Dunkerque, la porte de sortie

 

Dunkerque reste toujours un club formateur, capable d'aligner une dizaine de joueurs ayant fait tout leur hockey mineur au sein du HGD. Laissons à part le cas des cages, où, faute du rêve d'un retour de Mindjimba, un gardien formé à Amiens en remplace un autre. Rémi Caillou a mis un terme à une carrière qui n'a pas été aussi réussie qu'on pouvait l'espérer. Il n'a jamais pu menacer un tant soit peu la place de "Mindji" dans son club, mais n'est pas parvenu à faire son trou ailleurs, ni à Épinal où il a laissé en deux fois un sentiment mitigé, ni à Caen où il avait eu la chance d'être titulaire en élite sans vraiment convaincre. Souhaitons que son successeur Landry Macrez ait plus de réussite. Pour l'instant, il a surtout joué en espoirs, même s'il a pu jouer plusieurs rencontres de Super 16 avec Rouen. Son expérience du haut niveau, c'est pour l'essentiel les championnats du monde des moins de vingt ans, l'année où la France était montée en élite. Face aux meilleurs espoirs du hockey mondial, son équipe avait évidemment été très dominée, et il s'en était bien sorti dans ce contexte d'extrême sollicitation. Cela tombe bien, c'est le même genre de travail intensif qui l'attend à Dunkerque, où l'alternance avec Julien Peyre pourra le soulager.

Parmi les autres joueurs français de Dunkerque, il n'y en a que trois qui aient appris le hockey ailleurs : Ghislain Folcke à Viry-Châtillon, Benoît Guillemot à Neuilly-sur-Marne et Mickaël Bardet à Amiens. Ce bataillon de joueurs tricolores pourrait constituer une bonne base pour une équipe, mais tout dépend comme il est entouré. Et c'est là que le bât blesse.

Avec un solide défenseur et deux vrais buteurs étrangers, Dunkerque ne se battrait toujours pas pour les play-offs, mais pourrait peut-être poser plus de problèmes à ses adversaires. Le problème est de trouver ces perles rares, au lieu de se disperser dans un recrutement à la petite semaine qui ressemble à un grand gaspillage de temps, d'énergie et de moyens financiers plutôt limités. Tellement limités que le HGD se sent obligé d'accorder de l'attention à des CV que les clubs français jettent directement à la corbeille dans un soupir. C'est le cas de ces Canadiens qui voient le hockey européen comme un eldorado où ils pourraient gagner leur vie du seul fait de leur nationalité alors qu'ils n'ont aucune chance de passer pro chez eux. Ce qui était vrai il y a trente ans, à l'époque d'un championnat de France entièrement amateur où le moindre Canadien de niveau moyen (pour son pays) se voyait traiter comme une star, ne l'est plus aujourd'hui... sauf éventuellement à Dunkerque, qui prend à l'essai Richard Leduc jr, un joueur qui se vante sans rire d'avoir inscrit cinq buts par match la saison dernière... dans la célèbre "Blue Team" de la Ligue Deloitte. Bref, dans une aimable compétition de patronage de coin de patinoire. Le centre n'a pas été conservé mais, même s'il est issu d'un championnat universitaire un peu plus sérieux, le défenseur Scott Gordon rentre également dans le cas du joueur à qui la France accorde sa première expérience professionnelle. Un cadeau bien généreux de la part d'un pays qui a une tradition de terre d'asile, mais un risque que ne devrait pas se permettre un club de première division, alors que sa défense, au-delà des ex-internationaux Dewolf et Dubois, est composée de jeunes joueurs inexpérimentés qui ont cruellement besoin d'un vrai cadre, a minima.

Il est certain que le premier problème du HGD est le trop faible budget dont il dispose, mais on ne peut quand même pas nier que ce maigre trésor n'est pas utilisé au mieux, si l'on compare à ce qui se fait ailleurs. Dans un club qui n'a pas avec lui une armée de bénévoles (et où même le site internet créé depuis quatre ans par l'ex-président Jean-Luc Descheyer, qui vient de quitter le bureau, ne sera plus actualisé), le président Jean-Pierre Thomas est déjà pris par de multiples tâches et n'est évidemment pas spécialiste du recrutement.

Pas plus que Karl Dewolf, qui a déjà la double casquette pesante d'entraîneur-joueur et ne peut pas tout faire. Alors, il faut parer au plus pressé. Conserver par exemple pour la troisième saison l'attaquant canadien Daniel Saint-Amant alors qu'il n'a pas le profil d'un renfort étranger en Ligue Magnus. Et continuer de croire que la D1 peut être un filon de recrutement. Il y existe certes des joueurs étrangers qui ont envie de franchir un palier et qui proposent leurs services, comme les ex-Limougeauds Charette et Martindale. Mais il ne s'agit pas d'individualités qui faisaient la différence dans leur équipe (comme par exemple un Ales Skokan, le "Monsieur breakaway" de Garges). Non, il s'agit de joueurs qui avaient leurs aises au sein d'une formation qui comptait un petit clan d'étrangers de même valeur. Ils peuvent donc compléter l'effectif dunkerquois, mais pas le renforcer et l'amener à un autre niveau. Ils ne font que conforter l'idée que la dimension actuelle de l'équipe des Corsaires est plus proche de la D1, et il se condamne ainsi à y retourner à plus ou moins brève échéance. Martindale a rapidement dû faire ses bagages pour rendement insuffisant, tout comme Schramek ou Stastny l'an passé. Mais l'erreur n'est-elle pas d'avoir cru qu'il pourrait en être autrement ?

Presque au même moment, Dunkerque et Amnéville engageaient deux joueurs lettons, les premiers à faire leur apparition en France. Indéniablement, c'est Gints Gredzens, la recrue du club mosellan, qui paraît avoir de meilleures références, dernièrement au sein du championnat letton. Pourtant, Amnéville est une équipe hiérarchiquement inférieure qui ne roule elle-même vraiment pas sur l'or. Dans le même temps, Vadims Mahnovs arrive dans le nord en provenance de... deuxième division belge (sic). Et ces dernières saisons au bord de la Baltique, il ne les a pas passées dans le championnat national, mais dans une ligue amateur indépendante qui s'apparente presque à un championnat "corpo", sans aller jusqu'à le comparer avec celui de la fameuse "Blue Team".

Pendant ce temps-là, le président Jean-Pierre Thomas met plus que jamais la pression sur les joueurs, rappelant à chaque nouvelle défaite (c'est-à-dire chaque semaine) dans la presse locale que n'importe qui peut être viré, que sa patience a des limites, etc. Ce genre de discours peut fonctionner une fois, ou même deux, mais lorsqu'il est répété comme une litanie, il a un effet immunisant. Dans la spirale de l'échec qui s'installe, il ne fait que plomber encore plus le moral des joueurs, sans porte de sortie. Bien sûr, il y en a qui la prennent, cette porte, mais cela n'a fondamentalement rien arrangé la saison dernière, et il y a malheureusement peu de chance que ça change. Pour prétendre faire une vraie sélection et ne garder que les plus volontaires, encore faut-il que le niveau soit là au départ, sinon c'est inefficace. Demander l'impossible à des joueurs qui n'en ont pas la possibilité, c'est se voiler la face. Bien sûr, le président peut toujours insister sur sa politique des essais dans La Voix du Nord : "On a jusqu'au 15 novembre pour recruter. Aussi, il risque d'y avoir des nouvelles têtes toutes les semaines. Cela ne veut pas dire pour autant qu'ils resteront. En effet, jusqu'à cette date, il n'y aura pas de contrat définitif. Autrement dit, tout joueur ne faisant pas l'affaire pourra être débarqué." Mais en pratique, pour faire du tri, il faut du matériau de base. Prenez le meilleur chercheur d'or et donnez-lui le matériel le plus sophistiqué, il pourra tamiser tant qu'il voudra dans le port de Dunkerque, il ne risque pas d'y trouver la moindre pépite.

Celui dont tous s'accordent paraît-il à dire qu'il est "de loin le meilleur joueur mis à l'essai depuis le début de la saison", c'est Tomas Valko. Un attaquant qui n'avait rien d'exceptionnel à Cholet en division 2. Et qui n'a pas convaincu lors d'un essai à Valence en bas de tableau de division 1. Est-il besoin d'en rajouter ?

Le plus ennuyeux, c'est que Dunkerque peut difficilement plaider sa cause. Car sans cesse on lui rabattra l'argument des jokers médicaux embauchés l'an passé pour les barrages de maintien. Puisqu'il n'était pas capable de recruter mieux et d'aligner une équipe compétitive, pourquoi le HGD s'est-il entêté à conserver sa place dans l'élite française ? Il a utilisé pour cela un cataplasme provisoire (malheureusement Mille et Patard qui avaient aidé le club nordiste en barrages ne sont pas disposés à passer une saison entière dans le nord, leur légitimité de renfort est donc d'autant plus contestable), alors que Strasbourg, dont l'entraîneur Daniel Bourdages a répété qu'il avait bien l'intention de monter, disposait d'une formation plus dense et mieux armée, la comparaison sportive ayant été un peu biaisée par les jokers.

Était-ce un manque de lucidité ? Le club a-t-il cru aux miracles ? Dunkerque semble parti pour une saison similaire à celle de l'an passé, et on ne voit pas pourquoi il en irait différemment puisque les données sont les mêmes. Assurément, il faudra encore beaucoup de courage aux Corsaires.

Marc Branchu

 

 

Départs : Caillou (arrêt), J. Marcos (Amiens), Péna (arrêt), P. Tanghe (Béthune), Boschetti (Béthune).

Arrivées : Macrez (Rouen), Gordon (Hamilton College, CAN), Charette (Limoges), Martindale (Limoges), Eichenholc (Béthune), Mahnovs (Liedekerke, BEL), Valko (Cholet).

Effectif

Gardiens : Landry Macrez (22 ans), Julien Peyre (23 ans).

Défenseurs : Karl Dewolf (entraîneur-joueur, 32 ans), Grégory Dubois (29 ans), Scott Gordon (CAN, 23 ans), Ghislain Folcke (21 ans), Benoît Guillemot (24 ans), Benjamin Louf (20 ans), Clément Derepper (18 ans).

Attaquants : Mickaël Bardet (22 ans), Mathieu Becuwe (22 ans), Jean-Charles Charette (22 ans), Tomas Valko (SVK, 22 ans), Vadims Mahnovs (LET, 24 ans), Daniel Saint-Amant (CAN, 24 ans), Clément Thomas (20 ans), Benjamin N'Guyen (25 ans), Arnaud Péan (21 ans), Christophe Eichenholc (27 ans), François Lenière (19 ans).

 

 

Retour à la rubrique articles