordman des sélections en équipe de France - devancé depuis par son arrière "Pépé" - d'avoir reçu le titre honorifique de meilleur entraîneur décerné par ses confrères. Il était en fait arrivé à égalité dans le vote avec l'autre entraîneur finaliste, le débutant Gérald Guennelon, et le trophée a donc été remis au vainqueur de la finale... Devenus favoris après l'élimination rouennaise, les Gothiques ont assumé leur statut, même s'ils ont un temps laissé le leadership à Grenoble.

 

Deuxième : Grenoble. Pour sa première saison comme entraîneur, Gérald Guennelon a donné aux Brûleurs de Loups ce dont ils manquaient le plus, un système de jeu. Il a mis en application les principes enseignés par Jari Grönstrand à Reims. Mais si "c'est la défense qui fait gagner les championnats", ça ne marche pas non plus à tous les coups. Le style attentiste de Grenoble n'a pas empêché Amiens de faire le jeu en finale, les Gothiques ayant la bonne idée de mener de bout en bout et de forcer les Isérois à se livrer en bloquant la zone neutre dans un jeu de l'arroseur arrosé. Or, comme cela s'était vu dans certaines victoires poussives de début de saison face à des équipes bien plus faibles, les Grenoblois ont du mal à faire la différence individuellement. Leur système défensif n'a pas résolu leurs problèmes de créativité offensive.

Il a aussi manqué en play-offs la détermination des "guerriers" Jean-François Bonnard et Laurent Meunier. Les blessures de trois internationaux (la saison d'Antonoff s'était aussi terminée auparavant, et il faudra donc encore attendre sa véritable percée) a certes permis à Grenoble d'engager des jokers médicaux, mais si Sami Kaartinen a été convaincant, Jani Tuominen et Jukka-Pekka Holopainen ont été inférieurs à ceux qu'ils devaient remplacer. La troisième ligne a été sur le gril toute la saison, en particulier Laurent Deschaume, même s'il a augmenté son rendement en fin de saison. On prête à Grenoble, fort d'un petit pactole (pas de primes de victoire à verser du fait des deux finales perdues, et de très belles affluences dès le début de saison), l'intention de jouer à quatre lignes l'an prochain, il faudra pour cela se renforcer. Mais il y a aussi de bons jeunes, avec Cyril Papa, Martin Millerioux et surtout Christophe Tartari, qui a bien profité de ses passages en première ligne pour remplacer Benjamin Agnel longtemps blessé. Il a été élu meilleur espoir du Super 16, un vote qui a une nouvelle fois frustré Rouen qui comptait pourtant sur le déjà international Pierre-Édouard Bellemare.

 

Troisième : Anglet. L'effectif angloy ne comprenait pas plus de véritable star que plusieurs de ses principaux rivaux. Dès lors, c'est bien le succès de tout un groupe qu'il faut saluer. Invaincu sur sa glace lors de la poule ouest, finissant à un petit point du futur lauréat, l'Hormadi a directement éliminé, en le ridiculisant deux fois, le champion en titre Rouen, club du hockey d'en haut. Victoire du David des sables contre le Goliath argenté. C'était un signe d'avertissement à qui voudrait barrer la route aux joueurs de la Barre. La poule Magnus fut plus difficile, sans doute parce que les adversaires d'Anglet étaient prévenus. À la fin des comptes, les Basques avaient tout de même battu chacun des clubs, hormis Grenoble, au moins une fois. Anglet était donc capable de battre quiconque ne serait pas Brûleur de Loups. Ça tombe plutôt bien car l'adversaire en quart de finale était Mulhouse. L'Hormadi a réalisé l'exploit de se qualifier en marquant deux fois moins de buts au total des cinq matches que les Alsaciens. C'est tout Anglet, ça. Faire mieux avec moins de moyens. Un autre club du hockey d'en haut s'est enlisé dans les sables basques, même si Amiens ne s'est pas laissé faire en demi-finale.

Dans cette consécration, Karlos Gordovil et son coach (Jean-Michel Lutaud) cueillent leurs propres lauriers avec autant de discrétion qu'à l'accoutumée. Pourtant, parce qu'on ne peut pas dire que n'importe quel entraîneur (Eriksson et Murphy plus renommés) aurait participé aux demi-finales, et parce que leur effectif n'était pas transcendé par des individualités qui "font la différence" à elles toutes seules, le mérite leur en reviennent forcément, quoi que l'on pense de ces hommes et de ces techniciens. Gordovil a mis de l'eau dans son vin. Bien loin des gesticulations et des rodomontades d'autrefois, il mène sa barque selon ses propres principes, sans doute jamais dupe des observations auxquelles son poste l'expose. Ses choix, depuis deux saisons, tiennent en grande partie à la faiblesse des moyens financiers de son club. Forcément, pour durer et construire, il faut une politique génératrice de formation (Lasalle), de culture club (Daramy) et de révélation (Patard). L'exemple à suivre d'Anglet ne fait donc plus aucun doute, comme en attestent ses deux places sur le podium en quatre ans. Le paradoxe veut que la conquête de la famille du hockey n'est toujours pas réalisée. Aucun grand nom français n'est annoncé pour la saison prochaine. Cela dit, connaissant le mode obligatoire de progression du club, lent (mais inexorable ?), il y a fort à parier que cette reconnaissance viendra aussi, en son heure. Déjà, l'équipe de France de Heikki Leime ne ratisse-t-elle pas régulièrement deux éléments de l'Hormadi ? C'est un bon début.

 

Quatrième : Brest. L'attaque des Albatros a proposé un jeu spectaculaire, et il est dommage qu'il y ait eu si peu de public au Rïnkla Stadium pour l'apprécier. Les Brestois se sont dotés d'un trio offensif impressionnant grâce à un recrutement intéressant, qui a déniché le "magicien Broz", passeur tchèque doté d'une très bonne vision du jeu, mais aussi ses deux ailiers canadiens qu'on n'attendait plus à un tel niveau. Jimmy Provencher a été plus productif que jamais, et Dino Grossi, avec un "C" cousu sur le maillot, a été complètement méconnaissable par rapport à la saison dernière à Tours où il ne s'était fait remarquer que sur le banc des prisons. Du coup, l'Italo-Canadien a même été sélectionné en équipe nationale d'Italie. Cette deuxième ligne a inscrit plus de la moitié des buts brestois, alors que celle des frères Sadoun, actifs dans le forechecking mais moins dans le repli défensif, a été plus en retrait en terminant même avec une fiche +/- négative.

Malgré la présence physique de Jan Mikel, la défense, par contre, n'était pas au niveau de cette attaque flamboyante, même si elle a été un peu stabilisée par le retour de Daniel Kysela. On a même été jusqu'à rappeler de la réserve le vieux sage Timo Kulonen, qui n'a plus son niveau d'antan. Le gardien briançonnais Julien Figved a donc eu du travail, et il a pu continuer sa progression dans un club de haut de tableau, même s'il a dû se plier à l'alternance avec Gabriel Bounoure, une alternance imposée à Briec Bounoure par sa femme Annick, ce qui ne rend pas service à "Gaby", qui s'est retrouvé malgré lui en position de fils à papa, au point d'être en porte-à-faux par rapport à ses coéquipiers agacés du mode de gestion parfois très particulier du club finistérien.

 

Cinquième : Mulhouse. Moins de talent dans l'effectif, mais une équipe plus équilibrée et un collectif plus travailleur sans individualités capricieuses, telle est la description que faisait Christer Eriksson du cru 2003/04 des Scorpions. Il est vrai que le départ de dernière minute d'Olivier Coqueux vers la DEL a amputé les Mulhousiens de ce qui aurait pu être une première ligne de choc. Les ailiers Pavol Segla et Juho Jokinen ont manqué d'un centre, car le costume s'est révélé un peu grand pour le jeune Francis Ballet. Finalement, ils ne l'ont jamais eu, puisque le joker annoncé à la trêve n'est jamais arrivé. De toute façon, Segla s'est blessé. Le Slovaque qui était la recrue la plus attendue du Super 16 nous a laissés un peu sur notre faim avec des actions parfois stéréotypées, il faudra l'observer sur une saison complète. Les jokers médicaux Ceman et Kuzminski ont reformé un trio offensif étranger avec Jokinen, mais c'est une ligne française, avec notamment un très bon duo Bilbao-Michou, qui avait alors pris le dessus. Et le troisième bloc a suivi, moins du fait des recrutements d'octobre de Richard Kazda et du junior franco-suédois Pierre Brisard que de la bonne saison du centre Étienne Croz, qui a pris une nouvelle dimension. Mais cette homogénéité n'a pas suffi dans un groupe qui a manqué de stabilité et a connu trop de mouvements.

La saison mulhousienne de Super 16 a en effet été la copie conforme de la précédente. La première phase a été très encourageante : la défense y a encore confirmé sa réputation, l'attaque s'est fait plaisir et le gardien Fabrice Lhenry y a enchaîné les blanchissages de manière impressionnante. Mais la poule Magnus a été plus chaotique, Mulhouse a alterné le bon et le franchement moins bon, et les certitudes se sont lentement altérées... pour s'évanouir une nouvelle fois pendant les play-offs, qui commençaient pourtant un tour plus tôt. L'absence d'un vrai leader a finalement été trop pénalisante, et les Alsaciens ne sont pas encore une équipe de play-offs. On a ainsi le sentiment qu'il s'agissait d'une saison de transition, et que pour la prochaine, on visera sans doute l'apothéose.

 

Sixième : Villard-de-Lans. Les belles histoires actuellement écrites par Dennis Murphy et ses garçons ne peuvent que renforcer de jour en jour le mental de l'équipe, car on peut vraiment parler d'une formation homogène sans qu'un joueur s'affirme au-dessus des autres. Cette équipe se sait capable de battre n'importe quel adversaire, depuis ce match d'ouverture de la Poule Magnus, dans un Pôle Sud comble s'il vous plaît, où les supporters villardiens, malheureusement dispersés de façon regrettable dans les tribunes, ont pu agiter leurs drapeaux bleus et jaunes devant des Grenoblois médusés. Face à des cylindrées aussi puissantes que Brest, Grenoble ou Amiens, que faire sinon jouer dans son registre ? C'est ce qu'a fait Villard-de-Lans, équipe la moins pénalisée, en misant sur la vitesse et le collectif. Ceci dit, selon des suiveurs locaux, c'est aussi la première fois depuis vingt ans que cette équipe répond présent au rebond devant les cages adverses.

Néanmoins, les Villardiens sont privés de Pierre Bourgey, sévèrement touché à Brest par un palet de relance. Bilan, trois dents cassées, une fracture de la mâchoire et six semaines d'arrêt qui sont synonymes de saison terminée. Les Ours sont déstabilisés, Franck Billeras rejoint l'infirmerie après une grosse blessure à Amiens, et le gardien Pascal Favarin est absent pour raison familiale à l'abord des play-offs. C'en est trop, et malgré le joker médical allemand Ronnie Arendt, Villard lâche prise en quart de finale et se prend une leçon de hockey à Brest (9-0 et 6-1), avant un sursaut d'orgueil à Ravix avec une réussite offensive enfin au rendez-vous (sept buts). Le quatrième match est cependant le dernier, dommage pour tout un peuple villardien qui rêvait de rencontrer en demi-finale le voisin Grenoble, qui l'avait sèchement sorti de "sa" Coupe de France (5-0 au premier tour).

 

Septième : Dijon. Faire mieux que l'an passé ne paraissait vraiment pas évident, et pourtant les Dijonnais l'ont fait, avec la volonté de se faire plaisir avant tout. Ils se rapprochent sans doute des limites de l'atteignable, même si le quart de finale perdu seulement à la cinquième manche contre Amiens montre bien que tout est possible. Plus que jamais, d'autant que le gardien Neckar a fait une saison très moyenne, les Bourguignons se sont appuyés essentiellement sur leur attaquant slovaque Miroslav Pazak, dont les contres redoutables ont sérieusement lézardé l'édifice gothique.

Pourtant, on ne peut pas dire que les recrues ont toutes été parfaites. Malgré sa vitesse de patinage, Jirí Cihlar a en effet été bien peu efficace pour un joueur de son statut. Et derrière Pazak, c'est Thomas Guéguen qui s'en est le mieux sorti, revenu avec le moral encore plus gonflé à bloc après avoir pu constater à son tour de visu qu'un jeune joueur de champ part forcément avec un a priori défavorable à Brest et qu'il est donc impossible de s'y faire une place. Mais la principale faiblesse de Dijon, c'est l'irrégularité de sa défense. Il faut une parfaite discipline tactique de tout le groupe pour réussir à gagner. Dans le cas contraire, l'arrière-garde, avec des individualités moins marquées et des renforts étrangers au jeu assez fruste, vole en éclats par la faute d'un placement devenu aléatoire et d'un gabarit insuffisant. D'où les résultats en dents de scie où les pointes ont tout de même été plus nombreuses que les creux.

 

Huitième : Tours. Trop heureux d'avoir profité de l'inconséquence de Rouen pour accéder finalement à la Poule Magnus, les Diables Noirs y ont néanmoins montré leurs limites. Leur jeu physique promet peu de surprises mais peut gêner plus d'un adversaire. Leur défense, emmenée par un bon Frantisek Pulscak, sait se placer et contrôler proprement le palet. L'attaque dispose d'une première ligne de bon niveau, avec le buteur canadien Julien Desrosiers, le gros travailleur très volontaire Sébastien Decaens et le technique Igor Boriskov, intéressante trouvaille de Bob Millette en ce sens que le vétéran russe sort un peu de la filière des Slovaques bon marché et des réseaux de connaissances canadiennes.

Néanmoins, cette équipe est fragile car toujours trop dépendante de ce premier bloc, plus quelques autres comme Jan Simko. Sujette à la panique quand elle est dominée, elle est assez limitée et elle n'a pas existé contre Grenoble en quart de finale. Les frasques du gardien Hiadlovsky ne lui valent plus une sympathie unanime à Tours car elles ne suffisent pas à masquer une saison relativement moyenne. Comme rien n'est fait pour rendre l'effectif plus fourni, on reste toujours autant dans l'expectative. Plongé dans une culture de la production de résultat immédiate, Bob Millette traite avec désinvolture les bouche-trou, pour qui le seul critère d'évaluation est la vitesse à laquelle ils reviennent sur le banc lorsqu'ils servent de substitut aux pénalités. Le long terme reste négligé, et le public risque de manifester des signes de lassitude à force qu'on lui vende une équipe constituée au dernier moment selon l'unique souci du rendement qualité/prix immédiat. Car ce club manque toujours d'une âme, alors qu'il ne demanderait qu'à en avoir une.

 

Neuvième : Briançon. Douze buts en deux tiers-temps pour renverser une situation impossible - sept buts à remonter - et gagner le titre de "Nationale", voilà une soirée finale que les supporters briançonnais ne sont pas prêts d'oublier. Au point d'occulter tout ce qui a précédé ? Car elle n'était vraiment pas brillante, cette saison. La première phase n'a été qu'une longue série de ratés. Le club a d'abord pris du retard pour remplir les formalités administratives et enregistrer ses étrangers, qui ont manqué le match d'ouverture à Gap. Ensuite, le défenseur suédois Johanesson a décidé de plier bagages, lassé de partager son appartement avec les deux Tchèques Kramny et Divisek qui le laissaient isolé. Et puis il y a eu la ridicule valse des coaches, avec l'appel au Gapençais Philippe Combe, écarté à son tour au bout de deux matches pour faire place à Luciano Basile, et la blessure diplomatique de Juha Jokiharju, vexé par cet aveu de défiance quant à ses compétences d'entraîneur et qui n'était pas pressé de rejouer. Les nombreuses blessures concomitantes n'ont évidemment rien arrangé. Qui plus est, l'homme qui tire les ficelles du club briançonnais, Alain Bayrou, lâché par quelques-uns de ses collègues UMP, vient de perdre la présidence du Conseil Général des Hautes-Alpes où sa famille politique est pourtant majoritaire. De quoi raviver les inquiétudes dans un club qui a déjà assez soupé par le passé d'avoir été un enjeu politique...

La conduite de Briançon a aussi été symptomatique de la gestion des clubs français. Souvenez-vous que le Directoire avait gracieusement offert un ordinateur portable à chaque équipe afin qu'ils puissent rentrer les feuilles de match sur un système informatique, et que les amateurs de hockey puissent enfin connaître les résultats et les statistiques en temps et en heure. Mais pour Dijon et Briançon, ils pouvaient malheureusement toujours attendre... La personne chargée de taper la feuille de match dans la ville des Hautes-Alpes a en effet envoyé un courrier officiel en expliquant qu'elle ne le ferait plus parce que... les supporters font trop de bruit ! Je voudrais bien commenter cette attitude, mais ce n'est pas possible, et j'ai un mot d'excuse, car mon voisin écoute la musique trop fort, mon chien a mangé mon brouillon, et je viens d'avaler mon clavier de travers...

 

Dixième : Clermont-Ferrand. Dans un club qui a amélioré sa visibilité dans les médias locaux, le secteur le plus défaillant dans la communication était l'entraîneur. Par son refus de se mettre au français, Henrik Evertsson a en effet contribué à créer une cassure dans les vestiaires entre les joueurs étrangers et les joueurs français, qui n'acceptent guère d'être des laissés-pour-compte alors qu'en début de saison ils étaient les seuls à surnager. Du coup, que doit-on penser de son bilan, aussi incertain que celui du gardien américain Dan Lombard, qui en trois mois dans l'Hexagone a soufflé le chaud et le froid ? Sur certaines sorties, on l'a comparé aux meilleurs spécialistes, et sur d'autres le portier du Massachussets a complètement explosé, comme à Briançon où il a pris douze buts en quarante minutes.

Certes, l'entraîneur suédois avait donné à l'équipe un style de jeu, plutôt spécialiste du faux rythme, mais il se contentait de donner ses consignes à la poignée de renforts, ce qui ne contribuait pas à la cohésion collective. Il doit donc être jugé sur ce dont il a fait sa priorité, la sélection des étrangers qu'il a choisi pour donner sa patte à l'équipe. Or, ceux-ci n'ont pas toujours convaincu, et on n'a pas revu un attaquant du niveau de Ryhänen l'an passé. Certes, le duo Mazerolle-Evertsson a affolé les compteurs en Poule Nationale. Mais Luc Mazeolle a été irrégulier, parfois aussi transparent qu'il peut être efficace, et Niklas Evertsson, le frère du coach, n'a pas toujours développé un gros volume de jeu. Le gardien Francis Gourdeau a déçu par son attitude dédaigneuse qui l'a fait quitter le club après la première phase trop éloignée des ambitions de Poule Magnus affichées par le staff, ce qui a conduit au recrutement de Lombard par la grâce d'une arnaque (utiliser la règle du joker médical pour remplacer le défenseur blessé Henrik Karlsson par un gardien). L'exception est Greg Willers, le solide arrière canadien de ligues mineures, qui a été une des trouvailles du Super 16 en amenant aussi sa force de frappe offensive. Insuffisant pour un club qui voit de bons espoirs comme Cyril Gavalda et Léo Rivon éclore, et qui réorientera sa politique en conséquence.

 

Onzième : Rouen. Malgré la "poule de la mort", malgré quelques résultats inquiétants en pré-saison, les joueurs rouennais ne se faisaient absolument aucun souci pour la première phase du championnat, et c'est certainement leur plus grande erreur. La "course à handicap" de l'an dernier les avait persuadés que la qualification en Poule Magnus était de la rigolade. Alors, quand l'effectif a exprimé une première fois son insatisfaction par rapport à Franck Pajonkowski - qui n'avait pas la réputation d'être travailleur en tant que joueur et dont le contenu des entraînements était jugé trop léger par une partie de ses troupes - lors d'une défaite 7-2 à Brest, on ne se doutait pas qu'elle pèserait si lourd dans la balance. Lorsqu'une semaine plus tard le RHE ne battait Tours qu'en prolongation, il n'aurait jamais imaginé qu'il venait de donner à un adversaire direct le bâton pour se faire battre, avec ce point finalement décisif. Avec une comparaison défavorable dans les confrontations particulières en championnat face à chacun des quatre qualifiés de la poule ouest (qui ont terminé aux places 2, 4, 6 et 8 de la Poule Magnus), Rouen n'est même pas en droit de récriminer contre la formule. La piteuse élimination contre Clermont en demi-finale de la "Nationale" l'a montré. Brillants finalistes de la Coupe Continentale et vainqueurs de la Coupe de France, les Dragons n'ont pas su gérer le championnat, tout simplement parce qu'ils n'avaient même pas envisagé la possibilité qu'il faille le faire. Le champion en titre a péché par excès d'orgueil, et la pénitence infligée, une insolente onzième place, a été exemplaire.

Dans ces conditions, le recrutement a forcément été en partie raté. Miikka Rousu, avec ses problèmes chroniques aux adducteurs, était un investissement hasardeux puisque la condition première est quand même qu'un joueur soit en état de jouer. Niko Kantelinen a été qualifié de "nain" par le président Thierry Chaix - au milieu d'une interview où il était censé le défendre en expliquant qu'il avait un simple problème d'inefficacité - et n'a eu aucun impact. Martin Lacroix, peut-être le coup de grâce à la "politique des copains canadiens" comme philosophie de recrutement, et Steven Low ont plié bagages après l'élimination, et avant même la finale de Coupe Continentale devenue alors mission doublement impossible. Le joker Kimmo Salminen a fait admirer une merveilleuses technique, mais avait-il le caractère pour faire pencher un match même s'il était arrivé plus tôt ? On ne refera pas l'histoire. Le champion en titre peut se complaire dans le "c'était mieux avant" et regretter le trident adulé Besse - Saint-Pierre - Doucet. Ou il peut se féliciter que la Poule Nationale ait permis aux juniors d'avoir le temps de glace qu'ils méritaient et de consoler les supporters par leur détermination et leur jeune talent. Mais si la première tendance l'emporte sur la seconde, ne risquent-ils pas une mise au placard fatale ? Et ce au moment où les jeunes Rouennais ont balayé tous leurs adversaires pour donner au club normand le titre qui lui manquait, celui de la catégorie junior maintenant baptisée espoir. Espoir, dites-vous ?

 

Douzième : Angers. Au début de saison, on nous annonçait à grand fracas le retour des Ducs. Après l'organisation d'un grand tournoi international, une équipe de haut niveau était de retour en Anjou et les supporters angevins devaient déjà se réjouir que les play-offs soient compris dans leurs abonnements annuels. Unique détail, on avait oublié de les prévenir qu'il s'agissait des "play-offs" de la Poule Nationale... Le tournoi de pré-saison - qui invita en réalité deux équipes françaises et une réserve d'un club slovaque - avait suscité quelques espoirs vite refroidis quant à la compétitivité de la formation angevine. La plupart des recrues connaissaient une acclimatation difficile. Juraj Ocelka n'a jamais été au niveau de son collègue Hovora, Tomáš Mýsicka est resté un peu en deçà de ce qu'il était à Épinal, les défenseurs Socha et Irani n'ont vraiment donné leur pleine mesure qu'en seconde partie de saison, de même que l'étoile du junior majeur Jonathan Bellemare très décevant les premiers mois. Enfin, last but not least, le gardien canadien Martin Bradette n'aura laissé comme trace dans le hockey français qu'une nouvelle expression : "avoir la Bradette ouverte"...

La poule "Nationale", avec pour remplacer Bradette le gardien suédois Stefan Lindquist qui a bien assuré jusqu'à sa blessure, a rappelé qu'Angers avait un potentiel. Encore faut-il arrêter la poudre aux yeux et se mettre sérieusement au travail - y compris pour transmettre des feuilles de match électroniques qui ne soient pas complètement erronées sur le site de la FFSG. Car, pour l'instant, les résultats des deux saisons écoulées laissent un sentiment de gâchis dans ce club de l'ex-élite.

 

Treizième : Gap. Pour une équipe au potentiel aussi limité, avoir autant de joueurs blessés en première phase était forcément un gros handicap. Compte tenu de ces circonstances, les Gapençais, qui savaient qu'ils connaîtraient une saison difficile, ont terminé à une place plus qu'honorable, et leur maintien obtenu haut la main est en soi une belle performance. C'est une formation en reconstruction, non seulement tactiquement mais de façon plus basique sur le plan du travail physique ou de l'hygiène de vie. Il est difficile de bousculer les habitudes de joueurs qui ont une activité à côté et se sont un peu laissés aller pour ce qui est des exigences du hockey de haut niveau.

Ré-inculquer de nouvelles bases de travail passe donc en partie par un renouvellement. Cette équipe qui a longtemps vécu sur ses acquis doit trouver son envie nouvelle dans un rajeunissement. En soignant ses équipes de jeunes qui se rapprochent du premier plan national, et en faisant son possible pour convaincre des espoirs nationaux de tenter leur chance à Gap où ils ont une possibilité d'avoir du temps de glace en Super 16, le club a clairement fait le pari de l'avenir. Cap jeunesse...

 

Quatorzième : Épinal. Cette mutation gapençaise peut-elle servir d'exemple à une équipe d'Épinal qui ne semble pas avoir abandonné ses vieux habits de la Nationale 1 ? Raphaël Marciano est de moins en moins respecté, notamment par des Tchèques parfois désabusés par le contenu de ses entraînements. Coaching daté, recrutement tardif, préparation limitée, les efforts nécessaires pour franchir le palier supplémentaire qui mène au Super 16 n'ont pas été faits. Or, les héros d'hier, Trebaticky et Domin, sont fatigués.

Épinal n'a donc tenu le choc que par la grâce de son gardien slovaque Stanislav Petrik. Derrière une défense trop lente, c'est lui qui a sauvé un recrutement largement raté, à l'exception peut-être de Szabados. Le flop le plus retentissant a été celui du centre de la seconde ligne, où on a remplacé un joueur - Aleksandr Churabaev - par un autre - Marek Moskal - qui allait être viré à son tour un peu plus tard. Si l'on ajoute la blessure aux ligaments croisés de Krisak, les Vosgiens ont ainsi terminé la saison avec un effectif réduit qui a semblé usé physiquement et mentalement, même Petrik semblant décliner. Pourtant, l'entraîneur "Féfé" s'est obstiné à ne pas donner plus de temps de glace aux jeunes du cru comme l'arrière Zitouni, ce qui aurait permis de soulager ses coéquipiers surexposés.

 

Quinzième : Dunkerque. On a beaucoup parlé, crié et menacé cette saison à Dunkerque, mais on a bien peu joué. Les montées au créneau répétées du président Jean-Pierre Thomas pour annoncer des mesures imminentes contre ceux qui ne "mouillent pas le maillot" ont donné l'impression d'un cycle sans fin. Karl Dewolf a éprouvé les pires difficultés à motiver certains de ses coéquipiers réfractaires, et ce n'est pourtant pas faute de montrer l'exemple sur la glace puisqu'il a parfois donné l'impression de tout faire tout seul. De quoi se poser de vraies questions sur l'opportunité d'avoir un entraîneur-joueur aujourd'hui en Super 16, mode de gestion sans doute dépassé dans le haut niveau moderne.

Hormis Dewolf et surtout Julian Marcos, qui s'est bien relancé au HGD au point d'être rappelé par Amiens pour un retour en grâce un an après avoir été mis à la porte à la suite de la finale 2003, toute l'équipe a énormément déçu. Le recrutement des joueurs étrangers a été en particulier un fiasco complet. Kamil Štastný n'a pas tenu au-delà de sa période d'essai, son remplaçant Lukas Schramek a été mis à la porte à la trêve, et Erik Bochna a fait ses valises avec quelques semaines d'avance. Le seul à avoir été utile est le Canadien Daniel Saint-Amant... parce qu'il a eu la "bonne idée" de se blesser. L'engagement de deux jokers médicaux, Mathieu Mille et Jérôme Patard (après avoir démarché sans succès un autre ex-Angloy, Lionel Bilbao), afin de remplacer Saint-Amant et N'Guyen pour les barrages, a en effet permis au HGD de se maintenir. Un sauvetage sans gloire au bout d'une saison calamiteuse.

Marc Branchu, avec les correspondants de Hockey Archives

 

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