Interview de Ronald Calhau

 

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Ronald Calhau a été un des pionniers du hockey sur glace et du patinage artistique (dont il a été trois fois champion national) au Brésil au début des années 80. Il a contribué au démarrage de ce sport au Portugal quinze ans plus tard et est aujourd'hui le vice-président de la fédération portugaise des sports de glace (Associação Nacional de Desportos no Gelo).

 

- Que saviez-vous du hockey sur glace avant que la première patinoire brésilienne ouvre à São Paulo en 1980 ?

Rien du tout. Je n'en avais jamais vu, même pas à la télévision.

- Qu'est-ce qui vous a incité à aller à la patinoire ?

Je faisais du patin à roulettes, donc quand j'ai entendu qu'une patinoire avait ouvert ses portes, je me suis dit que j'allais essayer.

- Comment la première équipe a-t-elle été formée ? Y avait-il beaucoup de gens attirés par le hockey sur glace ?

La première équipe a été composée de quelques étrangers et de Brésiliens qui venaient patiner régulièrement. Peu de gens étaient intéressés par le hockey sur glace, principalement parce que la patinoire était petite et qu'elle ne disposait d'aucune place assise.

- Vous avez passé un an aux États-Unis, à Columbus, pour vos études ? Pensez-vous que votre implication dans le hockey sur glace aurait été aussi grande sans cette expérience ?

C'était crucial. Je n'aurais probablement jamais été aussi impliqué si je n'étais pas allé aux États-Unis.

- Quels étaient les clubs de hockey au Brésil dans les années 80 (noms, couleurs, date de fondation...) ?

Voyons voir :

- São Paulo (les "Pandas"), fondé en 1981, qui jouait en noir, rouge et blanc.

- Rio de Janeiro (les "Gladiadores"), fondé in 1982, qui jouait en bleu, rouge et blanc

Il y avait une autre équipe à Belo Horizonte, la capitale de l'état de Minas Gerais, je ne me souviens pas du nom du club, mais je pense qu'il a été fondé en 1984 et évoluait en orange et noir.

- La première patinoire brésilienne faisait 14 mètres sur 12, la première patinoire au Portugal est une 36 x 18. Comment avez-vous adapté le jeu à de telles petites surfaces ?

Au Brésil nous jouions à trois contre trois sans gardien, nous avions de petits filets avec une barre de fer qui ne laissait que les quatre coins ouverts pour marquer, il n'y avait pas de lignes sur la glace, pas plus que de balustrades, c'était un jeu complètement différent. Nous utilisions les règles sur les contacts avec la crosse et le corps, mais toutes les autres règles ne pouvaient pas s'adapter.

Ici au Portugal nous jouons à cinq contre cinq (gardien compris), il y a des balustrades, des cercles et des points d'engagement, une ligne centrale qui fait aussi office de ligne bleue (on a simplement enlevé la zone neutre, un peu comme sur un terrain de hockey inline), et il n'y a pas de dégagements interdits, sinon on applique le règlement officiel de l'IIHF.

- Qu'est-ce qui a finalement fait disparaître le hockey sur glace brésilien ?

Principalement à cause du manque de surfaces de glace convenables. Les patinoires existantes étaient trop petites, trop éloignées les unes des autres, et il était également très difficile de se procurer de l'équipement.

- Quels ont été les différences entre les situations au Brésil et au Portugal qui ont permis de mettre sur pied le premier championnat portugais l'an passé, alors que ça n'a jamais été possible au Brésil ?

Le Portugal est un petit pays, et la patinoire de Viseu est situé en son centre, il est ainsi possible de s'y rendre en voiture depuis n'importe où.

Il est facile d'acheter de l'équipement à l'étranger puisque le Portugal est membre de l'Union Economique Européenne. De plus, le Portugal est le seul pays en Europe où le hockey sur glace n'est pas encore développé, tandis qu'en Amérique du Sud il n'est développé nulle part. Tout est différent (et bien mieux) au Portugal.

- Êtes-vous toujours en contact avec d'autres pionniers du hockey brésilien ?

Oui, Claudio Bock, l'homme qui a fondé l'équipe de hockey des Pandas de São Paulo pendant que j'étais aux Etats-Unis, est un de meilleurs amis.

- Pensez-vous que le développement du hockey inline au Brésil peut freiner le redémarrage du hockey sur glace qui requiert plus d'équipement et de logistique ?

Non, je pense qu'au Brésil le hockey inline pourrait aider au développement.

- Vous avez passé quelques années en Allemagne où vous êtes devenu entraîneur. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?

C'est une très longue histoire, je pourrais écrire un livre sur mes années en Allemagne... En résumé, elles m'ont donné la "culture hockey" que je n'ai jamais eu étant enfant.

- Quand vous avez déménagé au Portugal pour raisons professionnelles en 1992, pensiez-vous que vous y rejoueriez un jour au hockey sur glace ?

Non, je pensais avoir raccroché les patins pour de bon.

- Comment avez-vous été informé de l'ouverture de la patinoire de Viseu en septembre 1996 ?

L'entreprise propriétaire de la patinoire m'a appelé, ils avaient besoin d'un entraîneur de patinage. Une fois là, je les ai convaincus que créer une équipe de hockey sur glace serait une bonne idée. Le club a été créé dès l'ouverture de la patinoire.

- Le rink hockey est très populaire en Espagne et au Portugal. Est-ce un avantage ou un problème à long terme pour le développement du hockey sur glace dans ces pays ?

Ici au Portugal, c'est clairement un gros problème pour nous.

- Une équipe d'émigrants portugais de Toronto a joué à Viseu devant une équipe nationale portugaise. Y a-t-il eu d'autres rencontres internationales jouées par des équipes portugaises et y en a-t-il d'autres de prévues ?

Les Viseu Lobos ont joué à Majadahonda quelques fois et nous avons également reçu une équipe madrilène à Viseu une fois. Nos avons par ailleurs disputé un tournoi à Ankara en Turquie. Pour ce qui est des plans futurs, nous voudrions amener l'équipe nationale portugaise à Toronto pour une revanche contre le First Portuguese Club of Toronto, mais malheureusement les fonds pour financer ce projet ne sont pas disponibles...

- L'ambassadeur du Canada vous avait aidés pour ce premier match. Avez-vous reçu de l'aide supplémentaire de l'ambassade ou d'autres organisations ?

Malheureusement l'ambassadeur canadien ne nous a pas soutenus plus avant. La saison dernière nous avons reçu une subvention gouvernementale pour organiser la formation des arbitres et des entraîneurs, et nous en sommes en train de nous porter candidats pour de nouvelles aides gouvernementales pour des évènements ultérieurs.

- Quel genre de soutien l'IIHF apporte-t-elle aux pays émergents du hockey sur glace ?

L'IIHF organise quelques programmes, les deux plus notables sont peut-être les actions de formation du programme "Partnership for Progress", auxquelles les fédérations membres peuvent participer gratuitement (nous n'avons à payer que nos frais de transport), et l'"Equipment Support Program" qui accorde chaque année des équipements de hockey pour les jeunes. Malheureusement tous ces programmes de l'IIHF sont destinées aux pays qui ont déjà atteint un certain niveau de développement, il y a encore un manque de support direct aux pays qui sont vraiment en train de débuter.

- Le Brésil est devenu membre de l'IIHF mais n'a jamais participé à une compétition internationale de hockey sur glace. Le Portugal franchira-t-il bientôt ce second pas ?

Je l'espère, mais c'est difficile à dire. Cela dépend surtout de l'ouverture de nouvelles patinoires ici au Portugal. Si de nouvelles aires de jeu n'ouvrent pas bientôt, le hockey sur glace portugais connaîtra le même sort que son homologue brésilien.

- Le premier championnat de hockey portugais a-t-il été un succès ?

Dans les conditions actuelles, je dirais que c'était un bon départ pour le hockey de compétition au Portugal. Mais avec seulement trois équipes, et, sans doute encore plus important, en devant jouer tous les matches dans une unique patinoire, vers laquelle certains joueurs doivent faire jusqu'à 350 kilomètres, il est impossible de faire vivre le championnat bien longtemps.

- Où en est-on avec les projets de patinoire au Portugal (à Montijo, Porto...) ?

Malheureusement à l'heure actuelle il n'y a pas de plans concrets.

- Si une personne voulant développer le hockey sur glace dans un nouveau pays vous demandait conseil, que lui diriez-vous ?

C'est un grand défi, qui requiert beaucoup de dévouement, de travail, de patience et bien sûr d'argent. Je lui conseillerais de me passer un coup de fil, c'est déjà la deuxième fois que je m'y colle.

Propos recueillis par Marc Branchu le 3 décembre 2001

 

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