Suisse 2018/19 : présentation

 

Tandis que la KHL a connu une certaine récession, que la SHL suédoise connaît quelques crises et que la Liiga finlandaise a décliné, le championnat de Suisse fait figure de pôle de stabilité en Europe, tout comme le pays s'est toujours efforcé de l'être dans un environnement troublé. Ses infrastructures progressent et ses règlements sont stables, y compris par un vote démocratique. La Suisse reste donc rassurante, mais il lui manque encore la grande consécration. L'équipe nationale l'a manquée de peu en mai.

Les clubs ont pu y rêver puisque la Suisse a été le seul pays avec plusieurs représentants à tous les qualifier pour les phases finales de CHL. Mais Zurich, Lugano, Berne et Zoug se sont alors fait éliminer tous le même soir en huitième de finale (même si les deux premiers sont passés proches de l'exploit face à des adversaires de haut niveau). Il ne leur reste donc plus qu'à s'affronter pour le titre, dans un championnat où le palmarès semble peu varié et où pourtant les playoffs réservent souvent des surprises.

 

Quand une équipe est championne, et qu'elle a joué huit matches de play-offs dont sept à guichets fermés, on peut s'attendre à ce qu'elle termine avec un bilan financier correct. Ce n'est pas le cas des ZSC Lions, qui ont terminé le dernier exercice sur une perte de 1,3 million de francs suisses. La raison en est simple : en difficulté en saison régulière, les Zurichois avaient embauché trois jokers étrangers, plus un coach (Hans Kossmann) pour finir la saison après le licenciement des entraîneurs suédois. Autant de surcoûts supplémentaires non prévus au budget. Cela ne met pas en danger le club : compte tenu des pertes cumulées, l'actionnaire majoritaire Walter Frey a accordé une rallonge de 6 millions de francs. Néanmoins, cela montre que le modèle économique n'est pas si sain, même dans la capitale économique du pays.

Les clubs suisses sont confrontés à un certain paradoxe. D'un côté, ils gèrent à très long terme, avec des contrats conclus en avance. De l'autre, ils réagissent aussi à court terme et doivent gérer des transitions. C'est la deuxième fois en trois ans qu'un club est champion de Suisse avec un "entraîneur de passage" sur le banc alors que son successeur a déjà été embauché. Pas évident pour celui qui suit, et qui récupère une équipe devenue championne entre la signature de son contrat et sa prise de fonction ! Kari Jalonen s'en était bien accommodé à Berne en 2016 puisqu'il avait conservé le titre l'année suivante. À Serge Aubin de faire aussi bien à Zurich !

Aucun entraîneur ne dispose d'autant de talent qu'Aubin dans son effectif. Le rajeunissement qui se profilait en défense après la retraite de l'idole Seger est moins drastique que prévu. D'une part, Severin Blindenbacher, dont la carrière paraissait compromise après sept commotions, a vu ses symptômes disparaître au cours de l'été et est de retour. D'autre part, l'ancien joueur de NHL Kevin Klein, qui avait annoncé avant les play-offs rentrer dans son ranch au Canada auprès de sa famille, est revenu sur sa décision et a rempilé un an de plus. Comme son remplaçant Maxim Noreau avait déjà été engagé, Zurich se retrouve avec deux étrangers dans une arrière-garde solide.

Ce sont les attaquants étrangers qui en sont les victimes collatérales, puisqu'ils se retrouvent en concurrence à trois pour deux places (Roman Cervenka, Fredrik Pettersson, Drew Shore). Il faut dire que la composante helvétique de l'attaque, malgré la rupture avec le décevant Inti Pestoni un an avant la fin de son contrat, s'est encore renforcée. Le duo magique vice-champion du monde 2013 s'est reconstitué avec Felix Hollenstein du rival voisin (relégué) Kloten et Simon Bodenmann, de retour après trois ans à Berne (dont deux titres). Mais à la surprise générale, le meilleur marqueur de l'équipe est un joueur de 22 ans qui oscillait l'an passé entre la quatrième ligne et la réserve des GCK Lions : Jérôme Bachofner est le grand bénéficiaire de l'arrivée d'Aubin, dont l'enthousiasme est communicatif envers le jeune, et il a été appelé en équipe nationale alors qu'il n'était même pas international junior.

 

Le SC Berne a perdu sa couronne et a déçu alors même que les Young Boys - le club de football de la ville - créaient la surprise en remportant leur premier titre depuis plus de trente ans. Cette concurrence inédite pour le prestige local ne menace pas le club de hockey sur glace qui garde la plus grande affluence d'Europe, même s'il y a plus de monde au stade (évidemment plus grand), mais elle ne fait que renforcer la soif de trophées des Ours. Quitte à sacrifier les jeunes qui cherchent des perspectives ailleurs, faute de confiance accordée par l'entraîneur finlandais Kari Jalonen. Les joueurs formés au club Luca Hischier et Dario Meier sont ainsi partis à Davos.

Le SCB a donc l'équipe la plus âgée de LNA à plus de 28 ans de moyenne. Tout en laissant filer ses jeunes, il a simplement remplacé un ex-international (Bodenmann) par un autre plus déclinant encore (Mathias Bieber) et a changé 2 de ses 4 étrangers, l'attaquant slovène Jan Mursak à la place de Mason Raymond et le défenseur suédois Adam Almqvist à la place de Maxim Noreau.

Quatre étrangers ? Marc Lüthi aurait bien voulu qu'il en soit bientôt autrement. Le directeur du SCB a plaidé cet été pour relever le quota de 4 à 6 étrangers. Cette demande a surpris au moment où la Suisse est devenue vice-championne du monde, et parce qu'elle émanait d'un grand club. Ce sont plutôt les petits qui pâtissent de l'escalade salariale des joueurs helvétiques, dont ils ne sont pas à l'origine. Lüthi a expliqué qu'il ne s'agissait pas de recruter des joueurs du niveau de Mark Arcobello et Andrew Ebbett (les deux Nord-Américains qui mènent l'offensive bernoise) mais simplement des joueurs bon marché en Norvège ou au Danemark pour compléter à moindre frais la troisième ou la quatrième ligne. Personne n'a cru à cet argument. Il est évident que les clubs feront un usage maximal du quota à disposition et donneraient aux nouveaux mercenaires des responsabilités importantes, enlevées aux joueurs suisses. La proposition a été rejetée par 9 voix à 3 lors d'un vote des clubs. Quelques jours plus tard, Berne embauchait Zach Boychuk comme étranger surnuméraire. L'homme aux 900 000 suiveurs sur Twitter (parce qu'il a un programme automatique de réciprocité qui suit ceux qui s'abonnent à son compte et que "ça fait bien" d'avoir un hockeyeur professionnel comme abonné) arrive de KHL, évidemment pas de Norvège...

Mais pourquoi Marc Lüthi a-t-il soudain changé d'avis cet été pour devenir partisan d'une augmentation du quota de mercenaires ? C'est peut-être que son club ne s'est pas si bien placé à moyen terme par rapport à des clubs plus formateurs comme Zurich. En particulier, Berne n'a guère de solution pour succéder à Leonardo Genoni, qui a choisi de se rapprocher de chez lui en signant à Zoug à partir de la saison prochaine. Les gardiens suisses majeurs sont vieillissants, la relève est limitée dans le pays et le SCB est tenté par une solution étrangère. Pour la saison en cours, en tout cas, Genoni reste une référence du championnat et on peut gager qu'il fera tout pour décrocher un cinquième titre personnel de champion.

 

C'est une transformation spectaculaire que Bienne a vécu depuis sa promotion dans l'élite il y a dix ans. On a définitivement changé d'ère depuis l'emménagement dans la nouvelle Tissot Arena en 2015. C'est une nouvelle preuve qu'une infrastructure moderne peut totalement changer le potentiel financier et sportif d'un club. Avant le déménagement, le conseil d'administration devait réinjecter de l'argent pour équilibrer le budget, mais il était explicitement prévu que c'était une mesure transitoire car il ne comprend aucun mécène à fonds perdus. Le pari s'est vérifié.

Depuis trois ans qu'il a pris place dans sa nouvelle patinoire, Bienne a vu son budget passer de 10 à 16,5 millions d'euros, tout en devenant bénéficiaire. C'est parce qu'il a des résultats financiers positifs que le club peut investir chaque été dans un transfert marquant : le gardien Jonas Hiller il y a deux ans, le défenseur Beat Forster l'an passé, puis cet été l'attaquant Damien Brunner. Même s'il reste sur une saison tronquée par une opération du ménisque, Brunner reste le seul Suisse à avoir remporté le classement des marqueurs du championnat dans ces trente dernières années. Bienne n'investit pas que dans les vétérans puisque le jeune Damien Riat est arrivé de Genève. Ces renforts offensifs suisses ont permis au club d'utiliser cette saison une des places d'étranger pour un défenseur, le Finlandais Anssi Salmela.

Ce n'est pas parce que des "vedettes" ont été recrutées que l'équipe s'est construite sur eux. Au contraire, Bienne a une formation homogène dans où les quatre lignes ont un bon temps de glace afin de maintenir un rythme de jeu élevé. Le système de jeu fonctionne très bien, l'équipe se crée des occasions et les transforme. Troisièmes l'an passé et qualifiés en demi-finales, les Seelandais se retrouvent de nouveau en haut du classement et ont totalement changé de statut.

Il s'agit maintenant de maintenir ce niveau. La première étape est la reconduction du coach finlandais Antti Törmänen. Engagé en décembre dernier, c'est lui qui a fait de Bienne, alors en crise une nouvelle puissance du championnat. Il vient de resigner jusqu'en 2021. Un message très important alors que douze joueurs sont en fin de contrat à l'issue de la saison en cours, et que les dirigeants ne sont pas disposés à suivre à tout prix une escalade salariale.

 

La réputation de Zoug est de ne jamais arriver à ses fins en play-offs. Elle n'a pas été démentie au printemps avec une élimination en quart de finale par le futur champion Zurich, après une bonne deuxième place en saison régulière. L'EVZ s'est donc séparé de Harold Kreis après quatre saisons mais une seule finale. Dan Tangnes, devenu entraîneur à 26 ans et qui compte déjà à 39 ans une longue expérience de coach en Suède, impose désormais un système de jeu plus rapide et plus offensif.

Tangnes n'a pas eu la partie facile car ses deux principaux étrangers se sont blessés : Garrett Roe - que Tangnes avait déjà entraîné à Linköping - souffre du dos et Viktor Stålberg, une fois remis, est parti en KHL à la trêve de novembre. Il a été remplacé par le grand gabarit Dennis Everberg, double champion du monde en titre avec la Suède. Les leaders suisses ont su démontrer cependant qu'ils pouvaient mener l'offensive : le petit Lino Martschini a mis plus d'intensité dans son jeu et Reto Suri retrouve son meilleur niveau.

En défense, Zoug a opéré un grand rajeunissement en laissant partir les vétérans Larri Leeger (Langnau), Robin Grossmann (Lausanne) et Timo Helbling (Rapperswil). Johann Morant actuellement blessé au pied, le capitaine Raphael Diaz est ainsi le seul trentenaire restant. Seuls deux joueurs sont arrivés : Miro Zryd de Langnau, en qui le club voit un grand potentiel capable d'un registre plus offensif, et le Canado-Suisse Jesse Zgraggen. Les jeunes de la EVZ Academy font le complément, comme on l'a vu la saison dernière avec l'intégration de Thomas Thiry, devenu titulaire même en équipe de France. Cette défense est solide, notamment en infériorité numérique, et bloque beaucoup de lancers.

Même s'il sait qu'il devra céder sa place à Genoni la saison prochaine, Tobias Stephan veut prouver qu'il peut être un gardien de play-offs et défaire comme toute l'équipe la réputation qui lui colle à la peau. Après avoir passé le temps d'adaptation au nouveau système et les blessures automnales, Zoug pourrait cette fois arriver en forme au meilleur moment, en mars-avril.

 

Après deux finales en trois ans, Lugano est bien revenu parmi les grands, mais reste frustré de sa défaite au septième match en avril. C'est maintenant ou jamais pour concrétiser les ambitions de titre, car c'est la dernière année de contrat d'une pièce maîtresse, le gardien letton à licence suisse Elvis Merzlikins, qui ne cache pas sa volonté de partir ensuite en NHL.

Ce que le HCL n'a jamais retrouvé par rapport à ses années victorieuses, c'est un maestro en défense de la qualité de Petteri Nummelin (l'idole de la Resega pendant dix ans jouait encore au Japon et a mis un terme à sa carrière cet été à 45 ans). Depuis, les Tessinois sont vainement en quête d'un défenseur offensif de même niveau. Dernièrement, ils cherchaient leur bonheur avec des Américains : Bobby Sanguinetti, non reconduit après une terrible passe manquée en finale, a été remplacé par Taylor Chorney. Et s'il fallait aborder le problème différemment ? C'est un Suisse, Romain Loeffel, qui est en train de s'imposer comme le défenseur offensif numéro 1. Il remplace en théorie Philippe Furrer, mais ce dernier avait un rôle différent : avec son expérience et son physique, il stabilisait la défense et le vestiaire aux côtés du capitaine Alessandro Chiesa. Lugano n'a pas encore retrouvé son équilibre défensif. Benoît Jecker, qui avait initialement signé à Kloten pour prendre plus de responsabilités mais dont le contrat ne valait que pour la LNA, peine à confirmer dans le Tessin sa fiche (un peu trop) formidable de la saison passée à Bienne (+21) et est ans le négatif.

L'attaque, affaiblie cet automne par les adducteurs douloureux de Linus Klasen, l'appendicite aiguë de Jani Lajunen et la blessure à l'épaule de Luca Cunti, s'en sort comparativement mieux dans ces circonstances. Elle reste forte malgré le départ du gros salaire Damien Brunner, dont le club a appris à se passer pendant sa blessure. Le recrutement a donc été modéré, avec seulement le retour de Mauro Jörg, un ancien de la maison. Grégory Hoffmann, devenu un des joueurs-clés de l'équipe de Suisse lors du Mondial, est le meneur offensif, mais pour que Lugano puisse vraiment redevenir candidat au titre, il faudra forcément des étrangers en santé et performants.

 

L'objectif de Fribourg-Gottéron est d'être capable de se mêler à la lutte pour le titre au moment où la nouvelle patinoire sera construite, ce qui est prévu pour août 2020. C'est donc une belle marque de confiance envers l'entraîneur Mark French que d'avoir prolongé son contrat, avant même que la saison ne commence, jusqu'en 2021. Il devrait donc vivre cette transition importante pour le club.

La dernière saison avait été totalement perturbée lorsque le gardien Reto Berra s'était désisté pour resigner finalement un contrat en NHL. Resté remplaçant quand il était rappelé, il a finalement passé toute la saison en AHL, dans ce qu'il décrit comme la "meilleure adresse de cette ligue avec Toronto" : San Diego, son enceinte très moderne, son public, son climat californien. Néanmoins, Berra préfère un défi sportif qui lui tient bien plus à cœur que la Coupe Calder : remporter la LNA. Il est définitivement décidé à revenir en Suisse, et l'a annoncé très tôt à Fribourg pour se faire pardonner son revirement.

La différence majeure que permet ce retour est que le défenseur norvégien Jonas Holøs et les trois attaquants étrangers (l'Américain Andrew Miller a replacé Cervenka) peuvent tous jouer puisqu'il n'y a plus surnuméraire. Pour le reste, le seul autre changement est l'arrivée de deux ex-internationaux en défense, Philippe Furrer et Noah Schneeberger, qui ont certes plus d'expérience que leurs jeunes prédécesseurs Yannick Rathgeb et Andrea Glauser mais sont plus proches de leur fin de carrière (sans compter les effets de l'âge puisque Furrer est blessé au dos).

Si French a su donner un rôle précis à chacun et former un système défensif efficace, l'attaque de Fribourg-Gottéron continue d'être dominée par les marqueurs suisses et même fribourgeois : les trois meneurs offensifs Julien Sprunger, Andrej Bykov et Killian Mottet sont tous formés au club !

 

Depuis l'arrivée du milliardaire américain Ken Stickney aux commandes du club, Lausanne sait qu'un avenir radieux est possible et qu'il pourra avoir un potentiel de champion lorsqu'il s'installera la saison prochaine dans le nouveau Malley. Mais un grand club ne se construit pas en un jour, a fortiori à partir d'une équipe qui a fini dixième la saison dernière. Le Finlandais Ville Peltonen, adjoint de Jalonen à Berne, débute comme entraîneur en chef. Son équipe pratique plus que jamais le hockey le plus ouvert de LNA, celui qui donne lieu au maximum de tirs et d'occasions franches, mais sans que la réussite soit toujours au rendez-vous.

Il y a pourtant un étranger de moins en attaque. Harri Pesonen et Nicklas Danielsson ont été remplacés par le seul Torrey Mitchell, joueur de troisième/quatrième ligne de NHL (725 parties). C'est aussi parce que l'international letton Ronalds Kenins - disposant d'une licence suisse depuis ses années juniors - est arrivé dans le même temps, de même que l'attaquant suisse Christophe Bertschy qui revient d'AHL. Le potentiel offensif semble donc intact.

Dans le même temps, aux côtés du formidable passeur Jonas Junland - probablement le meilleur défenseur offensif de la ligue, Lausanne a engagé un second défenseur étranger au profil différent, Petteri Lindbohm et son gabarit solide de 190 cm. Cela ne suffit pas à protéger totalement les gardiens Luca Boltshauser et Sandro Zurkirchen, qui s'en sortent bien dans le contexte : ils savent en effet que le LHC ne leur fait pas vraiment confiance pour succéder à Cristobal Huet (devenu l'entraîneur des gardiens du club) puisque Tobias Stephan a déjà été embauché pour 2019/2020.

 

C'est une grave crise existentielle que Genève-Servette a vécu au cours de la saison 2017/18, et il faudra du temps pour s'en remettre. L'annonce du retrait du président Hugh Quennec le 26 janvier a été un véritable soulagement. L'arrogant Canadien s'était grillé auprès de tout le monde : les journalistes, les supporters, mais aussi les autorités locales dans le dossier de la nouvelle patinoire. Il a revendu le club à la "Fondation 1890", la même qui avait déjà sauvé le club de football du Servette FC de la ruine après le passage de Quennec. Elle est liée à la fondation Wilsdorf, l'institution la plus puissante de Genève qui est la propriétaire du groupe Rolex.

Les nouveaux dirigeants ont assaini les finances du club, mais n'ont pas abandonné le dossier d'une nouvelle patinoire, qu'ils veulent reprendre cette saison. Pour l'aspect sportif, ils ont évidemment rappelé Chris McSorley, qui a repris sa place habituelle derrière le banc après une année chaotique en son absence. Il a évidemment cherché à imprimer de nouveau son style traditionnel à son équipe pour qu'elle soit de nouveau crainte physiquement par ses adversaires. Il a rappelé des joueurs formés en junior au moule genevois, comme Timothy Kast et les deux Français Tim Bozon et Eliot Berthon.

Néanmoins, le GSHC a perdu gros dans la tourmente de l'an dernier en voyant partir deux joueurs-clés : le jeune talent Damien Riat et le défenseur offensif Romain Loeffel. Pour se redonner des perspectives à moyen terme, McSorley a embauché le jeune Noah Rod (22 ans) avec un contrat inédit de six ans, afin de le fixer au pays sans plus perdre son temps en AHL. La perte de Loeffel est plus gênante car il n'a pas été remplacé. La seule recrue à l'arrière a été Mike Völlmin, un défenseur américano-suisse qui jouait en LNB. Plus que jamais, les deux défenseurs suédois Johan Fransson et Henrik Tömmernes ont donc de grosses responsabilités et un temps de jeu très conséquent, y compris en supériorité numérique. Mais les Aigles ont plus de mal en infériorité, ce qui n'est jamais conseillé quand on veut jouer physique.

Dans les cages, les Genevois ont peut-être un temps d'avance dans la construction d'équipe. Gauthier Descloux a supplanté Robert Mayer et a même été appelé en équipe de Suisse. À 22 ans, Descloux est un des rares espoirs à ce poste, et le GSHC a logiquement misé sur lui en prolongeant son contrat de trois ans. Il y a cependant toujours une part d'incertitude dans le développement des portiers.

 

Chaque année, Langnau obtient son maintient de plus en plus tranquillement et est de plus en plus proche des play-offs. L'entraîneur danois Heinz Ehlers peut ainsi travailler tranquillement en faisant de son équipe une référence en matière de défense, comme ce fut déjà le cas à Lausanne. Son système de jeu, parfois caricaturé comme ultra-défensif, est en fin de compte simple mais efficace, et il a survécu au remplacement de la moitié de la défense.

De ce fait, les SCL Tigers ont été la grande surprise de ce début de saison en se mêlant à la lutte pour la troisième place, eux qui n'avaient jamais connu jusqu'ici que le bas de tableau. Ce miracle peut-il continuer ? Avec la même discipline tactique, et la même condition physique pour bien finir les rencontres, cela semble possible. L'attaque a pourtant été affaiblie par un "échange" (Yannick-Lennart Albrecht est parti à Zoug et Nolan Diem est arrivé en sens inverse) et par la blessure du joueur-clé Thomas Nüssli en septembre.

Le choix d'embaucher cinq attaquants étrangers pour seulement quatre places s'avère pour l'instant payant. Il paraissait étonnant pour un club aux faibles moyens, mais l'objectif de mettre la pression sur les imports semble avoir abouti. Avec l'arrivée de Harri Pesonen, qu'Ehlers avait déjà entraîné à Lausanne, et le retour au bout d'un an de Chris DiDomenico, qui aura bien goûté à la NHL avec Ottawa (10 points en 24 matches) mais était bloqué à pointer en AHL après son échange à Chicago, le SCL a recruté en terrain connu. Et la concurrence fonctionne à plein entre les "cinq mercenaires".

 

En 2021, le HC Davos se prépare à fêter son centenaire. Pendant que les autorités locales investissent dans la rénovation de la patinoire, le budget du club est réduit. Le HCD s'attendait donc à une année de transition plus difficile... mais peut-être pas à ce point.

Cinq joueurs importants ont quitté la station des Grisons : Samuel Walser, Gregory Sciaroni, Mauro Jörg, Dario Simion et le défenseur Noah Schneeberger. Cela fait beaucoup, même si Inti Pestoni est arrivé en retour. Le Tessinois est performant et a retrouvé son potentiel après des années difficiles dans la grande ville (Zurich), mais il paraît bien seul en attaque. Davos n'arrive tout simplement pas à entrer dans le slot adverse. Le joueur qui devait attaquer la cage avec son physique, Sami Sandell, a endommagé le cartilage de son genou droit en préparation et sa carrière semble menacée. Le MVP 2015/16 Perttu Lindgren, après deux opérations de la hanche et un an sans hockey, est devenu un joueur inoffensif, loin de son niveau d'antan. Quant à l'unique Nord-Américain Shane Prince, il a carrément quitté le navire en demandant à rompre son contrat pour retenter sa chance en NHL (il a ensuite signé... à Novosibirsk !). L'idée était que les jeunes talents se développent, mais ce n'est pas facile dans une équipe en crise. Le centre Enzo Corvi, auteur d'un excellent Mondial, semble actuellement en pleine panne de confiance. Et son contrat s'achève à la fin de la saison...

Davos s'est aussi compliqué la tâche par sa gestion critiquée des gardiens. Depuis deux ans, le HCD a investi sur Gilles Senn et Joren van Pottelberghe, à qui on a fait confiance alors qu'ils sortaient à peine de l'âge junior. Le club s'est donc senti trahi quand aucun des deux portiers n'a voulu prolonger son contrat : ils préfèrent envisager tous deux un avenir en Amérique du nord. Juste avant le début de saison, le président Gaudenz Domenig a alors expliqué que l'objectif du club n'était pas "la formation de joueurs pour des clubs étrangers", et a embauché un gardien suédois, Anders Lindbäck. Van Pottelberghe a été prêté au Danemark et Senn a été cloué sur le banc. Mais cette "vengeance" revient à jeter par les fenêtres dès à présent tout le travail de formation effectué par l'entraîneur des gardiens Marcel Kull et les orientations prises depuis deux ans... En plus, les performances de Lindbäck sont moyennes et le jeu n'en vaut pas la chandelle.

Même Arno del Curto, qu'on présentait comme le seul entraîneur d'Europe à avoir la sécurité de l'emploi (il est depuis 22 ans en poste), a été mis en question. Pas par ses dirigeants, certes, mais par la presse. Le Neue Zürcher Zeitung a été le plus impitoyable en décrivant le HCD "comme une voiture avec des pneus d'été dans la neige fraîche". Davos peut-il vraiment risquer de finir dans le fossé ?

 

Le budget déjà modeste d'Ambrì-Piotta a encore été réduit d'un demi-million de francs, mais le club a retrouvé un peu de sérénité et de confiance avec la stratégie mise en place depuis un an par le directeur sportif Paolo Duca et l'entraîneur Luca Cereda : le renforcement de son identité de "village d'Astérix" a fonctionné. Le développement des jeunes a presque trop bien fonctionné quand le défenseur Michael Fora a été appelé par la NHL après son impressionnante finale des championnats du monde. Il n'a cependant pas réussi à s'y faire une place et est revenu en octobre : les partenaires du club ont alors donné une rallonge pour permettre de l'engager.

Plus que jamais attaché à ses joueurs formés au club maintenant que deux d'entre eux guident son destin, Ambrì a fait revenir Samuel Guerra de Zurich : le solide défenseur qui patine bien peut adopter maintenant un rôle moins défensif, il a assez de sang-froid pour prendre des responsabilités. Dans son dos, Benjamin Conz, sur sa lancée de sa grande performance en finale des play-out, s'est imposé comme titulaire aux dépens d'un Daniel Manzato décevant et a prolongé son contrat.

Le pari de la jeunesse a été tenu, y compris avec les renforts étrangers. Le jeune international tchèque Dominik Kubalik est un des joueurs les plus talentueux de la ligue et anime un très bon jeu de puissance. L'Autrichien à licence suisse Dominic Zwerger a été élu meilleur espoir du dernier championnat. Ambrì a donc réitéré la même logique en engageant un de ses compatriotes, lui aussi issu de la région frontalière du Voralberg et passé par les clubs suisses dans sa jeunesse : Fabio Hofer. Les irréductibles Tessinois continuent donc à faire bloc, mais si la fracture d'une vertèbre lombaire de Matt d'Agostini, absent six semaines, est un coup dur.

 

Considérée l'équipe la moins intéressante de LNA avec ses maillots sans couleur, Rapperswil avait voulu se rendre "flashy" en passant à des maillots turquoise et en abandonnant son nom traditionnel "SC". Il avait agacé ses supporters sans gagner de nouveaux spectateurs. En 2011, le club avait engagé comme directeur sportif, et même un moment comme entraîneur, Harry Rogenmoser, un ancien joueur qui avait certes géré et développé avec succès une entreprise locale de pizza à domicile (avec 750 employés), mais qui avait coupé tout lien depuis douze ans avec le hockey sur glace, sinon parce qu'il était sponsor du club. La recherche d'originalité avait peut-être été excessive... Rogenmoser avait fondé une stratégie "vision Lakers" qui prévoyait une demi-finale en 2016. Rapperswil a bien été demi-finaliste cette année-là... mais en LNB, sans Rogenmoser qui avait perdu son poste.

La relégation, survenue un an plus tôt en 2015, après 21 ans en LNA, a servi d'électrochoc. Le "SC" Rapperswil-Jona a retrouvé ses initiales, s'est réconcilié avec ses fans et a retrouvé ses fondamentaux et son identité. Il est remonté après une belle saison, en remportant la Coupe de Suisse avec trois équipes de l'élite à son tableau de chasse. Il a donc logiquement gardé ses cadres, comme le gardien Melvin Nyffeler, les deux Canadiens Jared Aulin et Dion Knelsen ainsi que le meilleur marqueur suisse Corsin Casutt. Puisque le niveau supérieur autorise quatre étrangers au lieu de deux, les deux renforts arrivent de KHL : Casey Wellman et Matt Gilroy, le défenseur offensif des Jokerit Helsinki.

L'euphorie est grande, mais Rapperswil a toujours le plus petit budget de LNA. Néanmoins, le club, financièrement consolidé pendant son passage en LNB où il a fait des bénéfices, a désormais une stratégie moins tape-à-l'oeil et sans grand effet d'annonce, mais plus réaliste. De toute façon, les clubs suisses recrutent avec tellement d'anticipation qu'en avril, il n'y a plus aucun joueur sur le marché pour les promus. La seule possibilité est de se servir chez le club que l'on a battu en barrages de promotion/relégation. De Kloten, Rapperswil a récupéré un attaquant d'expérience, Roman Schlagenhauf, mais aussi le défenseur physique Timo Helbling, ex-international passé par la NHL qui avait initialement signé chez les Flyers. Malheureusement, Helbling, une fois revenu à la compétition après un mois d'absence, s'est de nouveau blessé au genou et laisse un grand vide à l'arrière.

Quant à l'attaque, il ne faut pas rêver : depuis seize ans, les promus ont toujours la dernière ou l'avant-dernière attaque du championnat. Ce n'est pas Rapperswil qui fera exception à la règle. L'équipe manque de talent offensif et son meilleur marqueur est étonnamment l'attaquant physique Martin Ness. Il ne s'agit plus d'enchaîner des exploits d'un soir comme en coupe mais de disputer un championnat de longue haleine. À ce jeu, le SCRJ sait qu'il terminera en play-out, et c'est à ce moment-là qu'il devra être prêt.

 

 

La LNB (pardon, la "Swiss League")

 

 

Un club aussi prestigieux que Kloten a nécessairement pour objectif de remonter immédiatement. Il compte encore pas mal de grands noms qui ont écumé les patinoires de l'élite, en particulier en défense. Mais il faut s'habituer à un nouveau championnat après la redescente et ce n'est pas si facile. Le choix d'embaucher un gardien étranger - l'Autrichien Benhard Starkbaum - a été critiqué dans une division où l'on réserve traditionnellement les deux licences de "mercenaires" à des attaquants chargés de menacer l'offensive. Seul Lausanne avait fait exception à la règle en montant avec Cristobal Huet dans les cages, mais c'était Huet...

La "Swiss League" ne manque en effet pas de clubs ambitieux. Trois fois battu en finale (2013, 2015 et 2018), Olten n'a même jamais accédé au barrage de promotion/relégation contre le dernier de l'élite, mais il a mis en place les infrastructures pour évoluer au plus haut niveau et ne cache pas sa volonté d'y monter. Il est devenu le favori, d'autant plus que l'effectif a enfin été stabilisé avec juste des changements ponctuels. L'habituel rival Langenthal arrive à être compétitif et même à mener les débats grâce aux performances de son gardien Philip Wüthrich, international junior arrivé de son club formateur Berne sans avoir un seul match de Ligue A. Et pourtant, il vit la fin d'une époque, celle du duo Brent Kelly - Jeff Campbell qui l'a emmené pendant huit ans (dont deux titres 2012 et 2017, sans concrétiser en barrages). Ils ont 37 ans et ne sont plus dominants : Campbell s'est blessé aux ligaments du genou et Kelly décline sans son partenaire. Les meilleurs étrangers de la ligue sont aujourd'hui sans contestation Philip-Michaël Devos et Jonathan Hazen, le duo québécois d'Ajoie.

Deux autres clubs ne sont pas là faire de la figuration car la prochaine année est cochée dans le calendrier. Le centenaire de La Chaux-de-Fonds est prévu pour le printemps 2019, et le nouveau directeur sportif Loïc Burkhalter a eu la bonne idée d'embaucher le meilleur marqueur d'Extraliga slovaque, Tim Coffmann. Mais il a cherché aussi de la densité physique et de l'expérience dans un club qui a souvent manqué de ses qualités malgré son talent technique. Il a fait confiance à l'ancien second gardien de Lausanne et de Genève, Christophe Bays, mais il a malheureusement été victime d'une commotion. À Viège, c'est la nouvelle patinoire qui est attendue pour l'automne 2019. Les deux étrangers Mark van Guilder et Dan Kissel connaissent parfaitement la ligue et le club valaisan s'est contenté d'engager des jeunes joueurs avec un potentiel à moyen terme.

Dépouillé de ses six marqueurs de la saison dernière, Thurgovie se contentera d'observer en retrait, constituant le ventre très mou du classement puisqu'il y est tout seul. Quant à Winterthur, qui ne peut plus se voir prêter de joueurs par Kloten (relégué au niveau que lui), il essaiera enfin de se qualifier en play-offs face aux deux réserves de Zurich (GCK Lions) et de Zoug (EVZ Academy). La faible réserve tessinoise du HCB Ticino ne fait que le serre-file.

 

Marc Branchu

 

 

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