Espagne : présentation de la saison 2004/05

 

Le championnat d'Espagne connaît une petite révolution cette année avec l'inclusion d'une septième équipe, ce qui porte le nombre de formations compétitives dans le pays à son plus haut niveau depuis... deux très longues décennies. Déjà pressenti il y a quelques années (on parlait alors de Leganes ou des Andorrans de Canillo), cet élargissement a finalement eu lieu de façon assez rocambolesque.

Bien évidemment, le championnat d'Espagne ne serait pas ce qu'il est (c'est-à-dire peu de chose) sans son lot de retards et autres problèmes administratifs ou pécuniaires. Même si l'on élude les difficultés relativement tolérables rencontrées par "l'équipe d'expansion" (bien que ce terme paraisse un peu disproportionné) qu'est Majadahonda, cette dernière ayant eu toutes les peines du monde à rassembler à temps un effectif complet, Vitoria fait face à des problèmes encore plus profonds.

Dans ces conditions, les points de pénalité tombent ou menacent de la faire. Le Roi Salomon fédéral a dû rendre des arbitrages de raison, et faire la part des choses entre des impondérables excusables, quitte à lâcher du lest par rapport aux règlements officiels, et certains problèmes à long terme que l'on ne peut passer sous silence. Avec des demandes de report (Madrid), des forfaits plus ou moins sauvages (Vitoria), voire des alignements insuffisants (Majadahonda puis Vitoria), les premières journées ont été un véritable casse-tête.

Surtout que la situation de Vitoria, déjà peu florissante, s'est envenimée lorsque Puigcerdà (probablement en souvenir de quelques affrontements agités avec les Basques lors de ces deux dernières saisons, en coupe puis en séries) a décidé de se montrer intraitable, déposant une plainte tonitruante après que le "Gasteiz" avait annoncé un peu tardivement qu'il renonçait à se présenter sur la glace catalane lors de la troisième journée.

La formule de compétition a également été altérée par l'élargissement. Les cinq journées du tour bonus (où les équipes receveuses étaient déterminées en fonction du classement de la première phase aller-retour) ont été supprimées, et elle ne seront que partiellement compensées par l'inclusion de Majadahonda au calendrier. Cela réduit la saison régulière à 12 matches, autant dire très peu.

L'autre modification enregistrée concerne les qualifications pour le final four de la Coupe du Roi : on a en effet rétabli la partition géographique en vigueur il y a quelques années (une poule centre/nord et une poule est). Il est vrai que le système de repêchages employé dernièrement ne rendait pas vraiment justice à la place que tient la Copa dans le cœur des partisans espagnols, elle qui rivalise d'importance avec les playoffs sans le moindre problème. En effet, la finale de la Copa marque la clôture du calendrier senior.

Auparavant, les finalistes des playoffs étaient automatiquement qualifiés pour le final four de la coupe, tandis que les perdants des demi-finales de ces mêmes playoffs devaient disputer un repêchage en aller-retour contres les équipes classées 5 et 6 de la saison régulière s'ils voulaient obtenir l'une des deux places restantes pour la grande fête finale.

À présent, les six participants sont divisés en deux poules géographiques préliminaires comprenant chacune trois équipes. Celles-ci s'affrontent en aller-retour afin d'extraire les deux meilleures de chaque poule. Les quatre formations ainsi désignées auront gagné le droit de s'opposer en tableau croisé lors de ce fameux final four.

À noter que le septième larron à peine revenu au plus haut niveau, Majadahonda, participe bien à la Superliga mais n'est pas inscrit cette année dans la course à la Coupe. Cela permet en tout cas de composer deux poules égales numériquement à partir des six autres formations. C'est sans doute un léger mieux par rapport à la formule utilisée antérieurement en Copa del Rey, avec ses repêchages en catimini coincés au beau milieu des play-offs.

Toujours est-il que cela n'éclipse que partiellement la perte du tour bonus qui étoffait quelque peu la morne saison régulière de Superliga, même si celui-ci paraissait assez arbitraire dans son concept. Et dire que ledit tour bonus était lui-même une demi-mesure mise en place pour pallier la suppression du deuxième aller-retour il y a trois ans !

Passons maintenant aux clubs proprement dits. On avait prévu d'assister à un resserrement en tête, autour d'un Jaca stable et d'un Puigcerdà ambitieux. Mais ce dernier tarde à donner sa pleine mesure. Si bien que le dauphin pyrénéen est suivi d'étonnamment près par un Barça qui s'accroche et parvient à se poser en outsider honorable malgré l'inexpérience globale de ses cadres. Plus surprenant, San Sebastian semble également refuser de se laisser distancer.

Il est finalement intéressant de constater que, malgré un inévitable renouvellement de génération dans certains clubs et des recrutements plus modestes par la force des choses, la fracture a été réduite à des proportions raisonnables entre la seconde valeur sûre du pays et ses poursuivants, qui malgré leur prétentions réduites sont au moins deux à pouvoir accrocher le wagon. Même Madrid, bien aidé par un renfort de choix, se reconstruit lentement. Certes le club castillan n'est nullement à l'abri de sévères déconvenues, et il lui reste encore à disputer les deux premières journées de son calendrier (reportées à sa demande). Mais il sait prendre sa chance contre des formations accessibles.

Ensuite, bien évidemment, ça se corse et les effectifs de bas de tableau n'ont pas fière allure, mais ce n'est pas en soi une nouveauté pour un pays de ce niveau hockeyistique.

Gardons donc un regard relativement optimiste en abordant cette revue des forces en présence, tout en attendant de voir comment le classement se tassera lorsque le déroulement de la ligue se sera normalisé. Cela permettra de savoir si la ligue s'équilibre à bon escient, ou si l'on effectue au contraire un retour vers la situation homogène (hors Jaca) mais guère exaltante d'il y a quatre ou cinq ans.

 

Voici deux ans, lassés de l'anonymat dans lequel ils évoluaient à Majadahonda, les hockeyeurs de ce faubourg madrilène ont déserté leur club pour créer une équipe supposée plus fédératrice, et ainsi nommée CH Madrid. Elle s'est implantée dans une autre banlieue la capitale, Villalba, où venait de s'ouvrir une jolie patinoire. Voilà pour le rappel des faits. Bien entendu, nos amis ont bien vite déchanté en constatant que le tissu local, plus ou moins intéressé à l'idée de recevoir l'équipe sur le papier, n'avait en fait pas l'intention de la soutenir beaucoup plus avant dès qu'il s'agissait de mettre la main au portefeuille.

Heureusement, le CH Madrid a persévéré et c'est une équipe quasiment autogérée qui a réussi à mener à bien l'exercice 2003-04, avec à la clé des résultats peu glorieux mais décents. Ce douloureux périple aura au moins eu le mérite de révéler les compétences stratégiques de l'international Jorge Calvo. Reconverti par la force des choses en entraîneur-joueur (les Madrilènes avait un temps espéré le retour de Luciano Basile en délicatesse avec son précédent employeur allemand, mais celui-ci s'était bien vite engagé à Briançon), Calvo s'en est suffisamment bien sorti pour se voir offrir une place à plein temps derrière le banc de San Sebastian pour cette saison. Il quitte donc son équipe de cœur, mais sera remplacé par l'entraîneur slovaque Peter Oppitz, qui avait mené le rival héréditaire Barcelone au titre voici trois ans, avec toutefois des renforts nettement supérieurs que ceux dont il dispose dans un hockey madrilène qui amorce à peine sa reconstruction.

Madrid conserve en effet son attaquant américain Kirk O'Donnell, aux références peu reluisantes. C'est pourtant ce dernier qui a offert au club son plus beau signe d'espoir cet été, sur le plan sportif tout au moins. En effet, O'Donnell s'est souvenu d'un bon joueur qui évoluait dans la même "prep school" que lui au pays : un certain Jordan Federko. Ce nom vous le connaissez sans doute, car Jordan est le fils de Bernie Federko, l'ancienne vedette des Blues. Dans la même ligue "prep" des environs de Saint-Louis évoluait d'ailleurs un autre jeune au nom fameux, Yan Stastny (le fils du légendaire attaquant slovaque Peter Stastny qui a la nationalité américaine et joue actuellement en Allemagne à Nuremberg). À la différence de O'Donnell qui est allé s'engluer dans une carrière pas spécialement flatteuse en division III de NCAA, Federko a continué sur la lancée de ses bonnes perfs en "prep" pour quelques temps encore. Il pouvait donc apporter avec lui l'expérience de trois saisons comme contributeur régulier aux performances d'Union College en division I de NCAA. Or il se trouve que Federko est tombé d'accord pour emménager dans la capitale ibérique auprès de son vieil ami O'Donnell et faire profiter le club de son expérience. Plutôt inespéré, d'autant que ces deux gaillards sont les seuls étrangers subsistant dans l'alignement.

 

Pendant ce temps, de l'autre coté de l'agglomération, quelques vétérans de Majadahonda ne peuvent se résoudre à voir leur club, abandonné par son équipe fanion, dépérir de la sorte. D'autant que, dans le même temps, l'ancien renfort tchèque de Puigcerdà, Radim Kehlja, a trouvé refuge dans la localité. C'est ainsi qu'une nouvelle entité a été créée, marquant sa différence par rapport à l'ancien patronyme fourre-tout de Club Hielo Majadahonda (Club de Glace) pour ne plus s'appeler que Majadahonda Hockey Club. Après quelques atermoiements en début de saison dernière, cette fois-ci c'est décidé, la toute jeune structure se jette à l'eau et décide d'enrôler une équipe senior pour l'exercice 2004/05.

Il est certain qu'avec le transfert d'activités qui s'est produit vers le nouveau CH Madrid, Majadahonda fait un peu figure de repère d'irréductibles. On enregistre bien le retour de quelques trognes du hockey madrilène, comme Jorge Perellon, mais l'essentiel de la formation reste composé de jeunes du cru, qui ont évolué pendant deux ans sans équipe senior au-dessus d'eux et donc sans l'émulation offerte par la perspective d'un surclassement. Il leur faut donc subitement prendre le train en marche.

Pour étoffer le groupe, aucune opportunité n'est dénigrée. Un Russe puis un Écossais viennent notamment offrir leur contribution à l'équipe fanion, et le Danois Michael Clausen (déjà présent il y a quelques années sous l'uniforme de Majadahonda) reprend du service. Cependant ces joueurs, même si un gaillard comme Alan Gemmel est apparu dans quelques formations compétitives de son pays, n'ont absolument pas l'étoffe d'imports véritables. C'est donc Radim Kehlja qui se retrouve au four et au moulin, principale menace offensive de son équipe en plus d'avoir été intronisé coach.

 

Hélas, si le retour de Majadahonda dans la ligue est numériquement une bonne chose, tout est loin d'être rose par ailleurs. Cette année, le mauvais élève est le club basque de Vitoria. L'an dernier, il avait profité de la disgrâce barcelonaise pour s'attacher les services de la gâchette ukrainienne Alekseï Kuznetsov. Cependant, depuis juillet et la divulgation de biens mauvais chiffres, c'est au tour des Dogues basques d'assister à un exode massif de leurs joueurs. Kuznetsov, en premier lieu, poursuivra son tour d'Espagne par Puigcerdà. Les quelques cadres de Txuri Urdin qui s'étaient exilés à Vitoria pendant la mauvaise passe de leur club d'origine sont également rentrés au bercail, suivis par Cazacu.

Vitoria enregistre a contrario le retour de l'excellent défenseur international Igortxu Martin qui officiait précédemment à Jaca. Et pour renflouer autant que possible la partie arrière du navire, le coach Aleksandr Koulikov a rapatrié de l'English Premier League son fils Vitaly qu'il avait laissé là-bas en quittant le pays. En effet, Koulikov a longtemps officié en Angleterre avant de rejoindre le pays basque. Son autre fils, Slava, a d'ailleurs revêtu le maillot britannique en quelques occasions non-officielles.

Le poste de gardien n'est évidemment pas mieux loti. En la circonstance ce n'est pas une surprise : le numéro un Andriy Karashuk s'est désisté. Son remplaçant Gregorio "Goyo" Martin (ex-Anglet) aurait pu y voir une bonne occasion de retrouver du galon pour un petit baroud d'honneur, mais vu la situation il n'a pas manifesté un enthousiasme délirant à cette idée. Malheureusement il n'est pas le seul et vu la disette actuelle, l'équipe première a toutes les peines du monde à rassembler un effectif complet. Les matches des deux premières journées ont été perdus par forfait, et avec un contingent estimé autour de treize joueurs souvent soumis à des contraintes professionnelles, il n'est pas dit que le club ne doive pas renoncer à de nombreux autres déplacements pour raisons extra-sportives. Pire, on vient d'apprendre cette semaine le licenciement économique du coach Koulikov, et c'est sans entraîneur que l'équipe a prévu de se déplacer à Madrid. Le président alaves Roberto Bengoa doit commencer à se sentir bien seul, car avant même le début de la saison, il avait déjà dû supprimer le poste de son directeur sportif Toni Vera pour des raisons équivalentes.

Les résultats avaient été légèrement frustrants l'an dernier compte tenu des efforts entrepris (hélas à crédit) pour présenter un effectif intéressant dans une formation qui a toujours souffert d'un déficit de charisme et d'identité. Après avoir offert un parcours satisfaisant et s'être arrêté aux portes de la finale, en Liga comme en Copa, Vitoria risque bien ne n'avoir d'autre objectif cette année que d'éviter la cuillère de bois, malgré l'appauvrissement relatif du championnat et la concentration des talents dans les seules Pyrénées.

 

À San Sebastian, la situation s'est stabilisée après la très courte (et artificielle) période d'euphorie vécue en début de saison dernière. Elle n'est plus aussi catastrophique que celle vécue il y a deux ans, ou que le marasme traversé aujourd'hui par Vitoria. Mais elle n'est pas non plus mirobolante. D'autant que la "French Connection" formée par Carry, Larroque plus une flopée d'habitués de moindre envergure, souvent des frontaliers, a rompu avec le club. Heureusement que la situation financière du voisin, devenue soudainement encore plus catastrophique que celle de San Sebastian, a ramené vers le Txuri quelques vieux briscards toujours bons pour le service, comme Igor Santamaria ou Eugenio Arbesu.

Les Morzinois débarqués en force sur les sites de hockey hexagonaux à la faveur des exploits de leurs protégés en D1 l'année dernière se souviendront peut-être d'un membre de leur équipe du temps où cette dernière cravachait pour s'extraire de la D2. Carlos Usoz a depuis longtemps regagné son fief, où il a également fort à faire pour maintenir l'équipe locale à flots.

Le meneur de toute une génération, Unai Arizkorreta (lui aussi passé par Anglet), a fini par prendre une retraite définitive même s'il restera bien sûr dans l'entourage du club pour lui prodiguer un regard expérimenté et bienveillant. Problème, Arizkorreta a été depuis été rejoint dans la "vie civile" par Ricardo Sanchez Vea, Jon Domec ou encore le grand inspirateur offensif du hockey Donostiara, Iñaki Izaguirre, qui avait même signé une saison à un point par match durant sa dernière saison en élite française. Les vétérans déjà bien échaudés par les remous ayant agité la vie du club sont à présent atteints par la limite d'âge ou les exigences d'une famille que le hockey ne permet pas vraiment de nourrir à lui seul.

Ça commence à faire beaucoup, et tous ces départs successifs ou conjugués ont conduit le nouveau coach Jorge Calvo à mettre les points sur les i dès sa prise de fonction : la saison sera longue. Car en dehors d'Usoz et de ses collègues du coin restés en poste, les trois joueurs étrangers employés chez les Txuri Urdin (les Bleus et Blancs en basque) ne suffisent pas à donner à l'équipe un regard tellement souriant. Igor Zemchenko n'est autre que le fils de l'entraîneur de Jaca, club avec lequel il a effectué la fin de ses années juniors (tout comme le rejeton d'une autre gloire du hockey ukrainien, Alosa Roschin). Igor a également effectué quelques présences avec l'équipe première de Jaca dans un rôle subalterne, continuant même à être appelé en équipe junior d'Ukraine malgré le lieu très particulier où il exerçait ses talents. Le jeune attaquant a saisi l'an dernier l'occasion d'obtenir un vrai job au sein du Txuri, une équipe certes de moindre envergure, mais lui permettant de demeurer en Espagne à quelques longueurs de son père.

L'autre renfort reconduit (in extremis) est Boris Tiunov, un Russe disposant d'une expérience acceptable mais non décisive dans les ligues secondaires de son pays. Enfin, l'international roumain Roberto Cazacu, arrivé en cours de saison dernière à Vitoria, en est reparti bien vite, troquant son uniforme alaves bleu et jaune contre celui, bleu et blanc, de la capitale du Guipuzcoa. Hélas les pistes québécoises espérées, notamment celle du très intéressant Hispano-Canadien Joël Pajuelo, l'une des étoiles de la Ligue Junior AAA en 2003/04, n'ont pu être concrétisées à temps.

Une véritable inquiétude subsiste encore au poste de gardien, où ni le jeune Iñigo Zudaire ni Alexander Usoz, à peine plus expérimenté du fait de sa carrière d'international junior, ne paraissent présenter de grandes garanties. Le début de saison a néanmoins été encourageant, avec son lot de résultats moyens ou attendus, mais aussi le superbe exploit que constitue cette victoire aux forceps sur la glace de Puigcerdà fin octobre.

 

Jaca, quoiqu'il arrive, reste imperturbable. Malgré le report de ses deux premières journées en raison des problèmes techniques rencontrés par les adversaires au programme (Vitoria et Madrid), les Aragonais n'ont guère éprouvé de difficultés à rejoindre la tête du wagon en alignant cinq victoires consécutives (série en cours). Nanti d'une nouveau sponsor principal (Horcona remplace Naturaleza & Espacio), Jaca n'a pas pour autant procédé à une révolution. Et pour cause, il n'a guère de raison de se plaindre du rendement de son effectif. Les meilleurs Espagnols s'y trouvent déjà, à l'image des ex-Angevins Juan Palacin et Jorge Valle, tandis que deux de ses Ukrainiens sont du niveau des étrangers d'une équipe comme Grenoble.

C'est bien simple, les changements sont négligeables. Le groupe conserve également son surprenant Serbe Aleksandar Kosic, qui se fait un plaisir d'allumer ses nombreux coéquipiers présents en équipe d'Espagne à chaque fois qu'il les croise au Mondial. Mais ce n'est rien par rapport aux faits dont il s'est rendu coupable face à la Lituanie, et qui lui ont valu une grosse suspension sur la scène internationale. Heureusement, cela n'altère pas sa carrière en club. Kosic est aussi peu sérieux en dehors de la glace que compétent une fois le palet en jeu, et c'est sans doute ce qui a convaincu le club de remplacer son talentueux défenseur Yuri Navarenko, non pas par un Ukrainien, mais bel et bien par un second Serbe : Nenad Milinkovic. Celui-ci, qui s'est affirmé plutôt récemment malgré ses trente ans, devra confirmer qu'il est la bonne pioche du championnat face à la concurrence toujours plus ambitieuse de Puigcerdà.

Finalement le seul petit extra par rapport à l'année dernière, c'est le défenseur russe de Puigcerdà Andrei Ovchinnikov, souvent blessé et commençant sérieusement à montrer le poids des ans. On l'a récupéré au passage car il ne servait plus à grand chose du coté de Puigcerdà ou l'arrivée de Konstantinidis a mis un terme à ses velléités de reconversion. Mais il est clair que le véritable remplaçant de Navarenko dans l'effectif sera Milinkovic. L'avenir dira si Jaca a eu tort de se reposer sur ses lauriers et de se contenter de ce recrutement spartiate, alors que Puigcerdà lui a déjà ravi la moitié de sa couronne en 2003/04. Mais le club ne dispose pas contrairement à ce que son palmarès pourrait suggérer d'une marge budgétaire si importante par rapport à son principal concurrent.

 

Puigcerdà, avec la venue de l'ancien international grec d'origine slovaque Marius Konstantinidis au poste d'entraîneur, poursuit une réorientation logique - non dénuée d'ambition mais raisonnable, voire prudente pour un club qui se vante de bénéficier de partenaires compréhensifs, toujours prêts à donner une petite rallonge lorsque le besoin s'en fait sentir. Espérons que ces choix conviennent à un public qui n'a pas manqué de prouver une nouvelle fois son caractère irascible lors de ce début de campagne 2004/05.

Sami Wikström, inexplicablement mis sous contrat par Alleghe cet été grâce à des statistiques très largement surévaluées (mais je ne peux pas vous dire par qui car cela me vaudrait encore une menace de procès) a donc quitté le club. Petite anecdote au passage. Sachez que sur les stats en possession de sa nouvelle équipe transalpine, Wikström est crédité de 43 points en 32 matches avec Puigcerdà, alors qu'il ne comptait en fait que 21 points en 23 rencontres selon les fiches du club cerdanais. Eh oui, car Puigcerdà n'a disputé que 23 rencontres l'année passée en tout et pour tout. D'où sortent ces 43 points et surtout ces neuf rencontres fantômes sur le CV qu'affiche Alleghe ? Soit le responsable presse des "Civette" a commis deux très grossières fautes de frappe dans une seule ligne, soit il a cru bon de se fier aux statistiques présentées par une tierce personne. Après, vous en déduisez ce que voulez sur la façon dont le club d'Alleghe a été convaincu de prendre le risque de signer le Finlandais.

Passons. Car le gros transfert de Puigcerdà, et c'est un peu une surprise, place un Espagnol sur le devant de la scène. Mais il ne s'agit pas de n'importe quel Espagnol : Ivan Gracia, le meilleur produit de la formation ibérique depuis des lustres, à tel point que le scout de Minnesota Wild de passage à Madrid il y a deux ans, avait jugé bon de faire son éloge devant les médias locaux qui proclamaient déjà par comparaison avec leur star de NBA : "Ivan Gracia, le Pau Gasol du hockey". Visiblement, tout cela était un peu prématuré. Bombardé en WHL, la meilleure ligue junior du monde, Gracia a fait de son mieux avec les Spokane Chiefs avant de vite revenir au bercail. Depuis, il était loin de se voir attribuer une place privilégiée dans l'effectif relativement riche du Jaca, surtout que le club se déplace souvent à deux lignes, la faute à un championnat indigent. Du coup, le voilà qui passe aujourd'hui chez l'ennemi juré.

Par ailleurs, Puigcerdà s'est séparé du jadis excellent attaquant Oleg Synkov. Celui-ci sera remplacé par son ancien coéquipier à Barcelone, Aleksei Kuznetsov, qui arrive d'un Vitoria en pleine déconfiture. Il faut dire que Synkov a beaucoup moins bien vieilli que son collègue Ramil Yuldashev, qui est demeuré la vraie priorité du club cet été. Yuldashev est l'ancienne vedette de Bienne du temps où cette équipe évoluait encore en LNA suisse. Il est ensuite passé par moult clubs européens à mesure qu'il prenait de l'âge, avec entre autres une petite pause chez les Gothiques d'Amiens. "L'homme qui ne sourit jamais", toujours vert par rapport à son âge quasi-canonique de 44 ans, était de très loin le meilleur marqueur de Puigcerdà l'an dernier, et restait sans doute le joueur le plus dominant de la ligue. Le bougre mise tout sur une maîtrise du bâton et un opportunisme toujours extraordinaires, ce qu'il peut se permettre dans une compétition d'un très faible calibre physique.

Pour épauler Yuldashev, Marius Konstantinidis est allé chercher un joueur de bon niveau en Oleg Prokop, auteur de performances satisfaisantes en USHL, la meilleure ligue junior américaine (si l'on excepte la WHL qui est binationale), puis au deuxième échelon slovaque à Senica. Prokop amène avec lui un coéquipier aux références nettement plus ternes, le défenseur Roman Stambersky. Mais ce dernier ne sera pas là pour faire du grand art, plutôt pour équilibrer et sécuriser une défense prompte aux relances stupides, qui ont souvent coûté très cher dans les moments importants.

Le grand Jan Sufliarski, déjà là l'an dernier et doté d'un pedigree tout aussi fade, n'a pas fait autre chose, mais il avait bien besoin de renfort pour une équipe qui, c'est décidé, vise le titre après avoir accompli ses objectifs majeurs de l'an dernier : finale de la Liga (perdue en trois matches secs mais sur des scores très étroits) et Coupe du Roi conquise lors d'un final four organisé à domicile. Les renforts déjà mentionnés, plus le gardien Frantisek Hrobarek, ne seront pas de trop, car ensuite, le contingent espagnol n'est pas des plus étoffés malgré l'adjonction de Gracia.

 

Enfin, penchons-nous sur la cas du FC Barcelone, qui après une saison de relâchement total où ses résultats ont été encore plus misérables que ceux obtenu par l'auto-management madrilène, effectue son retour sur le devant de la scène. L'un des artisans de ce retour en force est le jeune manager Eduardo Platz, qui veut offrir à l'équipe un style plus pro après avoir connu la débâcle de la saison dernière en tant que joueur. Son prédécesseur à l'intendance barcelonaise, Javier Zapata, reste cependant au club pour assister Platz dans sa nouvelle tâche. Mais surtout, le FCB semble s'être doté d'un coach qui correspond à ce désir de respectabilité.

Jamie McDonald, solide joueur de NCAA qui avait passé quelques années comme renfort en Catalogne voici plusieurs décennies, effectue un retour remarqué dans la région, à tel point que la presse canadienne elle-même s'est penchée sur ce transfert. Il a en effet de quoi surprendre, car entre sa carrière de joueur et le moment présent, McDonald s'est imposé dans son pays comme une véritable valeur sûre du développement et du coaching. Auteur du manuel de hockey officiel d'un célèbre équipementier (qui se trouve d'ailleurs être celui du FCB), McDonald fut aussi GM de Kitchener en OHL. Il était l'an dernier le scout des Rangers de New York pour cette même ligue de junior majeur. McDonald a également été superviseur du coaching à Hockey Canada, s'occupant par exemple des sélections nationales des moins de dix-huit ans et des moins de vingt ans.

L'entraîneur de l'année dernière, Dan Brugman, lui aussi un ancien universitaire rapidement aiguillé vers l'Europe et reconverti dans le coaching (avec un succès beaucoup plus confidentiel), reste dans le club, mais il a dû abandonner une bonne partie de ses prérogatives pour céder la place à McDonald. Ce n'est donc pas exactement un charlot qui débarque dans cette terre espagnole où les renforts sont bien souvent aussi exotiques que le climat. Son CV est particulièrement adapté à un club disposant de quelques bons éléments comme Jordi Bernet, mais également désireux d'amener vers les rangs seniors une nouvelle génération.

De plus, les renforts étrangers du FCB sont eux-mêmes très jeunes. Le plus prometteur d'entre eux est le Suédois Hannes Jönsson. Celui-ci a les moyens de faire oublier l'international junior danois Søren Kjær, qui avait la lourde tâche de chapeauter la défense l'an dernier. Ses performances respectables avec les Juniors élite de Linköping devraient lui permettre de s'imposer dans l'effectif, d'autant qu'il ne vient pas seul. Oskar Holmberg-Brorsson, attaquant de dix-neuf ans aux origines similaires mais aux références plus ténues, l'accompagne en Catalogne. Un troisième Suédois, le défenseur Johnnie Björklund, arrive de l'entente Visby/Roma évoluant dans la division 2 de son pays (c'est-à-dire le quatrième échelon).

Il y a aussi deux Tchèques dans l'équipe : l'un est Jan Jungwirth, dont les seules vraies références sont ses apparitions il y a quelques années sous le maillot du voisin Puigcerdà. Mais celles-ci étaient surtout dues à la parenté que Jan entretient avec Oto Jungwirth, ancien joueur du Dukla Jihlava qui s'était fixé à Puigcerdà au début des années 90 afin d'y entamer une reconversion comme entraîneur du mineur. L'autre Tchèque n'est pas non plus un inconnu. Mais, et c'est là que ça se corse, sa notoriété n'est pas exactement due aux bonnes raisons. Après que Madrid avait mis la main en 2002-03 sur Roman Kala, glaceux de 2. Liga tchèque mais surtout international roller, voici que le club blaugrana fait encore plus fort avec Ratislav Vitalos, plus connu pour ses performances avec la sélection slovaque de... hockey balle ! Dernièrement, Vitalos évoluait néanmoins dans un club de inline où il côtoyait un ancien glaceux passé par les rangs junior du Barça, l'international espagnol d'origine canadienne Killian Fluvia. Et il retrouvera au sein de l'effectif 2004/05 du FCB l'un de ses adversaires de prédilection dans les gymnases catalans, Carlos Benito (autre international roller), qui se cherchait une équipe depuis quelques temps et a donc choisi de remonter sur la glace.

Un mot aussi pour le dernier représentant d'une petite lignée de Français à avoir porté les couleurs du FCB hockey, Fabian Gumucio, arrivant tout droit de Viry-Châtillon. Il remplace dans ce rôle le Limougeaud Olivier Kohler. Gumucio aura bientôt le loisir de se mesurer à un autre compatriote, Dany Parra (Gapençais émigré dans les Pyrénées cerdanaises), au cours de quelques derbies catalans - même si ceux-ci restent nettement moins chauds qu'un bon Puigcerdà-Jaca des familles.

Ensuite on descend encore d'un cran avec les habituels "expats" issus de pays où la tradition du hockey est mieux partagée qu'en Espagne (ce qui n'est hélas pas très difficile), et que toute grande ville apporte en nombre certain. Comme Majadahonda, le très cosmopolite Barça s'en est toujours abreuvé en quantité relativement conséquente. En l'occurrence il s'agit d'un Canadien inconnu au bataillon, Pat Waller, et de l'indéboulonnable Japonais Yu Matoji, depuis quelques saisons privé de son frère Ryu.

Par contre, le gardien remplaçant finlandais Jarmo Tapani n'est plus au rendez-vous. L'ancien international Guillem Alvarez avait donc de bonnes raisons d'espérer rempiler dans le rôle de titulaire, cette fois au sein d'un binôme purement espagnol devant le jeune Borja Munitiz qui poursuit son apprentissage. Mais après trois semaines dans la saison régulière, le staff a pu opérer un r&ééquilibrage de son tandem de gardiens. Ainsi c'est à nouveau une paire finno-ibérique qui se partagera la cage blaugrana pour le restant de la saison. Cette fois-ci cependant, la hiérarchie sera plus claire. Miika Toivonen est en effet le nouveau numéro 1 du Barça. Ce portier de 19 ans arrive du prestigieux club formateur finlandais, les Espoo Blues, où il a passé l'intégralité de son cursus sans parvenir à percer chez les moins de vingt ans. Il a donc décidé de se laisser tenter par une expérience espagnole, où il semble fort bien s'accomoder du style ouvert de la Liga Nacional. C'est maintenant lui qui sera dans la ligne de mire des attaquants soucieux d'enrayer le retour en force du Barça. Un Barça qui a manqué d'arracher un point au leader jacetano sur sa glace du Camp Nou (lors de la cinquième journée) avec encore Alvarez dans les cages. Le signe d'un potentiel à fructifier.

Guilhem Rougé

 

Retour à la rubrique articles