Dijon, sonné mais pas vaincu

 

Comme chacun sait, l'amorce de cette campagne dijonnaise 2006/07 a été mouvementée sur la glace, autour et même en dessous si l'on inclut les problèmes techniques survenus à la mi-octobre Boulevard Trimolet.

Le président Claude Brigand a toujours porté le club à bout de bras, des comptes au matériel. La dernière assemblée générale a été, tourmente oblige, très courue. Hélas les précédentes l'étaient beaucoup moins. D'aucun imputent cette désaffection à l'attitude de Brigand, dont le nécessaire leadership se serait ankylosé et mâtiné d'autoritarisme au fil des ans.

Vis-à-vis de l'extérieur, la communication n'a pas toujours été optimale (maillots rapiécés, promotion limitée des rencontres...). D'anciens joueurs exprimaient de façon à peine voilée cette fracture entre eux et un dirigeant qui avait fini par s'enfermer dans des réflexes datés. À défaut d'être jugulées par ce président esseulé, les aspirations de quelques bénévoles ou supporters gravitant autour du club finissaient par s'incarner d'une manière trop discordante pour une structure avançant sur la voie du succès. Mais finalement, grâce à la hargne de l'entraîneur et à un effectif largement slovaquisé, la saison s'est terminée de façon très favorable, éclipsant pour un temps la controverse.

En fait, plus que ces mouvements d'humeur larvés, c'est le couperet fédéral qui s'est chargé de secouer Claude Brigand. Une fois épuisées les rebuffades de rigueur, le CPHD a fait amende honorable, courbant l'échine afin de réintégrer in extremis l'élite nationale.

Malgré ces turpitudes, et leurs conséquences sur le collectif bourguignon (rejet des trois derniers transferts internationaux du club et perte de 9 points pour le report des premiers matches causé par la certification tardive des comptes), on est frappé par la tenue respectable de l'équipe première. C'est d'autant plus étonnant que, nonobstant cette gestion délétère, les Ducs avaient fait des choix sportifs pour le moins dangereux durant le printemps.

À force de trop tirer sur la ficelle slovaque, la seule qui permette de trouver des talents honorables et conciliants par rapport aux infrastructures du club, on craignait de voir Dijon piquer du nez. La pré-saison a été émaillée de résultats tout à fait lamentables, et des joueurs tels que Milos Stranovsky, son frère Michal, Tomas Stano ou encore Lukas Cvejn n'ont guère séduit au fil de leur éphémère séjour.

Pourtant, après sa rédemption administrative, un bricolage d'urgence à base de transfuges d'Anglet, quelques modifications de trio en conséquence, sans oublier les éternelles gueulantes signées Maric, Dijon est là. Pas aussi fort que l'an dernier, comme en attestent la réception manquée d'Anglet et une défense de Coupe mal négociée, mais suffisamment pour prendre de bons points ailleurs.

Revue d'un effectif qui a plus de ressources qu'il n'y paraît.

Miro, Erik et les autres...

En premier lieu, le président Brigand s'est attelé à conserver ses vedettes offensives. La paire composée de Miroslav Kristin et Erik Bochna reste en Bourgogne au grand soulagement des amateurs. Doué techniquement, toujours à l'affût, habitué de la sélection slovaque chez les jeunes, Kristin est la locomotive offensive de l'équipe. Erik Bochna est un peu plus prévisible sur la glace, et avait connu de gros problèmes de motivation à Dunkerque. Son expérience dijonnaise s'est, jusqu'ici, beaucoup mieux déroulée. Aujourd'hui, il est de nouveau mis à l'épreuve, dans une équipe que tout a accablé pendant l'été, et qui ne pourra tolérer aucune faiblesse de ses cadres si elle veut effacer le retard résultant de ses problèmes avec la fédération. Heureusement, Bochna sera moins isolé que chez les Corsaires. Son entente avec Kristin est éprouvée, et les deux hommes ont déjà sauvé les meubles plus d'une fois cette année.

Peter Jasik était sûrement le plus gros point d'interrogation du recrutement bourguignon. Son parcours domestique incitait à un optimisme tempéré, tandis que ses expériences tchèque et finlandaise s'étaient révélées peu concluantes. Jasik a passé la saison 2005/06 à Nové Zamky, club slovaque en quête de reconnaissance, alors engagé dans un championnat hongrois des plus disparates. Néanmoins il faut lui rendre crédit, car ce petit joueur a su répondre présent, et son patinage fluide lui a permis de figurer très honnêtement sur le second trio des Ducs.

Les débuts dijonnais d'Olivier Maltais, dernier qualifié parmi les répudiés d'Anglet, ont été marqués par une relative réussite. Cependant le Québécois n'a pas particulièrement pesé sur le jeu, et certains décrivent déjà le joueur laborieux connu sous d'autres cieux. Ses contributions offensives, placées sous le signe de l'opportunisme, restent ponctuelles et centrées sur le jeu de puissance. Il est vrai que Maltais n'a pas spécialement l'habitude de gâter les foules. Après une carrière junior partagée entre Majeur et AAA, il a bourlingué de ci de là. On l'a vu dans le désormais mythique Semi-Pro, ainsi qu'en D1 où il a joué les seconds rôles dans la promotion morzinoise. L'attaquant originaire de Saint-Bruno a quand même trouvé le moyen d'ajouter un semblant de prestige à son CV, avec une sélection au All-Star Game de la CHL (une ligue pro d'entrée de gamme) en 2005. Mais à part la demi-saison précédant cet honneur, il n'y pas grand chose à retenir de sa carrière.

Coté tricolore, l'Île-de-France tient toujours le haut du pavé. Le fidèle Stephen Dugas, produit de l'OHC Viry doté d'un bon gabarit, dispute sa cinquième saison au sein du CPHD, tout en se ménageant un parcours professionnel dans l'immobilier. Les mutations puis la franche montée en gamme de son équipe ont coïncidé avec un léger tassement, somme toute excusable, de son rendement. Mettre à profit la période ambiguë traversée par le club pour réaffirmer toutes ses prérogatives n'est pas chose aisée, comme en atteste une récolte passablement timide. Quoiqu'il en soit, Dugas demeure un élément solide dans une formation de cette envergure. Martin Jeannette, autre Castelvirois, a pris du galon. Pour sa seconde saison en Côte d'Or, il a l'agréable responsabilité d'épauler Kristin et Bochna.

Le Boulonnais Antoine Amsellem entame lui aussi sa seconde campagne sous le maillot dijonnais, mais dans un rôle qui devrait être sensiblement égal à celui qu'il occupait l'an dernier : celui du joueur d'énergie. Son complice Julien Aubry, bourlingueur formé à Athis-Paray, est l'oublié du "transfert groupé" Anglet-Dijon. Il faut dire que celui-ci n'a pas vraiment tiré son épingle du jeu dans le contexte toujours particulier d'Anglet, et présente des références comptables proches du néant. Heureusement, il bénéficie d'une réputation sensiblement plus clémente. Ce joueur sympathique, bien que prototypique du petit attaquant français patineur et un peu malingre, aura-t-il la possibilité de rebondir au plus haut niveau français ?

Le rude Puydômois William Mouly, ancien compère de Jeannette chez les Sangliers Arvernes, a rejoint ce dernier en Bourgogne, mais reste en stand-by. Malgré un honnête intermède 2005/06 chez les Mosellans d'Amnéville, il doit encore faire ses preuves auprès de Daniel Maric. Pour l'instant, ses présences en match sont surtout le fait des contingences rencontrées par l'entraîneur.

Anthony Guttig est lui un Dijonnais de souche. Il s'était expatrié à Reims voilà deux saisons pour profiter d'un mineur un peu plus structuré, et signe un retour remarqué. Son ascension, probablement précipitée par les problèmes d'effectif du CPHD, s'avère plutôt encourageante. Le temps de glace est, il est vrai, au rendez-vous.

Yassine Fahas est un autre jeune local (natif de Chenôve) qui tentera de glaner un peu plus d'expérience. Hélas son immersion dans le hockey a été très tardive, contrairement à celle de Guttig qui est issu du sérail et a débuté tout petit sur les traces de son père et de son oncle. En conséquence, son parcours est moins concluant, et pareil retard sera difficile à combler en Ligue Magnus. Fahas a déjà reçu une belle récompense en vivant de l'intérieur l'épopée de Méribel, mais son avenir avec l'équipe senior n'est pas assuré.

Une défense mise à l'épreuve

L'arrière-garde dijonnaise est naturellement amputée de Milan Tekel, révélé par l'organisation avant de partir faire valoir ses talents de pur défenseur offensif à Briançon.

Les Ducs ont néanmoins pioché une carte porteuse d'espoir en la personne de Ladislav Gabris, façonné - comme Peter Jasik - à l'école du Dukla Trencin, club de tradition militaire et pépinière de vedettes. Malgré son gabarit le prédisposant à une certaine mobilité et son pedigree engageant, Gabris a subi les aléas d'un hockey slovaque très hétérogène où il est parfois difficile de s'établir à la ligne bleue. Il n'a jamais apporté une force de frappe régulière à l'offensive, et son début de saison à Dijon ne semble pas infirmer cette tendance, d'autant que l'équipe ne peut se permettre de grandes fantaisies. Toutefois, son jeu pourrait bien se libérer au contact de la LM, comme celui de nombreux compatriotes avant lui. Son inévitable implication sur les supériorités numériques va dans ce sens.

À l'heure actuelle, le flambeau de Milan Tekel est porté par Andrej Mrena. Son CV n'est pas nécessairement plus étoffé que celui de Gabris, mais sa découverte de la Ligue Magnus ne s'est pas faite à moitié (une première saison au four et au moulin avec Clermont), et il a continué sur cette lancée pour acquérir une dimension appréciable. Très logiquement, c'est lui qui entraînera la patrouille bourguignonne dans son sillage, tout en appuyant judicieusement l'offensive. Mrena prend également la suite de Tekel au titre de capitaine des Ducs.

Un troisième Slovaque, Juraj Senko, fait son apparition. Il affiche un gabarit satisfaisant et des références intéressantes dans les rangs mineurs, mais son bagage professionnel est limité du fait de son âge (tout juste 22 ans). Il s'illustre d'ailleurs dans un registre plus prudent que ses deux compatriotes mentionnés précédemment.

Quant aux Français, bien que leurs histoires soient différentes et qu'un profil se détache de fait, aucun ne reste sur une saison référence.

Commençons par deux retours attendus. Le massif Aymeric Gillet, Meudonnais d'origine qui a connu un certain revers de fortune depuis ses essais en équipe de France senior, doit prouver qu'il peut offrir de véritables garanties.

Kevin Dugas représente un cas à part. Moins imposant que Stephen, cet attaquant de formation a succédé à son aîné chez les Bleuets avant d'entamer tranquillement une carrière en D2. Enfin, à l'été 2005, il a lui aussi embrassé l'étendard bleu et or. Considérant l'impact auquel sa recrue pouvait prétendre en Ligue Magnus et les lacunes de son banc, Maric a choisi de l'utiliser en défense - un domaine dans lequel il n'avait pourtant aucune expérience préalable. Le technicien ne pouvant miser que sur cinq défenseurs purs, l'expérience a été reconduite à de multiples reprises depuis le début de la nouvelle campagne, même si quelques apparitions en attaque continuent d'agrémenter le programme du jeune homme.

À la ligne bleue comme ailleurs, Dijon a dû revoir ses prétentions et faire confiance à une main d'œuvre non planifiée, ce qui lui vaut en l'espèce d'accueillir un invité de marque. La venue de Guillaume Karrer, puisque c'est de lui dont il s'agit, peut être perçue comme une aubaine, mais elle est avant tout symptomatique d'un club qui n'a pas son destin entre ses mains.

Il y a en effet une touche d'ironie, qui réjouira les détracteurs de l'intransigeant Daniel Maric, dans cette signature. À l'intersaison le coach isérois a perdu son "fils préféré" Sébastien Rousselin, qu'il aurait volontiers vu en équipe de France, pour Anglet. Ce départ d'un joueur apprécié vers une équipe en récession n'a pas manqué de surprendre, y compris au CPHD. A contrario, en raison d'un management sans nuance de la part des Basques, Guillaume Karrer s'est retrouvé libre fin septembre. Maric, à qui la FFHG venait de refuser la licence de Lukas Martinka sous un motif fallacieux, n'a eu d'autre choix que de se rabattre sur l'international de 25 ans. Or à la base, Karrer était très loin de figurer sur ses tablettes. Mais il doit aujourd'hui s'en accommoder. Il est vrai que le Parisien a connu une carrière décevante depuis son arrivée chez les professionnels. Même le soutien de prestige accordé par Dave Henderson pourrait, à terme, être remis en cause.

Confiance devant le filet

Le gardien Vladimir Hiadlovsky, plutôt fantasque durant ses années tourangelles (et toujours partant pour quelques frasques lorsque l'ambiance s'y prête), s'est imposé comme un titulaire crédible en Magnus. Sans aller jusqu'à décrire son style comme académique, on peut dire qu'il a contribué de belle manière aux surprenants résultats des Ducs, notamment lors de leur fameux run en Coupe de France.

Son suppléant, le Clermontois Fabien Chardon, n'est pas de très haut niveau. Ce portier peu athlétique n'a jamais relevé le gant lorsque l'occasion lui en a été donnée dans son Auvergne natale. Il serait malheureux que le n°1 slovaque vienne à subir une blessure au cours de cette saison déjà bien chargée en péripéties. Néanmoins, pour s'être trouvé au bon endroit au bon moment, Chardon assume la responsabilité du hockey mineur en plus de son statut de doublure.

Espoir et résilience

Si tout se déroule comme prévu, le club devrait s'appuyer sur un budget supérieur à 600 000 euros, franchissant pour la première fois cette barre symbolique. Las, l'année de la confirmation est d'ores et déjà plombée par le triste imbroglio qu'on sait, et le hockey dijonnais ne pourra paraître sous son meilleur jour.

Trop longtemps réduits à une hydre bicéphale régnant sur un cercle nébuleux, les Ducs ont montré par delà ces désillusions qu'ils avaient une âme, à l'image de leurs principaux mercenaires dont la persévérance a été poussée dans ses derniers retranchements.

La grave crise estivale maintenant résolue, l'objectif proposé par Claude Brigand, à savoir une dixième place, constitue un signal fort vu le handicap de départ et le resserrement constaté en défensive chez les sans-grade du circuit.

Heureusement, Dijon pourra reporter l'énergie économisée en échappant à la Coupe de la Ligue - au grand dam des 15 personnes intéressées par cette compétition - sur le championnat régulier. À toute chose malheur est bon !

Guilhem Rougé

 

 

Départs : Tekel (Briançon), M. Brodin (Caen), Rousselin (Anglet), Gueguen (Morzine), Drotar, Sucko.

Arrivées : Mouly (Amnéville), Martinka (Linz juniors, AUT), A. Guttig (Reims espoirs), Aubry (Anglet), Jasik (Nové Zamky, SVK), Gabris (Povazska Bystrica, SVK), Senko (Zilina, SVK), Karrer (Anglet), Maltais (Saint-Georges, LNAH, via Anglet).

Effectif

Gardiens : Vladimir Hiadlovsky (SVK, 27 ans), Fabien Chardon (28 ans).

Défenseurs : Andrej Mrena (SVK, 25 ans), Ladislav Gabris (SVK, 25 ans), Guillaume Karrer (25 ans), Juraj Senko (SVK, 22 ans), Aymeric Gillet (26 ans), Kevin Dugas (21 ans).

Attaquants : Miroslav Kristin (SVK, 24 ans), Erik Bochna (SVK, 29 ans), Martin Jeannette (22 ans), Stephen Dugas (29 ans), Peter Jasik (SVK, 26 ans), Olivier Maltais (CAN, 25 ans), Antoine Amsellem (25 ans), Julien Aubry (27 ans), Anthony Guttig (18 ans), William Mouly (25 ans), Yassine Fahas (19 ans).

Entraîneur : Daniel Maric (49 ans).

 

 

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