Rouen à l'assaut de la CHL par vent d'est
5 ans, cela faisait 5 ans que Rouen n’avait pas gagné une finale sèche (c’était déjà contre Grenoble en 2018). Bien sûr deux années « covid » sont passées par là, mais pour un club habitué à soulever les coupes (12 trophées de 2008 à 2018 lors de séries ou de matches sans lendemain), cinq ans sans émotion ou presque, c’est long, très long sur les bords de Seine.
Avec la perspective de jouer la CHL en tout début de saison, d’y faire bonne figure et de conserver le titre, la première idée de Guy Fournier et du staff a été d’essayer de conserver un maximum de joueurs de l’équipe qui ont soulevé la coupe Magnus pour la 17e fois. Son premier trio offensif, sa ligne de centre, 80% de ses arrières et ses JFL titulaires tout en préservant sa profondeur de banc. À la veille du premier match officiel, essayons de tirer le bilan de cet exercice, plutôt difficile.
Du premier trio, seul Alexandre Mallet a re-signé. Les trois meilleurs centres des champions ont pris des chemins différents. François Beauchemin s’est vu offert un contrat inégalable en Suisse. Valentin Claireaux, cassant un contrat en cours de validité, l’a fait à l’envers au staff qui comptait sur lui. Kelsey Tessier a saisi l’occasion d’une reconversion au pays. À l’arrière, Aleksi Elorinne a fait part de son opportunité de retourner en Liiga. Les joueurs d’équipe qui se sont illustrés, Ulysse Tournier et Kaylian Leborgne, ont choisi une autre voie. Forcés de constater l’impossibilité de réaliser leur premier scénario, il a fallu aux managers développer d’autres capacités.
Heureusement, malgré la concurrence sur le marché des JFL, le directoire a réussi la prouesse de conserver un bloc de titulaires formés localement (Chakiachvili, Cantagallo et les attaquants Loïc Lampérier, Joris Bedin, Vincent Nesa et Rolands Vigners) tout en convaincant, à une intersaison charnière de leur carrière sportive, trois « jeunes » en développement, Quentin Tomasino (21 ans), Tommy Perret (20 ans) et Jordan Hervé (20 ans), ce dernier pourtant en conflit plus ou moins larvé avec le club après avoir refusé de jouer avec Caen en D1 la saison dernière.
Comme Maïa, Dodero et Lucenius n’avaient plus vraiment les faveurs des techniciens du RHE, et quand Boivin ne fut plus dans les plans de la direction, en tenant compte des contrats pluriannuels en cours du gardien Matija Pintarič et de Guimond puis de la resignature de Yeo, Guy Fournier aura eu la lourde tâche de renouveler 50% de son effectif de titulaires. Une gageure, compte tenu des hautes ambitions du club et du désintérêt international porté à la ligue Magnus !
Sans être totalement du poste pour poste, ni du rôle pour rôle, les nouveaux arrivants aux spécificités parfois bien différentes des partants - même ceux signés très tardivement - semblent avoir assez de talent et d’habiletés pour s’imposer en ligue Magnus et plus si affinités.
Cap à l’Est. Jamais Rouen n’avait fait venir autant de joueur de l’est européen. On en dénombre quatre, dont deux joueurs de centre trentenaires.
Commençons par le Tchèque Antonín Honejsek, qui a remporté son championnat en 2014. Junior, il a joué deux saisons en WHL et participé aux sélections nationales mineures (2 championnat du monde). Professionnel, le Tchèque de 32 ans, à l’exception de trois matches en Finlande, a toujours joué en Tchéquie, le plus souvent à Zlín. Il avait failli remplacer Ondřej Roman lors du départ de celui-ci en cours de saison dernière (Niclas Lucenius fut finalement choisià. En Extraliga, ce gaucher qui peut aussi jouer à l’aile montre une fiche intéressante avec près de 0,54 pts par match. La saison dernière, après trois saisons collectivement difficiles (dont une relégation) avec Zlín, il a tenté, en vain semble-t-il, de retrouver la joie de jouer à Pilsen en cours de saison. C’est sur les bords de Seine qu’il compte sûrement la retrouver.
Continuons avec le Slovaque Milan Kytnár qui a été présenté comme du lourd et voué au premier trio par la presse locale. Hum ! Certes, le joueur de 34 ans a été drafté en 2007 et a joué en AHL, KHL et NHL mais dans une (très) petite mesure et sans s’y être installé. Depuis 9 années, il joue en élite slovaque sans avoir participé à des JO, ni à des championnats du monde ! Durant les trois dernières saisons sa fiche est de 0,38 pts par match en Slovaquie. Rien de déshonorant mais nous serons beaucoup plus mesurés pour présenter « Kyto » qui doit avoir conservé les qualités éprouvées en WHL et aux 3 championnats du monde junior auxquels il a participé. « Bon dans les deux sens de la patinoire, travaille dur à chaque présence, dispose d’une bonne coordination œil-main, et d’un bon sens de l’anticipation, c’est un passeur précis qui voit bien la glace », puisqu’il a été récemment champion de Slovaquie avec Bratislava en 2022.
Du lourd, nous pensons que c’est plutôt du côté de l’ailier Marcel Haščák que les supporters de l’île Lacroix pourront plus sûrement en observer. Oui, ce Slovaque n’a pas été repêché, ni joué dans de prestigieux championnats (encore que), mais ce droitier de 36 ans a été 4 fois champion national (deux fois en Tchéquie et deux en Slovaquie). Il a disputé 5 championnats du monde, glanant au passage une médaille d’argent en 2012, et il a participé aux jeux de PyeongChang en 2018. Surtout, sa fiche fait état de 170 points lors de 139 derniers matches disputés durant ses trois dernières saisons en Extraliga tchèque et slovaque ! En désaccord avec le nouveau staff du Slovan, Marcel Haščák a résilié son contrat cet été et a préféré in extremis rejoindre en ligue Magnus Milan Kytnár, son ancien coéquipier l’an passé à Bratislava, plutôt qu’évoluer au deuxième niveau slovaque avec Kežmarok, où il s’entraînait ces dernières semaines avant sa signature au RHE.
Terminons avec ce que l’on peut considérer comme le haut de la vague venue d’orient, le défenseur letton Kristaps Sotnieks. Celui qu’on surnomme « kapli » (la pioche ? le soc ?) chez les fameux fans lettons est un monument en Lettonie. Il a participé, entre autres, à deux Jeux Olympiques et, de 2009 à 2022, à 13 championnats du monde consécutifs avec son équipe nationale ! Il a commencé la pratique du hockey sur le tard, à 12 ans. Il n’était âgé que de 21 ans lorsque son club, Riga 2000, est entré en KHL en devenant le Dinamo Riga où l’entraîneur Julius Supler lui a fait confiance malgré sa jeunesse. L’arrière s’est donc naturellement développé dans la ligue élite russe où il a participé à 680 matches en 14 saisons ! La guerre en Ukraine ayant fait capoter la participation en KHL du club de Riga, la saison dernière, Kristaps Sotnieks a joué en République Tchèque, à Kladno, aux côtés, du « Patron », la légende Jaromir Jagr qui, à 50 ans, raconte Kristaps, allait s’entraîner sur la glace à 23h00 au retour d’un match disputé en déplacement ! En dépit d’un mauvais classement, Kristaps Sotnieks considère que ce fut une de ses saisons des plus positives de sa carrière. C’est sans doute dû au fait que Kladno a réussi à conserver sa place en Extraliga. Le Letton, qui considère que chacun doit connaître son rôle dans une équipe et dans chaque situation de jeu pour avoir du succès, devrait être plus un soutien défensif qu’offensif dans l’organisation tactique de Fabrice Lhenry. Même si l’arrière letton tire de la gauche, il a souvent été placé à la droite de Florian Chakiachvili dans les premiers matches de préparation.
En défense, le coach rouennais pourra aussi compter sur Emil Kristensen, le premier Danois à revêtir le maillot des Dragons. Cet arrière international est très courtisé dans son pays à chaque intersaison. Le CV du joueur de 30 ans aux cinq participations aux championnats du monde est assez fourni, mais des blessures semblent avoir contrarié une carrière envisagée dans les championnats scandinaves. Ce droitier a fait ses débuts en championnat danois à l'âge de 17 ans à Esbjerg, ce qui lui a ouvert les portes de l’Allsvenskan jusqu’à titiller la SHL où une blessure lui a fermé la porte de la prestigieuse ligue suédoise. Il a rebondi en Liiga. Il a ensuite évolué en DEL (Schwenningen avec Dylan Yeo) puis, recruté par Luciano Basile à Val Pusteria, en ICEHL ces deux dernières saisons. Le Danois est réputé régulier, solide, disposant d’un bon tir et d’une bonne première passe. Emil Kristensen a évolué aux côtés de Sacha Guimond en match amical.
Pour produire en attaque, Guy Fournier a jeté son dévolu sur le Canadien Francis Perron. Voilà un successeur tout désigné aux gros canons de l’an dernier Boivin et Beauchemin. C’est ce que les observateurs peuvent penser car l’attaquant formé en LHJMQ a livré la marchandise à Sierre au deuxième échelon suisse, où il évoluait aux côté d’Éric Castonguay (RHE 2012/2013) et du natif de Rouen, Paulin Mainot, le fils de Samuel, l’ancienne doublure des gardiens titulaires des Dragons (de 1988 à 90 et de 1992 à 94), en noircissant sa fiche de 34 points. Junior, l’ailier a dominé la saison 2015/2016 de la ligue junior majeur du Québec en remportant la prestigieuse finale avec l’équipe de Rouyn-Noranda dont il était le capitaine. Après avoir tenté sa chance d’intégrer la NHL en disputant 4 saisons en AHL, et atteint un top 3 dans la filiale de San José en 2019, lassé d’attendre son tour, Francis Perron a traversé l’Atlantique jusqu’en Suède. Avec Björklöven, sans jouer des saisons complètes, mais participant aux play-offs, le gaucher s’est hissé deux fois en finale de l’Allsvenskan sans parvenir toutefois à soulever le trophée. L’ailier québécois, drafté par Ottawa, est censé connaître du succès grâce à une bonne lecture du jeu, son lancer et une bonne habileté de passe. Le staff doit être certain de son choix puisque le Canadien aurait signé pour deux ans.
Un des autres gros coups du staff est d’avoir su convaincre l’expatrié de 31 ans, Anthony Rech, de revenir sur l’île Lacroix. L’international avait quitté sa glace en 2014, à 21 ans, après avoir passé 8 années à s’y développer. Depuis, parti à Dijon puis à Gap, le Haut-Savoyard a connu du succès. Il a d’abord été le meilleur joueur des Rapaces lors du titre de Gap en 2017. Il s’est alors installé en équipe de France avec 6 participations aux championnats du monde où il remplit actuellement une fiche « avec mention » de 19 points en 38 rencontres ! Anthony Rech est devenu le meilleur réalisateur français en DEL lors de sa quatrième saison en Allemagne. Il a élevé le compte à 78 buts inscrits outre-Rhin. Avec lui, Schwenningen, en 2018, a joué les play-offs… vingt ans après leur dernière participation de 1998 ! Anthony Rech s’est aussi hissé en finale de DEL avec Wolfsbourg en 2021 ! Après une saison 2022/2023 finalement difficile, pourtant commencée sur les chapeaux de roues à Turku en Finlande, terminée en Allemagne sans produire, mais rassurant aux championnat du monde avec les Bleus, l’ailier a signé un contrat long de trois ans avec deux autres années en option.
La préparation des coéquipiers de Loïc Lampérier est laborieuse, 1 victoire pour 4 défaites. C’est la plus moyenne des campagnes qui précède des participations rouennaises à la CHL (2 victoires pour 4 défaites en 2021, et 3 victoires pour 3 défaites en 2018). Plus que les défaites, c’est le contenu qui pourrait inquiéter. Tout n’est pas encore en place pour que les Dragons aient déjà trouvé leurs repères avec les nouvelles recrues parfois arrivées tardivement (Mallet à cause de longue négociation d’un congé de paternité à la fin de 2023, Haščák en dernière minute alors que le staff comptait pouvoir enrôler Boivin à la fin d’une longue convalescence qui persiste encore).
De nouveaux meneurs doivent s’imposer dans le vestiaire, sur la glace et sur les stats. Collectivement les Dragons sont encore en construction. Fabriquer une unité composée de blocs d’affinités assez hétérogènes prendra sans doute du temps, et avec un gros travail des capitaines et assistants. Pour cela, ils disposent d’une très forte expérience de hockey qu’ils n’avaient peut-être pas il y a un an, mais peut-être moins d’affinités, d’allant naturel et sans doute beaucoup moins de profondeur.
À la même époque l’an dernier le contingent rouennais était complet et l’ajout d’un étranger était encore possible. Aujourd’hui, il semble manquer au minimum le centre n°1, qui a échappé au RHE à cause d’une surenchère venue de Grande-Bretagne (Mathieu Lemay), et les postes d’imports sont tous pourvus ! La blessure du junior Fabian Riu, le coup reçu par Hervé et la blessure à l'épaule d'Enzo Cantagallo n’arrangent pas la situation. Les moins de 20 ans, Fiorenzo Villard et Antoine Addamo, vont peut-être avoir plus de responsabilités et très vite en ce début de saison. La révélation du dernier championnat du monde Jules Boscq, qui voulait se tester à l'étranger et a choisi l'ECHL (qui reprend tard), a heureusement signé un contrat d'un mois pour pallier l'absence de Cantagallo.
Le système de jeu maîtrisé par les anciens a fait ses preuves mais les nouveaux doivent encore l’apprivoiser presque sur le tas afin d’exister en CHL dès maintenant. Le premier objectif de la saison, mais pas le seul. Au pire, la compétition européenne doit servir à forger ce nouveau groupe pour aller briller à Bercy et conserver la coupe Magnus dans sa maison, sur les bords de Seine !
Thierry Frechon
Effectif :
Gardiens
N° NOM Prénom Naissance cm kg Club formateur Club & Chpt 2022/23 MJ Min Moy. % 39 CAUBET Tonin 27/07/2002 173 73 Bordeaux Rouen FRA-1 25 1378 3,31 88,8% 69 PINTARIČ Matija 11/08/1989 181 84 (Slovène) Rouen FRA-1 38 2242 2,36 92,8%
Défenseurs
N° NOM Prénom Naissance cm kg Club formateur Club & Chpt 2022/23 MJ B A Pts +/- Pén
3 VILLARD Fiorenzo 29/12/2004 176 66 Rouen Rouen 2 FRA-3 20 3 8 11 35'
8 YEO Dylan 16/07/1986 181 95 (Canadien) Rouen FRA-1 58 15 24 39 +31 157'
16 GONCALVES-NIVELAIS Noa 16/10/2004 174 65 Villard Rouen FRA-1 5 0 0 0 +4 2'
Rouen 2 FRA-3 18 5 5 10 12'
26 SOTNIEKS Kristaps 29/01/1987 183 87 (Letton) Kladno TCH-1 44 2 8 10 -11 26'
27 BOSCQ Jules 22/02/2002 183 83 Bordeaux Bordeaux FRA-1 48 5 24 29 +8 20'
28 KRISTENSEN Emil 20/09/1992 184 81 (Danois) Pustertal AUT-1 24 5 6 11 -6 6'
41 CANTAGALLO Enzo 19/10/1998 180 83 Villard Rouen FRA-1 51 3 11 14 +19 53'
44 GUIMOND Sacha 28/03/1991 190 85 (Canadien) Rouen FRA-1 60 12 48 60 +24 29'
62 CHAKIACHVILI Florian 18/03/1992 186 87 Briançon Rouen FRA-1 53 10 29 39 +41 73'
Attaquants
N° NOM Prénom Naissance cm kg Club formateur Club & Chpt 2022/23 MJ B A Pts +/- Pén
6 NESA Vincent 19/06/1996 172 66 Meudon Rouen FRA-1 46 2 8 10 +2 16'
7 HERVÉ Jordan 12/05/2003 180 84 ACBB Rouen FRA-1 9 0 0 0 -3 4'
Rouen 2 FRA-3 11 6 9 15 39'
11 PERRET Tommy 12/05/2003 183 78 Villard Rouen FRA-1 37 3 8 11 -2 2'
Rouen 2 FRA-3 3 2 2 4 0'
14 TOMASINO Quentin 11/03/2002 173 66 Grenoble Rouen FRA-1 58 9 11 20 +3 23'
Rouen 2 FRA-3 1 1 2 3 0'
17 HASCAK Marcel 03/02/1987 183 87 (Slovaque) Slovan Bra. SVK-1 47 23 21 44 +19 18'
18 RECH Anthony 09/07/1992 180 87 Chamonix TPS Turku FIN-1 29 7 4 11 +6 4'
Wolfsburg ALL-1 16 1 1 2 -5 8'
19 KYTNAR Milan 19/05/1989 183 83 (Slovaque) Slovan Bra. SVK-1 45 10 9 19 +8 34'
27 LAMPÉRIER Loïc (C) 07/08/1989 185 83 Rouen Rouen FRA-1 60 21 44 65 +32 38'
29 HONEJSEK Antonín 19/02/1991 182 87 (Tchèque) Plzen TCH-1 14 0 0 0 -3 2'
Zlín TCH-2 40 11 17 28 -1 32'
34 ADDAMO Antoine 21/04/2004 187 80 Clermont Rouen 2 FRA-3 13 4 12 16 18'
37 BEDIN Joris 04/02/1993 172 80 Grenoble Rouen FRA-1 57 9 12 21 +4 33'
72 PERRON Francis 18/04/1996 183 75 (Canadien) Sierre SUI-2 37 18 16 34 -3 18'
91 VIGNERS Rolands 07/03/1991 188 88 JFL (Letton) Rouen FRA-1 53 21 28 49 +20 36'
92 MALLET Alexandre 22/05/1992 185 93 (Canadien) Rouen FRA-1 52 23 48 61 +46 133'
Entraîneur : Fabrice Lhenry (51 ans), assisté d'Anthony Guttig (34 ans).
Partis : Aleksi Elorinne (D, 5+17, KalPa Kuopio, FIN), Charlie Dodero (D, 4+18), Ulysse Tournier (D, 1+3), Hugo Deberge (D, 0+2, Caen, FRA-2), François Beauchemin (A, 30+54, Olten, SUI-2), Kelsey Tessier (A, 34+39, arrêt), Bastien Maïa (A, 11+14, Amiens), Valentin Claireaux (A, 10+14, Vitkovice, TCH), Kaylian Leborgne (A, 4+3, Amiens).
Revoir la présentation 2022/23