Italie 2004/05 : présentation

 

Après une saison à quinze équipes qui aura servi d'écrémage, l'Italie a retrouvé un championnat consistant et prometteur, où les dix participants peuvent avoir des perspectives. Mais ce tableau a été assombri par la décision de Merano, un des anciens fidèles pensionnaires de l'élite, de retirer son équipe de la série A1 par manque de sponsors. Il a donc fallu repêcher le onzième du dernier championnat, Turin, une ultime chance pour cette ville où le hockey sur glace n'intéresse toujours personne à un an et demi des Jeux Olympiques. Si la saison écoulée a permis de dégager les meilleurs, il faut noter qu'il en va de même pour les arbitres, puisque seule l'élite de la classe arbitrale (une liste qui peut évidemment constamment revue) pourra officier en série A1, alors qu'auparavant les directeurs de jeu opéraient indifféremment en A1 ou en A2. Cette décision était souhaitée et même réclamée depuis quelque temps par les clubs.

Le quota d'étrangers est fixé à cinq, dont trois peuvent être alignés en même temps, mais le nombre de joueurs possédant un passeport communautaire est illimité. Il faut signaler que les nouveaux entrants dans l'Union Européenne ne seront considérés comme communautaires qu'à partir de 2005, le CONI - comité national olympique italien - suivant en cela les directives de l'UE qui n'accordera qu'à cette date la libre circulation à ses nouveaux citoyens.

 

Série A1

 

Les supporters de Milan font face à un dilemme. Il y a dix ans, à l'époque où Berlusconi finançait à coup de milliards de lires une équipe milanaise concurrente (les Devils), ils s'enorgueillissait de ce que leur club de toujours avait, lui, une âme, un public fidèle, et toutes ces choses qui ne s'achètent pas. Cette notion de collectif dont la combativité prime sur les stars a toujours été essentielle dans la culture des amateurs de hockey de la capitale lombarde, mais aujourd'hui, ce sont les Vipers qui présentent une collection de grands noms, alors que le départ trop peu clair du capitaine Scott Beattie, auquel ils étaient très liés, reste en travers de la gorge de certains supporters. Les uns regrettent le bon vieux temps, les autres sont désormais exigeants à l'extrême. De nouveaux comportements "d'enfants gâtés" font ainsi leur apparition, et certains font la fine bouche sur un recrutement qui aurait pourtant de quoi faire saliver, trouvant des choses à redire sur chacune des recrues (le plus contesté étant peut-être l'ancien défenseur de Grenoble et Briançon, Marc Savard, sur la base de son mauvais bilan +/- en DEL, occultant le fait que celui-ci a été obtenu au sein d'équipes très faibles). Sans doute est-ce l'accumulation des titres qui a blasé une frange du public et en a fait des éternels insatisfaits. Si ces tiraillements provoquent des débats parmi les supporters milanais, il y a néanmoins un point sur lequel ils sont unanimes, c'est la reconnaissance qu'ils vouent au président Alvise di Canossa, qui avait permis au club de survivre en tant que directeur de la société de transports Saima. S'il a vendu celle-ci aux Belges d'ABX il y a quatre ans, cela ne l'empêche pas de continuer à financer les Vipers, et c'est grâce à son mécénat qu'une telle équipe a pu être assemblée.

Comme Muzzatti avant lui, le nouveau gardien Magnus Eriksson est en provenance directe d'Augsbourg, de même que Savard. La défense est aussi renforcée de deux Finlandais, l'expérimenté Riku-Petteri Lehtonen, ancien vainqueur de l'EHL, et le jeune Tomi Källärsson, difficile à prendre en défaut et toujours prompt à débarrasser le slot des attaquants adverses. Mais que dire alors de l'attaque ? Daniel Tkachuk, ex-vedette de l'équipe nationale junior canadienne qui a été n°6 de la draft NHL 1997 mais qui n'a pu jouer que 19 matches (11 points) avec les Calgary Flames, arrive lui aussi de Finlande (18 points en 36 matches avec Lukko Rauma) comme nouveau centre de la première ligne. Leszek Laszkiewicz est le meilleur marqueur du championnat polonais, et il paraît plus mûr maintenant que lors de ses précédentes expériences à l'étranger en Allemagne et en République Tchèque. Le buteur Jörgen Rickmo a été la révélation du dernier championnat italien. Seul l'ex-Angevin Jani Tuominen, qui reste sur une saison noire dans les organisations bringuebalantes des London Racers et des "Torino/Valpe" puis comme joker peu convaincant à Grenoble, fait un peu tache dans un recrutement offensif qui compte également deux joueurs libérés par le lock-out NHL. Le premier est Craig Adams, ancien étudiant de Harvard, né dans le Sultanat du Brunei, et qui a épousé la fille de l'ex-gouverneur du Massachussets, actuel ambassadeur des États-Unis au Canada. Si tout cela ne suffisait pas à arguer de son appartenance à la bonne société, précisons en outre qu'il a un passeport britannique. Le second est Niklas Sundström, un des nombreux joueurs de classe mondiale formé dans la petite ville suédoise d'Örnsköldsvik. Mais contrairement à Forsberg ou aux Sedin, il n'a pas commencé la saison avec son club formateur de MoDo, rechignant à payer les impôts requis en Suède, et a préféré devenir le joker que les Milanais recherchaient pour la Coupe Continentale.

Avec un tel effectif, on se doute que la place des joueurs italiens sera limitée. En défense, Helfer et l'oriundo Peca sont titulaires, alors qu'Alessandro Rotolo, sur le point d'achever son cursus universitaire, a en revanche arrêté le hockey sur glace. En attaque, par contre, l'international junior Max Oberrauch, formé à Bressanone, ne pourra pas marquer trente points comme l'an passé à Turin, faute de temps de jeu adéquat. Quant à Matteo Molteni, il est parti à l'aventure à l'AIK, prestigieux club recalé en division 1 (troisième niveau suédois) pour problèmes financiers, et devrait revenir au Nouvel An. C'est une tendance intéressante de voir de jeunes Italiens tenter leur chance à l'étranger. Alessandro Re a d'ailleurs failli faire de même en rejoignant les juniors des Pelicans Lahti, avant de revenir car le fait de ne pas parler le finlandais aurait été un obstacle pour qu'il y termine ses études.

 

Cortina a perdu ses deux pièces maîtresses suédoises de la saison dernière, ne pouvant retenir ni l'attaquant Jörgen Rickmo, qui a accepté la proposition de 40 000 euros de Milan, ni le "bon géant", le défenseur Mathias Ahxnér, qui avait été engagé à Mulhouse mais n'est pas resté au-delà du camp d'entraînement en raison d'une blessure. Qu'importe, le club a bien l'intention de continuer sur sa lancée après une saison qui a été celle de la renaissance. Et il l'a prouvé immédiatement en engageant François Gravel, reconnu comme le meilleur gardien du championnat italien, ainsi que le fort défenseur slovène Robert Ciglenecki, qui avait fait d'excellents Mondiaux de division I, notamment contre l'équipe d'Italie.

Pour le reste, l'entraîneur Rolf Nilsson a fait jouer ses contacts en Suède et renforcé encore le visage scandinave de l'équipe. En choisissant Mikael Pettersson pour remplacer Rickmo, Cortina est carrément passé à un calibre supérieur, mais dans un style qui n'a rien à voir. À la place d'un joueur capable de faire la différence à lui tout seul mais coincé quand le niveau s'élève, on a pris un ailier qui a été capable de s'imposer pendant huit ans sur une troisième ligne d'Elitserien comme un infatigable travailleur de l'ombre : le surnom du joueur venu de Leksand - "Duracell" - se passe de commentaires. L'idée sous-jacente n'est plus la même et présuppose une compétition plus dense entre équipes au talent très proche et où les espaces sont bien plus ardus à trouver. La suite du recrutement l'a prouvé car Cortina a recruté deux autres joueurs de ce même type, tous reconnus pour leur excellent état d'esprit : Johan Hult et surtout Peter Ström, qui a passé onze saisons d'Elitserien avec Västra Frölunda mais qui n'y a adopté que récemment un rôle plus défensif. Auparavant, ce joueur qui lit très bien le jeu était capable de marquer trente points par saison, et il compte même neuf sélections avec la Tre Kronor. C'est dire si cette ligne suédoise est prometteuse.

Croyez-vous que la deuxième ligne soit en reste ? Aux côtés du nouveau capitaine Giorgio De Bettin, on y retrouvera Johan Boman, le buteur qui était passé par Mulhouse lors de sa première saison dans l'élite, et Matt Cullen, médaillé de bronze aux derniers championnats du monde avec les États-Unis, qui est considéré par beaucoup comme le meilleur renfort de NHL arrivé en Italie pendant le lock-out ! Non content d'aller prendre Gravel, De Bettin et le défenseur Luigi Da Corte à Asiago, Cortina a aussi supplanté cette équipe en tant que principal rival des Milanais.

 

Oubliés, les désastreux play-offs de la saison passée, et la fin en queue de poisson des frères Omicioli, qui avaient été les petites vedettes du coin pendant deux ans, mais qui ont complètement sombré en quelques mois (à eux deux, ils ont marqué moins de points durant la poule finale et les play-offs que le seul Roland Ramoser, qui soit dit en passant manquera le début de saison après s'être blessé au genou en amical à Salzbourg). Bolzano a retrouvé la soif de trophées qu'il n'avait pas pu étancher durant de longues années. La Coupe a montré le chemin l'an dernier, et la Supercoupe remportée en ouverture de saison contre Milan a posé le HCB en sérieux concurrent. C'est au directeur sportif Bruno Zarrillo, un des plus célèbres oriundi de l'histoire du hockey italien, qu'a été confiée la reconquête. Il dispose pour cela de ce qui est sans doute le meilleur contingent de hockeyeurs italiens, encore renforcé par le défenseur Leo Insam venu de Milan. En revanche, les étrangers restaient à trouver, et il a été plus long à les choisir. Ils sont tous Canadiens, et deux ont même un passeport italien. Il s'agit de Tony Tuzzolino, arrivé juste à temps à Asiago la saison dernière pour être sélectionnable pour l'Italie aux prochains JO, et du jeune arrière canadien Robert Mulick - dont la mère est originaire des Abruzzes - qui s'est consacré uniquement à des tâches purement défensives durant sa carrière en AHL. L'attaquant Mark Dutiaume était quant à lui une des dernières stars restantes du championnat britannique.

Le HCB a choisi de faire les choses un peu à l'envers, en sélectionnant d'abord les joueurs et ensuite l'entraîneur. Ce poste est finalement revenu à Riccardo Fuhrer, dont la mère est piémontaise mais qui a fait toute sa carrière en Suisse. Fuhrer, dont le coaching dictatorial a précipité Lausanne dans une crise noire l'an dernier, a tenu à préciser qu'il ne pourrait pas appliquer les mêmes méthodes en Italie - avec des joueurs qui souvent travaillent la journée - qu'en Suisse avec des professionnels qui ont deux entraînements quotidiens.

Deux rumeurs ont couru autour du club, et elles se sont toutes deux révélées exactes. Le jour de la présentation officielle de la nouvelle équipe, le gardien Günther Hell était absent, officiellement pour maladie, et deux jours plus tard, le club a confirmé le recrutement de Jason Muzzatti, qui était dans l'air depuis plus d'un mois, ce qui avait profondément déçu Hell. Après avoir perdu son poste de titulaire en sélection nationale au profit de l'Italo-Canadien, le voilà qui subit le même sort dans son club, qu'il a donc décidé de quitter après un tel traitement. L'autre rumeur plus réjouissante tenait à l'intérêt de Bolzano pour un joueur de NHL, et il s'agit finalement de Jamie Lundmark, attaquant de vingt-trois ans des New York Rangers, qui est le gros centre tant attendu.

 

Fassa n'a jamais eu de complexes à aligner des étrangers, et il n'en a pas non plus fait pour reléguer dans l'ombre un des rares gardiens italiens titulaires en série A, Andrea Carpano, considérant qu'il était le point faible de l'équipe. Un choix qui a donné du grain à moudre à Bolzano pour se justifier d'en faire de même avec Hell. Rien ne dit cependant que Carpano n'a pas les moyens de défendre sa place face à Peter Carlsson, un jeune gardien sans grandes références. À lui d'assumer la concurrence. Car les nouveaux Suédois de Fassa n'ont rien à voir avec ceux de Cortina. Ils ont tous vingt ans, ils sont tous dotés d'un "fort beau gabarit", et ils ont tous joué en juniors à Västra Frölunda, qui a été ces dernières années le meilleur club formateur de Suède. Certes, le second gardien Carlsson, le défenseur Anders Torgersson et l'attaquant Erik Bjorklund y tenaient un rôle relativement mineur, mais le réservoir est tel dans l'équipe de Göteborg qu'ils pourraient bien être des trouvailles méconnues.

Ils restent toutefois anecdotiques dans une équipe de Fassa qui est toujours essentiellement bâtie autour des Canadiens, où le recours aux Scandinaves n'est sans doute qu'un pis-aller car on préfère encore les joueurs à double nationalité, comme le Canadien à passeport grec George Halkidis ou les oriundi Luca Felicetti et Andre Signoretti. En disputant sa troisième saison, ce dernier devient d'ailleurs sélectionnable pour l'Italie. Quant aux Canadiens qui n'ont pas réussi à se trouver de grand-mère irlandaise ou de grand-père portugais, il y en a trois, le maximum que l'on puisse mettre sur la glace : le défenseur Josh McNevin, l'énorme ailier Steve Rymsha, venu de Schwenningen en deuxième Bundesliga allemande, et le centre Richard Rochefort, venu de Herning au Danemark. En continuant à privilégier plutôt la quantité à la qualité, Fassa n'a pas une équipe très attractive comparativement aux autres cadors (c'est par exemple la seule à ne pas avoir de joueur NHL pendant le lock-out), mais a parfaitement les moyens de faire aussi bien que l'an dernier où les blancs et bleus avaient atteint une étonnante troisième place.

 

C'est une situation ubuesque dans laquelle se trouve Asiago en ce début de saison. Imaginez, les feuilles de match publiées sur le site internet du club mentionnent le nom de l'entraîneur adverse, mais jamais le sien : top secret, motus et bouche cousue. Officiellement, il n'y a pas d'entraîneur, ou bien c'est John Parco qui a pris temporairement ces fonctions, au choix. Pourtant, quiconque assiste à un match d'Asiago voit qu'il y a bien un coach sur le banc, et pas n'importe lequel : il s'agit de Heikki Leime, l'ex-sélectionneur de l'équipe de France, qui prend la suite de deux Canadiens ayant autrefois porté le maillot bleu, Benoît Laporte et Paulin Bordeleau. Le problème, c'est qu'il ne peut pas être officiellement engagé pour l'instant. Il y a d'abord eu un embrouillaminis entre le club et Bordeleau, pas spécialement d'accord pour se laisser écarter. Et maintenant, il faut régler la situation avec la fédération française des sports de glace, puisque Heikki Leime - lassé du manque de moyens dont bénéficiait l'équipe tricolore - a été remplacé sans qu'on lui ait demandé son avis par Dave Henderson (qui a lui aussi été entraîneur virtuel puisqu'il a dirigé l'équipe de France début septembre à Riga mais n'a été officiellement nommé que le 22 septembre). Or, Leime dispose d'un contrat qui court en 2006 et n'est pas décidé à le laisser piétiner comme ça, alors que la FFSG exsangue n'a pas les moyens de lui payer d'indemnités. Tant que son départ n'est pas réglé, il ne peut pas signer pour son nouveau club.

Quand il aura fini d'être un fantôme et sera enfin officialisé entraîneur, le Finlandais aura du travail. Car Asiago n'a plus le lustre que lui avait donné Benoît Laporte, selon certains le seul entraîneur à avoir porté des idées neuves en Italie ces dernières années. Et si Heikki Leime a retrouvé des têtes connues du championnat de France, cela ne sera pas forcément pour lui faire plaisir. On ne parle pas ici de Gianluca Tomasello, revenu de Brest, mais du défenseur finlandais de Rouen, Veli-Pekka Hård, si lent et apathique. Il y a tout de même une recrue prestigieuse, Daniel Gauthier, qui était le meilleur marqueur de Feldkirch à l'époque où le club autrichien était devenu un inattendu champion d'Europe.

Une bonne nouvelle est venue la veille du début de la DEL, quand Ingolstadt a libéré Drew Omicioli. En effet, Mike Kennedy, l'ex-entraîneur de Bolzano, se rappelant les deux frères qu'il avait eus sous ses ordres il y a deux ans, a souhaité donner sa chance à Drew en Allemagne (jugeant tout de même Mike, finalement engagé en ECHL, vraiment trop petit pour la DEL), et il aurait été engagé... s'il n'y avait pas eu le lock-out NHL et le recrutement d'Andy MacDonald à Ingolstadt. Ce sera pour une autre fois, a dit Kennedy, et Asiago peut s'en féliciter en récupérant qui a tout de même laissé d'excellents souvenirs en Italie... pendant une saison et demie sur deux. Le lock-out a du coup doublement profité à Asiago, qui a fait comme ses adversaires et engagé un joueur de NHL, Rico Fata.

 

Le filon des Italo-Canadiens s'est épuisé à Varèse, qui en compte déjà assez dans l'effectif (ils ont tous été reconduits à part Vezio Sacratini reparti pour l'instant à Cardiff), mais pas celui, plus original, des Italo-Suisses. Après Della Bella et Donati l'an passé, le club lombard, grand rival des Milanais qui se réjouissent de la tradition retrouvée des derbys, a recruté Riccardo Rigamonti, un défenseur de vingt ans en provenance des GCK Lions. L'entraîneur Tony Martino avoue d'ailleurs préférer les jeunes joueurs pleins d'envie et capables de donner le maximum. C'était par exemple le cas de l'oriundo Carter Trevisani, drafté par Carolina en 2001 et qui est arrivé l'an passé avec l'objectif de participer avec l'Italie aux JO 2006, où son patinage et sa discipline seront très utiles. Et c'est aussi le cas de l'arrière offensif Greg Willers, qui a fait le bonheur de Clermont-Ferrand l'an passé et qui cherche maintenant à s'imposer dans un championnat un peu plus coté.

Toutefois, la saison dernière a montré la nécessité d'encadrer une équipe encore tendre avec des joueurs d'expérience. Varèse pensait initialement profiter de l'élargissement de l'Union Européenne pour trouver des recrues moins chères que les joueurs en place, et avait engagé deux Tchèques de ligues mineures nord-américaines, Martin Masa et Lukas Smital. Mais, puisqu'ils ne seront pas encore considérés comme communautaires, ils ont finalement dû partir à Bracknell dans le championnat britannique. C'est justement dans celui-ci que les Mastini ont prospecté afin de donner du poids à leur effectif. Rien de surprenant à cela, l'Italie et la Grande-Bretagne sont les pays européens où le hockey est historiquement le plus physique et le plus canadien. C'est donc tout naturellement qu'Ivan Matulik, Slovaque de 35 ans qui a passé dix années dans les îles britanniques, rejoint maintenant la Péninsule. Lui qui a connu le boom et le crash de la Superleague se montre d'ailleurs assez optimiste pour le hockey britannique, estimant que le processus en cours qui donne enfin une place aux joueurs locaux est intéressant. L'attaquant finlandais Joel Salonen arrive quant à lui de Nottingham. Mais la bonne surprise pourrait venir du centre italo-canadien Jonathan Pittis, débarqué directement de NCAA, comme les Omicioli il y a deux ans, et qui pourrait être tout aussi vite adopté en Italie.

 

Depuis qu'il s'est opposé à Milan en voulant réduire le nombre des étrangers, Alleghe est souvent caricaturé dans la plaine comme un club de vallée à l'esprit étroit, presque consanguin. De ce point de vue, ce n'est pas le mariage du capitaine Lino de Toni avec la sœur du second gardien et fils du président Diego Riva qui va arranger les choses. Plus sérieusement, il faut souligner qu'Alleghe continue de disposer d'un des meilleurs effectifs de joueurs italiens. En plus, ils ont fait quatre ou cinq entraînements hors glace hebdomadaires pendant deux mois et devraient être prêts physiquement, même si c'est plutôt mentalement qu'ils ont l'habitude de craquer. Cela devrait déjà constituer une bonne base si les renforts étrangers posent problème.

Et justement, ça tombe bien... Le recrutement a été partiellement confié au nouvel entraîneur Jarmo Kuusisto, arrivé de l'équipe-réserve de Brest, et il est déjà chahuté. Il a même été rattrapé par son passé français quand un article du site eurohockey.net a mis en cause le mélange de genres que représente son rôle d'agent de joueurs et rappelé la casserole qu'il traînait à Caen (où il avait été soupçonné d'avoir fomenté une mutinerie auprès de ses coéquipiers finlandais contre Rodolphe Garnier parce que celui-ci l'avait remplacé à mi-saison au poste d'entraîneur). Il a alors rué dans les brancards et a obtenu que l'article soit supprimé. Si Kuusisto n'est pas si serein, c'est que son recrutement est déjà discuté. Il faut dire qu'il y a de quoi. Qu'il ait amené avec lui le solide défenseur Ivan Borzik peut se comprendre, mais les compatriotes (et ex-Brestois) qu'il a recrutés sont des choix plus surprenants : le défenseur Ville Uusitalo qui était passé par la Bretagne en division 2 et qui n'a jamais joué plus haut qu'une troisième division nationale, ni en France, ni en Suède, ni en Finlande, et enfin l'attaquant Sami Wikström, en provenance directe de Puigcerdà en Espagne. L'entraîneur-recruteur n'a pas tardé à être désavoué puisque Wikström a déjà été envoyé à Bressanone comparer le niveau de la série B italienne et celui de la Superliga ibérique...

La piste d'Europe centrale n'a pas mieux fonctionné puisque, après un essai vite avorté du jeune centre tchèque Lubomir Lenar, son excellent compatriote Roman Kadera, qui a joué l'an dernier à Vitkovice en Extraliga tchèque, est arrivé un vendredi soir avant de décider de repartir... le samedi matin, s'étant déjà fait une opinion (négative) du village et du niveau de jeu italien. Quant à l'étonnante rumeur de l'arrivée d'un joueur de NHL, elle a vite été démentie, puisque le dernier renfort a été le petit Kevin Riehl, une vieille connaissance qui avait déjà joué à Alleghe lors de la saison à un seul étranger en 1997/98. Mais il y a au moins un renfort indiscutable : le gardien finlandais Juuso Riksman, qui reste sur deux saisons comme titulaire à MoDo, avant d'être poussé dehors afin que sa place soit prise par un certain Tommy Salo.

 

À l'exception de Bolzano, pour une fois, les clubs du Haut-Adige ont connu une intersaison très tourmentée. Est-ce un symptôme de leur importance moindre dans le hockey italien, où ils ne représentent plus que 30% du championnat ? Toujours est-il que la majorité du bureau de la section hockey sur glace de Renon, y compris le président Paul Rottensteiner, a démissionné, et que, en attendant de nouvelles élections prévues en 2005, la direction est assurée en intérim par le président du club omnisports de la ville, en l'occurrence Thomas... Rottensteiner.

La relégation volontaire de Merano a été très utile à Renon car elle lui a permis non seulement de voir revenir des joueurs qui y étaient partis (Emanuel Scelfo), mais également d'accueillir des joueurs formés dans ce club qui voulaient continuer à évoluer en série A, le défenseur Ingemar Gruber et le jeune centre Luca Ansoldi, deux des meilleurs joueurs italiens.

Si la défense est solide, tenue par le duo Comploj-Blanchard, le principal problème de Renon était de se doter d'un meilleur gardien que Mark Anthony Franco, un oriundo qui avait été très inconstant. Jeff Maund pourrait faire l'affaire, mais il n'a jamais convaincu en AHL, encore moins en Russie (bref passage à Magnitogorsk), au point de se retrouver dernièrement en ECHL. Pour assurer, on a donc pris un second gardien étranger (!), à passeport irlandais, Tim Kelleher, venu de la très mineure Central Hockey League. L'attaque a par contre tout à démontrer, avec des renforts comme Brent Gauvreau, un jeune centre canadien qui a été jugé trop dépourvu d'agressivité naturelle dans les ligues mineures nord-américaines, ou Andre Smulter, un ailier finlandais dont le fait de gloire est d'avoir aidé Bergen à monter en élite norvégienne. Le répertoire offensif de Renon risque d'être particulièrement limité.

 

Drôle de cinquantième anniversaire pour le club de Brunico, Val Pusteria, avec l'annonce fracassante de la démission du président Roman Erlacher, qui a expliqué qu'il était trop seul à vouloir faire vivre ce club à haut niveau et qu'il ne se sentait pas assez soutenu dans la vallée. Ce coup de théâtre a fait craindre un moment pour l'engagement de Brunico en série A, mais il était surtout destiné à réveiller les consciences (et les portefeuilles). Erlacher a continué à œuvrer pour la poursuite des activités du club en attendant qu'on lui trouve un successeur. Il est vrai que la situation n'est pas facile. Être un des trois seuls rescapés du Haut-Adige pourrait être un plus pour rassembler les joueurs locaux, mais ce n'est pas le cas. Alors que Renon profite des malheurs de Merano, Brunico souffre au contraire de la décision de Vipiteno de se réengager en série A2. Marchiori et Gschließer y sont ainsi retournés, de même que Michael Sparber. Celui-ci a fait naître une affaire toujours pas résolue car il avait signé à Brunico - qui ne veut plus s'en séparer - avant d'apprendre que son ancien club reformerait une équipe senior.

Avec une équipe en grande partie constituée de joueurs italiens inexpérimentés et qui ne comptait qu'une vedette étrangère, l'international britannique Steve Thornton, Val Pusteria semblait un candidat majeur à la relégation. Mais les Lupi ont trouvé au second centre canadien, Dominic Forget, venu d'ECHL, ils ont aussi pris un défenseur international slovène, Miha Rebolj (qui fait équipe avec Ciglenecki - néo-Cortina - en équipe nationale), et ils ont engagé au dernier moment deux Italo-Canadiens. Le premier, Dion del Monte, avait quitté l'Italie (Gardena) il y a plus de huit ans et jouait dernièrement en deuxième Bundesliga allemande. Le second, Dino Grossi, déjà passé par Brunico, a intégré l'équipe d'Italie l'an passé alors qu'il a réalisé une excellente saison à Brest, saison malheureusement gâchée par une odieuse agression sur Stéphane Gachet, qui lui a valu d'être suspendu un an en France, où Briançon l'avait engagé, et d'être ainsi récupéré par le Val Pusteria. Il y retrouvera Patrick Bona, son ancien coéquipier au sein des Albatros, qui revient dans le club qui l'avait lancé en seniors.

Fait significatif, Val Pusteria est désormais la seule équipe à faire confiance à un gardien italien comme titulaire. René Baur, puisque c'est de lui qu'il s'agit, commence à être considéré comme le meilleur de son pays à ce poste, et comme il est le seul à pouvoir jouer en série A, il y a fort à parier que ce statut lui sera forcément accordé, en quelque sorte par défaut.

 

Déjà qu'à deux Turin et Valpellice peinaient à aligner une équipe cohérente, c'est encore plus vrai maintenant qu'ils sont séparés. Repêchés in extremis par le forfait de Merano, les "Torino Bulls" ne comptent que trois Italiens dans leurs rangs, Roberto Bortot et le gardien remplaçant Luca Moisio, et ont dû intégralement compléter leur équipe avec des étrangers recrutés à la va-vite. Outre deux Canadiens "officiels" (venus d'UHL et d'université) et un Ukrainien d'ECHL, il a fallu faire du remplissage avec des communautaires, et on recense donc trois Canadiens de plus (à passeports français, britannique et italien), deux Italo-Américains (les frères Sarno), deux Suédois (dont Daniel Brolin, le seul rescapé de l'an dernier avec Bortot et l'entraîneur Massimo Da Rin) et pas moins de sept Finlandais, pêchés en troisième division dans leur pays ou carrément dans les rangs juniors. Parmi eux se trouve Antti Karhula, le joueur qui avait été considéré comme le seul raté du recrutement de Dennis Murphy l'année où Villard-de-Lans a remporté la Coupe de France. Il y aurait même pu avoir un Français, car Stéphane Arcageloni a failli retourner à Turin, mais il a annulé sa venue au dernier moment.

Il a sans doute bien fait. Car c'est une bien piteuse image que donne cette formation faite de bric et de broc qui est pourtant censée vendre le hockey aux Piémontais. Le tournoi de Chamonix a été arrêté avant terme par leur faute car leur triste prestation faite d'agressions gratuites a conduit le HC Martigny à quitter la glace et Chamonix à annuler une dernière rencontre qui n'aurait pas eu de sens pour un tournoi supposé amical. Bien sûr, dans leur communiqué de presse, les Bulls avaient une version des faits étrangement différente des témoignages français et helvétiques. Ils ont dénoncé le comportement honteux des organisateurs qui ont agi ainsi... parce que Chamonix avait peur de les affronter tellement ils étaient forts ! C'est vrai que cette escouade de "pros" qui mène 1-0 peu avant la mi-match face à une équipe amateur de 1e ligue suisse a de quoi terrifier l'Europe entière... Au vu de sa situation, il faut dire que Turin n'a plus que la mauvaise foi comme atout. Il faut bien cela pour continuer à entretenir le rêve d'une ville olympique soudain gagnée par le hockey sur glace et dont le club évoluerait régulièrement devant quatre mille personnes... Précisions que la communication en question se fait uniquement en anglais, juste pour faire illusion en façade à l'international, alors que la comm' est inexistante localement pour promouvoir le hockey dans la capitale piémontaise !

Pour l'instant, l'équipe est financée par le TOROC, le comité d'organisation des JO 2006, dont le responsable du hockey sur glace est un Finlandais, Jukka-Pekka Vuorinen. Comme il fait bénéficier le club de ses "lumières", cela explique la forte présence finnoise dans cet effectif uniquement bâti pour le court terme. Mais, après les Jeux, lorsque l'illusion n'aura plus lieu d'être, que restera-t-il de cette équipe qui joue devant trois cents personnes ? Quelqu'un s'en souciera-t-il encore ?

 

Série A2

 

La remise à plat des championnats a également été bénéfique à la série A2, qui présente un meilleur visage qu'à l'habitude : dix équipes, le premier monte, le dernier descend, et l'ensemble est plutôt équilibré. Les étrangers seront limités à deux, avec possibilité d'en changer un avant clôture des transferts, mais les communautaires pourront être illimités, au grand dépit de certains qui soutiennent que l'arrêt Bosman n'a pas à s'appliquer à une division amateur. Les clubs se sont au moins mis d'accord sur un point : appliquer un tarif d'entrée unique dans toutes les patinoires, 8 euros.

Paradoxalement après son retrait choisi, Merano fait figure de favori pour la série A2. Il a annoncé son intention de construire sur le long terme à partir de ses juniors, mais cela ne l'empêche pas d'avoir trois étrangers tous issus de série A, les attaquants canadiens Rod Hinks et Iain Fraser ainsi que le défenseur russe semi-retraité Slava Uvaev. Et qui plus est, il faut bien avouer que des juniors du niveau du gardien Thomas Tragust et du défenseur Andreas Lutz, qui figurent parmi les meilleurs espoirs italiens, méritent de retrouver au plus vite la série A1.

Les principaux concurrents de Merano seront les équipes qui ont fait un bref passage dans une élite trop forte pour eux l'an passé : Caldaro, qui a gardé trois de ses Finlandais, dont le "joker médical" grenoblois Jukka-Pekka Holopainen, Appiano, où le coach Brian de Bruyn, de retour quatre ans après, tentera de ramener des victoires en espérant que le public qui n'a pas apprécié perdre en série en A retrouvera son enthousiasme passé, et Egna, petite équipe qui a pris de nouvelles ambitions à la faveur de résultats inespérés l'an dernier. En plus d'un nom déjà prestigieux comme celui du défenseur tchèque Drahomir Kadlec (champion du monde 1996), elle voit arriver un international italien en exercice, Armando Chelodi (ex-Bolzano). En raison de graves problèmes familiaux, celui-ci souhaite en effet ne pas s'éloigner de son village de Cavalese, où joue justement Egna en décembre et janvier.

La cinquième équipe à avoir connu la série A élargie au cours de la saison passée, Gherdeina, semble un peu plus en retrait. Hormis Patrick Brugnoli, tous les joueurs italiens d'expérience ont quitté le club du Val Gardena qui a dû engager un entraîneur canadien, Doug Irwin, et quatre joueurs étrangers pour compenser. Bressanone, toujours avec son coach slovène Aleksandar Pesic, présente également une moyenne d'âge très basse, même avec l'addition tardive de Wikström. Les deux autres étrangers sont le défenseur tchèque Ales Dvorak (venu de Varèse) et l'attaquant italo-canadien Marco Sestito, qui a fait un essai non concluant à Milan.

Si la série A1 est de moins en moins dominée par les clubs du Haut-Adige, il n'en va pas de même de la série A2, où ils sont huit sur dix. Première exception, Valpellice, la seconde équipe piémontaise, obligée de suivre la voie de Turin en bouchant les trous avec Suédois et Finlandais. La différence est que ce club dispose d'une longue tradition et a survécu à tout ou presque (écroulement de sa patinoire, fermeture, relégation en série C). Il a encore des jeunes prêts à perpétuer son identité, et existera donc sûrement, même à son niveau modeste, après les aléas olympiques. La seconde exception est Pontebba, ce qui constitue en soi un évènement, puisque c'est la première fois qu'un club frioulan de hockey sur glace est engagé en championnat. De ce fait, il a obtenu une dérogation pour avoir le droit de s'appuyer sur ses ressources "locales" en alignant cinq joueurs de la Slovénie voisine, dont un, Bojan Zajc, a contribué en avril dernier à faire remonter son pays dans l'élite mondiale. Les Aigles du Frioul ne se sont pas arrêtés là et ont engagé deux figures de renom dans le monde du hockey italien : Gianluca Canei et Maurizio Bortolussi. Malgré son style qui laisse à désirer, Canei a réussi un bon championnat à Cortina alors que c'était sa première saison comme titulaire en A1, mais il a lui aussi été victime de l'enterrement des gardiens italiens qui a accompagné le resserrement de l'élite et il a dû céder sa place à Gravel. Quant à Bortolussi, c'est un Italo-Canadien extrêmement apprécié car il est l'ancien capitaine-symbole de Milan, qui a joué la saison dernière à Asiago.

Après deux années sans hockey senior, Vipiteno a décidé de reformer une équipe et a rapatrié quelques-uns de ses anciens joueurs comme Thaler, Gschließer, Stricker et (s'il est autorisé à revenir) Sparber. Mais malgré le renfort de trois Nord-Américains, le retour au sommet n'est pas pour tout de suite. Tout est à reconstruire, et il faudra dans un premier temps se battre en bas de tableau avec le petit poucet Settequerce. Ce village qui n'a même pas le statut de commune (elle fait partie de celle de Terlano) n'a pas de patinoire et s'entraîne ailleurs au gré des circonstances, de Sill à Appiano, mais parvient quand même à maintenir fermement sa passion du hockey sur glace.

Les plus attentifs auront remarqué l'absence d'un grand habitué de la série A2, Zoldo, le club de la province de Belluno qui compte trente ans d'existence. Cela fait des années que joueurs et dirigeants s'occupent eux-mêmes des réparations de fortune ou de l'entretien de la patinoire de Soccampo. Aujourd'hui, celle-ci est fermée, les travaux n'ont pas commencé comme prévu, et ils se sentent abandonnés par la ville avec leurs trois équipes de jeunes qui regroupaient une quarantaine de gamins. Ils expriment même leur plus vive inquiétude quant à l'avenir du club.

Marc Branchu

 

 

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