Anglet, les rengaines finissent par lasser

 

Les premières journées de championnat n'ont fait que confirmer une chose : l'Hormadi est toujours cette équipe imprévisible capable de faire match nul chez le favori du championnat, puis de se faire blanchir deux fois à domicile face à des adversaires supposés jouer le maintien. Les Basques ne sont jamais aussi forts que quand on les enterre et quand on croit plus en eux. Mais quand le ressort est cassé, ils sont méconnaissables et bafouillent leur hockey.

C'est la norme dans une équipe construite, peut-être plus que toute autre dans le championnat, sur l'envie. Car Anglet n'a pas de stars, ou du moins n'en a plus vraiment. Le gardien Eddy Ferhi pouvait prétendre à ce titre. Il est clair que son arrivée la saison passée a transformé l'équipe, en lui donnant un gardien titulaire de haut niveau, et en la rendant ainsi capable des plus grands exploits. Mais si l'Hormadi lui a permis de reposer le pied en Europe, il est clair qu'un joueur de son calibre ne pouvait rester longtemps. Il a vite été convoité par les gros clubs du championnat, et si ses exigences financières ont été jugées trop élevées par Amiens, il a finalement prolongé la tradition des gardiens français chez les Brûleurs de Loups. Grenoble, c'est également la destination où est annoncé chaque été Xavier Daramy. Mais le Basque a choisi une autre orientation à sa carrière, privilégiant sa reconversion professionnelle. Il a perdu son statut d'international, car le sélectionneur, ayant assez de joueurs techniques, n'estimait pas avoir besoin d'un "autre Rozenthal", et il n'est plus vraiment une star du hockey français. Il est en revanche un inestimable capitaine, le point d'ancrage de son équipe, prêt à finir sur les rotules tellement il est utilisé, et c'est tout ce qu'on lui demande à Anglet. Le troisième candidat au statut de vedette, Michal Garbocz, a vu son étoile pâlir. Le Polonais est moins rapide qu'autrefois, moins saignant dans la conquête du palet. Il demeure un bon joueur, mais n'est plus un élément dominant du championnat.

Pourtant, il restait un international français, Guillaume Karrer... mais il s'est fait virer ! Car les premières sorties ratées à La Barre ont complètement empoisonné l'atmosphère. Les défaites ont été jugées intolérables vis-à-vis de l'environnement de l'Hormadi, du public, des sponsors... Et au lieu de maintenir une certaine confiance à un groupe qui avait quand même ramené un point de l'île Lacroix, on l'a brisé. Dans un vestiaire qui fonctionne normalement sur la cohésion, la manœuvre était plus qu'osée. Viré, Karrer, le fauteur de troubles, parlant trop fort, se rebellant contre des mesures d'économies que les dirigeants voulaient imposer en force. Viré aussi, Olivier Maltais, fusible idéal du fait de son passeport canadien.

La mise à l'écart de ce dernier a été accompagnée d'une rengaine déjà entendue : on privilégie les "joueurs locaux" aux "mercenaires" à niveau égal. Mais quels joueurs locaux ? Ce n'est pas comme s'il y avait un heureux bénéficiaire en mal de temps de jeu. Ce genre d'arguments avait un fondement l'an passé, quand l'attaque était fournie, il n'en a plus après les départs de Julien Aubry (non conservé) et de Raphaël Larrieu (raisons professionnelles), et après la retraite de Stanislas Solaux (qui a juste fait une pige d'un match pour aider ses camarades mal en point). Pour ne rien arranger, Julien Mauget, qui devait arriver de Strasbourg, a pris congé juste avant le début de championnat, pensant à sa reconversion après s'être vu offrir une passe de steward chez Air France à Paris. Puis, lors du premier match après l'éviction de Karrer et Maltais, la débâcle 11-0 à Grenoble, Xavier Lassalle a perdu ses nerfs dans une charge dangereuse à la tête de Millerioux. Il a été substitué alors par Maxime Lutaud, le fils de l'entraîneur Jean-Michel Lutaud, mais celui-ci sait pertinemment que ce n'est pas une solution durable. Lassalle a écopé de six matches ferme plus trois avec sursis, et voilà Lutaud contraint de tourner essentiellement à deux lignes pendant tout le mois d'octobre, usant physiquement un groupe déjà usé moralement.

Le seul jeune qui ait pu vraiment profiter de ce contexte, c'est Christopher Teixeira, qui a marqué son premier but en Ligue Magnus pendant ce mois à effectif réduit. Mais il s'agit d'un attaquant formé à Amiens et arrivé à l'intersaison.

Car pour ce qui est des joueurs locaux, y a-t-il vraiment de nouveaux juniors à intégrer à une époque où les équipes de jeunes angloyes ont moins de résultats qu'autrefois ? L'Hormadi n'a-t-il pas pris le problème à l'envers, déclarant faire confiance aux jeunes aujourd'hui alors que cela n'avait pas toujours été fait quand ceux-ci étaient plus nombreux et plus talentueux ? Le pôle espoir du lycée Cassin n'existe plus depuis un an, et les espoirs et les cadets sont aujourd'hui contraints de s'associer avec Bordeaux par manque d'effectif.

Trois juniors, Xavier Cazaubon, Tristan Larbaigt et Maxime Lutaud, avaient été alignés en pré-saison contre Tours et Limoges en récompense de leur bon comportement durant le camp. Leur coach avouait alors sans ambages qu'ils étaient encore un peu tendres et qu'ils n'intègreraient pleinement l'équipe que l'an prochain. De ces trois-là, Larbaigt, ancien membre des équipes de France 16 ans et 18 ans, est sans doute le plus apte. Il arrive à un âge où il devient nécessaire qu'il s'aguerrisse en élite. Mais Anglet est-il en position de lui donner cette possibilité alors qu'il y a urgence défensive à chaque match, Karrer n'ayant pas été remplacé ? Le coach a pris une autre décision : en cas de besoin, il préfère faire reculer en défense son centre Jean-Michel Larroque. Celui qui n'aurait jamais pensé partir de son pays avait fait partie de ceux qui avaient claqué la porte à l'époque du clash avec Gordovil et avait trouvé refuge à Mulhouse. Revenu au Pays basque via les Artzak, l'équipe d'Anglet de roller-hockey, le vétéran est finalement revenu à la glace, et il a fait son grand retour à l'Hormadi, où son métier peut être utile à tous les postes.

On peine à croire qu'il y a une politique de jeunes concertée à Anglet et pas simplement un discours pratique de circonstance. La vérité est qu'Anglet n'a pas les moyens de se payer mieux. Avec une masse salariale "brute" d'environ 350000 euros, comment en serait-il autrement ? Les mots prononcés par le président Grégoire Delage à la présentation officielle de l'équipe ont une drôle de résonance : "On a un petit budget certes, mais nous préférons le partager entre tout le monde. Que chacun puisse s'y retrouver, plutôt que de recruter des grosses pointures du hockey, très chères." Un mois plus tard, il s'agissait plutôt de partager moins entre moins de monde...

Le terme "grosse pointure" a une signification assez limitée à Anglet. Par exemple, Dominic Léveillé. Il a beau avoir montré ses limites à Rouen, il était déjà trop cher pour l'Hormadi, qui essaie depuis deux ans d'attirer l'ancien compagnon de ligne de Daramy en junior chez les Panthères de Saint-Jérôme.

On avait donc recruté Olivier Maltais, crédité d'un peu moins d'un point par match en CHL puis en LNAH. On l'a affublé de l'étiquette de "buteur", et on a feint de s'étonner ensuite qu'il n'ait pas eu le rendement attendu. Bref, exactement le même scénario que pour son prédécesseur de la saison dernière Éric Dubois. Les dirigeants tiennent exactement la même rengaine, prévisible d'avance.

Tout ça pour recruter comme joker Sylvain Favreau juste avant la date limite. Un homme qui n'avait pas réussi à convaincre en début de saison à Peissenberg (Bayernliga, 4e niveau allemand). Bien sûr, Favreau a contribué à faire monter Strasbourg en Ligue Magnus... mais Maltais avait fait de même avec Morzine-Avoriaz il y a trois ans. À qui ferait-on croire qu'on a gagné au change ? On a juste économisé un mois et demi de salaire de renfort étranger dans l'intervalle, mais le coût d'un vestiaire plombé et d'un classement catastrophique paraît déjà plus important.

Être qualifié de "mercenaires" est sûrement très plaisant quand on un étranger grassement payé de LNA suisse et que c'est le vocable consacré dans le vocabulaire local. Mais quand ce mot est utilisé par un président de club uniquement quand il s'agit de virer un joueur, bizarrement, on comprend que cela sonne moins bien aux oreilles de l'intéressé. Surtout quand il ne l'a pas entendu à son arrivée, où il était immanquablement qualifié de "renfort intéressant" ou d'une amabilité dans le genre. Ce double langage trompe-t-il encore quelqu'un ?

La situation n'est vraiment pas facile pour les nouveaux arrivants, qui n'imaginaient sûrement pas débarquer dans un tel nid de guêpes. Julien Figved, dont on sait qu'il lâche pas mal de rebonds, a besoin d'une défense solide pour les écarter. Or, Sébastien Rousselin se trouve un peu seul pour faire le ménage maintenant que Karrer n'est plus là. Le petit défenseur offensif Dave Grenier régalait le public de D1 de ses montées offensives avec Strasbourg, et il a fait étalage de son talent dans les matches amicaux, mais dans un contexte de survie en Magnus, pourra-t-il en faire autant ? N'a-t-on pas besoin de plus de fiabilité défensive ?

Les décisions à l'emporte-pièce des dirigeants risquent-elles de ruiner la saison avant même qu'elle n'ait commencé ? Les joueurs de l'Hormadi auront besoin d'une sacrée force de caractère pour sauver ce qui peut l'être. Mais n'a-t-on pas dit en introduction que c'est quand on les attend le moins que... ?

Marc Branchu

 

 

Départs : Ferhi (Grenoble), Bounoure (Brest), Aubry (Dijon), Ballet (Caen), Marakhovski (Neman Grodno, BLR), Larrieu (Bordeaux), Dubois.

Arrivées : Grenier (Strasbourg), Rousselin (Dijon), Maltais (Saint-Georges, LNAH), Figved (Angers), Larroque (roller-hockey), Favreau (Peissenberg, ALL).

Effectif

Gardiens : Julien Figved (26 ans), Benoît Sanchez (22 ans), Xavier Chatelin (19 ans).

Défenseurs : Dave Grenier (CAN, 23 ans), Sébastien Rousselin (24 ans), Patrice Bellier (31 ans), Guillaume Karrer* (25 ans), Mickaël Wiart (26 ans), Julien Hitze (25 ans), Thomas Molia (21 ans), Christophe Cantos (23 ans), Tristan Labraigt (19 ans).

Attaquants : Xavier Daramy (25 ans), Michal Garbocz (POL, 33 ans), Olivier Maltais* (CAN, 25 ans), Sylvain Favreau** (CAN, 28 ans), Jérôme Patard (28 ans), Xavier Lassalle (22 ans), Nicolas Courally (25 ans), Géraud Maréchal (26 ans), Thomas Decock (20 ans), Jean-Michel Larroque (31 ans), Pierre-Hervé Coulombeix (26 ans), Maxime Lutaud (18 ans), Xavier Cazaubon (19 ans).

Entraîneur : Jean-Michel Lutaud (43 ans).

* virés fin septembre et engagés par Dijon / ** joker de novembre

 

Retour à la rubrique articles