Amiens joue avec le feu
Amiens doit aimer jouer avec le feu. En tout cas, les Gothiques, ou plutôt leurs dirigeants, se sont sévèrement brûlés à l'aube de cette saison. Quelques heures avant les premiers coups de crosse de la Ligue Magnus version 2006/07, le HCAS s'est retrouvé interdit de départ par la Fédération française de hockey sur glace. En cause, un dépassement estimé à 20 000 euros du plafond salarial ! Le staff a donc dû demander à ses joueurs de faire quelques efforts financiers pour que le club picard puisse se présenter sur la glace du Haras angevin, où les Gothiques ont au passage pris leur première piquette de l'année (5-2), début septembre.
Cinq buts pris en Anjou, donc, et une soirée qui continue d'empirer avec une nouvelle annonce fédérale. Amiens écope d'une pénalité sportive équivalente à un retrait de six points au classement. Il a donc fallu aux Gothiques empiler trois victoires contre Epinal, le Mont Blanc et Caen pour ne plus afficher un compteur négatif. En outre, le HCAS s'est vu infliger une pénalité financière de 100 € par jour de retard dans la transmission des pièces demandées par la Fédération, soit 5 600 €. Une somme qui vient s'ajouter à l'amende payée lors du premier passage devant la CNACG au début de l'été, un passage qui avait permis de constater le dépassement initial du plafond salarial. D'ailleurs, le club picard retrouvera la CNACG au terme de la première phase de la Ligue Magnus. Et "si les mesures prises pour mettre en conformité la masse salariale réapparaissaient sous une autre forme (prime, ...), le club serait rétrogradé en Division 3 la saison prochaine. Il en sera de même pour tout manquement aux règles de la CNACG". Amiens est prévenu et si la FFHG a pris son temps pour faire son œuvre, elle n'a fait que jouer son rôle. Maintenant, gare au prochain coup de chaleur. Si le HCAS a fait appel des sanctions décidées à son encontre, les libertés prises avec le règlement coûtent au total au club picard une somme, selon certaines sources, proche de 11 000 € !
Face à cette situation, Christophe Laboureau a décidé de démissionner de la présidence du Hockey Club Amiens Somme, un peu plus d'un an après son arrivée au pouvoir. Patrick Letellier, qui l'avait précédé aux rênes des Gothiques, redevient l'homme fort du club. L'Assemblée Générale du club l'a élu pour les trois prochaines années. Il aura pour principale mission de mettre en place "les états généraux du hockey amiénois durant lesquels l'accent sera mis sur le hockey amateur". Fin de l'épisode sportivo-administratif.
Côté glace, la saison 2005/06 des Picards a permis de redorer l'image amiénoise après un exercice plutôt morose. La première expérience de Denis Perez derrière un banc senior s'est avérée être franchement concluante. Les Gothiques ont atteint la finale de la Ligue Magnus, la troisième en quatre ans, où ils sont sans surprise tombés les crosses à la main contre une équipe de Rouen largement supérieure. Mais face à ces résultats retrouvés, le spectacle livré sur la glace a rappelé que le groupe n'était pas encore totalement guéri. Si bien des équipes envient la solidité défensive picarde et la volonté des Gothiques lors des séries éliminatoires, l'efficacité offensive laisse encore à désirer. Certes, les blessures n'ont pas épargné l'équipe. Mais les Gothiques n'ont terminé le précédent exercice qu'avec la sixième meilleure attaque de la Ligue, un rang indigne d'une équipe qui rêve d'un troisième titre national. Les habitués du Coliséum s'attendaient donc à un profond changement de l'alignement offensif. Las, c'est tout le contraire qui s'est produit.
La défense : retour vers le futur ?
C'est devant la cage que la révolution a eu lieu. Après douze longues saisons de bons et loyaux services, Antoine Mindjimba s'est vu refuser un nouveau contrat. À 39 ans, le mythique cerbère amiénois n'était pas encore prêt à prendre sa retraite sportive et se voyait bien prolonger son bail pour une nouvelle (et dernière ?) saison. Mais souhaitant partir sur un nouveau cycle, le staff a pris la décision de ne pas proposer un nouveau contrat un numéro 31, un numéro maintenant retiré et suspendu au plafond du Coliséum. Difficile de connaître les détails de cette séparation. Si le différend semble aujourd'hui s'être aplani, les premiers temps ont viré au divorce houleux.
Quoi qu'il en soit, Amiens s'est vite mis en quête d'un nouveau dernier rempart. Longtemps, la rumeur a annoncé sur les bords de Somme la venue d'Eddy Ferhi. Et il semble bien que les dirigeants picards, soucieux de poursuivre dans la tradition des gardiens français, aient fait dans un premier temps de l'Angloy une priorité. Finalement jugée trop onéreuse, la piste Ferhi est abandonnée. Ramon Sopko, récent champion de France avec Rouen, aurait lui aussi été contacté. L'idée de retrouver les anciens Tourangeaux Pulscak et Sadoun et son compatriote Pazak semblait même séduire le Dragon. Aujourd'hui, le Slovaque évolue toujours sur l'île Lacroix, avec un salaire réévalué.
C'est donc avec Éric Raymond qu'Amiens finit par faire affaire. Pour la plupart des partisans Gothiques, le Québécois reste l'homme clé de la finale 2003, perdue par les Picards contre Rouen. Mais depuis, Raymond a connu une saison galère en Allemagne, à Essen. Du coup, son arrivée a beaucoup fait parler au Coliséum. Que vaut vraiment Éric Raymond ? Peut-il être l'homme du renouveau souhaité et recherché par les Gothiques ? Quelques semaines après la reprise du championnat, force est de constater que le Canadien n'a pas vraiment répondu aux attentes. Certes, il est encore capable du meilleur, comme lors du déplacement des Picards à Anglet où Raymond a rapporté son premier blanchissage de la saison. Mais il a aussi dû se contenter du rôle de remplaçant lors des chocs face aux rivaux Grenoble et Rouen. Il n'en reste pas moins que l'ancien Rouennais est réputé pour être un homme décisif en playoffs. Il est donc encore un peu tôt pour tirer un bilan de son année amiénoise.
En attendant, juste derrière Éric Raymond, Amiens prépare l'avenir. Car avec Henri-Corentin Buysse, les Gothiques tiennent un jeune homme plein de talent. À seulement 18 ans, Buysse, né et formé à Amiens, revient d'une année passée au Canada, aux Rattlers de Toronto. Sans expérience senior en début de saison, il s'est pourtant vite vu propulsé sur le devant de la glace par son entraîneur. Et dans des matches à pression qui plus est, contre Grenoble et Rouen. Les deux fois, le jeune homme, élève d'Antoine Mindjimba, s'est montré digne des tâches qui lui étaient confiées. Face à cette situation, Denis Perez a décidé de mettre en concurrence ses deux gardiens. Pas de titulaire ni de remplaçant, juste deux joueurs capables d'évoluer au plus haut niveau. Une première à Amiens depuis bien longtemps.
Pour épauler ses deux gardiens, Amiens a largement remanié sa défense. Sébastien Dermigny, première recrue de l'année passée, n'a pas été reconduit. Arrivé avec la réputation d'avoir un énorme shoot, l'ancien pensionnaire du championnat helvétique a bouclé la saison sans le moindre point au compteur. Il a trouvé refuge à Briançon. Nicolas Pousset aurait bien reconduit son bail à Amiens après une belle saison avec le maillot des Gothiques sur le dos. Mais fatigué d'attendre une proposition, le défenseur au grand gabarit s'est finalement engagé avec Morzine. Peter Janik n'est jamais vraiment parvenu à faire son trou au Coliséum. Loin des attentes placées dans un renfort étranger, le Slovaque n'a logiquement pas été conservé dans l'effectif. Il a depuis traversé la Manche et l'Angleterre pour évoluer désormais à Édimbourg.
Pour remplacer ces trois titulaires, Amiens a commencé par faire signer le jeune Benjamin Dieude-Fauvel. Formé à Bordeaux, ce défenseur âgé de 20 ans est déjà passé par Amiens. Après quelques apparitions prometteuses sous le maillot des Gothiques en 2004/05, il est ensuite parti en quête de temps de jeu vers Mulhouse avant que le crash alsacien ne le renvoie vers Chamonix. Avec les Chamois, il a essuyé à peu près le banc de toutes les prisons que compte la Ligue Magnus. Depuis, le jeune homme semble s'être calmé et avoir gagné en présence offensive. Son expérience acquise en Haute-Savoie joue en sa faveur et Dieude-Fauvel appartient maintenant aux titulaires réguliers de la défense picarde.
À ce retour s'ajoute l'arrivée de deux recrues nord-américaines, tendant à doter une brigade défensive habituellement tricolore d'un accent québécois. Repêché par le Canadien en 2000, Jonathan Gauthier a bourlingué au sein de l'East Coast Hockey League, avant de regagner la Belle-Province, du côté de Laval et Verdun. Le match "amical" joué face aux Dragons rouennais au Coliséum s'est d'ailleurs terminé par une sévère explication avec un certain Marc-André Thinel... Nullement intimidé, et de plus doté d'un lancer puissant et précis (utile pour une équipe parfois en mal d'offensive...), le natif de Baie-Comeau a rapidement été adopté par le public amiénois. L'ancien pensionnaire de la LHJMQ Jean-Philippe Glaude rejoint la capitale picarde pour sa première expérience à l'étranger. S'il ne présente pas le vécu de son compatriote, il n'en demeure pas moins une recrue utile. En apparence plus discret, son apport sera d'importance car axé avant tout sur le plan purement défensif.
Joueur de devoir, l'ancien Tourangeau Frantisek Pulscak n'a pas tardé à trouver ses marques dans le groupe gothique malgré une association avec plusieurs partenaires différents à mesure que la saison s'avançait. C'est finalement avec Thomas Roussel qu'il forma une paire efficace en fin de saison, jouant un rôle de mentor pour la jeune pousse issue du centre de formation. Les deux hommes auront un rôle important cette saison. Plus aléatoire sera le rôle de Mathieu Jestin, habitué aux allers-retours avec une équipe de division 2 aujourd'hui disparue. Cyril Boubé semble voué au même sort.
L'attaque : on prend (presque) les mêmes...
Venu de Tours avec Frantisek Pulscak, Loïc Sadoun s'est parfaitement fondu dans le moule gothique. Désireux de rejoindre la capitale picarde, son intégration fut rapide. Il fut même le seul Amiénois à se frayer une place dans le top 20 des pointeurs, tout en faisant preuve d'un altruisme et d'une combativité appréciées ; chez les partisans, la seule interrogation à son égard tient à sa non-sélection en équipe de France.
Certains craignaient que Miroslav Pazak ne pourrait rééditer sous le maillot rouge et noir ses exploits bourguignons. Le Slovaque a rassuré tout son monde, par certaines actions de classe et des buts décisifs, notamment devant Grenoble en demi-finale. Car si ses statistiques en saison régulière ont connu une baisse, sa moyenne d'un but par match en playoffs a remis les pendules à l'heure.
Les deux recrues de l'an dernier devraient demeurer les fers de lance de l'attaque gothique, à condition de rester en santé. Ce qui n'a pas été le cas des autres éléments offensifs de la formation de Denis Perez. François Rozenthal a connu des pépins physiques au cours de la phase régulière, mais ses prestations en séries et aux championnats du monde à domicile augurent d'une volonté de repartir du bon pied.
Le précieux Laurent Gras, souvent décisif, comme en témoigne le retournement de situation devant Épinal, et capable d'accélérer le jeu, est fidèle au poste, tout comme Brice Chauvel et le capitaine Anthony Mortas, chargés d'épauler la fusée Pazak. Néanmoins, pour le second, l'exercice 2006-2007 devrait venir ponctuer une belle carrière.
Les frères Marcos répondent comme toujours présent. Le polyvalent et robuste Julian a même été récompensé du maillot bleu en fin de saison, alors qu'Élie connut des playoffs réussis, faisant du chouchou du public un prétendant à la sélection. Cette réussite qui a fui Jonathan Zwikel, dont la saison a été écourtée par une lésion à la cheville. C'est donc de la tribune de presse qu'il a suivi les performances des siens, essayant même un retour inespéré au cours du dernier match, celui du sacre rouennais. Nul doute que les Pingouins de Morzine-Avoriaz apprécieront notamment son efficacité sur les mises au jeu... dont il a su faire preuve au cours de deux retours au Coliseum en octobre.
La seule recrue offensive a pour nom Rob Millar. L'ancien Diable (noir puis rouge) espère se relancer à Amiens. La présence de son ancien compère Loïc Sadoun pourrait l'aide à retrouver sa moyenne d'un but par match au cours des séries 2005. Pour compléter l'escouade offensive, et faire monter plus souvent une quatrième ligne, les jeunes pousses ont également leur mot à dire. Régulièrement appelé depuis la saison du dernier sacre, Simon Petit est désormais un habitué du groupe. Comme Jean-Édouard Petigny la saison précédente, Lionel Wiotte semble le plus à même de s'y faire une place après avoir connu le banc le plus souvent. D'autant plus que Julien Lefranc est parti chercher au Vésinet un temps de glace plus conséquent, tout comme Christopher Teixeira-Leite à Anglet. Nicolas Primout et Geoffrey Paillet partent de plus loin mais la saison est longue.
Les principaux changements opérés chez le vice-champion l'ont donc été en défense. De la forme d'Éric Raymond devant le filet dépendra en grande partie le sort de l'équipe. S'il retrouve l'efficacité qui fut la sienne trois saisons auparavant, quelques espoirs sont permis. Mais le recrutement de leurs principaux adversaires, notamment sur le plan offensif, couplé à un déficit de points quasi-synonyme de désavantage de la glace en séries, rendent a priori difficilement envisageable un retour en finale. Aux hommes de Denis Pérez de prouver l'inverse...
Josselin Giret et Mathieu Hernaz
Départs : Sébastien Dermigny (Briançon), Arnaud Grossemy (Écureuils d'Amiens, roller hockey), Peter Janik (Édimbourg, GBR), Julien Lefranc (Le Vésinet), Julien Maréchal (Gap), Nicolas Pousset (Morzine-Avoriaz), Christopher Teixera-Leite (Anglet), Jonathan Zwikel (Morzine-Avoriaz), Antoine Mindjimba (arrêt), Jérôme Plumejeau.
Arrivées : Benjamin Dieude-Fauvel (Chamonix), Jonathan Gauthier (Dragons de Verdun, LNAH), Jean-Philippe Glaude (Caron & Guay de Trois-Rivières, LNAH), Nicolas Husarek (Courbevoie), Robert Millar (Briançon), Éric Raymond (ESC Moskitos Essen, Allemagne).
Effectif
Gardiens : Éric Raymond (CAN, 34 ans), Henri-Corentin Buysse (18 ans), Nicolas Husarek (20 ans).
Défenseurs : Vincent Bachet (28 ans), Jonathan Gauthier (26 ans, CAN), Jean-Philippe Glaude (25 ans, CAN), Frantisek Pulscak (SVK, 34 ans), Thomas Roussel (21 ans), Benjamin Dieude-Fauvel (20 ans), Mathieu Jestin (23 ans), Cyril Boubé (20 ans).
Attaquants : François Rozenthal (31 ans), Loïc Sadoun (29 ans), Miroslav Pazak (SVK, 30 ans), Laurent Gras (30 ans), Anthony Mortas (32 ans), Robert Millar (CAN, 30 ans), Brice Chauvel (27 ans), Julian Marcos (27 ans), Elie Marcos (23 ans), Simon Petit (23 ans), Geoffrey Paillet (20 ans), Jean-Édouard Petigny (20 ans), Lionel Wiotte (21 ans), Nicolas Primout (19 ans), Yannick Offret (19 ans).
Entraîneur : Denis Perez (41 ans).