Saint-Gervais/Megève, taillé et rafraîchi

 

Pour un promu, le Mont-Blanc a réussi une saison assez remarquable, qui ne s'est achevée qu'en quart de finale contre Grenoble, non sans combattre. Il y avait donc tout lieu d'être satisfait, mais aussitôt les rumeurs faisaient état de départs assez massifs. Deux logiques s'opposaient : l'une attachée aux valeurs locales et à la fidélité envers des joueurs importants pour la montée, l'autre estimant que l'effectif actuel devait être rafraîchi pour préparer des ambitions supérieures.

La première option avait été retenue l'an passé : l'effectif tout entier avait été conservé, avec des résultats positifs. Un an plus tard, la seconde option a prévalu et a abouti à se séparer d'un certain nombre de joueurs. La densité offensive en particulier a souffert à l'intersaison, sans les trois principaux cadres de la montée qu'étaient Fleutot, Carry et Sangiorgio.

Patrice Fleutot n'était évidemment plus tout jeune. Bien qu'il se soit bien repris en fin de saison et qu'il accomplisse toujours sa part de travail défensif, qu'il lui faille aujourd'hui quitter la Ligue Magnus à 37 ans n'a rien d'un scandale. Le cas de Romain Carry est moins évident : il n'a pas encore la trentaine, et il est un peu tôt pour sanctionner déjà une vitesse de patinage déclinante. Car il s'est surtout illustré cette saison par la précision de ses passes. C'est un vrai meneur de jeu qui a rejoint Villard-de-Lans.

Enfin, la question reste entière au sujet d'Antoine Sangiorgio : son talent sera-t-il éternellement sous-utilisé ? Ou est-ce lui qui n'arrive pas à l'exploiter ?

Renaud Tracol se sera démené sur son maigre temps de jeu pour prouver qu'il avait sa place dans l'équipe, en vain. Sa volonté n'aura pas suffi.

Faire de la place

L'argument à l'origine de ces départs est net : si on veut intégrer des espoirs, il faut bien leur libérer de la place au sein d'un effectif qui était presque pléthorique. C'est aussi pour cela que Guillaume Duclos sera réorienté vers la réserve maintenant promue en D2, en plus de prendre des responsabilités dans le hockey mineur.

Mais cette promotion des jeunes aux dépens de leurs aînés fait aussi débat dans la mesure où on a "sacrifié" certains hommes du cru pour des éléments du Pôle Espoir qui arrivent parfois de l'extérieur. C'est le cas des Franciliens Chauvière et Leglaive, que rejoint maintenant Mathias Arnaud, l'attaquant qui avait le plus de temps de jeu en fin de saison dernière à Viry.

Nul ne peut prétendre pour autant que cela ne profite pas aussi aux gamins de Saint-Gervais (intégration dans l'effectif senior de Ludovic Favret) et de Megève (titularisation confirmée de Numa Besson en défense).

Dans une région habituellement conservatrice, les changements ont quand même assez nombreux, d'autant qu'ils se sont aussi produits en dehors de la glace. Cinq des neuf membres sortants (dont Christophe Ville et le trésorier Philippe Borini) ne se sont pas représentés au sein du nouveau bureau. Et bien sûr, la dénomination du club a également été modifiée. Le nom "Mont-Blanc" aura vécu, puisque cette montagne reste identifiée à Chamonix dans l'esprit du grand public. Or, on a maintenant compris que le CHC ne se laisserait pas entraîner dans la fusion. Les clubs de Haute-Savoie sont en revanche toujours prêts à collaborer par contre pour envoyer des équipes mixtes dans le championnat suisse sous l'étiquette "Hockey 74", une coopération vue comme une expérience intéressante par toutes les parties pour aguerrir les jeunes joueurs locaux.

Le maire-adjoint de Megève, Gérard Apertet, a eu la primeur d'annoncer lors de l'assemblée général du club qu'il reprendrait le nom initial officiel d'Entente Saint-Gervais/Megève. Ce nom a le mérite de la clarté, et il prendra aussi tout son sens lorsque la patinoire de Megève rouvrira en cours de saison. Le taux de remplissage de cette enceinte spacieuse mais souvent déserte sera alors suivi avec attention.

Le difficile été des gardiens français

Contrairement à ce qui s'est passé devant, les joueurs partis derrière ont été remplacés. En premier lieu, le gardien Arnaud Goetz. Il est indéniable qu'il s'est troué plus d'une fois et que le bilan de cette saison ne plaide pas en sa faveur. Plus inquiétant par contre est de voir qu'il n'a pu retrouver qu'une place de second gardien à Tours ! Quitter une équipe qui s'enorgueillit de la place qu'elle laisse aux joueurs français pour un club qui en est l'exacte antithèse, c'est le comble. Entre un costume de titulaire trop grand pour ses épaules et une panoplie serrée et étouffante de remplaçant en D1, la vérité se situe sans doute au milieu pour un Goetz qui a été champion de division 1 il y a un peu plus d'un an. Il n'a pas été la seule victime d'un été réellement difficile pour les gardiens français. Christophe Burnet se retrouve lui aussi sur la banquette d'un promu en D1 (Bordeaux), or il s'agit quand même de deux internationaux, les seuls gardiens de moins de trente ans à avoir endossé le maillot de l'équipe de France avec Ferhi, Figved et Macrez. Leur descente en grade rend encore plus évidente la minceur de l'alternative.

Pour le Mont-Blanc, l'arrivée d'un gardien étranger amène en tout cas plus de sécurité. Timo Kinnunen (10 sélections en juniors A avec la Finlande et 8 en juniors B) a été formé au TPS Turku, mais il n'a pas pu y percer parce qu'il s'est vite fait doubler par un talent d'un an son cadet, Antero Niitymäki, élu meilleur joueur des derniers Jeux olympiques. Il a donc passé l'essentiel de sa carrière avec le TuTo Turku, le second club de la ville. La doublure restera Johan Scanff, qui a pu montrer son talent en étant envoyé avec la réserve la saison passée, mais qui arrive à un âge où il a besoin d'être testé en Magnus.

De nouvelles bases défensives

En défense, Lilian Prunet ne semble pas laisser beaucoup de regrets. Il a accumulé beaucoup trop de pénalités, et sa présence n'aurait pas été considérée comme un atout avec les normes arbitrales. On constatera cependant que c'est encore un international pas si ancien qui s'éloigne du haut niveau. Plus difficile à avaler pour les supporters, la perte de Peter Hrehorcak, surtout qu'il est retourné chez le voisin Chamonix. Propre et précis, le Slovaque a su progresser au niveau de la Ligue Magnus. Il était le véritable pilier défensif, et il ne faut pas oublier que ses onze buts en supériorité numérique (neuf en saison régulière et deux en play-offs) en ont fait tout bonnement le leader du championnat dans cette catégorie.

Pour adoucir la pilule, il fallait dénicher un remplaçant de qualité, ce qui n'est jamais facile à ce poste. Ce sera Matti Tevanen. Ce junior des Blues d'Espoo n'avait pas réussi à se faire une place dans l'effectif senior, mais il a su attendre son heure. Alors qu'il semblait voué à l'oubli, Tevanen était le capitaine du Salamat Kirkkonummi lorsque ce club aussi ambitieux qu'inconnu a attiré l'attention médiatique. C'était lui, le buteur à qui Hayley Wickenheiser a fait la passe, lorsque la star du hockey féminin a marqué le premier point d'une femme au sein d'une équipe professionnelle masculine. La différence est que Tevanen, pour sa part, n'en est pas resté à ce coup d'éclat. Il n'a pas buté sur le niveau en Mestis et a continué à progresser avec ce club. Mieux même, il a reçu un beau cadeau de Noël en fin d'année dernière. Repris à l'essai par les Blues, cinq ans après, il a réussi à convaincre qu'il s'était aguerri loin de sa ville natale et à terminer la saison en SM-liiga. Un plus sur un CV avant une première expérience à l'étranger. Sur ses références, Tevanen est l'étranger de plus haut calibre qui ait été recruté par l'Entente jusqu'ici. Il devrait faire oublier son prédécesseur pour ce qui est des tâches défensives, et il semble capable d'appuyer également l'attaque.

L'autre recrue défensive est Johann Morant, dont les rares apparitions avaient donné au public grenoblois l'envie d'en voir plus, mais qui n'a jamais vraiment obtenu la confiance de Gérald Guennelon. Ici, il pourra montrer de quoi il est capable.

Les lignes arrières compteront toujours sur l'expérience inestimable de Christian Pouget, ainsi que sur celle de Stéphane Gachet, même si ce dernier n'est pas toujours très sûr techniquement avec des petites erreurs parfois coûteuses. Il faudra cependant que les jeunes s'affirment, et on pense en particulier à l'international junior Pierre-Antoine Simonneau qui doit maintenant franchir un palier en senior.

La longueur de banc paraît suffisante à l'arrière, surtout si Florent Socquet obtient sa seconde chance. Ce joueur très rugueux mais inconstant a été confiné sur le banc presque toute la saison, mais il a obtenu de démontrer sa valeur pendant la pré-saison.

Une attaque à la chasse aux fantômes

C'est l'attaque qui pose le plus de questions. La saison dernière, après l'échec de leur compatriote Kangas, ce sont deux tout jeunes Finlandais qui ont tenté d'assumer le leadership offensif. Bien formés techniquement et physiquement, ils ont été capables malgré leur jeune âge de s'investir dans l'équipe pour l'aider dans les moments difficiles.

Mais en dépit du très grand temps de jeu qui leur a été accordé, Pirkka Lahtinen et Jani Pollari n'ont quand même pas montré un impact exceptionnel. En tout cas celui qu'on sera en droit d'attendre d'eux maintenant que les cadres offensifs ne sont plus là. C'est un sacré challenge qu'on leur demande, car l'attaque sera très tributaire d'eux.

L'autre pilier sera naturellement Sébastien Subit. Sa puissance lui a valu d'être appelé en équipe de France la saison dernière, et le temps d'un but percutant en match de préparation en Autriche, on a pu penser qu'il pourrait être la révélation. Mais durant le championnat du monde, alors qu'il était propulsé sur une ligne forte avec Maurice Rozenthal et Julien Desrosiers, il n'a finalement pas trop convaincu le staff. Il lui reste à s'affirmer sur la durée.

Difficile d'imaginer que l'attaque puisse ne s'appuyer que sur ces trois joueurs. Il sera indispensable qu'Étienne Croz, décevant l'an dernier, retrouve son meilleur niveau. Thierry Nicoud est un de ceux qui a le plus progressé pour le baptême du feu en Ligue Magnus, et on aura bien besoin qu'il confirme cette saison.

Et puisqu'il a été annoncé que la quatrième ligne doit être exclusivement constituée d'espoirs (avec Arnaud et Orset en probables candidats), espérons qu'elle puisse avoir à la fois un temps de jeu et un vrai impact. Sinon les fantômes de certains cadres trop vite partis risquent de flotter au-dessus de la glace...

Les jardiniers de Saint-Gervais/Megève ont taillé des branches mortes pour que leur plante ait une plus belle croissance, une meilleure exposition. Ils auront eu raison si les nouveaux bourgeons s'épanouissent et si dans leur empressement ils n'ont pas taillé quelques branches encore bien vives qui avaient encore de belles fleurs à donner.

Marc Branchu

 

 

Départs : Hrehorcak (Chamonix), Fleutot (Annecy), Carry (Villard-de-Lans), Goetz (Tours), Sangiorgio (Valence), Prunet (Brest), Tracol.

Arrivées : Kinnunen (TuTo Turku, FIN), Morant (Grenoble), M. Tevanen (Espoo, FIN), Arnaud (Viry).

Effectif

Gardiens : Timo Kinnunen (FIN, 27 ans), Johan Scanff (21 ans).

Défenseurs : Matti Tevanen (FIN, 28 ans), Christian Pouget (40 ans), Stéphane Gachet (32 ans), Pierre-Antoine Simonneau (20 ans), Thomas Berruex (29 ans), Johann Morant (20 ans), Florent Socquet (29 ans).

Attaquants : Pirkka Lahtinen (FIN, 22 ans), Jani Pollari (FIN, 21 ans), Sébastien Subit (28 ans), Étienne Croz (27 ans), Thierry Nicoud (29 ans), Sylvain Nicoud (29 ans), Clément Berruex (27 ans), Fabrice Leglaive (20 ans), Yohann Chauvière (19 ans), Ludovic Favret (20 ans), Mathias Arnaud (19 ans), Romain Orset (18 ans).

Entraîneur : Ari Salo (FIN, 42 ans).

 

 

Retour à la rubrique articles