Interview d'Eliot Berthon

 

Interview d'Eliot Berthon réalisée par Aurélien Léger après le match Lugano-Ambrì le 8 septembre 2017. Victoire d'Ambrì 4-3 chez les rivaux tessinois, avec une assistance du joueur français dans ce match.

- Bonsoir Eliot et félicitations pour cette victoire avec un point au compteur. Cela fait une saison que tu joues à Ambrì-Piotta, comment te sens-tu ici ? Comment s'est passée ton intégration et quel est ton rôle au sein de l'équipe ?

J'ai eu une saison un peu en demi-teinte l'année passée. Parfois je jouais, parfois non, je ne m'entendais pas très bien avec le coach, c'était un peu bizarre. Mais depuis que je suis arrivé, en dehors du hockey c'est vraiment super : le climat est génial, la ville où j'habite à 30 minutes d'Ambrì est vraiment sympa, il y a pas mal de joueurs qui habitent là aussi, c'est vraiment cool, et il y a une bonne ambiance cette année en plus. C'est un nouveau départ et je suis vraiment content qu'on ait pu gagner ce soir, ça fait du bien.

- Ambrì a flirté avec la relégation l'an passé. Quels sont les objectifs de l'équipe cette année, ainsi que tes objectifs personnels ?

Pour l'équipe ça serait de pouvoir atteindre les play-offs. On sait que ça ne sera pas facile, on n'a pas une équipe très talentueuse par rapport aux autres, mais on a beaucoup de choses pour compenser, on travaille beaucoup. Je dirais entre la première et la huitième place, c'est vraiment notre objectif. Personnellement c'est déjà de faire une saison bien complète, 50 matchs. Tant que je jouerai, le reste suivra. C'est important de faire des points mais je sais ce qu'attend le coach de moi, d'être intense, d'être rapide, de travailler dur et d'amener quelque chose offensivement. J'essaye de faire ça du mieux que je peux et pour le moment ça réussit bien, également en préparation. Mais c'est clair que faire les play-offs avec l'équipe qu'on a serait vraiment génial.

- C'était ce soir le derby Lugano-Ambrì. On dit que c'est la plus rivalité la plus exacerbée de Suisse. Tu as connu d'autres rivalités entre Genève et Lausanne ou Fribourg-Gottéron. Ce derby est-il vraiment si spécial ?

Pour moi, c'est la plus grosse rivalité qu'on puisse connaître dans le hockey en Suisse. Quand on rentre à l'échauffement, c'est déjà un gros bazar, tout le monde supporte. C'est beaucoup d'émotion car à chaque but, chaque bon jeu, ça crie, on sent que c'est électrique. J'ai entendu que ça faisait 4 ans que l'équipe n'avait pas gagné à Lugano donc c'est une première. Je n'avais pas gagné à Lugano l'an passé, donc je suis assez content de faire partie de ça. On ne sait jamais, on ne regagnera peut-être pas d'ici 4 ans, donc c'est fantastique ! Je ne dirais pas que les supporters ne vivent que pour ça, mais si on perd demain par exemple (match contre Davos finalement perdu 1-2), peut-être qu'ils laisseront un peu plus couler. Le derby pour eux, c'est énorme, et on prend ça aussi beaucoup à cœur.

- Peux-tu nous parler de la Valascia, la patinoire d'Ambrì. Cela semble être une expérience en tant que spectateur (patinoire partiellement ouverte, en altitude, avec la curva sud où les spectateurs sont debout) ? Qu'en est-il en tant que joueur ?

Ça me rappelle un peu Gap à l'époque avec un côté ouvert. Ça date de 1937 [NDLR : en fait de 1959 avec le toit ajouté en 1979], ça tient encore debout mais je ne sais pas comment (rires). C'est chaud, le public est ensemble, c'est électrique, beaucoup de gens crient. Je pense honnêtement qu'on a les meilleurs supporters en Suisse. C'est une patinoire emblématique. Je ne sais pas quand elle va être changée mais ça fera des malheureux. Je crois qu'il manque encore un peu d'argent mais ça devrait se faire dans quelques années.

- Et les matchs l'hiver, quand il fait très froid ?

Ça doit être difficile pour les supporters. Ma copine ne vient pas souvent me voir l'hiver, par exemple, parce qu'il fait vraiment froid. Mais je préfère qu'il fasse froid plutôt que chaud comme ce soir où c'était une catastrophe avec de la brume, de l'eau qui remonte. C'est difficile mais c'est la même chose pour les deux équipes.

- Tu attaques ta 7e saison en séniors en Suisse. Peux-tu nous parler un peu de ce championnat, de la vie d'un hockeyeur en Suisse ? Quelles sont les principales différences avec d'autres championnats et notamment la ligue Magnus ?

J'ai beaucoup d'amis qui jouent en Magnus, j'ai aussi mon frère avec qui je parle beaucoup, avec qui on débat sur le championnat français et le championnat suisse. Pour moi, c'est un style de vie magnifique. Le championnat suisse est un gros championnat, ça demande beaucoup de travail, beaucoup d'énergie, mais si je peux avoir l'opportunité de rester ici toute ma carrière, je n'hésiterai pas une seconde. C'est un beau pays, le championnat est relevé, on a aussi beaucoup de temps pour nous, c'est vraiment une chance de jouer là et j'essaye d'en profiter chaque jour.

- Tu as quitté ta région d'origine (Lyon) pour Rouen à 11 ans, puis 2 ans plus tard à Genève où tu vivais dans une famille d'accueil. Comment décide-t-on si jeune de faire tant de sacrifices pour le hockey ? Avais-tu l'objectif d'être professionnel ?

À 11 ans, je voulais absolument rester sur Lyon mais c'est mon frère qui a eu l'opportunité d'aller à Rouen, donc on est tous allés là-bas mais ça s'est aussi bien passé pour moi. Quand je suis arrivé à Genève à 13 ans, je ne voyais pas forcément le futur comme ça mais je savais ce que je voulais, je savais que j'étais un bon joueur et que je pouvais progresser encore et peut-être monter les échelons. Finalement, ça a bien réussi. Je ne pensais pas que ça faisait 7 ans que j'étais en séniors, ça passe vite, c'est là que je me dis qu'il faut encore que je profite un peu plus.

- As-tu un plan de carrière ? Des objectifs pour le futur ?

Chaque hockeyeur rêve de s'expatrier au Canada ou aux États-Unis, mais il faut rester lucide, ce n'est pas donné à tout le monde, ce n'est pas facile. J'aimerais continuer en Suisse, je suis bien ici, mais on ne sait jamais ce que l'avenir nous réserve sachant que je suis en fin de contrat. Je vais tout donner pour rester ici, à Ambrì ou dans un autre club.

- Question plus anecdotique, tu as porté le numéro 20 (Genève, équipe de France), le 24 (Bienne), le 28 (Lausanne, Ambrì). Pourquoi ce choix de numéros ?

Quand j'étais à Genève, je n'avais pas vraiment eu le choix. J'avais eu le 20 en juniors alors on m'avait mis le 20 en séniors. Ensuite je suis allé à Lausanne où on m'a donné le 28 et j'avais fait une bonne saison. Quand je suis arrivé à Bienne, je voulais reprendre le 28 mais il n'était pas disponible donc j'ai pris le 24. J'ai eu deux années un peu difficiles avec des blessures et quand je suis arrivé à Ambrì j'ai changé tout de suite pour reprendre le 28. Et maintenant je l'aime bien, ce numéro.

- Tu as participé aux championnats du monde 2016 en Russie mais tu n'as finalement pas été retenu dans la liste finale pour les mondiaux de Paris cette année. Comment as-tu vécu cette décision ?

Difficile. C'est clair qu'on avait tous envie d'y aller mais il y a beaucoup de concurrence maintenant. Il y avait tous les joueurs de NHL et de KHL qui étaient là. Je ne jouais plus beaucoup à la fin de la saison dernière. Quand j'ai discuté avec Pierre Pousse, on est arrivés à la conclusion que je ne pouvais pas être sélectionné car je n'avais pas assez joué, que je n'étais pas dans le rythme. Il y avait des joueurs qui étaient mieux physiquement, mieux préparés. Ça m'a fait mal mais c'était un choix logique que j'ai respecté même si j'aurais aimé y aller, que ma famille vienne. À la fin je vais mieux rebondir et j'espère que cette année se passera mieux.

- Justement, quels sont tes objectifs avec l'équipe de France ?

Ils sont clairs. Bien qu'il n'y ait malheureusement pas les Jeux Olympiques, et c'est une grosse déception, j'ai envie de faire les championnats du monde, comme chaque année. On va sûrement avoir des stages pendant la saison et c'est là que chacun gagne sa place. À moi de faire le nécessaire et de montrer à Dave et Pierre que j'ai envie d'être là et que j'ai ma place dans cette équipe.

- Merci beaucoup et bonne chance pour cette saison.

Propos recueillis en septembre 2017 par Aurélien Léger

 

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