Anglet, la réforme juste à temps ?

 

La fin de saison 2004/05 a été un calvaire pour l'Hormadi. Non seulement le club ne s'est pas qualifié pour les play-offs, mais en plus, entre ambiance délétère dans les vestiaires et problèmes financiers toujours pas évacués, les dernières semaines ont été l'occasion d'un dégraissage, certains joueurs étant invités à partir avant terme. Cela pouvait donner le sentiment d'un "tout doit disparaître" avant liquidation et sérieusement inquiéter.

Humainement, une telle saison laisse des traces. Avec la mise à l'écart sans un mot de gratitude de Slavomir Vorobel, interprète bien malgré lui d'un remake du retour du fils prodigue, puis avec celle d'Antoine Amsellem, dont les trop nombreuses pénalités étaient jugées nuisibles à l'équipe, l'ambiance autour du club basque paraissait se dégrader de jour en jour. Déjà qu'elle n'était pas brillante à l'intérieur de l'équipe, théâtre d'une guerre de clans avec d'un côté les "Tchèques" et de l'autre le reste...

La "Poule Nationale" a été une catastrophe. Les deux défenseurs Daniel Sedlak et Lubomir Duda, accusés d'avoir déjà la tête ailleurs, ont été priés d'aller voir ailleurs, justement. Puis ce fut Pavel Zdrahal, trop lent, trop nonchalant, qui avait cristallisé sur sa seule personne toutes les rancœurs. Les gêneurs supposés ayant été écartés, on aurait pu s'épargner certains épisodes peu reluisants. Que la dernière saison de Jean-Ian Filiatrault ait été médiocre n'excuse pas les tristes négociations de départ qui ont gâché la fin de séjour du gardien canadien pour quelques euros. Et que dire du départ sans vrais adieux de David Dostal ? Un des rares opposants au "putsch des joueurs" de 2001 et à son leader Denis Perez, il était de ce fait un des rares rescapés de longue date de l'Hormadi et une des figures du club. Le Tchèque arrivé sur la côte basque il y a sept ans s'y était installé, acclimaté et marié, il y était devenu joueur de l'équipe de France, et maintenant, il repart vers une toute autre aventure, qui le conduira au Danemark après des promesses non concrétisées avec Épinal.

Cicatriser la blessure

Durant ces mois de crise, il y a eu des mots, des attitudes, qui font mal. Une nouvelle blessure au cœur de l'Hormadi, alors que celle née de la rupture Perez/Gordovil avait à peine cicatrisé... Le qualificatif de "mercenaires" employé à l'égard de renforts étrangers qui avaient parfois beaucoup apporté à l'Hormadi n'était pas des plus élégants. Et surtout, l'opportunisme de ce discours arguant d'une nouvelle politique plus française était trop évident, car chacun savait que ce nouveau cap était guidé avant tout par la situation financière du club, validé tardivement comme chaque année. Il est paradoxal qu'Anglet veuille faire soudain la part belle à ses jeunes au moment où les effectifs du hockey mineur avaient notablement décru, concurrencés par la pratique plus ludique du roller-hockey. De Xavier Daramy à Thomas Decock en passant par Xavier Lassalle, trois générations successives de joueurs issus du club attestent de la qualité de la formation angloye... ces dernières années. Elle s'est entre-temps délabrée, et les nouveaux plans de l'Hormadi ne trompent personne. On parle bien de donner plus de responsabilités aux jeunes déjà présents en équipe première, pas d'intégrer de nouveaux juniors car il n'y en a plus de ce niveau. Mais n'aurait-il pas fallu le faire avant ? Beaucoup de joueurs passés par le pôle d'Anglet font aujourd'hui le bonheur d'autres clubs, et il est trop tard pour les récupérer.

Il reste tout de même assez de ces jeunes pour constituer un effectif conséquent, un effectif qui a faim, et où beaucoup de joueurs ont des choses à prouver. Avec quatre lignes complètes, le faible nombre d'étrangers ne traduit en aucun cas une absence de concurrence, il signifie par contre que chacun aura sa chance de convaincre Jean-Michel Lutaud.

Une équipe de travailleurs

En attaque, l'Hormadi conserve une homogénéité qui peut faire sa force, ou qui peut se retourner contre elle si elle manque d'un buteur. Le dernier attaquant recruté, Éric Dubois, présenté à tort comme un créateur. Amener comme "joker" un Canadien qui a plus ou moins disparu de la circulation depuis qu'il a quitté le junior majeur il y a quatre ans conduit nécessairement à être accusé de tromperie sur la marchandise. Dubois est évidemment trop limité techniquement pour devenir un gros pointeur, par contre son engagement dans le jeu l'intègre d'office dans l'équipe. Alors, rajoutons-le à la liste des joueurs de devoir, dont Anglet ne manque pas. En France, on a plus l'habitude d'équipes ayant beaucoup de vedettes autoproclamées et pas de porteur d'eau, mais l'Hormadi a presque le profil inverse, avec la volonté comme qualité première.

Inutile de chercher bien loin des leaders, il n'y en a plus que deux, Xavier Daramy et Michal Garbocz. Capitaine formé au club, Daramy est le joueur-phare de l'Hormadi, celui dont on évoque chaque été le départ dans une des grosses écuries du championnat, mais qui est toujours fidèle, et surtout qui répond toujours présent sur la glace en progressant saison après saison. On avait l'habitude d'en dire autant de Michal Garbocz, mais le Polonais est méconnaissable en ce début de saison. Est-ce parce qu'il est resté au club sans manifester le même enthousiasme que les années précédentes ? Or l'Hormadi compte sur son investissement défensif, et aussi sur ses passes lumineuses pour animer le jeu offensif.

De toute manière, Anglet sait qu'il ne peut pas confier la mission de marquer à seulement deux joueurs. C'est justement le moment où d'autres peuvent démontrer qu'on n'est pas obligé de les cantonner à des tâches défensives. Par exemple Nicolas Courally, qui s'est révélé capable d'évoluer dans un registre différent à chaque fois qu'on l'a placé en première ligne.

Des jeunes enfin lancés

Les jeunes talents ont aussi leur carte à jouer dans ce secteur. Le fait que la troisième ligne (Courally-Aubry-Maréchal) ait été le plus stable des blocs angloys n'a pas aidé à leur éclosion. Ils y étaient parfois intégrés, mais le plus souvent il leur fallait "sauter une ligne", voire deux, pour ne pas être utilisés avec parcimonie. On ne peut pas dire que cela ait handicapé Thomas Decock, joueur encore jeune qu'il était justifié de tester en bonne compagnie de temps en temps pour qu'il se jauge sans se griller. Par contre, il est plus que temps que Xavier Lassalle décolle enfin du banc, lui qui n'est plus d'âge espoir et qui n'avait presque pu étaler ses qualités de buteur qu'en équipe de France junior, même pas prophète en son pays (basque).

C'est aussi l'occasion de se rappeler qu'il y a dans l'effectif des joueurs qui il y a quelques années étaient appelés en équipe de France, alors qu'ils ne sont plus du tout sur la liste désormais. Il s'agit de Géraud Maréchal, ex-espoir devenu le discret joueur de l'ombre par excellence, et de Stanislas Solaux, élément atypique, à qui l'on peut reprocher de gâcher beaucoup, mais qui peut toujours représenter l'atout dans la manche, capable de dénouer la situation par un but inattendu.

Dernière catégorie enfin, les joueurs qui doivent se racheter et qui peuvent encore progresser. C'est le cas de Jérôme Patard, après sa demi-expérience ratée au Québec, et surtout de Julien Aubry, qui devra faire taire ceux qui l'ont critiqué l'an passé en retrouvant sa ténacité coutumière.

La défense d'Anglet laisse planer plus de doutes. Unique étranger restant d'un secteur qui en comptait quatre, Roman Marakhovski apparaissait comme le pilier sur qui tout reposait, et la piètre forme affichée à son retour pouvait faire craindre le pire. Les Français tiendraient-il le choc ? Certes, un international arrive, mais il s'agit du plus controversé, Guillaume Karrer, qui était loin de faire l'unanimité au Coliséum, mais qui amène tout de même un bagage et un vécu.

C'est oublier aussi que Patrice Bellier est un élément d'expérience, peut-être mésestimé, qui déborde toujours de hargne et peut être une locomotive. Car, même sans le rude Deschamps, la défense d'Anglet, moins physique, est encore capable d'aller au combat et de jouer l'homme, à l'instar de Julien Hitze, certes parfois en retard, mais qui peut jouer sur ses qualités et mettre des boîtes. La défense se complète de Francis Ballet, attaquant polyvalent définitivement reconverti en défense dans l'effectif mulhousien champion de France qui penchait vers l'avant, de Mickaël Wiart, qui est aligné depuis plusieurs saisons avec des partenaires d'expérience et qui doit peu à peu apprendre à ne plus être seulement le "second de sa paire", et de Christophe Cantos et Thomas Molia, qui ne sont plus du tout des juniors et qui doivent prouver qu'ils ont leur place en équipe première.

Cicatriser la blessure

Compte tenu de son inexpérience, il est inévitable que cette défense connaisse des passages à vide, qu'elle se rate plus d'une fois dans ses placements. Un gardien mal protégé peut vite sombrer, on l'a vu à l'occasion avec Gabriel Bounoure l'an dernier. Tout le problème sera de gérer cette faille connue.

Or, l'Hormadi commençait la saison sans vrai premier gardien. Au départ, il devait y avoir une concurrence entre Gabriel Bounoure, dont on ne sait plus trop si son sponsor de père est un atout ou un frein pour sa carrière, et Daniel Spasic, le Suédois arrivant de Bordeaux en division 2. Malheureusement, ce dernier s'est présenté en totale méforme, au point de se voir un temps considéré n°3 en pré-saison par son entraîneur Lutaud, derrière Bounoure mais aussi derrière Benoît Sanchez, puis il s'est blessé au genou.

Clairement, l'Hormadi avait un point faible. Et c'est là que s'est présentée la formidable opportunité d'engager Eddy Ferhi. Le changement de contrat au sein des Mighty Ducks ayant ruiné ses espoirs de nouveau contrat en AHL, le gardien formé aux Français Volants revenait en Europe à un moment où la plupart des clubs avaient déjà leurs gardiens. C'était l'occasion pour lui de porter enfin le maillot de l'équipe de France lors du premier tournoi de la saison au Danemark, mais aussi de tâter le terrain... et d'apprendre la piste Anglet.

Ferhi entame une seconde carrière en cherchant à retrouver le plaisir de ses débuts après avoir subi la loi impitoyable du hockey nord-américain. Lassé des saisons à rallonge, il souhaite retrouver un contexte où chaque match compte, et cela sera le cas à Anglet. En tant que recrue providentielle, il lui sera même demandé de gagner des rencontres même quand sa défense ne sera pas dans un meilleur jour.

Car Ferhi, c'est l'élément qui change tout. Sans gardien de métier, l'Hormadi paraissait condamné à une saison de transition. Mais avec son joker, elle redevient une équipe de coups, un collectif soudé qui peut rappeler celui de 2001, non par son talent, mais au moins par son envie.

Finalement, la nouvelle politique d'Anglet, même dictée - un peu tard - par les circonstances financières, tombe peut-être à pic. Parce que c'était l'année ou jamais. Après, il aurait été trop tard pour que certains joueurs aient la possibilité de se développer. Il est parfois des impondérables salvateurs. Plus un coup de pouce du destin, avec l'arrivée d'Eddy Ferhi. Seront-ils suffisants pour sortir l'Hormadi de tous ses maux ? N'en demandons pas trop.

Marc Branchu

 

 

Départs : Filiatrault (Verdun, LNAH), Sedlak (Rouen), Duda (Épinal), Zdrahal (Havirov, TCH), Dostal (Esbjerg, DAN), Amsellem (Dijon), Deschamps (Le Havre).

Arrivées : Spasic (Bordeaux), Bellier (Angers), Karrer (Amiens), Ballet (Mulhouse), Coulombeix (Strasbourg), Dubois (Canada), Ferhi (San Diego, ECHL).

Effectif

Gardiens : Eddy Ferhi (25 ans), Gabriel Bounoure (25 ans), Daniel Spasic (SUE, 24 ans), Benoît Sanchez (21 ans), Xavier Chatelin (18 ans).

Défenseurs : Roman Marakhovsky (UKR, 27 ans), Patrice Bellier (30 ans), Guillaume Karrer (24 ans), Francis Ballet (21 ans), Mickaël Wiart (25 ans), Julien Hitze (24 ans), Thomas Molia (20 ans), Christophe Cantos (22 ans).

Attaquants : Xavier Daramy (24 ans), Michal Garbocz (POL, 32 ans), Stanislas Solaux (29 ans), Jérôme Patard (27 ans), Éric Dubois (CAN, 25 ans), Xavier Lassalle (21 ans), Nicolas Courally (24 ans), Géraud Maréchal (25 ans), Julien Aubry (26 ans), Thomas Decock (19 ans), Raphaël Larrieu (24 ans), Pierre-Hervé Coulombeix (25 ans), Julien Pousset (23 ans).

Entraîneur : Jean-Michel Lutaud.

 

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