Bilan des Jeux Olympiques de Sotchi

 

Résultats de la compétition

 

Ces Jeux olympiques auront été une réussite presque totale pour la Russie. Elle voulait démontrer sa capacité d'accueil, elle l'a fait par une organisation sans faille, plébiscitée par les athlètes. Les médias en quête de la moindre information négative, quitte à relayer sans vérifier des canulars grossiers comme la vidéo d'un loup dans le village olympique, n'ont nui qu'à eux-mêmes. Elle voulait aussi redevenir une superpuissance sportive, elle y est parvenue en terminant première au classement des médailles, avec trois médailles d'or pour un patineur de short-track naturalisé d'origine coréenne, et deux pour un snowboarder américain qui a pris la nationalité de sa femme il y a deux ans. Une petite révolution dans un pays conservateur. La seule ombre au tableau, c'est donc l'échec de son équipe de hockey sur glace. Le public russe s'est vite pris de passion pour d'autres sports après cette "honte nationale". C'est maintenant au hockey de le reconquérir.

Ce tournoi olympique ne restera pas forcément dans les annales. Il a été globalement moins spectaculaire que Vancouver, ce que les Nord-Américains ont interprété comme la preuve définitive de la supériorité de la petite glace dans ce domaine. Ceci dit, ce tournoi n'a pas non plus soutenu la comparaison avec les précédentes compétitions olympiques sur grande glace. Le choix de l'organisation défensive a clairement prévalu chez les principaux concurrents. L'arbitrage relativement laxiste y a peut-être aussi contribué : sous prétexte de laisser vivre le match, il ne faudrait pas revenir en arrière aux temps d'avant la répression de l'accrochage.

 

Canada (1er) : tout est sous contrôle

Pour le Canada, cette victoire n'a pas eu la même saveur qu'à Vancouver, car il n'a pas autant tremblé. Il n'a pas gagné la finale au bout du suspense en prolongation, mais après une demi-finale et une finale totalement maîtrisée où il aura monopolisé le palet. Pourtant, il faut se souvenir qu'au soir du quart de finale remporté dans la douleur contre la Lettonie (2-1), le peuple canadien doutait encore de son équipe.

Tous les prétextes étaient bons pour critiquer pour un pays où chacun se voit coach. Le gardien Carey Price était montré du doigt par ceux qui préfèrent Luongo ? Il a fini avec 97% d'arrêts. La ligne de Sidney Crosby était improductive ? Cela n'a gêné en rien car elle a pesé sur le jeu. Mike Babcock était accusé de mal répartir les temps de jeu dans un sens ou dans l'autre ? La suite lui a donné raison. Chacun a joué son rôle.

Le Canada était mieux préparé que tout le monde, avec un comité de sélection très large où chacun étudiait et donnait son avis (comme les Américains) mais aussi avec un repérage tactique spécifique de chaque adversaire : il a quand même envoyé en décembre son "conseiller bénévole" Ralph Krueger observer spécialement la Norvège, premier adversaire qu'il a toujours battu et aurait pu prendre de haut. Ce repérage tactique n'a pas tout prévu - d'où le but malin des Lettons - mais il en a assez vu pour que les Canadiens soient maîtres du jeu.

En s'appuyant sur les meilleurs défenseurs du monde, ils ont été rarement pris à défaut en zone neutre et ont eu la possession de la rondelle la majorité du temps en zone offensive. Même s'il est parfois resté dans le périmètre, il a donc dominé son sujet. En aurait-il été de même s'il avait été une seule fois mené au score ? Le cas restera purement théorique. Babcock a remporté sa troisième médaille d'or en trois compétitions internationales et a maintenant tout gagné.

 

Suède (2e) : la frustration

Frustrée. La Suède a été frustrée de sa finale olympique. Il est indéniable que l'exclusion pour contrôle positif de Nicklas Bäckström juste avant le match l'a largement perturbée. L'entraîneur Pär Mårts a dû revoir en catastrophe ses lignes offensives et ses unités de supériorité numérique, donnant l'impression de beaucoup tâtonner.

Pour autant, est-ce une raison pour mettre le CIO en accusation ? Elle doit avant tout en vouloir à Bäckström lui-même et/ou au médecin de l'équipe, premier(s) responsable(s) de l'affaire. Les déclarations pathétiques sous le coup de l'émotion ont attristé les membres suédois du CIO (Arne Lundqvist, Stefan Holm, Gunilla Lindberg) qui ne comprenaient plus leurs compatriotes.

La Suède aurait-elle pu gagner avec Bäckström ? Sans doute pas, car le Canada semblait quand même plus fort. Mais elle aurait peut-être livré un peu plus de compétition. Bäckström était le troisième centre enlevé aux Suédois, après Henrik Sedin (avant le tournoi) et surtout Henrik Zetterberg, qui s'est réveillé le dos bloqué au lendemain du premier match. "Zäta", le capitaine et âme de l'équipe, a sans doute été l'absence la plus grave.

La Tre Kronor est donc déjà heureuse de cette médaille d'argent. Elle sait que son potentiel en attaque est limité sans ses joueurs-clés, et a compté sur son défenseur offensif Erik Karlsson pour la mener offensivement. Cet excellent patineur, au bilan international mitigé jusqu'ici, a réussi sa meilleure grande compétition, au contraire d'Oliver Ekman-Larsson qui a déçu à ses côtés et s'est vite retrouvé sur le banc. Karlsson garde une réputation suspecte dans sa zone et Mårts a privilégié ses duos défensifs purs... mais ce sont bien ceux-ci qui ont craqué en finale.

 

Finlande (3e) : l'avenir lui appartient

Troisième médaille olympique de suite pour la "petite" Finlande qui est bien la nation la plus constante du hockey mondial. Privée de ses trois meilleurs centres blessés (Koivu, Filppula puis le junior Barkov), elle a prouvé son excellente densité à ce poste où les joueurs de KHL ont su pallier l'absence de leurs collègues de NHL. Il lui manquait du talent offensif de premier plan, mais elle a compensé par un investissement de tous les instants où tous les joueurs se sont impliqués. De la première à la quatrième ligne, personne n'a déçu dans cette équipe et chacun a apporté son écot. Cela reste la seule formation à avoir poussé le Canada jusqu'en prolongation et à lui avoir fait perdre un point.

Élu meilleur joueur du tournoi par les journalistes, une sorte de distinction honorifique pour l'ensemble de sa carrière olympique exceptionnelle, Teemu Selänne a pris sa retraite par un discours émouvant où il a salué ce groupe fantastique. Il sait que l'avenir est entre de bonnes mains avec les jeunes Aleksander Barkov et Mikael Granlund en attaque, Sami Vatanen et Olli Määttä en défense. Il faut y ajouter les joueurs devenus champions du monde juniors en janvier.

Après cette victoire aux Mondiaux U20, le président de la fédération Kalervo Kummola avait expliqué que son pays avait gâché une décennie entière en suivant les consignes d'une organisation appelée "Nuori Suomi" (jeune Finlande). Sous couvert d'intentions louables, ouvrir le sport à tous, ces directives suivies de manière trop stricte avaient empêché le plein épanouissement des meilleurs talents en leur consacrant plus de temps de jeu et de moyens. Elles ont été abolies il y a quatre ans à peine, et Kummola a expliqué que la Finlande commençait à en retirer les fruits. Ce discours faisant de "Nuori Suomi" le bouc émissaire est peut-être un peu réducteur et simpliste selon certains, mais en tout cas, quand on voit les résultats plus qu'honorables obtenus par la Finlande pendant sa supposée période creuse, cela promet pour la décennie suivante !

 

États-Unis (4e) : le mirage sur glace ?

Après le "miracle" de 1980, cette équipe américaine était-elle le... mirage ? Pendant une semaine, les États-Unis apparaissaient comme l'attaque la plus impressionnante, emmenés par un Phil Kessel enthousiasmant. Leur vitesse semblait dépasser tous les adversaires et mettre le feu aux défenses. Ils s'étaient clairement affirmés parmi les favoris en battant la Russie aux tirs au but - et malgré un but refusé aux Russes qui aura beaucoup fait parler - à l'issue du plus beau match du tournoi. Cependant, leurs larges victoires avaient été obtenues contre des adversaires d'Europe centrale qui ne comptent traditionnellement pas parmi les meilleures défenses.

Une fois dans le dernier carré, les États-Unis ont déchanté, et la désillusion fut à la hauteur de leurs espoirs : zéro but en deux rencontres. Face à des adversaires mieux organisés, il ne restait plus rien de cette offensive portée aux nues. Le trio de neutralisation Brown-Backes-Callahan n'a rien neutralisé, puisqu'il a encaissé les buts décisifs à chaque fois. Les joueurs censés mettre le palet au fond sont restés muets : des lancers lointains sans imagination. Le joueur le plus créatif, Patrick Kane, n'a pas pu faire la différence même s'il a servi deux-trois occasions nettes à son capitaine Zach Parisé, trop imprécis dans ses tirs.

Les États-Unis peuvent toujours se dire que demain sera meilleur qu'aujourd'hui. Ils avaient une défense jeune (et pas toujours bien employée à l'instar de Justin Faulk très peu utilisé après deux très bons championnats du monde), et bientôt arrive un talent-monstre, Seth Jones. Encore faut-il que ce "demain" existe et que la NHL autorise effectivement ses joueurs à participer aux Jeux olympiques en 2018. Sinon, le rêve d'or américain restera encore longtemps un mirage.

 

Russie (5e) : le duo incompatible

Sitôt la Russie éliminée, la télévision canadienne CBC a analysé sa défaite par une place trop grande accordée aux joueurs de KHL pour de supposées raisons politiques. Un discours de Vancouver 2010 ressorti des cartons par facilité  ? Ou une obsession du présentateur, qui prenait en grippe le moindre joueur de KHL sur la glace (alors que la Finlande, tombeuse des Russes, en comptait autant...) ? C'est simplement le genre de discours tout fait, qu'on prépare en avance parce qu'il favorise "son camp". Peu importe la réalité des faits ensuite...

La réalité, c'est que Bilyaletdinov a sélectionné pour ainsi dire le maximum de joueurs de NHL envisageables, en tout cas à partir du moment où Aleksandr Syomin a été rappelé après coup. La réalité, c'est que le défenseur sacrifié quand il a fallu passer à 13 attaquants (pour couvrir le risque de laisser Ilya Kovalchuk jouer malgré une blessure au genou) a été le vétéran de KHL Ilya Nikulin. La réalité, c'est que le meilleur joueur russe a peut-être été l'emblème de la KHL Aleksandr Radulov, du moins si on lui pardonne ses deux pénalités d'humeur qui ont coûté le match contre les Américains.

Dans ce cas, pourquoi ? La pression ? Forcément. Mais pas seulement. La vérité est que la Russie, malgré ses stars en attaque, a toujours des faiblesses de fond dans les autres secteurs. Si elle avait vraiment un grand gardien capable de maintenir des performances stables pendant plusieurs années, on ne se poserait plus la question du choix du titulaire, et donc on ne critiquerait pas à chaque défaite le coach qui a misé sur le mauvais cheval. Sa défense toute entière manque de mobilité, et le plus décevant a certainement été Vyacheslav Voïnov, que l'on attendait à un autre niveau pour son arrivée en équipe nationale après sa révélation en NHL à Los Angeles. Maintenu en retrait par un style conservateur, ces défenseurs n'ont pas soutenu l'attaque, alors que ce fut une des caractéristiques des meilleures équipes du tournoi.

Tout cela, on pouvait s'en douter. Mais ce qui est incompréhensible, c'est que Zinetula Bilyaletdinov ait pu s'obstiner à garder ensemble Aleksandr Ovechkin et Evgeni Malkin, pour ne pas rompre son principe d'avoir deux lignes à vocation offensive à gros temps de jeu. Mourir avec ses principes, c'est beau, mais surtout c'est bête... Tout le monde connaissait l'incompatibilité de jeu entre Ovechkin, qui ne vit que pour tirer à la cage, et Malkin, qui a besoin du palet pour créer du jeu. Tous ceux qui ont essayé de les apparier ont conclu à l'échec. Le pire, c'est que les joueurs eux-mêmes le savaient et ont fait tout de suite part de leurs réserves à l'entraîneur, si on en croit les coéquipiers de Malkin qui ont "parlé à sa place" à son retour à Pittsburgh. Cette erreur-là, vraiment, on ne la comprend pas. Et on ne s'étonne plus que la fédération ait soudain annoncé que le contrat de Bilyaletdinov, qu'on pensait courir jusqu'en juin, s'achève en fait au 1er mars.

 

République Tchèque (6e) : l'alternance des sélectionneurs continue

Depuis dix ans, la République Tchèque n'a eu que deux sélectionneurs : Vladimir Ruzicka (2004-2005 et 2008-2010) et Alois Hadamczik (2005-2008 et 2010-2014). En quatre compétitions internationales, le premier a obtenu deux titres de champion du monde, pour deux éliminations en quart de finale. Alois Hadamczik, lui, essayait de défendre son bilan avec un ratio de médailles supérieur : il en compte quatre, une en argent et trois en bronze. Mais après ce quatrième tournoi raté, cette stratégie ne fonctionne clairement plus.

Critiqué dès le départ pour la sélection, en froid complet avec la presse, Hadamczik aura continué à défendre ses choix en tirant son bilan : "Je suis convaincu que nous avons sélectionné la meilleure équipe possible. Et les joueurs qui ont été mis en doute ont bien joué. Tomas Kaberle a été excellent, Michal Barinka a été bon jusqu'à sa blessure, et en attaque aussi, Ales Hemsky a montré ses qualités." Ce n'est pas faux.

Pour autant, on ne peut pas dire non plus que le coach a tiré le meilleur de cet effectif. Entre les Mondiaux 2013 et ces JO, la République Tchèque n'a battu aucune nation du top-5, et a été défaite trois fois par la Suisse. Cela signifie-t-il qu'elle n'est même plus parmi les six meilleures de la hiérarchie ? Ce serait impensable pour une grande nation du hockey.

Les déclarations de Jaromír Jágr (sur sa page facebook) suggérant de rassembler les meilleurs entraîneurs du pays en confiant des tâches précises (supériorité, infériorité, observation de l'adversaire, etc) comme l'ont fait les Canadiens suggèrent implicitement que Hadamczik était dépassé par les évènements. Isolé, refusant le débat, il a finalement remis sa démission, alors qu'il était sous contrat jusqu'aux championnats du monde à domicile en 2015.

L'alternance continue: et Ruzicka va donc encore reprendre le poste. Les experts et les fans le préfèrent de loin. Mais sa tâche sera encore plus difficile que les fois précédentes, car la génération dorée approche de la fin. À 42 ans, Jágr a encore été le meilleur joueur, et les jeunes n'ont pas vraiment réussi à percer.

 

Slovénie (7e) : une place qui vaut toutes les médailles

Il faut plus d'un hockeyeur pour faire une équipe. Maintenant, le monde entier est au courant que la Slovénie a d'autres joueurs qu'Anze Kopitar. Il n'a pas été le meilleur marqueur de son équipe (c'était Ziga Jeglic), mais cela n'enlève rien au mérite de la star des Kings de Los Angeles. Il s'est mis au service des siens, en s'investissant aussi bien offensivement que défensivement avec un énorme temps de jeu, même s'il avait peu d'automatismes collectifs.

A contrario, la Slovénie disposait de la ligne Jeglic-Ticar-Sabolic, trois joueurs qui valent peu de choses pris isolément mais qui sont fantastiques ensemble (Jeglic a mis autant de points dans ce tournoi olympique qu'en 32 journées d'élite finlandaise, avant d'exploser en rejoignant son copain Sabolic en Allemagne). Et à l'autre extrême, il y a eu les joueurs de quatrième ligne (Golicic et Music) envoyés quelques présences par match pour forechecker à énergie maximale.

Tous différents, chacun son rôle : une vraie équipe. Voilà comment le pays aux 148 licenciés adultes mâles a obtenu une incroyable septième place. Un quart de finale aux Jeux olympiques est paradoxalement plus facile à obtenir qu'un quart de finale aux championnats du monde, la faute à la formule très raccourcie - pour plaire à la NHL - de la compétition. La Slovénie a donc su gagner les deux rencontres qu'il fallait : plus constante mentalement que la Slovaquie, plus disciplinée que l'Autriche. Le seul petit regret est que le second gardien Luka Gracnar a raté son match contre les Américains et a raté sa chance de se montrer sous un bon jour alors qu'il cherche toujours à se faire drafter en NHL.

En gagnant leur médaille virtuelle à eux, une place parmi les meilleurs équipes du monde, les hockeyeurs slovènes ont participé à leur manière à la quinzaine de rêve de leur pays, qui a ramassé huit médailles à Sotchi, autant que dans les six précédentes éditions cumulées des Jeux olympiques d'hiver depuis l'indépendance !

 

Lettonie (8e) : à sept minutes de l'exploit

La Lettonie est finalement l'équipe qui aura fait le plus trembler les champions olympiques canadiens, en tenant l'égalité en quart de finale jusqu'à sept minutes de la fin. Le gardien numéro 2 de la sélection Kristers Gudlevskis a arrêté 55 tirs devant tout le public canadien, faisant ainsi grandir ses chances d'être le numéro 2 en NHL pour Tampa Bay après avoir commencé la saison au troisième niveau nord-américain (ECHL). Mais les Lettons, plus mauvaise équipe en infériorité numérique, ont finalement été battus sur un lancer de Shea Weber pendant que Pujacs était en prison.

Au cours de ce match, les Lettons ont réussi un autre exploit : faire un tour pendable aux Canadiens en leur marquant un but égalisateur digne des "trucs et astuces". Sur une mise au jeu en zone défensive gagnée par Sprukts, un joueur balte est entré à un bout du banc... et l'attaquant Lauris Darzins est alors sorti de l'autre bout du banc, partant seul grâce à une ligne de passe trouvée par Kulda, dans le dos des champions olympiques ! Ce n'est pas la première fois que la Lettonie le fait, le précédent sélectionneur Znaroks avait fait pareil en son temps.

Il n'empêche que le coach Ted Nolan a été remarqué dans son pays pour avoir préparé cette équipe lettone, et que maintenant les Sabres de Buffalo ont engagé des discussions pour prolonger son contrat, qui ne prévoyait initialement qu'une fin de saison par intérim. S'il retournait de manière définitive en NHL, cela signifierait que la Lettonie devrait se chercher bientôt un autre entraîneur, alors qu'elle souhaitait le garder après ce tournoi olympique solide.

Ne fermons pas le bilan letton sans rappeler que, même s'il a bien moins fait parler que Bäckström, l'attaquant de quatrième ligne Vitalijs Pavlovs a été contrôlé positif à la méthylhexanamine, stimulant également connu sous le nom de DMAA, dont il indique qu'il figurait dans un complément alimentaire donné par son médecin au Dinamo Riga en KHL. Rappelons que le hockeyeur russe - présent à ces Jeux olympiques - Anton Belov avait été contrôlé positif à ce même produit en finale de KHL en 2012 et s'en était tiré avec quelques mois de suspension. Pavlovs a été officiellement exclu a posteriori de sa participation aux JO et doit rendre le diplôme remis pour sa huitième place.

 

Suisse (9e) : cherche buteur désespérément

La Suisse serait-elle été aussi compétitive qu'aux Jeux olympiques qu'aux championnats du monde face aux meilleures équipes, maintenant que celles-ci disposaient de l'intégralité de leurs joueurs de NHL ? La réponse à cette question a été apportée : oui, incontestablement. Suédois (vainqueurs in extremis) et Tchèques (battus) peuvent en témoigner.

Les Helvètes sont toujours aussi difficiles à jouer, et restent parmi les tout meilleurs du monde en patinage. Alors que Sean Simpson lui avait appris le forechecking et l'avait fait presser ses adversaires, la Suisse n'a cependant montré ce jeu agressif qu'en début de match cette année, avant d'adopter ensuite une tactique plus repliée qui a rappelé l'ère Krueger.

Avec quatre buts encaissés en quatre rencontres (dont un en cage vide), la Suisse a réussi une performance remarquable qui aurait pu l'emmener loin. Pourtant, elle a été éliminée dès le début de la phase finale, par son "plus petit" adversaire, la Lettonie qu'elle n'avait déjà battue qu'à sept secondes de la fin en ouverture.

Ce n'est donc pas un malencontreux hasard, mais une réalité : la Suisse a toujours la même énorme faiblesse dès lors qu'il s'agit de concrétiser devant la cage adverse. Certes, ses gardiens Jonas Hiller et Reto Berra ont fini avec 97% d'arrêts, mais les gardiens adverses ont fait mieux avec 97,6% d'arrêts face aux tireurs à la croix blanche ! Dernière en efficacité, la Nati l'a aussi été en supériorité numérique (0 but en vingt minutes). Cette formation homogène cherche toujours le buteur qui lui permettrait de passer définitivement un cap.

 

Autriche (10e) : quelques verres qui ont détruit une équipe

L'Autriche avait une occasion incroyable d'atteindre les quarts de finale puisqu'il "suffisait" de battre la Slovénie, nation a priori de même niveau, mais bien meilleure sur la glace. La défaite autrichienne n'a souffert d'aucune discussion. Sa défense était vraiment trop faible, à l'instar de la première paire Trattnig-Lakos loin du niveau attendu compte tenu de leur expérience. Ses gardiens - aussi bien Bernhard Starkbaum que le nouveau venu Mathias Lange - n'arrivent toujours pas à convaincre vraiment en équipe nationale. Sa densité offensive était inexistante et elle s'est reposée uniquement sur la vitesse de Michael Grabner - qui a fini meilleur buteur du tournoi ! - épaulé par son compère Michael Raffl. Le troisième joueur de NHL Thomas Vanek a en revanche déçu par l'impression de manque d'engagement et d'intensité dans son jeu.

Mais ce bilan sportif est devenu totalement secondaire après le scandale qui a éclaté après l'élimination, lorsque les évènements qui ont suivi la solide victoire contre la Norvège deux jours plus tôt ont été révélés. Le soir même, l'équipe était invitée par le comité olympique autrichien dans son lieu de rendez-vous, la "Maison de l'Autriche", pour une petite fête d'anniversaire en l'honneur de Daniel Welser, au cours de laquelle des bières ont été bues (légère infraction aux consignes). Les joueurs étaient censés rentrer à 23 heures... En fait, certains sont rentrés à 6 heures du matin après une nuit en discothèque au cours de laquelle ils se sont largement enivrés.

L'entraîneur Manny Viveiros a alors expliqué que, s'il avait su, il aurait banni tous ceux qui ont rompu le couvre-feu : "Alors, nous aurions joué avec seulement 15 joueurs contre la Slovénie. Nous avons des règles dans l'équipe, quand quelque chose comme ça arrive, nous renvoyons les joueurs à la maison." Mais pouvait-il vraiment l'ignorer ? Les témoignages des joueurs indiquent que tout le monde savait, au plus tard à l'entraînement du matin où certains, manifestement ivres, pouvaient à peine patiner. Les noms de la demi-douzaine de "coupables" sont aussi connus de tous.

Pourtant, seuls trois d'entre eux se sont dévoilés : les trois joueurs de NHL. Ils ont vite émis un courrier d'excuses qui aurait été rédigé par l'attaché de presse de Vanek : "Nous sommes d'avis que cela n'a eu aucune influence sur la décevante performance collective dans le match de play-offs contre la Slovénie, mais nous connaissons notre rôle d'exemples et nous aurions dû décaler la fête au soir après le dernier match du tournoi."

Et les autres ? Le président de la fédération Dieter Kalt n'a finalement pas dévoilé leurs noms, en les condamnant simplement à une amende à destination du hockey mineur. Un secret qui n'a fait qu'alimenter la polémique. Robert Lukas, le défenseur vétéran qui ne boit jamais d'alcool (et que personne ne risquait donc de soupçonner d'avoir fauté), a dit travailler à ce que les autres joueurs concernés se dévoilent, et a douté de revenir un jour.

Oliver Setzinger, resté en tribune alors que les fautifs étaient sur la glace, leur en veut sûrement un peu. Il a annoncé sa retraite internationale à 30 ans. Il s'est prononcé pour que les noms restent dans le vestiaire, en précisant qu'il ne dirait rien et qu'il avait lui-même trop ouvert sa bouche par le passé (ce qui lui a déjà valu 18 mois sans sélection)... mais a ajouté que "tous ceux qui étaient là-bas durant cette nuit ne devraient plus jamais jouer pour l'équipe nationale". Cela s'appellerait un secret de polichinelle. Vu que les joueurs en question ne sont pas les plus vieux, leur absence se verrait.

L'équipe est profondément traumatisée. Viveiros ne veut plus l'entraîner, son adjoint Rob Daum n'a pas plus envie de prendre le relais, et l'autre assistant Christian Weber s'est déjà officiellement retiré. On parle maintenant d'aller en Corée du sud avec une équipe jeune qui ne chercherait même plus la remontée en élite mondiale... Du rêve de quart de finale, l'Autriche est retombée en pleine crise.

 

Slovaquie (11e) : un pays divisé en deux par la brouille Chara/Šatan

La Slovaquie reste l'équipe la plus imprévisible du hockey mondial : capable de perdre contre la "petite" Slovénie, puis le lendemain de pousser la "grande" Russie jusqu'aux tirs au but. Terminer avant-dernier sans la moindre victoire ne peut cependant réjouir personne.

Faut-il blâmer Vladimir Vujtek ? Objectivement, non. L'entraîneur tchèque avait un système de jeu au point qui a très bien fonctionné par moments (on ne peut pas en dire autant de son compatriote Hadamczik). Les blessures à des postes-clés ont cependant affaibli son équipe, et les défenseurs-substituts (Milan Jurcina et René Vydareny) ont commis des erreurs fatales.

Mais c'est le conflit entre les deux stars du pays Zdeno Chara et Miroslav Šatan - depuis que le premier a blessé le second - qui a surtout divisé la Slovaquie en continuant de faire rage au pays. Certains ont spéculé que la vraie raison du forfait de Lubomír Visnovský est son amitié de longue date avec le grand absent de la sélection Šatan. Une fois le tournoi olympique terminé, Šatan a parlé dans le journal Šport de "mensonges recouvrant d'autres mensonges" en pointant les contradictions dans les déclarations de Vujtek ("Jusqu'au dernier moment nous avons attendu que l'un d'eux nous appelle et nous dise qu'ils s'étaient réconciliés. Nous aurions immédiatement changé la sélection") et celles du manager de l'équipe nationale Otto Sýkora ("Jamais Zdeno n'a placé de conditions sur qui serait ou ne serait pas dans l'équipe").

Cette situation délétère a totalement miné l'équipe. Sýkora a fait un malaise et a dû être hospitalisé à Sotchi. Vujtek a remis sa démission ("On peut difficilement compenser si quelqu'un vous traite de menteur. C'est ma dignité. Je ne peux pas lutter avec les médias"), refusée par le comité de la fédération. Celui-ci avait reçu une lettre de dix joueurs de NHL (Chara, Hossa, Handzus, Sekera, Kopecky, Budaj, Halak, Meszaros, Tatar et le buteur blessé Gaborik) qui demandait de maintenir Vujtek et Sýkora en poste.

Vujtek parle maintenant de rencontrer Šatan pour lui parler et envisage de l'appeler pour les championnats du monde... en faisant valoir que Chara ira loin en play-offs NHL et n'y sera sans doute pas ! La vraie grande réconciliation, ce n'est donc pas pour tout de suite...

 

Norvège (12e) : renouveler l'équipe avec ou sans Roy Johansen ?

Douzième sur douze du tournoi olympique, cela peut faire désordre pour l'autoproclamée "meilleure nation de sports d'hiver". Le bilan détaillé n'est pourtant pas si désastreux. Les Norvégiens ont été solides contre le Canada (1-3). Ils n'ont rien pu faire contre la Finlande (1-6) parce que leur gardien titulaire Lars Haugen a laissé passer des buts étranges, expliquant ne pas bien voir le palet à cause d'une allergie. Et ils ont longtemps fait douter la Russie (0-4 avec deux buts dans les deux dernières minutes).

Le problème, c'est qu'ils ont raté le match à leur portée, celui qu'ils visaient dès le départ, face à l'Autriche (1-3). Ils n'ont pas su changer d'état d'esprit quand il fallait attaquer et libérer sa créativité, au lieu de résister à plus fort que soi. Cela signifie-t-il que les joueurs sont bridés offensivement par l'habitude d'une tactique fondée sur la défense et l'impact physique ?

Telle est la thèse défendue par Øystein Jarlsbo, ancien capitaine de l'équipe nationale, qui a suggéré sur son blog de ne pas renouveler le contrat du sélectionneur Roy Johansen après les prochains Mondiaux car les joueurs en auraient marre. Il cite pour exemple le "langage corporel" des deux stars Mats Zuccarello et Patrick Thoresen qui signifierait leur désintérêt pour les instructions de l'entraîneur du fait de leur grand vécu en KHL et NHL. Précisons que Zuccarello a rapidement discrédité l'article sur twitter.

Certes, les deux joueurs n'ont pas réussi à dynamiser l'offensive. Mats Zuccarello en particulier, meilleur marqueur des Rangers de New York, a échoué à mener le jeu de puissance. Pour autant, il faut rappeler qu'il s'est cassé la main en se jetant devant un tir face aux Autrichiens. Il n'a donc certainement manqué d'implication collective.

Plus généralement, il est clair que la Norvège a atteint son pinacle en 2012 parce que Johansen a tiré le meilleur d'un groupe restreint de cadres indispensables. Comme plusieurs d'entre eux sont vieillissants, il est clair qu'un processus de rajeunissement devra avoir lieu. Que ce soit à Johansen ou non de l'entreprendre après déjà 13 ans à son poste, c'est une bonne question de fond. Mais c'est assez indépendant de la performance olympique des Norvégiens, qui ne peuvent pas faire mieux quand les joueurs-clés sont diminués, blessés ou hors de leur meilleur forme.

 

Marc Branchu

 

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