Bilan des championnats du monde 2016

 

René Fasel, seul candidat, a été réélu à la présidence de l'IIHF pour ce qui sera son dernier mandat (du fait de la limite d'âge). Un mandat crucial pour ne pas perdre le principal acquis de sa présidence, le rapprochement avec la NHL qui a permis la participation de tous les hockeyeurs aux Jeux olympiques. Fasel a en effet évalué à 40% seulement les chances de voir la NHL libérer ses joueurs pour les prochains JO en Corée du Sud.

La ligue nord-américaine a en effet réorganisé sa Coupe du Monde en septembre, et elle rêve de remplacer en importance le tournoi olympique, ce qui est totalement illusoire. Rien ne remplace les JO qui sont regardés par le monde entier, pas par des fans de hockey déjà acquis dans une petite poignée de pays. De plus, la NHL a témoigné une fois de plus de son incapacité à respecter les compétitions internationales en ajoutant des formations dignes d'un All-Star Game, une équipe "Europe" avec les joueurs des pays non invités et une équipe "Amérique du Nord" avec des moins de 23 ans, qui privera de fait le Canada et les États-Unis de plusieurs jeunes vedettes. Beaucoup de fans appellent ainsi au boycott de cette Coupe du Monde. Mais ce qui compte vraiment pour l'avenir du hockey international, c'est la réaction si jamais la NHL se retire des JO...

Les championnats du monde poursuivent quant à eux le chemin : il n'y a qu'en Suède qu'ils perdent de leur lustre, car ils gagnent en importance partout ailleurs. Le bémol est que l'ambiance en Russie, pays paraissant moins ouvert et attractif aux voyageurs, était loin d'égaler celle de Prague et Ostrava l'an passé. Aux Mondiaux de Cologne et Paris l'an prochain de recréer cette fête populaire indissociable de l'esprit de cette compétition.

 

Résultats et comptes-rendus des Mondiaux 2016

 

Canada (1er) : l'embarras du choix et la capacité d'analyse

Même s'il a moins impressionné, le Canada a réussi à conserver son titre de champion du monde avec une équipe a priori moins forte et moins expérimentée que l'an passé : si les médaillés d'or de 2015 seront six dans la sélection envoyée en Coupe du monde, l'équipe titrée à Moscou aura plus de représentants en septembre prochain au sein de la sélection des jeunes Nord-Américains (Rielly, Murray, Scheifele et bien sûr le supertalent Connor McDavid - en photo) qu'au sein de l'équipe officielle canadienne qui ne pourra comprendre que les joueurs de 24 ans et plus : il n'y aura que Matt Duchene et Brad Marchand. Pourquoi ces deux-là ? Parce qu'ils ont sans doute le mieux incarné la force des vainqueurs, Duchene par sa conservation du palet, Marchand par son impact physique dans les bandes et sur le but.

Pourquoi pas Corey Perry (double champion olympique sortant), Taylor Hall et Ryan O'Reilly (doubles champions du monde sortants) ? O'Reilly n'a franchement rien à se reprocher, il a juste le malheur d'être centre, un poste où l'abondance canadienne est incroyable. Perry et Hall ont une fiche négative dans le carré final à cause d'une perte de palet de Hall qui a failli causer l'élimination en donnant l'avantage aux États-Unis en demi-finale. On imagine bien que cette non-sélection, annoncée cinq jours après avoir soulevé le seul trophée qui lui manquait, est frustrante pour le capitaine Perry. Mais c'est la rançon de ce qui fait la force du Canada.

Si ce pays a renoué avec le succès de manière si patente, c'est justement parce qu'il n'attribue pas les places pour mérites rendus ou réputation, mais par une analyse précise de la performance. Et en cela, son staff très fourni a des longueurs d'avance sur la plupart des observateurs. Dans l'effectif canadien où aucune individualité ne sortait évidemment du lot, le seul joueur à recevoir des récompenses individuelles a été Mike Matheson, élu meilleur défenseur du tournoi par le Directoire et dans l'équipe-type par les journalistes. Majoritairement établis à Moscou alors que l'équipe canadienne jouait à Saint-Pétersbourg, les uns comme les autres se sont fondés sur des statistiques lues paresseusement sans faire l'effort de les interpréter. Matheson avait certes la meilleure fiche +/- derrière le duo défensif russe Marchenko-Zaitsev, mais c'est la colonne "-" qu'il faut regarder pour évaluer le jeu défensif... Matheson a encaissé quatre buts à cinq contre cinq, la paire Morgan Rielly - Chris Tanev... aucun ! Tout au long du tournoi, cette paire Rielly-Tanev a bloqué les meilleurs joueurs adverses, maintenu la possession canadienne et participé au jeu en infériorité numérique le plus efficace du tournoi.

L'autre joueur avec une fiche parfaite, c'est Mark Stone, sans doute la révélation du tournoi. Il est connu des amateurs de stats avancées pour avoir fini premier de NHL au nombre d'interceptions à chacune de ses deux saisons dans la ligue, signe d'un véritable gratteur dans l'âme. De visu sur la glace, il a aussi fait forte impression, en duo avec un Mark Scheifele particulièrement percutant. Derrière les grands noms les plus connus, le Canada a encore d'excellents hockeyeurs capables de former plusieurs équipes tout autant capables de se couvrir d'or. Et il les apprécie : les audiences ont augmenté de 13% par rapport à l'an passé et dépassé les play-offs NHL privés d'équipe canadienne.

 

Finlande (2e) : nouvelle génération, ancienne tactique ?

La nouvelle génération de la Finlande a forcément fait merveille. Jamais on aura autant parlé de juniors dans un championnat du monde. Patrik Laine a symbolisé cette nouvelle tendance en battant les records de Jagr au même âge. Les jeunes d'aujourd'hui sont-ils plus forts et plus matures de manière plus précoce qu'autrefois ? C'est tout à fait possible, tant ils sont préparés de plus en plus tôt au exigences du haut niveau. Si Laine a mis 7 buts, c'est parce qu'il a été employé dès le début en avantage numérique, honneur qu'on ne confiait guère à des jeunes autrefois. Mais c'est aussi parce qu'il a l'indéniable talent de savoir se placer pour utiliser son fantastique lancer si bien placé (36 tirs cadrés, plus haut total du tournoi).

L'élection de Patrik Laine comme MVP de la compétition à 18 ans tient quand même un peu de trop de l'effet de mode autour des "prospects". Il n'a pas été le joueur le plus important de son équipe. Ce mérite revient sans conteste au gardien Mikko Koskinen d'une part, au duo offensif Mikko Koivu - Mikael Granlund d'autre part. Dans le carré final, quand l'enjeu s'est élevé, c'est l'autre junior de grand avenir, Sebastian Aho, qui s'est le plus mis en valeur.

Ces nouvelles armes variées dans l'équipe de Finlande en ont fait en tout cas un favori légitime. Elle a longtemps été l'équipe la plus solide et la plus impressionnante du tournoi. Longtemps... sauf en finale. C'est la huitième défaite en dix finales de championnat du monde. Toujours ce fameux complexe d'infériorité, et que les récents succès dans les catégories juniors n'ont apparemment pas (encore ?) changé.

Les différences entre l'état d'esprit des Finlandais et des autres pays se sont encore manifestées à Moscou. Les journalistes russes ont été surpris de constater que leurs homologues finlandais étaient tous unanimes pour souhaiter la victoire du Canada en demi-finale face aux États-Unis, pour pouvoir assister à un nouveau grand match. Ils ne parvenaient absolument pas à comprendre que leurs confrères ne préfèrent pas affronter les Américains, a priori plus faciles. Cela traduit surtout la vraie passion de la Finlande pour le hockey sur glace, qui n'a sans doute pas d'autre équivalent que le Canada. C'est pour ça que la moitié du pays était encore devant sa télévision, un ratio rarement presque jamais atteint ailleurs pour un évènement sportif.

Mais est-ce juste une question de psychologie si la Finlande perd ses finales ? Cette année, c'était aussi une question de physique : elle avait dépensé beaucoup d'énergie dans une demi-finale de haute intensité contre la Russie, deux défenseurs importants étaient blessés, et le centre Aleksander Barkov était visiblement diminué, perdant bien plus de palets qu'à l'accoutumée. Et on ne peut pas négliger la raison tactique. Le système qui lui apporte régulièrement la victoire contre la Russie ne fonctionnait plus face à un Canada qui a trouvé la clé : maintenir les Finlandais dans leur zone et mettre en lumière la difficulté de leurs défenseurs - notamment le jeune Esa Lindell qui a montré ses limites après sa forte entrée l'an passé - à relancer et construire le jeu sous la pression.

Après le départ de Kari Jalonen, qui a suivi la voie tracée par ses prédécesseurs en adoptant un système défensif au point, le prochain sélectionneur Lauri Marjamäki saura-t-il transformer le modèle finlandais pour l'adapter aux nouveaux talents qui émergent ?

 

Russie (3e) : quelle est la valeur ajoutée d'Ovechkin ?

Pour la troisième fois (après Moscou 2007 et les JO de Sotchi 2014), les Russes ont été éliminés dans une compétition internationale organisée à domicile par la Finlande. Les trois derniers sélectionneurs (Bykov, Bilyaletdinov, Oleg Znarok) auront donc buté sur cet obstacle. Cela ne peut pas être qu'une coïncidence. Les Finlandais, comme personne, savent faire dérailler la "Machine Rouge", ce surnom attribué par les Nord-Américains à l'équipe d'URSS que les Russes essaient de remettre au goût du jour.

La ligne Panarin-Shipachyov-Dadonov a effectivement rappelé la glorieuse époque soviétique. Dès qu'elle a été reconstituée, elle a fonctionné comme la saison dernière au SKA Saint-Pétersbourg. Les trois joueurs ont inscrit 46 points à eux trois et battu ainsi le meilleur total (45) établi par la mythique KLM en 1983. Ils ont fait le spectacle et prouvé que le jeu horizontal à la russe n'était pas mort, avec leurs passes transversales pour des reprises en cage ouverte. Comme à l'époque soviétique, ces trois hommes valent plus ensemble que séparément, et on n'est pas sûr que Vadim Shipachyov (qu'on dit en partance vers la NHL) donne la même impression insolente de domination avec des partenaires moins adaptés à son style.

Avoir eu une ligne si forte a peut-être été un piège pour la Russie. L'entraîneur finlandais Kari Jalonen, qui avait le dernier changement en demi-finale, a systématiquement opposé aux trois hommes le trio de Jarno Koskiranta, leur coéquipier au SKA qui les connaît parfaitement. Mais avec tout le talent offensif qu'ont les Russes, il ne devrait pas suffire de neutraliser une ligne ! Comment cela a-t-il pu être le cas ? Pavel Datsyuk, excellent dans la récupération des palets ainsi qu'aux mises au jeu (le point faible de Shipachyov), a eu moins d'impact offensif : privé de troisième homme de valeur sur sa ligne (Stepan Sannikov a été transparent), il ne pouvait plus qu'alimenter le pur buteur Sergei Mozyakin. Forcément, les adversaires se méfiaient de cette ligne de passe.

On en revient donc une fois de plus au cas Aleksandr Ovechkin. C'est à partir du moment où la superstar des Capitals de Washington est arrivée que le jeu de puissance de la Russie est devenu muet, ne marquant aucun but en sa présence. Sa spécialité, le lancer de volée dans le cercle gauche, n'apporte pas de valeur ajoutée puisque Mozyakin (voire Panarin) en ont un d'aussi bonne qualité. Ovechkin a monopolisé le temps de jeu, avec 24 minutes en demi-finale, bien plus que tous ses coéquipiers. C'est lui qui a été envoyé sauver la patrie en fin de match... sans rien apporter. 1 but et 1 assist en 6 rencontres, c'est un maigre bilan pour un joueur parfois considéré comme le meilleur attaquant de la planète. Et ce n'est pas la première fois en équipe de Russie. Son jeu stéréotypé, qui fonctionne toujours en NHL, reste moins efficace en compétition internationale. Sa sur-utilisation semble plutôt affaiblir l'équipe.

 

États-Unis (4e) : Matthews, l'évidence au-delà du battage médiatique

Les Américains ont terminé une seconde année de suite dans le dernier carré. Du jamais vu depuis 66 ans. Cela fait aussi quatre demi-finales sur les cinq dernières compétitions internationales. Cela ne peut donc pas être qu'une coïncidence. Le hockey sur glace se développe de plus en plus aux États-Unis, le réservoir grandit d'année en année, la compétitivité aussi.

D'un côté, les États-Unis se sont qualifiés de justesse après un premier tour très moyen, battus par les Allemands et sans aucune chance face aux futurs finalistes. D'un autre côté, ils ont failli créer la surprise en demi-finale contre le Canada et accéder à leur première finale de championnat du monde depuis la guerre.

Si l'on regarde qui a fait la différence sur ce fil ténu entre réussite et échec, c'est-à-dire qui a été décisif en quart de finale contre les Tchèques, on trouve un nom : Auston Matthews, auteur de l'égalisation (entachée d'un hors-jeu comme les images l'ont ensuite montré) et du pénalty gagnant. Oui, il mérite bien d'être le futur numéro 1 de la draft NHL. Oui, il est plus complet que le probable futur numéro 2 Laine, dans la vision du jeu et dans la conservation du palet. Que l'on monte en épingle le "duel" entre les deux joueurs quand ils sont face-à-face est légitime, et le but de Matthews sur palet intercepté à Laine était forcément un fait notable.

Pour autant, entre deux joueurs aux profils pas du tout comparables, critiquer sans cesse l'un pour complimenter l'autre en filigrane - ou inversement - devient agaçant à force. Entre deux joueurs aux profils pas du tout comparables, il est temps que la draft arrive pour qu'on arrête ce banc d'essai. Ce battage médiatique autour des prospects a exagéré les critiques positives et négatives, en disséquant chacun de leurs gestes.

Les jeunes ont aussi le droit de réaliser des matchs moyens, comme Matthews et Laine pour finir le tournoi. Ils peuvent aussi commettre des erreurs, et l'autre espoir Dylan Larkin, deuxième marqueur de l'équipe après Matthews et très dynamique dans son patinage, a parfois commis des mauvais choix.

Ces joueurs auraient simplement mérité qu'un joueur (un peu) plus expérimenté vienne les soulager du poids de la production offensive. Meilleur marqueur l'an passé, le joker Brock Nelson paraissait idéalement taillé pour y parvenir, mais son sens du but a été bien moins affûté.

 

Tchéquie (5e) : transition et frustration

L'entraîneur Vladimír Vujtek a confirmé sa retraite définitive à 69 ans, et a expliqué qu'il l'aurait déjà fait l'an passé avant que l'appel de l'équipe nationale (sans sélectionneur après l'affaire Ruzicka) le convainque d'officier un an de plus. Il a bien préparé la suite. Il a opéré le rajeunissement tant attendu, avec la plus basse moyenne d'âge dans ce siècle, et a incorporé 15 débutants en championnat du monde. Il a insisté à chaque déclaration sur le fait que toutes les décisions étaient collectives, et son adjoint et successeur Josef Jandac a donc participé à cette transition réussie.

Les Tchèques sont partagés à l'heure de faire le bilan. Ils ont offert du bon hockey à leurs supporters et leur ont fait plaisir en terminant premiers de poule. Mais si c'est pour aboutir à une défaite en quart de finale, à quoi bon ? Le capitaine Roman Cervenka a conclu : "J'aurais préféré qu'on joue comme en Allemagne en 2010, quand on disait que nous jouions mal et que nous étions nuls, pour ensuite aller en finale et nous battre pour l'or."

Une compétition internationale se joue en effet à peu de choses. En 2010, les Tchèques étaient devenus champions du monde en se qualifiant aux tirs au but en quart de finale et en demi-finale. Lukas Kaspar avait alors placé son pénalty entre les bottes du gardien, comme il l'a fait 5 fois sur 5 durant cette saison internationale. Un jour, il allait finir par buter sur un gardien adverse prévenu. Ce fut en fait un hasard : le gardien américain Keith Kinkaid avait simplement regardé les résumés des matches du Mondial de l'autre poule à la télévision, il avait vu le pénalty de Kaspar contre la Suisse et s'était souvenu de ce tireur aux cheveux longs...

Les pénaltys n'ont donc pas tourné en faveur des Tchèques cette fois, notamment parce que leur gardien Dominik Furch, solide dans le jeu, était faible dans cet exercice. Vujtek a d'ailleurs confié après coup que Francouz était prêt à rentrer si Furch encaissait le premier pénalty... Il a concédé le second, déjà le dernier ! Il est frustrant que ça se termine si vite. L'an prochain, l'IIHF modifiera les règles et refera jouer cinq pénaltys de chaque côté dans les phases finales. Un tireur individuel sera donc moins important (désolé Kaspar), mais les gardiens le seront plus (attention Furch).

 

Suède (6e) : en mal d'amour et de gratitude

Pour la Suède, les demi-finales ont longtemps été une évidence. Elle les a atteintes onze fois de suite au début du siècle actuel. Mais elle vient de les rater trois fois en cinq ans. Deux années de suite en dehors du dernier carré, cela ne lui était plus arrivé depuis... 1960. Peut-on faire semblant que tout va bien ?

La manière a été encore plus décevante que la place finale. On a rarement vu la Suède aussi humiliée dans le jeu que contre la Russie, puis contre le Canada en quart de finale. Le hockey qu'elle a montré n'était tout simplement plus celui d'une grande nation. Les leaders offensifs supposés Gustav Nyquist (qui avait pourtant excellé par sa vitesse) et Mikael Backlund (photo) ont été totalement transparents face à ces adversaires de haut niveau.

Quant à Linus Omark, re-sélectionné après cinq ans d'absence, il s'est plaint que le sélectionneur Pär Mårts ne l'aimait pas (sic) après avoir été enlevé du powerplay pour ces deux rencontres finales. Pour autant, il n'a toujours pas prouvé qu'il avait développé une intensité de jeu à la hauteur de sa technique phénoménale.

Forcément, après un tel désastre, aucun de ces hockeyeurs n'ira à la Coupe du Monde, sauf le joker défensif Mattias Ekholm, dernier arrivé qui a tenté de donner un peu d'impulsion dans une équipe en plein désarroi. Mais faut-il vraiment blâmer les joueurs qui étaient là... ou plutôt les absents ? Obligés contractuellement à participer à une compétition organisée par la NHL qui leur verse leurs salaires, les meilleurs joueurs suédois seront là en septembre, mais ils auront beaucoup à se faire pardonner auprès des fans suédois qu'ils ont laissés en plan. Les experts nord-américains les voient comme les principaux adversaires théoriques du Canada, on verra sur la glace...

La Suède paraît devenue la Russie des années 90 : ses jeunes générations plus individualistes "oublient" ce que leur pays leur a donné et négligent l'équipe nationale. Certains semblent même renier leur origine, à l'instar de Tobias Enström, officiellement listé en NHL avec un prénom de clebs (Toby).

Est-ce une tendance de fond ou une impression passagère due uniquement au manque de charisme (d'amour ?) de Pär Mårts ? Le futur sélectionneur Rikard Grönborg, qui regarde les matchs de NHL la nuit, a promis de dialoguer régulièrement avec les joueurs suédois évoluant outre-Atlantique. On verra s'il réussit vraiment à les rassembler durablement pour la Tre Kronor, et si ces défections multiples n'étaient qu'une question de relations humaines avec un entraîneur qui a bon dos...

 

Allemagne (7e) : les joueurs sont revenus, l'engouement aussi

L'arrivée de Marco Sturm à la tête de l'équipe d'Allemagne ne pouvait pas mieux se passer. Conscient de ses limites tactiques, mais bien assisté par Geoff Ward, l'entraîneur débutant a réussi, à un an des Mondiaux de Cologne et Paris, à qualifier la Nationalmannschaft en quart de finale. Elle a même réussi à y mener au score, avant d'être dépassée par la vitesse de jeu adverse. Mais face à la Russie, elle n'a pas été la seule... Le patinage fait souvent défaut aux Allemands face aux joueurs de l'Est, c'est encore plus difficile avec un effectif réduit par les blessures.

Si l'Allemagne a atteint ses premiers quarts de finale depuis cinq ans, c'est aussi parce qu'elle a connu moins de défections. Sturm a mieux su attirer les joueurs de NHL que ses prédécesseurs, mais ce ne sont pas toujours eux qui ont porté l'équipe. Christian Ehrhoff décline et n'est plus aussi souverain qu'avant, Tobias Rieder a un peu déçu avant de se blesser, et surtout Leon Draisaitl n'a pas été le meneur de jeu espéré. Son jeu est-il moins performant sur grande glace ? Ou est-ce simplement qu'on attendait simplement trop de lui ? L'ancien numéro 3 de draft n'a encore que 20 ans, et les médias allemands se sont peut-être emballés en le regardant comme une grande vedette à cause de sa saison à 51 points à Edmonton.

Le meilleur joueur fut en fin de compte un international fidèle, Patrick Hager. Au départ, il devait simplement faire partie du trio chargé de neutraliser les meilleures lignes adverses, aux côtés de Marcus Kink et Yannic Seidenberg. Mais après les deux défaites initiales, Sturm a réorganisé son alignement. Le vétéran Marcel Goc, en difficulté avec le palet, a remplacé Hager et mieux rempli ce rôle plus défensif avec ses qualités aux mises au jeu. Tout en gardant son temps de jeu en infériorité, Patrick Hager a été efficace tant défensivement qu'offensivement en rejoignant son partenaire de club Philip Gogulla, en compagnie de deux profils différents, d'abord le créatif et patineur Felix Schütz (photo), puis - quand ce dernier s'est blessé - le buteur Patrick Reimer.

Pour avoir du succès, l'Allemagne a toujours besoin d'un grand gardien. Même sans Endras blessé, Sturm voulait un titulaire fixe et a fait le choix du plus expérimenté, Timo Pielmeier. Une réussite moyenne avec 85% d'arrêts et un haut du filet un peu trop ouvert. L'arrivée de NHL de Thomas Greiss a donc été providentielle, il a confirmé sa celle saison. Il a été le principal artisan de la belle victoire sur les États-Unis et permis d'y croire contre les Russes.

Les Allemands, regonflés à bloc, redeviennent ainsi les favoris obligés de leur tournoi de qualification olympique en Lettonie. Et ils suscitent de nouveau l'engouement. Avec près de 1 million de téléspectateurs, ils ont retrouvé des audiences qu'ils n'avaient plus connues depuis cinq ans.

 

Danemark (8e) : la fine bouche malgré la qualification

À quatre mois d'une qualification olympique qu'elle espère historique pour consacrer enfin son développement par une participation aux JO, le Danemark a accédé aux quarts de finale pour la seconde fois seulement de son histoire. Ce qui est le plus impressionnant, c'est qu'il a réussi cette performance alors que ses supporters ont souvent fait la fine bouche. Ils n'ont guère apprécié en particulier l'humiliation subie face aux Russes (1-10).

La première ligne 100% NHL a aussi été critiquée pour un punch offensif plus faible que prévu, peut-être par une mauvaise appréciation de ce qu'elle pouvait apporter. Lars Eller est un centre défensif et il est un peu compliqué de lui demander d'être meneur de jeu. L'ailier Jannik Hansen a fait décoller son nombre de buts cette saison à Vancouver du fait de sa présence aux côtés des jumeaux Sedin qui ont besoin d'un finisseur rapide et agressif comme lui. Il ne crée pas ses occasions tout seul pour autant. Quant au troisième homme, le jeune Nikolaj Ehlers, là, n'y allons pas par quatre chemins : le Danemark a produit beaucoup de bons joueurs depuis quelques annés. Cette fois c'est différent : il a produit un grand joueur !

Même si la première ligne n'a mis que deux buts à cinq contre cinq, elle a quand même tenu son rang grâce à sa contribution en supériorité numérique. C'est l'autre malentendu entre les Danois et leurs supporters : leur jeu de puissance a paru poussif, la faute à un manque de mouvement. Et pourtant, même sans impression de vitesse, il a statistiquement été le meilleur du tournoi (34,5% !), sachant utiliser opportunément déviations et écrans.

Quand on termine à la meilleure place de son histoire, il faut donc savoir apprécier les points positifs. Le jeune Nicklas Jensen, a été le meilleur marqueur grâce à son sens du but. En l'absence de nombreux centres, Morten Madsen a très bien tenu à ce poste et a été le seul positif aux mises au jeu. Et bien sûr, le gardien Sebastian Dahm a été excellent comme l'an passé (93,5% d'arrêts) et joué un rôle capital dans la qualification en quart de finale.

La commotion cérébrale du meilleur défenseur Jesper B. Jensen (sur une dure charge d'Ambühl au troisième match) aurait pu être un coup très dur pour le Danemark. S'il a réussi à tenir, c'est que Daniel Nielsen a encore été remarquable pour son douzième championnat du monde élite. Doté d'un gros temps de jeu, très discipliné contrairement à ses coéquipiers, il n'a pris sa première pénalité qu'en quart de finale face à la Finlande, où il a aussi donné une relance à Granlund. On ne peut plus lui en vouloir car il a beaucoup donné. Le Danemark a réussi un bon tournoi et s'est préparé idéalement à cette qualification olympique pour laquelle elle espère enfin se présenter au complet.

 

Slovaquie (9e) : un pays coupé en deux et des joueurs stressés

Cela fait trois ans de suite que la Slovaquie finit neuvième, et cela ne peut pas contenter un public qui a été habitué à atteindre les quarts de finale chaque année pendant dix ans (1998-2007). Les jeunes joueurs slovaques, incapables de décrocher des réseaux sociaux, ont très mal vécu les réactions négatives des fans. Le gardien Julius Hudacek, qui a la réputation d'un amuseur public en Suède, a perdu tout son esprit joyeux et expliqué que les hockeyeurs slovaques n'avaient jamais pris de plaisir alors que ses connaissances des autres nations jouaient dans un état d'esprit positif et non dans la peur de perdre.

Cette nervosité s'est ressentie quand la Slovaquie a perdu contre le Bélarus après avoir mené 2-0 au bout de 44 minutes. Le conflit apparent sur le banc au sein de la première ligne Dano-Reway-Bakos n'a pas échappé aux caméras. Le lendemain, lors d'une croisière sur la Neva, une belle photo de réconciliation a été organisée avec les trois joueurs qui se tenaient par les épaules. Le groupe ne respirait pas la sérénité pour autant. Quant au jeune Martin Reway (qui vient de signer son contrat avec les Canadiens de Montréal), il a renforcé sa réputation de tête brûlée en plus d'un bilan piteux : 0 but, 1 assist, -5 et une énorme occasion ratée à 1-0 contre les Américains qui symbolise la défaillance de powerplay slovaque.

Zdeno Cíger a peiné à gérer la formation de l'équipe, la communication, mais aussi le coaching. Même des commentateurs "étrangers", non influencés par la perception slovaque, ont failli s'étrangler en voyant que le gardien Hudacek lui faisait désespérément signe de sortir en fin de match contre les États-Unis, à 2-2, alors que son équipe avait besoin des trois points pour aller en quart de finale. L'opinion répandue en Slovaquie est qu'il était absurde de confier la sélection à un homme n'ayant jamais entraîné d'adultes : l'exemple Marco Sturm prouve le contraire... sauf que Sturm était bien entouré et bénéficiait d'un environnement favorable.

La place de Cíger en revanche n'était vraiment pas facile. Malgré son contrat de deux ans, il est dans l'incertitude, presque désabusé : "Personne ne sait ce qu'il adviendra dans quelques jours. Attendons les nouvelles élections présidentielles de la SZLH. Je suis triste d'avoir rencontré, avant même que le championnat commence, des problèmes liés à l'ambivalence de la Slovaquie. C'est difficile de monter une équipe, quand la moitié du pays y croit et l'autre non, attendant une erreur. Ce que j'ai vécu ces derniers jours est quelque chose d'irréel. Je ne pensais pas que le hockey pouvait engendrer autant de haine et de colère."

Il est clair qu'il faut, d'une façon ou d'une autre, purger l'abcès. Qu'Igor Nemecek soit réélu pour de bon dans un mode de scrutin incontesté, ou que les frondeurs finissent par aboutir. L'équipe nationale ne peut pas servir d'otage à un boycott des cœurs ou à un conflit politique. Pendant ce championnat, le président de la fédération slovaque a en tout cas déjà perdu la partie internationale de son pouvoir : il n'a pas été réélu du Council de l'IIHF...

 

Norvège (10e) : un groupe uni pour les adieux du sélectionneur

Un peu d'histoire permet toujours de mieux comprendre. En 2001, plusieurs stars du hockey norvégien sont en conflit avec l'entraîneur suédois Leif Boork et boycottent l'équipe nationale. Petter Thoresen lui est alors adjoint avant le championnat du monde pour essayer de renouer les ponts, mais sans empêcher que la Norvège soit reléguée. Le sort de Boork est scellé depuis longtemps, et la sélection est confiée à Roy Johansen...

Quinze ans plus tard, Roy Johansen termine son long mandat à la tête de l'équipe nationale (et ce même Petter Thoresen lui succèdera). Non seulement il a nettement fait remonter la Norvège au classement mondial, mais il a aussi créé un véritable groupe autour de lui. Proche de ses joueurs, il est très apprécié. Mats Trygg (39 ans) et Anders Bastiansen (35 ans) ont décalé leur retraite internationale pour participer aux adieux à Johansen, et toute l'équipe lui a rendu hommage.

Le défaut de ce groupe, c'est son caractère restreint, en raison du manque de relève. La révélation du défenseur junior Johannes Johanessen (après Nørstebø l'an passé) est encourageante. Le plus jeune des trois gardiens, Steffen Søberg, a joué avec brio les deux dernières rencontres, alors qu'il n'avait plus joué depuis un mois et demi, faute d'avoir été testé même une fois en préparation. En attaque, en revanche, rien de nouveau. Les frères Olimb, qui excellent en possession avec le palet, ont été les meilleurs marqueurs, même si la finition n'est pas leur point fort. Avec une efficacité aux tirs sous les 6%, et un powerplay en dessous de 7%, la Norvège n'a plus de buteur depuis la retraite de Per-Åge Skrøder. Elle manque de nouveaux joueurs capables de faire la différence.

Johansen le sait, lui qui critique depuis des années le manque de travail de formation des clubs et le développement trop lent de la construction des nouvelles patinoires. Il en a remis une couche sur les championnats mineurs qui se terminent en mars au lieu de laisser les jeunes pratiquer le hockey plus longtemps jusqu'en avril. La Norvège regarde aussi avec envie le Centre Fédéral bâti en France.

Le grand défi, qui dépasse les sélectionneurs, reste la popularité auprès du grand public. Même si l'affluence dans les patinoires est plus élevée que le handball, le cercle d'amateurs est très restreint. Les rencontres de l'équipe nationale n'ont attiré - comme d'habitude - que 60 000 téléspectateurs. Un récent sondage a révélé que 4% des Norvégiens se disent "très intéressés" par le hockey sur glace (avant-dernier devant les 3% du snowboard, alors que le biathlon fait 31%, le ski de fond 29% et le football 22%), et surtout 52% se disent "pas du tout intéressés", le plus mauvais score des sports cités.

 

Suisse (11e) : il ne manque que la discipline, le jeu en infériorité, les tirs, le gardien et les centres

Un quart de finale aurait permis à Patrick Fischer de voir son contrat automatiquement prolongé de deux ans. L'objectif manqué a donc embarrassé les dirigeants helvétiques. Ils ont refusé de réagir à chaud, mais au fond d'eux, ils n'ont aucune envie de revenir sur le choix politique de confier la sélection à un entraîneur suisse. Et vu que les clubs ne veulent pas lâcher les leurs, quel serait l'alternative ? Comme la presse, d'habitude si critique, est sur la même ligne, on peut penser que Fischer restera en poste. Un étranger n'aurait pas bénéficié de la même indulgence.

Faute reconnue par Fischer : le jeu en infériorité numérique qui n'a jamais fonctionné et a fini bon dernier alors qu'il était dans le top-5 depuis trois ans. C'est sûr qu'avec 66% de pénalités tuées, les passages répétés en prison de Félicien Du Bois ont coûté cher... Or, dans la répartition des tâches, le jeu en infériorité avait été confié à Reto Von Arx, le moins légitime du trio d'entraîneurs du fait de son passé de renégat de l'équipe nationale. Cela n'a pas échappé à ses détracteurs.

L'autre joueur longtemps éloigné de la sélection à l'époque Krueger, Michel Riesen, est en revanche revenu en grâce : le directeur de l'équipe nationale Raeto Raffainer a cité en exemple le rôle essentiel que peut jouer auprès des jeunes "l'école de tirs" qu'il a fondée. Avec comme carte de visite d'avoir eu le "meilleur tir du monde en dehors de la NHL" (pas souvenir que ce label lui ait été donné si souvent quand il jouait, mais il faut bien savoir se vendre...), Riesen s'est en effet reconverti comme entraîneur spécialisé dans l'art du tir, le domaine qui fait tant défaut à la Suisse.

Il serait un peu rapide de résumer la performance moyenne de la Suisse à l'inefficacité aux tirs... ou même à l'efficacité des tirs adverses. Il est vrai que Reto Berra n'a pas réussi un grand Mondial : si l'on fait le compte de son but de la zone neutre encaissé contre le Kazakhstan et de sa faiblesse dans les séances de tirs au but, on tient les trois points qui ont manqué à la Nati pour accéder aux quarts de finale.

Néanmoins, le "tempo-hockey" que devait incarner Fischer n'a pas été adopté de manière si constante. Il était plus facile de paraître offensif après Hanlon, mais on est encore très loin de Sean Simpson. On n'a pas eu non plus l'impression que le sélectionneur a trouvé ses cadres. Pour le tempo, Sven Andrighetto l'a assuré avec dribble, mouvement et puissance dans les jambes, finissant meilleur marqueur pour son premier Mondial. Le septième défenseur Noah Schneeberger a aussi fait une bonne entrée avec une relance de qualité. Les autres débutants ont découvert qu'il existait un monde avec le niveau international, que ce soit en patinage pour le défenseur d'AHL (Christian Marti) ou en intensité pour les attaquants-vedettes de LNA (Haas, Hofmann, Martschini, Marc Wieser).

Il ne faut pas oublier que, lorsque la Suisse a atteint la finale mondiale, Morris Trachsler était le centre de quatrième ligne, et excellait dans ce rôle. Devant lui, il y avait Martin Plüss (39 ans aujourd'hui), Ryan Gardner (à la retraite) et Luca Cunti (qui n'affiche plus la même forme). Cette année, Trachsler a fini centre de la première ligne, entre les ailiers les plus actifs Niederreiter et Moser. Il a d'ailleurs bien fait, mais normalement, ce ne devrait pas être son rôle. Former un successeur à Plüss (que la Suisse ne semble pas avoir), cela demande plus de travail qu'un simple "coach de tirs".

 

Bélarus (12e) : pas la Corée du Nord !

Que se serait-il passé si le Bélarus avait été relégué ? L'entraîneur canadien Dave Lewis a un contrat jusqu'en 2018, et le directeur de la fédération Igor Rachkovsky dit qu'il restera en poste quel que soit l'issue de la qualification olympique en septembre. Après avoir étonné en déclarant viser une demi-finale avant les Mondiaux, Rachkovsky a détendu l'atmosphère dans une conférence de presse de bilan en déclarant : "Je ne veux vexer aucun pays, mais nous ne sommes pas par exemple la Corée du Nord. Les joueurs ne rentrent pas en tremblant s'ils n'ont pas de médaille." Nous voilà rassurés...

Pour autant il a aussi précisé qu'un contrat pouvait aussi être rompu. Implicitement visé : l'entraîneur suédois des gardiens Michael Lehner. Il fallait bien un bouc émissaire à cette piètre performance, et les portiers ont fini à 83% d'arrêts... Le staff du Dynamo Minsk est aussi dans le viseur, car il aurait "cassé" la confiance de Kevin Lalande (auteur d'un piteux 75%...) en le faisant trop peu jouer cette saison.

Portés au pinacle en revanche : Evgeni Lisovets et Andrei Stas, invités à la conférence de presse pour les montrer en exemple. Malgré les insultes proférées auprès d'un journaliste en zone mixte après la défaite contre la Hongrie, Stas a été confirmé comme nouveau capitaine, ce qui est aussi une marque de défiance envers celui qui tenait initialement ce rôle...

Blessé à la jambe en cours de tournoi, le désormais ex-capitaine Aleksei Kalyuzhny n'est même pas resté auprès de l'équipe, ce qui ne dénote pas une grande solidarité dans le vestiaire. La première ligne qu'il formait avec les frères Kostitsyn - toujours si indolents - a été une immense déception avec un seul but marqué et un bilan très négatif. Le potentiel n'est pas en cause, mais la motivation et l'esprit d'équipe sont aléatoires.

Malgré le visage parfois dépité qu'il a affiché, Dave Lewis n'est donc pas remis en cause. Il tient à son système fondé sur la pression offensive et n'enclenchera pas de retour en arrière : avec lui, le Bélarus ne se retranchera plus défensivement pour remettre les barricades de la première époque Hanlon. Il a sans doute raison car les joueurs ont changé : ce qui fonctionnait quand le regretté Salei jouait 24 minutes par match devant un Mezin à son sommet ne fait plus sens avec une défense et des gardiens qui n'inspirent plus la même confiance. C'est d'ailleurs le forechecking qui a bousculé la France au début du dernier match et permis de sauver le maintien.

 

Lettonie (13e) : charlatan ou victime de l'antisémitisme ?

L'objectif affiché, entrer dans le top-10, aurait pu être atteint si la Lettonie avait gagné son dernier match contre la Norvège. Au lieu de ça, elle a perdu tristement et n'a pas su finir sur une bonne note un tournoi qui avait bien commencé avec des points pris contre les Tchèques et les Suédois. Le capitaine Kaspars Daugavins a parlé de "honte" et évoqué un changement de génération comme point positif.

Un changement de génération, vraiment ? Dans les cages, oui, car Elvis Merzlikins a prouvé qu'il était prêt à succéder à l'éternel Edgars Masalskis. Aux autres postes, cela tient plus du discours convenu. Les autres jeunes sont restés dans l'ombre.

C'est d'ailleurs le souci de la Lettonie : personne n'est prêt à prendre le relève quand les leaders font défaut. Or, ceux-ci sont trop peu nombreux. Mikelis Redlihs est resté meilleur marqueur de l'équipe alors qu'il s'est blessé au genou à la fin du quatrième match. Il n'y a pas vraiment eu de première ligne. Les renforts de NHL Zemgus Girgensons et Ronalds Kenins (un point chacun et des fiches négatives de -5 et -6) sont plus des profils d'énergie que des meneurs offensifs. Si Girgensons s'est signalé par sa protection du palet et sa combativité dans les duels, Kenins a commis beaucoup d'erreurs. Après avoir perdu la confiance du staff des Canucks de Vancouver, l'AHL ne lui a pas fait du bien et il a semblé régresser par rapport au niveau qu'il avait en jouant en Suisse.

Ce tournoi aurait été dans la continuité des précédents, c'est-à-dire une stagnation, dangereuse pour l'avenir du hockey sur glace en Lettonie à l'heure où le basket communique beaucoup. Mais pour l'écho médiatique, on peut compter sur Kirovs Lipmans ! Le président omnipotent de la fédération de Lettonie est aussi le PDG de la compagnie pharmaceutique Grindeks, seul fabricant du meldonium, cette substance ajoutée sur la liste des produits dopants depuis le 1er janvier et qui a fait scandale jusque dans le hockey via l'équipe russe U18.

C'est à ce titre que Lipmans vient de donner une interview à un site russe (Sport Fakt) qui a fait l'effet d'une bombe. Il caresse les thèses russes dans le sens du poil en expliquant que l'affaire Meldonium est un complot des Américains pour empêcher Sharapova de gagner la médaille d'or de tennis aux Jeux olympiques ! Il explique par ailleurs que les ventes du meldonium ont doublé et ne recule devant aucun argument commercial en prétendant que ce produit n'augmente pas les performances mais renforce la santé du cœur. Ce bienfaiteur ajoute même que l'ex-hockeyeur letton Sergejs Zoltoks (décédé d'un arrêt cardiaque) ne serait jamais mort s'il avait pris du meldonium...

Mais après avoir défendu - à la troisième personne - son bilan de président de fédération ("si notre équipe participe aux championnats du monde élite depuis 21 années consécutives, c'est que Kirovs Lipmans ne s'est jamais trompé dans le choix des entraîneurs"), il a surtout commenté les critiques dont il fait l'objet en Lettonie en ces termes : "Premièrement, beaucoup m'envient en tant qu'entrepreneur à succès. La psychologie humaine est ainsi, [...] les gens rêvent de voir leurs propres remplies avec l'argent gagné par les autres. Deuxièmement, beaucoup de Lettons sont très nationalistes. Ils ont une forte antipathie contre les Russes et contre les Juifs. Si je n'étais pas juif mais letton, le traitement serait complètement différent et on me porterait en triomphe sur les bras." Ces déclarations de Lipmans à un journaliste russe ont été très mal perçues au pays et ne font au contraire qu'attiser les feux du nationalisme...

 

France (14e) : a-t-on les moyens d'avoir d'autres ambitions ?

La triste prestation finale contre le Bélarus a terni le bilan de l'équipe de France, alors qu'elle a battu l'Allemagne et la Hongrie et très bien résisté face aux deux futurs finalistes. Les rencontres face à la Slovaquie et aux États-Unis, qui ont toutes deux mal tourné après une mauvaise pénalité de Teddy Da Costa, laissent plus de regrets.

On a beaucoup évoqué la défense décimée, qui a fini à cinq joueurs dont deux arrières de fraîche date. Elle ne s'en est pas si mal sortie. Damien Raux a montré pourquoi les sélectionneurs tiennent à lui depuis si longtemps : déjà utilisé dans bien des rôles en attaque, l'homme à tout faire de l'équipe de France s'est improvisé arrière avec application, sans prétendre au génie mais sans déchet. Les erreurs fatales ont surtout été commises par des attaquants sur des pertes de palet ou des relances approximatives Les cinq "survivants" de l'hécatombe des lignes arrières se sont bien débrouillés, de Maxime Moisand redescendu des tribunes pour saisir sa chance à Grégory Béron qui reste le plus sujet à erreurs mais a aussi amené une mobilité indispensable pour ne pas laisser l'indispensable Yohann Auvitu seul défenseur offensif capable de donner l'impulsion vers l'avant.

C'est le jeu offensif des Bleus qui a beaucoup déçu. Son désarroi a été symbolisé par le manque de réussite de Damien Fleury, qui n'avait plus le timing du buteur en confiance, et surtout par la faiblesse du jeu de puissance, privé de l'impact de Hecquefeuille à la ligne bleue et trop peu capable de masquer le gardien pour forcer sa chance. Plus mauvaise attaque de la compétition, la France a semblé désemparée pour remonter le score. Une question de système tactique, mais aussi - beaucoup - d'aptitude technique.

Une remise en cause est salutaire, et mieux vaut qu'elle arrive maintenant qu'au tournoi de qualification olympique en septembre ou à Bercy en 2017. On ne doit toutefois pas perdre de vue une réalité : 14e, c'est la "vraie" place de la France dans le hockey mondial, par le niveau de ses joueurs. Il est légitime de prétendre à mieux, mais cela ne peut passer que par une implication collective supérieure aux autres nations. Il ne faut pas que cette force disparaisse.

Faut-il un jeu plus ambitieux ? Il ne suffit pas de le décréter. Si l'on veut attaquer, il faut déjà avoir le palet, donc gagner plus de duels, y compris de mises au jeu, et savoir enchaîner des passes propres. Si l'on veut mettre plus de pression sur l'adversaire, il faut autant sinon plus de synchronisation collective entre les cinq joueurs, alors qu'elle a fait défaut sur des bases du jeu comme les changements. Il faut aussi beaucoup de fraîcheur pour appliquer un système de patinage plus intense. En a-t-on les moyens entre des vétérans en bout de course qui n'ont plus de jus (Desrosiers, Meunier, Yorick Treille) et des jeunes qui amènent vitesse et audace mais n'ont pas l'endurance requise pour tenir la durée de la compétition (Perret) ?

La leçon déjà formulée ouvertement par le staff, c'est d'élargir le cadre en préparation. C'est du bon sens et de la prudence, mais chaque médaille a son revers. Un groupe réduit évite les décisions difficiles, en ne renvoyant à la maison que des joueurs à qui on peut promettre que leur tour viendra l'année suivante. Maintenir la solidarité avec une concurrence renforcée sans place réservée, c'est une autre paire de manches.

 

Hongrie (15e) : le prix spécial du jury

La Hongrie est repartie de Saint-Pétersbourg avec un prix : une plaque remise par les organisateurs à "l'équipe la plus émotionnelle du tournoi". L'hymne national chanté après chaque match (défaite) par 1000 supporters magyars passionnés à leurs joueurs alignés a impressionné tout le monde. La star canadienne Taylor Hall a demandé aux journalistes d'attendre pour les interviews afin de pouvoir vivre ce moment dont il avait entendu parler.

Et puis, l'hymne a officiellement retenti dans la patinoire de Saint-Pétersbourg : pour célébrer la victoire historique sur le Bélarus (5-2), la première dans l'élite mondiale depuis 1939. Certes, cela n'aura pas suffi à se maintenir, mais les jeunes Hongrois auront tout tenté et ont vendu chèrement leur peau devant l'Allemagne (2-4). Ils se sont étonnamment vite adaptés à l'élite et ont su se tenir à leur plan de jeu pour créer ses sensations finales.

Les quatre joueurs au plus gros temps de jeu par match ont certes été les quatre naturalisés (sauf Frank Banham déjà en pré-retraite) mais les deux leaders offensifs ont été le technique Istvan Bartalis et le physique Istvan Sofron (photo) qui ont bien tenu leur rang. Les deux défenseurs juniors ne sont pas restés sur le banc et ont effectivement appris. Cela sera nécessaire car l'ex-attaquant et capitaine Marton Vas (175 sélections, 111 points) a annoncé sa retraite internationale.

La surprise est venue d'Adam Vay, venu comme troisième gardien et titularisé face à la Finlande (0-3) et aux États-Unis (1-5). Ses excellentes performances lui ont valu de recevoir quatre offres NHL et de choisir le Wild du Minnesota (sur les recommandations de Banham qui a regardé en connaisseur la hiérarchie des gardiens de chaque franchise), alors qu'il a passé la saison dans la ligue hongroise certainement moins suivie des recruteurs, après deux saisons dans une ligue junior américaine de second calibre (WSHL). Belle histoire ou emballement disproportionné ?

Pris par ses obligations de manager de Francfort, le sélectionneur Rich Chernomaz, dont le contrat trois ans arrive à expiration, restait flou sur son avenir. Le journal Nemzeti Sport a cependant révélé qu'il prolongerait son bail et que l'officialisation attendait seulement les élections à la fédération. Chernomaz a bien résumé la situation : "Je vois la lumière au bout du tunnel, mais je ne connais pas la longueur du tunnel. Les programmes U18 et U20 réussissent bien, de plus en plus de joueurs arrivent. Cela ne devrait pas prendre longtemps de revenir en élite."

On veut bien le croire. La Hongrie devrait revenir en moins de sept ans, et ainsi ressortir des cartons son vœu le plus cher : organiser elle-même le championnat du monde.

 

Kazakhstan (16e) : les naturalisations "forcées" n'ont pas suffi

L'hymne du Kazakhstan n'avait pas retenti aux championnats du monde depuis 2006, et un 5-0 contre la Slovénie en poule de relégation. La victoire aux tirs au but en ouverture face à la Suisse l'a fait retentir à nouveau. Suivie d'une solide prestation contre la Russie (4-6), elle a laissé croire que le Kazakhstan serait le trouble-fête de la compétition.

Il n'en a rien été. Les promus n'ont pas un calendrier facile avec 7 matches en 10 jours. Le Kazakhstan l'a particulièrement ressenti : le Barys Astana joue son premier match amical fin juillet car la KHL reprend début août, et la saison est longue pour les hockeyeurs de cette ligue. Physiquement, les Kazakhs ont encore du mal à tenir sur la durée. Les blessures ont frappé un joueur majeur (le capitaine Roman Starchenko) et un poste faible (celui de centre, avec Khudyakov)

La naturalisation de la ligne Dawes-Boyd-Bochenski a été présentée dans le discours officiel comme une "mesure temporaire forcée" pour compenser le déclin des structures de formation dans les années 90 post-soviétiques. Le trio nord-américain du Barys a marqué la moitié des buts de son équipe, mais il lui a manqué le jeu de transition du naturalisé de plus longue date Kevin Dallman (absent) qui le rend redoutable en contre-attaque en KHL.

Le Kazakhstan fait donc à nouveau l'ascenseur. Retour à la case départ, en attendant la qualification olympique de septembre où il faudra le surveiller. On n'a pas le sentiment que cette aide extérieure changera à long terme le destin du Kazakhstan. Il s'est gargarisé de la présence inédite de deux juniors, mais ils ont en fait très peu joué. Le succès face à la Suisse est dû (à un but de la zone neutre et) au gardien Vitali Kolesnik, qui a tout de même 36 ans. Pondéré au temps de jeu, le rajeunissement annoncé est donc très relatif.

 

Marc Branchu

 

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