Suisse 2014/15 : présentation
De plus en plus réputé y compris outre-Atlantique puisqu'il a dépassé la dizaine de joueurs en NHL, le hockey suisse s'appuie sur un effort financier et structurel soutenu de chaque club envers la formation des jeunes, mais aussi sur une stabilité sur laquelle les autres pays feraient bien également de prendre exemple. La structure du championnat est immuable avec ses play-offs à 8 équipes, ne cédant pas aux modes des barrages préliminaires, et le nombre d'étrangers est gravé dans le marbre : toujours 4 par match en LNA, et 2 par match en LNB. La dernière fois que les règles ont évolué, c'était pour redescendre de cinq à quatre étrangers, et c'était déjà il y a sept ans.
Cette stabilité, les ZSC Lions en font également leur fil conducteur, en dignes champions. On ne change pas une équipe qui gagne. Mais il n'était pas forcément évident de conserver le fameux entraîneur Marc Crawford qui était en fin de contrat. La dernière fois qu'un coach canadien connu avait conduit les Zurichois au titre (Bob Hartley en 2012), il avait aussitôt été rappelé en NHL (par Calgary qu'il entraîne toujours). Non seulement Crawford est resté, mais tous les joueurs aussi. Le seul départ notable est celui de Ronalds Kenins : l'international letton n'était que prêté par Vancouver, qui l'a rappelé (pour le faire actuellement jouer qu'en NHL). Il était de prime abord un joueur de second rang, mais justement, son profil très combatif était plutôt rare - et donc utile - dans une équipe talentueuse.
Les Zurichois se sont pour le reste appliqués à garder pour longtemps encore leurs vedettes suisses, qui devraient lui garantir de rester dans le haut du tableau. "L'artiste" Luca Cunti a prolongé jusqu'en 2017, et Robert Nilsson - le Suédois à licence suisse qui a débuté sur les patinoires helvétiques - jusqu'en 2018.
Quant au meneur offensif Roman Wick, il vient même de renoncer à l'équipe nationale pour se consacrer à son club, alors qu'il n'a que 28 ans. Vit-on là le premier symptôme d'une nouvelle désaffection des hockeyeurs suisses envers une sélection qui "ne rapporte rien", attitude qui condamnait autrefois la Suisse à être une nation mineure alors que le hockey y était déjà populaire ? Le nouveau sélectionneur Glen Hanlon a pris la nouvelle avec stoïcisme en déclarant qu'il préférait l'apprendre maintenant que juste avant le championnat du monde. La presse suisse n'instruit pas de procès en cupidité ou en manque de patriotisme, mais certains trouvent que Wick manque surtout de volonté et de résistance pour s'imposer hors de son confort. Le joueur explique pour sa part que ce n'est pas l'envie qui fait défaut, mais qu'il écoute son corps après plusieurs petites blessures gênantes au pied et à la main.
Cette retraite anticipée ouvre la voie aux jeunes, dont Chris Baltisberger, 22 ans, qui a épaté dès la préparation sur la première ligne avec Cunti et Wick. L'ailier puissant a même été invité pour une semaine au camp NHL d'Edmonton, avant de revenir et d'apprendre sa première sélection en équipe nationale, en même temps que son coéquipier Mike Künzle, âgé de seulement 20 ans. Au vu de cette relève, les ZSC Lions resteront longtemps un des clubs dominants.
Normalement, la capitale fédérale Berne a la même légitimité que la capitale économique Zurich à rester une puissance permanente du championnat. Mais l'an passé, le SCB a réussi un "exploit" inédit dont il se serait bien passé : c'est la première fois qu'un champion sortant a fini dans le tour de relégation ! Forcément, un tel échec a causé des remous, avec pas moins de onze départs. Le plus marquant est la retraite sportive d'Ivo Rüthemann, après 1072 matches de LNA (dont 840 avec Berne), trois titres nationaux et 270 sélections en équipe de Suisse. Sa dernière saison complètement ratée n'aura pas terni son image de joueur privilégiant le collectif : il n'a jamais cherché d'excuses et a en quelque sorte souffert en silence. Son numéro 32 a été retiré par le club.
L'entraîneur canadien Guy Boucher, arrivé à six journées de la fin sans pouvoir empêcher le désastre annoncé, s'est vite concentré sur la saison nouvelle. Il a annoncé que l'équipe viserait les play-offs à n'importe quelle place, mais les Ours devraient vite retrouver un bien plus gros appétit. Le début de saison a été rassurant, au moins en championnat, et les "accidents" en Ligue des Champions (0-7 à Trinec...) ont plutôt éclairé l'équipe sur ses lacunes défensives.
Un gros investissement a été consenti cet été. L'arrière Eric Blum a été recruté pour un salaire annuel estimé à 600 000 francs (500 000 euros), et Simon Moser n'est sûrement pas revenu de NHL pour des prunes : il y a mis deux points dans ses rares (6) apparitions. C'est toujours plus que sous le maillot du SCB où on l'attend toujours : Moser est poissard en ce moment, il a d'abord eu la cuisse coupée par un patin, avant de contracter une mononucléose.
Les positions d'étrangers ont souvent focalisé l'attention bernoise. Ces dernières années, le club s'était généralement servi chez ses confrères suisses, sans grand succès. Il a donc repris des chemins plus lointains. Byron Ritchie, seul étranger conservé, était venu de Suède en son temps, voici quatre ans. Berne a donc engagé Bud Holloway, la star canadienne double championne avec Skellefteå, qui résiste depuis deux ans à la tentation de la KHL mais a trouvé un meilleur compromis, pas uniquement financier, en Suisse. Il a signé un contrat de deux ans, de même que Chuck Kobasew, qui fera ses débuts en Europe après 601 matches et 210 points en NHL. Ces trois attaquants pourront compter sur un soutien venu de l'arrière avec Marc-André Gragnani : il tenait un rôle défensif secondaire chez l'éphémère finaliste KHL du Lev Prague, mais il avait été meilleur pointeur des arrières d'AHL en 2011 et c'est cette mission plus offensive que Berne souhaite lui confier.
Ses joueurs expérimentés venus d'horizons divers sont donc capables d'apporter du spectacle au plus nombreux public d'Europe. Mais celui-ci a déjà son chouchou : avec ses mises en échec et son travail intensif, Tristan Scherwey est toujours exemplaire d'engagement et se sent tellement chez lui qu'il vient de signer jusqu'en... 2020. Il concluait ainsi un mois de septembre vécu en capitaine... car Boucher a décidé de faire tourner cette fonction chaque mois entre ses (nombreux) leaders !
Après 5 titres et 7 finales en 10 ans, Davos fait chou blanc dès les quarts de finale depuis trois ans. Le club opère tout simplement sa mue. Une mue nordique tout d'abord. Les derniers vestiges tchèques (Taticek) ont été abandonnés, et Marcus Paulsson a été rejoint par Dick Axelsson, avec qui il a remporté deux titres suédois à Färjestad.
Une mue générationnelle ensuite. En attendant les frères Von Arx qui ne sont plus tout jeunes, le capitaine Sandro Rizzi, arrivé de son club formateur Saint-Moritz à l'âge junior, a raccroché les patins à 36 ans après avoir connu toute la gloire de cette décennie exceptionnelle. L'ailier Petter Guggisberg (4 titres) tout comme Dario Bürgler et Robin Grossmann (2 titres chacun) y ont contribué en partie, mais sont désormais sous d'autres cieux. Le défenseur international Grossmann, parti à Zoug, a été remplacé par le plus offensif Félicien Du Bois, une solution de plus dans l'organisation du powerplay à la ligne bleue aux côtés de Ville Koistinen.
L'attache locale n'a pas été perdue par ces départs, car les arrivées sont aussi à coloration grisonne. Marc Wieser, formé au club, revient après avoir appris un rôle plus offensif pendant trois ans à Bienne : l'ancien joueur de quatrième ligne a progressé entre-temps et est prêt à devenir un joueur majeur, comme l'est déjà son frère Dino. Quant au rapide Mauro Jörg, originaire de Coire, il fait aussi son retour dans les Grisons.
Le HCD n'a donc rien perdu de son âme : elle est toujours là, incarnée par l'inaltérable entraîneur Arno del Curto. Les trois années sans titre, inédites dans ce siècle, incarnent une parenthèse mais pas forcément une fin de règne.
Le hockey offensif et agressif de Doug Shedden avait fini par atteindre ses limites. Mais est-ce simplement le changement d'entraîneur qui a transformé Zoug, avant-dernière défense de LNA la saison dernière, en la meilleure défense de ce début de saison ? Harold Kreis a su mieux équilibrer les temps de jeu en faisant comprendre à chaque joueur son importance dans le dispositif. Il a expliqué au vestiaire : "celui qui marque un but sera dimanche dans le journal, celui qui bloque un tir sera le lundi dans ma vidéo". Les hommes du capitaine Fabian Schnyder, un des meilleurs joueurs suisses en infériorité numérique, ont adhéré à ce discours.
Mais ce n'est pas uniquement la réussite du coach. Le recrutement est pour beaucoup dans cette transformation. Après des années de gardiens étrangers controversés, Zoug a enfin accueilli le portier suisse Tobias Stephan, attendu comme le Messie depuis un an. Une signature si anticipée pourrait engendrer des attentes difficiles à assumer, mais Stephan fait exactement ce qu'on espérait de lui : des arrêts-clés à chaque match, et un sentiment de sécurité insufflé à toute son équipe.
En plus, l'EVZ a trouvé un vrai leader des lignes arrières avec Daniel Sondell, plus à l'aise avec le palet que ses prédécesseurs dans le rôle de défenseur étranger (Wozniewski puis Hutchinson). Après avoir connu trois promotions en élite suédoise (une avec Skellefteå, futur champion aux prémices de sa gloire, et deux avec Rögle, vite retombé), Sondell quitte les clubs de bas de tableau et devrait connaître les premiers play-offs en élite de sa carrière, à 30 ans.
En attaque, Rob Schremp a été avantageusement remplacé par Pierre-Marc Bouchard, très précis dans son placement comme dans ses tirs. L'ancienne superstar du Québec a connu trois saisons de NHL entre 57 et 63 points au Minnesota... mais n'a ensuite jamais retrouvé ce niveau après plusieurs commotions cérébrales. Il mène l'attaque aux côtés de Robbie Earl, réputé pour son tir du poignet,; et du combatif Björn Christen, qui vient d'annoncer l'arrêt de sa carrière à la fin de la saison (il aura 35 ans) pour se reconvertir dans les assurances et l'audit.
Les lignes stables sont l'autre patte de Kreis qui a trouvé son équilibre : sur la deuxième ligne, le meneur Josh Holden est ainsi entouré de Reto Suri, le rapide buteur qui a prolongé pour quatre ans, et de Lino Martschini, gabarit léger avec un tir puissant. Pour les lignes de complément, le club voudrait ne plus dépenser d'argent pour compléter son effectif mais former ses joueurs lui-même. Il a donc lancé le concept de "The Hockey Academy" (société anonyme inscrite au registre du commerce), permettant aux jeunes d'aboutir au hockey pro et/ou à une formation dans le commerce, et ayant clairement vocation à attirer les meilleurs talents suisses qui risqueraient d'être tentés par le Junior Majeur canadien.
Présent trois fois de suite dans le dernier carré, Fribourg-Gottéron poursuit toujours sa quête de son premier titre. Le potentiel offensif est toujours spectaculaire avec trois lignes interchangeables capables de créer le danger... et il faut bien cela car l'infirmerie est bien remplie. Deux attaquants étrangers, Greg Mauldin et le nouveau venu Jeff Tambellini (champion suisse 2012 à Zurich), ont raté le début de saison sur blessure. Et s'ils sont revenus, ce sont actuellement Andrej Bykov (déchirure du tendon du pouce) et le capitaine Benjamin Plüss (genou) qui les ont remplacés.
On peut donc s'étonner dans ce contexte difficile que Fribourg-Gottéron n'ait pas preuve de sa patience coutumière. L'entraîneur Hans Kossmann avait prolongé son contrat jusqu'en 2016, mais un peu plus d'un mois plus tard, il a été licencié parce que l'équipe était dernière du championnat (malgré de bonnes performances en CHL). En fait, Kossmann, devenu également directeur sportif, s'était isolé au sein du club où il n'avait plus de soutiens. Gerd Zenhäusern a donc été débauché - moyennant compensation - à Bienne où il était second adjoint. Celui qui a fait monter Lausanne en LNA a l'avantage d'être bilingue et de bien connaître Fribourg où il fut attaquant et avait même eu le pilier offensif Julien Sprunger comme coéquipier.
Le point faible de Fribourg-Gottéron reste sa défense, pas à la hauteur d'un candidat au titre. À défaut de recrue, les Dragons ont intégré Maxime Montandon, le fils de la légende de longévité Gil Montandon : il dépasse déjà son père de près de vingt centimètres, ce qui lui fait... 2m04 ! Il n'est plus d'âge junior, et pour continuer au haut niveau, il est "obligé" d'intégrer maintenant l'équipe première. Après avoir passé la pré-saison aux côtés de Kwiatkowski, il n'est cependant plus que septième défenseur ! Montandon est le seul junior de Fribourg depuis trois ans à franchir le pas de la LNA : ne cherchez pas plus loin le vrai point faible par rapport aux grands clubs alémaniques qui forment à tour de bras...
Les Dragons ont à ce sujet recruté le gardien zurichois de 19 ans Melvin Nyffeler, auteur de débuts prodigieux en LNA. Ils comptent sur lui pour tirer vers le haut Benjamin Conz, critiqué en fin de saison dernière, mais cette nouvelle concurrence semble affaiblir encore le titulaire (pour l'instant ?) plus qu'elle ne l'aide.
Les années de vaches maigres semblent terminées à Lugano. Le club a tourné la page des vétérans starifiés (Domenichelli et Metropolit), soupçonnés de se dorer la pilule sous le soleil tessinois. Les nouveaux meneurs offensifs sont suédois. Le champion du monde 2013 Fredrik Pettersson est arrivé en novembre dernier, mais son style intense et percutant prend toute son efficacité dans le slot maintenant qu'il a été rejoint par un compatriote "artiste" pour le mettre dans de bonnes conditions : fils d'un musicien (batteur), Linus Klasen exprime sa créativité sur la glace, et pas seulement dans ses pénaltys à 360° (désormais interdits par le nouveau règlement IIHF depuis cet été). Ses instincts offensifs ont été payés cher puisque le Suédois touchera un total de 2 millions d'euros sur quatre ans, mais le HCL en a les moyens quand il s'agit de se trouver un nouveau chouchou.
Lugano ne se résume toutefois pas à deux joueurs. Les entraîneurs Patrick Fischer et Peter Andersson ont mis en place un système tactique précis dans lequel chaque joueur connaît précisément la trajectoire à employer. Un collectif s'est créé. Les jeunes prennent de plus en plus d'assurance, aussi bien le défenseur autrichien Stefan Ulmer que le gardien letton de 20 ans Elvis Merzlikins, élu débutant de l'année en LNA et à qui on prédit un avenir doré.
Alors, est-ce le retour du "Grande Lugano" ? Le public frémit en revoyant les maillots floqués avec deux noms qui rappellent les années glorieuses au tournant du siècle : Alessio Bertaggia, fils de Sandro, et le prometteur défenseur Calle Andersson, fils de Peter (l'assistant-coach), ont été échangés de Zoug et retrouvent avec plaisir l'environnement de leurs jeunes années. Gagneront-ils un titre ensemble comme leurs pères ? Et si oui, dans combien de temps ?
Si Kloten a été sauvé par l'ex-président de la fédération Philippe Gaydoul, il n'est pas pour autant devenu un club rentable : le milliardaire a mis 5 millions d'euros pour équilibrer le dernier budget, tout en continuant à se plaindre des salaires très élevés des joueurs. Pour autant, la structure d'encadrement qu'il a mise en place est tout aussi gourmande financièrement : aussi bien le directeur Matthias Berner que le directeur sportif André Rötheli ont des rémunérations plus que confortables (environ 230 000 et 140 000 euros annuels chacun).
Kloten est maintenant trop riche pour être sympathique, mais pas assez gros pour être attractif. Même s'il a atteint la finale, il n'a pu empêcher le départ des internationaux Eric Blum (Berne) et Félicien Du Bois (Davos). En leur absence, les deux défenseurs canadiens Micki DuPont et Jim Vandermeer deviennent encore plus indispensables en défense.
Quant à Simon Bodenmann, révélé comme vice-champion du monde 2013, il a signé en août à Berne... pour la saison prochaine. Et depuis, il ne fait plus grand-chose. Le club misait pourtant beaucoup sur la reconstitution de son duo dynamique avec Denis Hollenstein, qui avait éclaté aux Mondiaux : en effet, bien que celui-ci fût sous contrat pour quatre ans avec Genève-Servette, il disposait d'une clause de sortie au cas où son père Felix Hollenstein retrouverait sa place d'entraîneur à Kloten, ce qui a rapidement été le cas. Malheureusement, Denis s'est blessé au pied à l'entraînement. Le début de saison a donc été raté, tant en CHL qu'en championnat.
Dans une optique d'économies, Kloten avait prévu de ne recruter son quatrième étranger ne sera dépensé que lorsque la situation l'exigerait... La situation l'a très vite exigé. Mais les circonstances étaient favorables. L'Américain Peter Mueller, meilleur buteur de LNA la saison dernière, n'a pas réussi à se faire place dans le très fort effectif des Blues de Saint Louis. À défaut de retourner en NHL, il est donc revenu chez les Flyers, qui gardaient sûrement cette arrière-pensée en tête. La première ligne Mueller-Santala-Bieber est donc reconstituée et doit refaire voler des Aviateurs lents à démarrer.
Combien d'équipes pourraient survivre au départ tardif et souvent inattendu de ses quatre meilleurs marqueurs ? C'est cet enchaînement de mauvaises nouvelles qu'a vécu Genève-Servette cet été. Le retour à Kloten de Denis Hollenstein, via la clause susnommée, a été connu peu après la fin de saison, suivi du départ du vif Letton Kaspars Daugavins au Dynamo Moscou. Les mauvaises surprises sont surtout survenues début juillet, quand Cody Almond - qui venait de prolonger pour cinq ans - et Matthew Lombardi - meilleur marqueur de LNA à qui il restait deux ans de contrat - ont tous deux accepté des propositions de NHL.
Beaucoup auraient été pris au dépourvu dans ces circonstances. Pas Chris McSorley. Le coach et patron des Aigles a tout simplement recruté quatre Canadiens qui ont passé la saison dernière uniquement en NHL ! Mais attention, ce fait étonnant révèle aussi que ces joueurs ne sont pas vraiment - à l'exception de Matt D'Agostini - des pointeurs. Les frères Pyatt sont des joueurs de complément. Quant à Paul Ranger, c'est un arrière et son rôle sera d'abord devra solidifier la défense.
Mais à défaut d'avoir autan de leaders offensifs, le GSHC tient ses atouts dans sa profondeur de banc. Il reste toujours le centre international Kévin Romy, le rugueux Canadien Alexandre Picard (joueur le plus pénalisé de LNA), ou le déjà physique Noah Rod, talent de 18 ans. Le revenant Daniel Rubin était un buteur efficace à Genève avant de vivre deux années de disette dans sa ville natale Berne (1 but en deux ans !). L'attaquant le plus inattendu est sans doute... Goran Bezina, l'arrière géant que McSorley, jamais avare de surprises, a reconverti à l'occasion.
Le plus beau de l'histoire ? Ni Lombardi ni Almond n'ont passé le camp d'entraînement en NHL. À défaut d'y avoir réussi son retour, Lombardi a donc resigné un (autre) contrat de deux ans à Genève ! Mais il n'a pas encore rejoué à cause d'une blessure au bas du dos. McSorley reste aussi en contact avec Almond même s'il n'y a plus trop de place pour lui, ni dans l'effectif (déjà 6 Canadiens...), ni dans le budget.
Le potentiel offensif ne pose donc plus guère de soucis, ce qui n'est pas le cas du poste de gardien. Tobias Stephan ne s'était jamais blessé en cinq ans dans la cité de Calvin, et les Genevois n'étaient donc pas préparés psychologiquement à ce que son successeur Robert Mayer se fasse une entorse de la cheville... au premier match amical ! Le jeune Christophe Bays, ancienne doublure rarement alignée de Huet à Lausanne, a vite dû plonger dans le grand bain. Il n'avait pas l'habitude de tant de pression, et en plus il est obligé de jouer malgré une fissure à la hanche en attendant que Mayer se rétablisse...
On dit souvent que la deuxième saison est plus dure pour un promu. C'est le danger pour Lausanne, qualifié en play-offs à la surprise générale et qui a poussé les futurs champions zurichois au septième match en quart de finale. Cette année, les adversaires seront prévenus, et Berne et Zoug ne rateront plus leur saison...
Le LHC a réussi à faire mentir les pronostics, sans le moindre étranger à l'arrière, grâce au système défensif efficace mis en place par l'entraîneur danois Heinz Ehlers, et bien sûr grâce aux performances de Cristobal Huet, gardien de l'année avec 92,8% d'arrêts. Huet s'est blessé en octobre dans un grand écart, au muscle obturateur externe, un muscle du bassin dont il ignorait l'existence avant qu'il n'y ressente cette douleur. Heureusement, le Français peut attendre d'être complètement guéri avant de rentrer car l'expérimenté Pascal Caminada a justement été engagé cette saison pour servir de doublure en cas de besoin.
La vraie clé pour Lausanne, c'est d'améliorer la moins bonne attaque du dernier championnat. Alain Miéville, qui fut pendant deux ans le meilleur marqueur du club en LNB et s'est entre-temps établi dans l'élite avec Bienne puis Ambri, a été recruté dans ce but. Il assurera que l'attaque ne soit pas assurée que par le quatuor étranger (qui avait inscrit la moitié des buts l'an passé !). Et ce même quatuor a été étoffé...
Le meilleur marqueur Juha-Pekka Hytönen a été rejoint par deux compatriotes, dont il était le capitaine lors des deux titres de champion de Finlande au JYP Jyväskylä. Venus de la capitale de la région des Lacs, les Finlandais ne seront pas dépaysés au bord du Léman ! Âgé de 31 ans, Ossi Louhivaara a signé pour deux ans... en paraphant déjà son retour dans son club d'origine pour les cinq saisons suivantes ! C'est ce qu'on appelle un contrat-prévoyance... Le plus jeune Harri Pesonen avait quant à lui quitté le JYP pour tenter sa chance en NHL, mais n'y a joué que 4 matches et a passé deux saisons en AHL, confirmant son ratio finlandais d'un demi-point par match. Il y a donc maintenant cinq étrangers - tous attaquants - pour quatre places, ce qui n'a même pas suffi pour une sécurité suffisante : Daniel Bång a souffert de douleurs du tibia et Colby Genoway a été opéré du poignet. Le Slovaque Stefan Ruzicka a donc été embauché pour un contrat d'un mois, un intérim assez difficile.
Il est souvent difficile de s'installer en LNA car les contrats sont très longs en Suisse. Les nouveaux venus partent donc de zéro, mais le LHC commence à creuser son sillon et a déjà presque bouclé son effectif... 2015/16. La resignature pour trois ans d'Étienne Froidevaux, courtisé par son club formateur Berne, est un signal clair envoyé aux supporters : cette fois, Lausanne prend place en ligue A pour longtemps !
Tous les étrangers en attaque ? Bienne a exactement la même méthode que Lausanne, et avait déjà employé cette recette avec succès il y a deux ans. Mais à l'époque, les hommes de l'entraîneur Kevin Schläpfer pouvaient compter sur un gardien international (Reto Berra) dans les cages, un peu comme Lausanne avec Huet (français mais naturalisé suisse par mariage). Ce n'est plus le cas. Le jeune gardien titulaire Lukas Meili s'est blessé au genou, et le vétéran Simon Rytz en a profité pour lui piquer la place. Aucun des deux ne figure parmi les meilleurs spécialistes du pays.
La défense intégralement helvétique est-elle suffisante pour les protéger ? Bienne ses espoirs dans ses jeunes arrières prometteurs, mais entre la commotion cérébrale de Ramon Untersander et la mononucléose d'Anthony Rouiller, le sort ne leur est pas favorable pour l'instant.
Tout repose donc sur cette attaque où Bienne a réussi un très gros coup en faisant venir le petit Pär Arlbrandt, rien moins que le meilleur marqueur de SHL. Il a en fait suivi son grand copain, le centre Niklas Olausson. Ils ont même été rejoints par un troisième Suédois, l'ailier Dragan Umicevic. Ces Scandinaves sont réputés pour leur créativité, mais ils sont plus passeurs que buteurs. Le gabarit du puissant Ahren Spylo, toujours présent pour sa cinquième saison, est néanmoins tout désigné pour finir les actions. Le potentiel offensif est complété par des étrangers avec des licences suisses, internationaux de pays voisins : l'Autrichien Raphael Herburger s'est fait une place la saison passée, c'est maintenant au tour du Français Eliot Berthon, qui a signé pour deux ans mais se remet pour le moment d'une luxation de l'épaule.
La qualification en play-offs est donc loin d'être acquise sur le papier, mais après avoir dû repasser par un barrage de promotion/relégation au printemps dernier, Bienne tient vraiment à s'éviter les frayeurs avant l'ouverture de sa nouvelle patinoire l'an prochain.
Le bel automne 2013 d'Ambrì-Piotta n'aura pas duré. Moins fringant dans les derniers mois, le club tessinois a été éliminé en quatre manches en quart de finale. Il vit donc un retour à l'ordinaire, à savoir le bas du tableau. Le robuste vétéran Marc Reichert est rentré à la maison à Berne. Inti Pestoni, vite blessé à l'épaule, ne reviendra qu'en décembre. En son absence, le vétéran Daniel Steiner reste donc le seul joueur suisse de premier plan.
Tout repose donc sur les étrangers. Le meilleur marqueur Alexandre Giroux flanque maintenant un nouveau centre, Keith Aucoin, une des plus grandes stars d'AHL de la dernière décennie (deux fois champion, une fois MVP, multiple all-star) sans jamais devenir titulaire très plus de quelques mois en NHL. Un autre Américain arrive avec une carrière quasiment inversée : Adam Hall a presque toujours joué en NHL, parce qu'il a un profil d'adepte des tâches défensives notamment en infériorité numérique. Une spécialisation qui lui avait aussi permis de jouer cinq championnats du monde de suite pour les États-Unis (de 2003 à 2007) dans une même fonction de quatrième ligne. Mais à Ambrì, on lui demande autre chose. Il est appelé à mener l'offensive avec un gros temps de jeu, et sa difficulté à concrétiser ses actions lui est parfois reprochée.
Le HCAP a encaissé mi-juillet le départ inattendu de Maxim Noreau : il avait refusé une offre NHL l'été dernier par solidarité avec son club dans les moments difficiles, mais il a accepté cette fois le contrat de deux ans des Colorado Avalanche (il joue pour l'instant en AHL). Le précieux soutien offensif a été remplacé par un type très différent. L'ancien joueur de NHL Ryan O'Byrne est arrivé de l'éphémère finaliste KHL du Lev Prague pour amener ses mises en échec redoutables (du haut de son 1m96), mais il s'est fait une fracture de la hanche. Son remplaçant a toujours fait preuve dans sa carrière du même engagement physique mais avec des moyens très différents (1m73) : Francis Bouillon a été remercié par les Canadiens de Montréal après 14 saisons de NHL dont 11 chez les Habs. Peut-il faire figure de sauveur, de nouveau Noreau ? Malheureusement, il a 39 ans, comme la plupart des joueurs-clés du club tessinois qui ne sont plus de la première fraîcheur.
La seule exception - outre le blessé Pestoni - est le gardien de 24 ans Sandro Zurkirchen, débarrassé de la concurrence de Nolan Schaefer. Le nouveau portier Michael Fluckiger n'a été considéré comme un titulaire potentiel qu'une fois dans sa carrière, lors de son passage à Lugano. La réussite chez le grand rival tessinois n'est pas le meilleur viatique pour se faire adopter à Ambri... Zurkirchen est donc numéro 1, mais il faudrait qu'il répète son pourcentage d'arrêts de la saison dernière (plus de 93%) pour que le HCAP ait la moindre chance de retourner en play-offs.
La satisfaction de ne jamais être descendu dans son histoire ne suffit plus à Rapperswil-Jona. Le document stratégique intitulé "Mission Lakers" indique que le club veut absolument rejoindre les play-offs, mais cela ne se décrète pas, et plus personne n'y croit. Le public n'a plus forcément la patience d'attendre la fin du désendettement et du rajeunissement. Il voudrait voir son équipe décoller de la dernière place.
La dernière saison a démontré que deux champions du monde (Nicklas Danielsson et Niklas Persson) ne suffisent pas. Alors, le SCRJ a engagé... un troisième champion du monde, Johan Fransson. En effet, avec 200 buts encaissés en 50 journées, soit exactement 4 par match, il est clair que Derrick Walser ne suffisait pas à mener la défense. Malgré son expérience et ses éclairs offensifs, le vétéran canadien commettait trop d'erreurs dans sa zone. Fransson a donc été recruté au dernier moment avec un financement "hors budget" apporté spécialement par un groupe de sponsors. Malheureusement, Rapperswil ne bénéficie pas de Walser et Fransson, mais de Walser ou Fransson, ce qui n'a pas du tout le même effet. L'un des deux est toujours étranger surnuméraire, car le club a trop besoin de ses trois Suédois indispensables en attaque.
Trois "couronnes" qui ne jouent pas ensemble : le nouveau venu Mikael Johasson a été engagé pour servir de centre à la deuxième ligne pendant que Niklas Persson centre la première. Même disséminés, l'essentiel de la production offensive passe par les Suédois, et essentiellement quand ils sont réunis, c'est-à-dire pendant les supériorités numériques.
En fait, tant que le contingent helvétique restera aussi faible, les Lakers n'auront guère d'espoir de quitter les bas-fonds. Tim Wolf, jeune gardien de 22 ans de Zurich qui a fait de bonnes entrées y compris en play-offs, découvre un contexte bien moins protégé en quittant le champion pour la lanterne rouge, où il entre en concurrence avec le Letton de 20 ans Ivars Punnenovs, qui a pour sa part montré ses nerfs en barrage de relégation.
La LNB
Quo vadis, LNB ? On peut légitimement se poser la question sur une division qui reste le parent pauvre du hockey suisse. La dernière faillite en date est celle des "Basel Sharks", qui a obligé à refaire tout le calendrier au milieu de l'été. Le hockey bâlois n'est pas mort pour autant : derrière l'équipe pro, le EHC Bâle-Petit-Huningue disposait heureusement d'une formation en première ligue amateur et est donc placé pour remonter rapidement. Soutenu par 800 spectateurs en moyenne, il espère revenir en ligue B d'ici deux ans.
En attendant, la LNB n'a plus que 9 clubs, derrière une LNA à 12 clubs, et c'est en soi un problème évident. La "pyramide" des championnats est inversée. De ce fait également, l'antichambre ne joue pas le rôle qu'elle devrait dans la formation (hormis les GCK Lions qui sont créés uniquement pour cela) : la majorité des jeunes intègrent la LNA en arrivant directement du junior élite, et pas en passant par la LNB. Maillon inutilisé, avec trop peu de clubs et donc trop peu de places pour les "recalés", cette division vit un problème existentiel.
Ayant digéré la relégation et réappris le fonctionnement de la LNB, Langnau fait logiquement figure de grand favori. Les renforts étrangers arrivés en cours de saison dernière ont été conservés : le défenseur offensif français Kévin Hecquefeuille et le talentueux centre italo-canadien Chris DiDomenico Les SCL Tigers se sont préparés tout l'été avec l'objectif de gagner, mais aussi de remporter le barrage de promotion/relégation avec le dernier de LNA. Il n'avait pas eu l'occasion d'y participer l'an passé.
Langnau avait été privé du titre par Viège. L'équipe entraînée par Kim Collins garde le même objectif que l'an passé, attendre son heure et surprendre en play-offs, mais cette fois sans Aleksei Kovalev, la star russe aux plus de 1000 points en NHL ayant pris sa retraite à 41 ans. Fin de carrière aussi pour Noël Guyaz, bien méritée à 42 ans : le défenseur était revenu à Langenthal après deux titres de champion de Suisse à Lugano et une promotion en ligue A à Coire. Il avait été champion de LNB pour son club formateur en 2012.
Deux autres clubs ont déposé leur dossier en cas d'accession en LNA, nécessaire pour disputer le barrage pour la montée. Ils complètent le peloton des outsiders. La Chaux-de-Fonds, qui a pas mal modifié son équipe, et Olten ont en commun d'être soutenus par un public nombreux et fervent.
Les sponsors russes ont calmé le jeu à Martigny, qui a réduit son budget d'un tiers et va surtout essayer de pérenniser le club, alors qu'Ajoie, après avoir raté les play-offs, relance une nouvelle dynamique avec l'entraîneur Gary Sheehan aux commandes d'une équipe jeune et volontaire.
Les GCK Lions sont là avant tout pour former des jeunes, une option à laquelle Thurgovie est essentiellement réduit après avoir perdu son meneur suisse Thomas Nüssli (parti à Langnau). La blessure du gardien titulaire Dominic Nyffeler a conduit le HCT - via un financement privé - à offrir un contrat d'un mois à David Aebischer, ancien gardien-vedette qui ne trouvait plus de club et qui atterrit en CDD chez la lanterne rouge de LNB...
Marc Branchu