Allemagne 2016/17 : présentation

 

Douche froide sur le hockey allemand : la promotion/relégation entre les deux premières divisions ne sera pas ré-instaurée en 2018. Les clubs de DEL2 n'ont pas réussi à respecter les conditions draconiennes imposées par leurs homologues de DEL. Ils ont bien déposé avec deux ans d'avance six dossiers avec une caution de 900 000 euros, mais ceux-ci présentaient des irrégularités, dont un retard de documents. La contestation juridique a tourné court, car la DEL2 a jeté l'éponge : ses clubs s'étaient entendus entre eux pour "co-financer" certains dossiers de clubs n'ayant pas d'ambition de montée (Riessersee et Heilbronn), mais cette solidarité financière ne tenait plus dès lors que Bremerhaven avait été repêché sur dossier en DEL (à la place de Hambourg disparu) et n'avait plus aucun intérêt à l'affaire. La procédure doit donc reprendre de zéro, et la promotion renvoyée aux calendes grecques, au plus tôt en 2019...

Les clubs de DEL restent jaloux de leurs privilèges, d'autant plus qu'ils reçoivent maintenant une petite manne financière de 300 000 euros chacun correspondant aux droits télé (coûts de production déduits). La DEL a en effet réussi à obtenir un contrat de diffusion qui cumule tous les avantages. Non seulement le hockey sera présent sur une chaîne grand public (Sport1), mais en plus tous les matchs sans exception seront retransmis avec commentaires sur la plateforme de Telekom, par abonnement. Même si les changements techniques (les statistiques étant passées en même temps de pointstreak à l'entreprise tchèque eSports) ont causé des difficultés à la première journée en raison de serveurs saturés, le progrès a été salué. Jusqu'ici, cette DEL2 qu'on dédaigne s'était débrouillée pour être en avance sur le nombre de matchs diffusés...

 

 

La DEL

 

Le champion en titre est le candidat naturel à sa propre succession. Munich ne doit même plus avoir de temps d'adaptation car son équipe se connaît déjà. L'attaque a conservé tous ses principaux meneurs... et a rajouté trois recrues supplémentaires de haut niveau : Jon Matsumoto était rien moins que le meilleur marqueur d'Augsbourg, l'international allemand de formation canadienne Brooks Macek reste sur trois saisons à plus de 40 points à Iserlohn, et Jerome Flaake, libéré par Hambourg, amène du gabarit en plus de son envie de réintégrer l'équipe nationale.

Le club bavarois n'avait pas spécialement prévu de changer sa défense. Le vétéran finlandais Toni Söderholm a mis un terme à sa carrière et est devenu l'un des trois entraîneurs-adjoints dans l'organisation pléthorique de Red Bull. La multinationale autrichienne (500 millions d'euros de bénéfices sur un chiffre d'affaires de 3 milliards) peut tout se permettre, et le club à plus gros budget n'a évidemment aucun problème à recruter. Derek Joslin, meilleur marqueur des arrières de Nuremberg, devait initialement être la seule recrue en défense, mais Jeremy Dehner a trop tardé à donner sa réponse - en espérant des offres outre-Atlantique - et il a eu tort.

Entre-temps, une opportunité s'est présentée : le retour en Allemagne de Deron Quint, revenu en contact depuis deux ans avec son ancien entraîneur Don Jackson, sous les ordres duquel il a été champion trois fois à Berlin. Quint évolue en KHL, et il a été si bien adopté en Russie qu'il a été élu capitaine du Traktor Chelyabinsk... et qu'on l'a même vu arborer un T-shirt patriotique marqué "la Crimée - à nous". On ne sait pas à quel point l'adhésion de l'Américain à la cause expansionniste russe - pas vraiment en phase avec la politique étrangère de son pays - était sincère, car la langue russe ne lui était pas aisée. Il a en tout cas exprimé son envie de revenir dans un environnement plus confortable, mais la question demeure centrale : à 40 ans, Quint a-t-il encore de beaux restes ?

 

Seul Mannheim paraît capable de rivaliser financièrement avec Munich, y compris dans l'infrastructure. Les Adler peuvent aussi proposer une reconversion à leurs stars vieillissantes : Jochen Hecht est passé en charge du "développement des joueurs", en particulier pour garder le contact avec les nombreux talents du centre de formation qui bénéficient en fin de compte essentiellement aux autres.

Le retour de ces jeunes ne peut de toute manière avoir lieu que très tard, une fois qu'ils ont atteint leur maturité. L'effectif est en effet si dense que Mirko Höfflin, revenu à 24 ans d'une saison à 21 points en prêt à Straubing, rentre de nouveau sur la "cinquième ligne", autrement dit qu'il ne jouera qu'à la faveur des blessures.

La densité offensive de Mannheim reste impressionnante... et pourtant cela n'a pas empêché de terminer avant-dernière attaque l'an passé. On attend qu'un leader se dégage. L'agressif David Wolf et son compère Garret Festerling peuvent-ils retrouver leur puissance de feu légèrement éteinte au fil des ans à Hambourg ? Tout comme quand Glen Metropolit - non conservé - était arrivé, on attend beaucoup d'un renfort de LNA suisse, en l'occurrence Chad Kolarik, moins talentueux mais bien plus jeune (30 ans). Kolarik débarque de Kloten... dans les bagages de l'entraîneur.

Il est là, en effet, le grand changement. Ce que la dernière saison aura démontré, c'est qu'un coach expérimenté et pointu est indispensable pour gérer un effectif aussi riche en individualités saillantes. De ce point de vue, Sean Simpson, déjà courtisé par le club quand il était sélectionneur de la Suisse, est le candidat idéal. Quand on est devenu champion d'Europe puis qu'on a battu les Chicago Blackhawks avec les ZSC Lions, quand on a amené la "Nati" en finale des championnats du monde, on a toutes les références pour imposer le respect dans le vestiaire. Dans le système de Simpson, chaque joueur a des fonctions précises. Il faut juste que la fonction "mettre le palet au fond" - celle sur laquelle le coach a le moins d'influence - ne bugge pas.

 

Le troisième favori est Cologne , dont l'entraîneur connaît cette fois l'équipe et a pu travailler averc elle dès la pré-saison. Tiens, mais on disait exactement la même chose l'an dernier de Niklas Sundblad ! On souhaite au Canadien Cory Clouston de durer plus longtemps. L'ancien coach des Ottawa Senators (2009-2011) était passé entraîneur dès sa sortie d'université et compte donc déjà plus de vingt années d'expérience à 46 ans.

Comme Clouston ne connaît pas encore toutes les spécificités du hockey allemand, il ne peut pas composer seul l'équipe, contrairement à ses prédécesseurs. C'est pourquoi il y a de nouveau un directeur sportif depuis fin janvier : Mark Mahon, sélectionneur du Japon pendant onze ans, mais germanophone qui ne cachait pas son envie de rentrer en Allemagne. La patte de Mahon est limitée car Sundblad avait déjà anticipé quelques recrutements (Hospelt et Turnbull). Il restait peu de modifications à apporter. La plus marquante est la retraite de Mirko Lüdemann, qui a battu le record d'affluence pour un jubilé : 12 000 spectateurs ont honoré ses 1240 matches avec Cologne.

Le gardien suédois Gustaf Wesslau est une valeur sûre. Les paires naturelles gaucher/droitier existaient déjà en défense avec Eriksson/Lalonde (à vocation offensive) et Müller/Ankert (à vocation défensive). Le nouveau venu tirant de la droite, Corey Potter (32 ans), doté d'une expérience de 133 parties de NHL, doit donc faire équipe avec un équipier du même âge qui en compte presque autant (131) : Alexander Sulzer. Pour la troisième des cinq saisons de son contrat, les Haie espèrent qu'il sera enfin au meilleur de sa forme... ce qui commence mal avec une opération du pied. Le déménageur Pascal Zerressen (196 cm, 100 kg) a déjà une bonne expérience en DEL, acquise y compris comme bouche-trou en attaque l'an passé.

Ce genre de choses ne doit plus arriver : les lignes offensives doivent être plus denses et moins fragiles, y compris dans les duels. Le monde ne tournera plus autour du seul duo Gogulla-Hager. On a ajouté du physique, et aussi de la jeunesse. Dans une ligue où pullulent les Nord-Américains en fin de carrière, Max Reinhart fait exception : à 24 ans, il vient avec l'objectif de reprendre pied en NHL. Formé comme un centre à la bonne vision du jeu, il pourrait être plutôt utilisé en ailier-buteur, alimenté en palets par Kai Hospelt, dont la motivation est de retourner en équipe nationale. L'envie, la faim, ce sont ces ingrédients sur lesquels compte Cologne pour aller chercher un titre.

 

Les Eisbären de Berlin ont retrouvé le haut du tableau, même s'ils n'ont pas concrétisé en play-offs. La continuité - qui a fait leur succès - apparaît de nouveau comme un grand atout. Devant l'indéboulonnable gardien finlandais Petri Vehanen (bientôt 39 ans), la défense ne compte plus la moindre recrue. Membre du club depuis l'âge de 5 ans, Henry Haase plafonnait dans son développement et est parti à Düsseldorf pour laisser la place à de nouveaux arrières plus jeunes.

L'attaque s'est renforcée sans excès. Le centre créatif Kyle Wilson a l'expérience des grands championnats (KHL, SHL, LNA). Nick Petersen vaut 20 buts par saison en DEL. Jamie McQueen pourrait prolonger la liste (Darin Olver, T.J. Mulock qui vient de repartir) des stars de deuxième division qui ont franchi le niveau supérieur chez les Eisbären.

La meilleure surprise pourrait venir de la recrue la moins attendue. Daniel Fischbuch (23 ans), qui n'a jamais dépassé les 14 points à Düsseldorf, montre que les Eisbären peuvent redevenir un terreau de développement : Uwe Krupp l'a placé sur une ligne forte avec Olver et Petersen et l'aligne même à la ligne bleue en jeu de puissance.

 

L'époque où Nuremberg se résumait à une seule ligne (celle du duo Patrick Reimer - Steven Reinprecht) semble désormais révolue. La superstar déclinante Dany Heatley est certes partie, mais un nouveau buteur arrive avec quelques caractéristiques communes : Andrew Kozek a l'œil, il a les mains, et sa faiblesse est le patinage. Il devra soutenir un rythme plus intense que ce qu'il a connu en Autriche. La polyvalence de Philippe Dupuis sera également un atout précieux. Enfin, le meilleur espoir de DEL2 Vladislav Filin a considéré qu'il n'aurait pas sa chance à Berlin et que Nuremberg a déjà permis à des jeunes comme Yasin Ehliz ou Leo Pföderl de se révéler avec du bon temps de jeu, y compris en jeu de puissance.

Les Ice Tigers repartent en revanche de zéro en défense, où ils ont enregistré sept départs, volontaires ou non. La reconstruction se fait à partir de beaux gabarits ayant un impact physique certain, à l'instar du colosse Milan Jurcina, dernier rescapé slovaque en DEL. Au milieu de ces armoires à glace, l'ancien deuxième tour de draft NHL Jesse Blacker (26 ans) se distingue très nettement par son patinage, et il a déjà battu le record du tour de piste le plus rapide lors d'un gala de pré-saison de la DEL où des concours étaient organisés avec un participant par équipe. Reste à savoir si Blacker n'aura pas de "black-out", ces erreurs occasionnelles dont il n'arrivait pas à se départir en AHL.

La santé des deux gardiens est également une clé de la saison de Nuremberg. Quel est l'état de forme de Jochen Reimer - après son opération de la hanche - et d'Andreas Jenike ?

 

Neuvième entraîneur en neuf ans pour Ingolstadt : Tommy Samuelsson maintient une influence suédoise qui s'est un peu perdue en DEL. L'ancien entraîneur de Färjestad a travaillé quatre ans dans un pays de culture proche, l'Autriche.

Le départ imprévu du coach canadien Kurt Kleinendorst a en tout cas sauvé la peau de Patrick Köppchen : le défenseur inoxydable ne s'était pas remis de la première vraie blessure de sa carrière et avait failli être poussé vers la sortie. Ce guerrier si précieux pendant les deux finales consécutives d'Ingolstadt méritait bien une seconde chance. Les lignes arrières n'ont donc finalement subi aucune modification.

La crainte majeure des supporters s'est aussi finalement révélée infondée : après le rachat par Düsseldorf du gros contrat d'Alexander Barta, Ingolstadt risquait de ne plus avoir d'attaquants allemands de premier plan. En DEL, cela signifie se priver de densité offensive, donc renoncer à jouer les premiers rôles. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, la disparition de Hambourg a soudain libéré de nombreux joueurs allemands. Comme les grands clubs n'avaient plus beaucoup de place, le "plus riche de la classe moyenne" a récupéré carrément deux internationaux, Thomas Oppenheimer (contrat de 5 ans) et Martin Buchwieser. Un coup de bol qui permet de rester un prétendant crédible.

 

Crédible et compétitif, Wolfsburg, l'est toujours, malgré la première baisse (de 500 000 euros) du soutien du partenaire majeur Volkswagen, empêtré dans son scandale de tromperie sur la pollution de ses véhicules. Pour l'instant, les concessions faites par la municipalité sur le loyer de la patinoire et sur la gestion des buvettes, laissées au club, ont permis que la pilule soit indolore. Pour l'instant...

Le manager "Charly" Fliegauf n'a pas dépensé tout de suite ses licences d'étrangers et a joué la carte de la patience. C'est ce qui a permis de mettre la main sur Jeremy Dehner, qui avait trop tardé à répondre à Munich : auteur de 11 points en play-offs, ce défenseur américain est attendu parmi les meneurs du jeu de puissance... aux côtés de ses trois compatriotes tirant de la droite (Bona, Likens, Sharrow).

Même si les recrues en attaque n'ont pas les références des partants Marco Rosa et Daniel Widing (qui ont déçu sur la fin), elles apporteront leur écot, Kris Foucault par sa technique et Alexander Weiss par son expérience en infériorité numérique. Et on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise : Lubor Dibelka, dont on voulait se séparer, a tenu à honorer sa seconde année de contrat et convaincu son entraîneur Pavel Gross (comme lui d'origine tchèque mais connu pour valoriser bien plus le sens du sacrifice que la technique) de lui accorder une place en powerplay. Bon an mal an, Wolfsburg sera encore en play-offs.

 

On ne peut pas dire que Düsseldorf inspire la même sérénité avec ses éternels ennuis financiers, et le recrutement coûteux d'Alexander Barta a jeté le trouble sur sa bonne foi en matière de gestion. La clarification de l'actionnariat et du management sous le regard vigilant de la ville doit être un gage de sérieux.

A posteriori, le recrutement ne paraît pas si délirant, car l'international norvégien Ken André Olimb n'a pas été remplacé. Düsseldorf commence la saison avec 6 étrangers sur les 9 autorisés. À contre-courant de la chasse aux naturalisé, confiance est donnée aux authentiques hockeyeurs allemands, motivés à travailler pour un entraîneur qui partage leur culture, Christoph Kreutzer. L'attachement est une valeur fondamentale, et on a donc fait revenir le puissant défenseur Marco Nowak, qui avait débuté en DEL ici même.

Le public adhère, c'est une certitude. Boudé à sa construction, l'ISS Dome est devenu un temple jaune et rouge, où le cœur de la DEG s'est remis à battre à l'unisson. Ils sont plus de 3000 abonnés à chanter leurs couleurs. Et même si l'effectif s'est densifié, les jeunes ont toujours de quoi se révéler. Le grand espoir bavarois Max Kammerer a été le meilleur buteur de la préparation (7 buts), à même pas 20 ans, et devrait cette fois garder sa place toute la saison.

 

L'antithèse de Düsseldorf, c'est en quelque sorte Iserlohn. Non pas par la ferveur des supporters, tout aussi passionnés. Mais par sa politique qui joue avec les doubles passeports jusqu'à l'extrême. Les Roosters n'avaient que deux joueurs nés en Allemagne. Il y en a maintenant un troisième, Christopher Fischer, dont le temps de jeu restait réduit dans son club d'origine Mannheim. À 28 ans, il a besoin de glace, et a signé pour 3 saisons afin de profiter des meilleures années de sa carrière.

Fischer symbolise la refonte de la défense d'Iserlohn, certes moins physique (départs de Lavallée, Teubert et Côté), mais bien plus "joueuse" avec le palet à l'instar du vétéran américain Troy Milam (ex-Vienne).

Iserlohn a en effet essayé de rééquilibrer ses faiblesses et a ajouté du muscle là où il en manquait : dans le slot adverse. Deux ailiers aux dimensions identiques (191 cm et 102 kg) doivent amener leur puissance : Jordan Smotherman, nanti de cinq ans d'expérience des glaces d'Europe du Nord, et David Dzurzynski (26 ans), apparu 12 fois en NHL (4 points) avec Ottawa la saison passée. Quant à Greg Rallo, même si son physique est moins imposant, ses 22 buts et 22 assists en 57 matchs d'AHL l'an dernier ont souvent été inscrits dans l'enclave.

Faute de nouveaux naturalisés, et le temps que les nouveaux assimilent aussi bien le système de jeu que leurs prédécesseurs, Iserlohn n'escompte pas terminer aussi haut que la saison dernière (3e). Mais il espère atteindre quand même les play-offs et y faire meilleure figure.

 

Pour Krefeld, dès l'annonce de l'évaporation de Hambourg, le retour de Marcel Müller était une évidence. Ailleurs, il a une réputation de nonchalance, et de ne pas assez travailler pour exploiter son potentiel technique et physique. Mais ici, il a laissé un souvenir impérissable lors de son passage de cinq mois en 2014/15. Le recrutement étant moins évident sur le plan financier, il n'a encore signé que pour un an.

Müller et la figure locale Daniel Pietta ne vont pas seulement être partenaires de ligne. Le jeune entraîneur Franz Fritzmeier a décidé de jouer en pratique à onze attaquants et d'accorder des doubles présences à ses deux vedettes offensives sur la troisième ligne. C'est dire si la saison de Krefeld dépendra de ces deux-là. Surtout que la répétition des 24 buts de l'attaquant de poche Martin Schymainski est peu probable : sa forme est incertaine après une mononucléose.

Pour le reste, Krefeld a choisi de ne plus prendre de risques avec des adaptations compliquées : toutes les recrues arrivent d'autres clubs allemands. Fritzmeier connaît même bien Dragan Umicevic depuis le temps où il était assistant-coach de Cologne. La défense a sacrifié la carrure à d'autres qualités, au point de faire confiance aux 174 cm de Mike Little, meilleur défenseur d'ECHL qui n'avait pas été retenu après un essai à Iserlohn l'an passé, mais a bien rebondi en remportant la DEL2 avec Kassel.

 

Il est toujours difficile pour un petit club de confirmer une bonne saison car les contrats de ses joueurs sont souvent courts. Après avoir atteint les quarts de finale, Straubing n'a pas échappé à la règle. Le club bavarois s'était appuyé depuis des années sur une base de défenseurs allemands. Si Sebastian Osterloh et Florian Ondruschka sont rentrés dans leur clubs formateurs (en division inférieure), le départ d'Alexander Dotzler à Wolfsburg est plus ennuyeux. Les Tigers ont désormais six Nord-Américains à l'arrière, trois "officiels" et trois "doubles passeports", dont le joker automnal Austin Madaisky est le meilleur.

Comme dans l'équipe précédente de l'entraîneur Larry Mitchell (Augsbourg), les effectifs tournent sans cesse et l'on construit rarement à long terme, mais le recrutement est solide. L'attaque a quand même conservé son duo le plus efficace l'an passé, Mike Hedden - Mike Zalewski, et leur a opportunément ajouté l'ailier droit naturalisé Adam Mitchell, au chômage après l'arrêt de Hambourg. Un pur buteur est arrivé pour la deuxième ligne, Jeremy Williams, dernièrement capitaine de Västerås en Allsvenskan suédoise. La faiblesse de Straubing au centre n'est plus qu'un vilain souvenir avec l'arrivée d'un troisième centre éprouvé d'AHL, Scott Timmins.

Les marges de manœuvre sont néanmoins très étroites car Straubing est le seul club à avoir déjà dépensé 10 des 11 licences étrangères autorisées. Comme on ne peut en aligner que 9 sur la feuille de match, l'un d'eux devra cependant aller en tribune : sans doute un attaquant... ou le gardien Matt Climie. Celui-ci ne pourra plus faire une saison mi-catastrophique mi-formidable, car Dimitrij Pätzold est de retour dans un club dont il avait déjà gardé la cage en 2010/11. Toujours numéro 1 ou au pire numéro 1 bis dans sa carrière, Pätzold est clairement là pour ajouter de la concurrence.

 

Après trois années sans play-offs, Augsbourg se languit de retrouver le top-10. Comme cela fait trois ans que la défaillance majeure se situe dans les cages, les supporters n'attendaient qu'une chose : le nom du nouveau gardien. Ils ont été incrédules à l'annonce de l'arrivée de Jonathan Boutin. Là où ses prédécesseurs Mason et Deslauriers avaient évolué en NHL (et disposé d'un palmarès impressionnant pour le premier), Boutin n'a été champion qu'en ECHL et reste sur six saisons en DEL2.

Et alors, serait-on tenté de dire. N'a-t-on pas constaté qu'avoir joué dans de grandes ligues n'était vraiment pas un gage de réussite ? En plus, Boutin a un passeport allemand et n'occupe pas de place d'étranger. Mais ce n'est vraiment pas un argument à utiliser auprès d'un public méfiant : s'il y a bien un endroit sur lequel il ne fallait pas économiser, c'est bien ce poste-clé si délicat. Boutin, habitué à être le chouchou des fans en DEL2, a forcément senti ce climat de défiance. Pas les meilleures conditions psychologiques pour un gardien. Boutin et son collègue Ben Meisner ont fait descendre la pression par une présaison rassurante. Il y a d'autres composantes dont il faut s'occuper dans le jeu d'Augsbourg.

En l'occurrence, l'entraîneur Mike Stewart a quelque peu changé son fusil d'épaule. Adepte d'un hockey physique à Bremerhaven, il s'est rendu compte la saison dernière que la DEL exigeait aussi d'autres qualités. Les attaquants Michael Davies (29 ans, 173 cm et 81 kg) et Evan Trupp (28 ans, 175 cm et 79 kg) apportent une vivacité nécessaire pour surprendre l'adversaire, de même que le plus râblé Mark Mancari (26 ans, 175 cm et 88 kg), défenseur qui a gagné deux fois la Coupe Memorial. Ils restent tous trois sur une dernière saison décevante, ce qui les rend accessibles pour Augsbourg, mais à leur âge ce doit être plus une anomalie qu'un déclin. Ils ont l'habitude de compenser leur petite taille et devraient s'adapter au système de Stewart, notamment un Trupp qui ne se gêne jamais pour finir ses mises en échec. Il faut surtout espérer que la défense se montre enfin plus solide, ce qui risque de dépendre pas mal du rugueux Scott Valentine (ex-Krefeld).

 

"La saison commence avec en shorts et en sandales, on espère qu'elle s'achèvera dans la même tenue". C'est par cette expression imagée que Pat Cortina, nouvel entraîneur de Schwenningen, a manifesté sa volonté de voir les beaux jours, pendant lesquels se dérouleront les play-offs. Ce n'est pas gagné : depuis trois ans que le club de la Forêt-Noire a intégré la DEL, il a terminé une fois avant-dernier et deux fois dernier.

Le défi s'est compliqué par le départ de Damien Fleury, que le club n'a pas souhaité retenir contre son gré de son rêve de KHL. Les 25 buts du Français ne seront pas simples à remplacer, mais Jérôme Samson a quand même mis 17 buts dans l'effectif plus dense de Munich. Uli Maurer arrive également du champion où il n'occupait plus qu'un rôle mineur : du temps où Cortina entraînait les Munichois, ce travailleur de l'ombre était un joueur-clé, et pourrait se relancer pour son ancien coach. Cortina a aussi été sélectionneur de la Hongrie, et ce n'est donc pas un hasard si Istvan Bartalis, l'attaquant qui monte dans ce pays, a débarqué pour franchir une étape dans sa carrière.

La politique de confiance aux jeunes a été maintenue, jusque dans les cages : Dustin Strahlmeier est plus jeune que Pätzold mais a bien envie de concurrencer tout autant Joey MacDonald pour la place de titulaire. Un Marc El-Sayed était autrefois un espoir sur la quatrième ligne de Mannheim, et après une saison noire à Nuremberg (1 minuscule assist), il détient maintenant à 25 ans sa dernière chance de rester en DEL.

 

Le nouveau venu Bremerhaven était annoncé avec moins de 4 millions d'euros de budget, quand les "petits clubs" de DEL en ont plus de 5. On pouvait donc s'inquiéter pour sa compétitivité, mais la rapidité avec laquelle il a réagi aux blessures et complété son équipe démontre que les sponsors ont très bien suivi le mouvement et que l'écart financier s'est amenuisé. Un seul objectif reste toutefois affiché : ne pas finir dernier.

C'est la première saison dans l'élite pour cette ville où le hockey sur glace est né en 1974. Deux fois champion au niveau inférieur, en 2002 et en 2014, Bremerhaven avait failli ne pas survivre à la première montée avortée, alors qu'il n'avait pas les structures. La seconde fois, avec une patinoire neuve et des finances assainies, la porte n'était plus ouverte. Le club avait déposé un dossier au cas où et saisi sa chance quand Hambourg a tiré le rideau. Il lui succède comme représentant côtier du Nord de l'Allemagne.

Si la constitution de l'effectif n'a pas été si difficile, c'est que Bremerhaven avait déjà la réputation d'être l'Iserlohn de la DEL2 : autrement dit, que les passeports allemands de distribuaient à tour de bras dans la ville portuaire. On compte neuf Nord-Américains comptabilisés comme allemands, dont cinq rien qu'en défense ! Le seul étranger officiel des lignes arrières est Mike Moore, 31 ans, capitaine de deux équipes d'AHL avant de perdre sa place de titulaire avant les derniers play-offs à Hershey. Le nouveau venu a été obligé de diversifier ses sources de recrutement : Jani Nieminen représente l'école finlandaise des gardiens, mais il devra gérer une saison comme numéro 1, ce qui n'était pas son statut en Liiga. Deux attaquants ont été engagés en "voisins" dans le championnat danois.

Quant aux joueurs allemands, il n'y en a que deux qui soient titulaires en temps normal. Formé à Francfort, Marian Dejdar est au club depuis douze ans et reste l'idole du public, même s'il a perdu son titre de capitaine. Le jeune défenseur Dominik Tiffels, prêté par Hambourg dans le cadre d'une licence espoir, a dû cette fois être engagé pour de bon. Du fait des blessures, l'international juinior Christoph Körner - qui a traversé le pays depuis sa Bavière natale - devrait néanmoins avoir sa chance.

 

 

La DEL 2

Quelqu'un peut-il battre Bietigheim-Bissingen ? La question reste posée en DEL2 où ce club costaud se sent plus que jamais à l'étroit. Kassel l'a certes battu en finale, mais l'équipe a été entièrement dépouillée et doit maintenant se reconstruire. Faute de perspective de montée, on sait que les tenants du titre souffrent toujours la saison suivante. On attend plus les demi-finalistes de l'an passé Ravensburg et Dresde. Chez ce dernier, l'international slovène Marcel Rodman, gravement blessé en pré-saison l'an dernier et dont on a longtemps craint la fin de carrière, est revenu au jeu et a été nommé capitaine.

Après une saison à l'ambiance pourrie, Francfort est en reconstruction morale. Son ambition du moment était d'abord de réussir l'organisation de son "Summer game", match en plein air dans un stade pour ouvrir la saison. Le derby contre Kassel a rassemblé 30 000 spectateurs, mais n'a pas battu le record du Dresde-Weißwasser de l'hiver dernier : la largeur du soutien populaire des "clubs riches" de Hesse a peut-être été surestimée (ou celle de leurs homologues de Saxe sous-estimée...).

Même si la DEL a exigé dans ses négociations que six clubs déposent un dossier de montée valable, cet obstacle excessif ne fait pas vraiment sens. Les clubs de milieu de tableau ont d'autres préoccupations. Rosenheim, théoriquement un club formateur, est devenu trop dépendant de ses étrangers. Riessersee regrette un soutien populaire de moins en moins affirmé dans ce temple des sports d'hiver et a peu de moyens.

Bad Nauheim est fatigué de consacrer une part significative de son budget à améliorer l'infrastructure de son antique "Colonel-Knight-Stadion", qui témoigne de sa naissance par une base de soldats américains après-guerre. Son nouveau logo en est aussi le reflet, mais il a suscité l'ire des supporters attaché à l'image des "Rote Teufel", les diables rouges ; les dirigeants ont expliqué que le changement avait fait l'unanimité auprès des sponsors et que l'image d'un hockeyeur était nécessaire pour identifier le club au premier coup d'œil, alors que le diable ne signifiait rien (ou rien de positif...) pour tout un chacun. Weißwasser et Crimmitschau vivent avec la tradition mais aussi avec les limitations économiques de l'ancienne Allemagne de l'Est.

Or, cette saison, la qualification en play-offs s'annonce bien plus compliquée. Kaufbeuren et Heilbronn, qui se sont affrontés deux années de suite en barrages de maintien, paraissent nettement renforcés. Surtout le premier nommé : l'ESVK enregistre le retour à la maison du défenseur Sebastian Osterloh - trois championnats du monde - et a recruté une première ligne suédo-finlandaise redoutable. Pour sa deuxième saison, Fribourg-en-Brisgau, en plus de ses cadres locaux, a cette fois recruté des étrangers d'un calibre supérieur, avec deux figures très connues en République tchèque : Lukas Mensator, champion tchèque et meilleur gardien en 2009, et Radek Duda, attaquant international dans ses jeunes années, était considéré comme "l'enfant terrible" de l'Extraliga par ses pénalités à foison.

Le niveau remonté en bas de tableau ne simplifie évidemment pas la tâche du promu Bayreuth, qui a connu une intersaison assez mouvementée. Le gérant a claqué la porte, en conflit avec la famille Wendel qu'il accuse de contrôler tout le club sans tolérer d'avis divergent. Puis le jeune Fedor Kolupaylo (20 ans) ne s'est pas présenté au premier jour du camp d'entraînement, cherchant apparemment à se faire engager par un club russe. Il a reçu un simple avertissement et a été pardonné... car on a vraiment trop besoin de son talent pour mener l'offensive.

 

 

Oberliga

Champions dès leur première saison, les Néerlandais de Tilburg ne bénéficieront plus de l'effet de surprise et ont une pancarte dans le dos puisqu'ils ont conservé l'essentiel de leur effectif. Ils restent néanmoins surtout des trouble-fête puisqu'ils n'ont pas le droit de monter. Le favori est encore et toujours Duisburg, candidat majeur à la montée pour la troisième saison consécutive. Directeur sportif et maintenant aussi entraîneur, Lance Nethery a mis en place un système de jeu plus agressif pour ne rien laisser au hasard et pour continuer à faire peur.

La nouvelle attraction de l'Oberliga Nord, ce sont les Crocodiles de Hambourg. Maintenant que le groupe Anschutz a tiré le rideau sur les Freezers, ce sont eux qui portent le flambeau du hockey dans la ville (d'où l'intérêt de s'être maintenu aux dépens du HSV, l'autre club de Hambourg, qui ne peut même plus maintenir son équipe junior en élite sans la participation financière des Freezers). Des investisseurs suédois ont bien projeté d'implanter une équipe de KHL, mais ce plan fumeux a duré une semaine. Après avoir rallié les sponsors pour un sauvetage perdu, le défenseur Christoph Schubert a continué son investissement à Hambourg en signant pour les Crocodiles. Les supporters des Freezers l'ont suivi dans la patinoire de Farmsen, où les fans historiques des "crocos" ne sont pas tous ravis de se retrouver minoritaires et perdus dans la masse. Du jour au lendemain, le petit club se retrouve avec 1000 abonnés (contre 6 la saison précédente...), et les 1955 places sont toutes pleines !

Au Sud, on attend évidemment la revanche de Regensburg, archi-dominant en saison régulière et très décevant en play-offs. Son principal rival - avant de croiser l'ambitieux Duisburg sur le plan national - pourrait cette fois être Selb : ce club a réglé son point faible, la défense, par le retour à 29 ans de l'ex-international formé au club Sebastian Osterloh. Le club au glorieux passé et au grand potentiel, Landshut, a quant à lui diminué sa masse salariale de plus d'un tiers maintenant que ses contrats sont à échéance. Sa priorité est de régler les dettes qu'il traîne comme un boulet, avant de repartir de l'avant.

 

Marc Branchu

 

 

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