Interview de Stéphane Da Costa

 

À l'occasion de la venue à Helsinki du CSKA Moscou, club de de KHL de Stéphane Da Costa, pour une rencontre contre Jokerit, nous avons pu rencontrer l'international français et lui poser quelques questions.

Le CSKA repart de Finlande avec une défaite en fusillade. Un point seulement et une maigre consolation après avoir ouvert le score sur leur premier tir et s'être vus refuser pour hors-jeu après révision vidéo un splendide but en pleine lucarne, justement de Stéphane Da Costa, à 5 minutes de la fin.

- Troisième saison en KHL. Après un quart de finale et une finale, cette année est la bonne pour la coupe Gagarine ?

J'espère bien, on a une bonne équipe, on sort d'une bonne série de 10 victoires. Après, on peut sortir au premier tour si on commence à mal jouer.

- Comment se passe le début de saison ? Le départ de Radulov n'a pas affecté le rendement de l'équipe...

On joue en équipe depuis le départ. Le système est le même depuis 3 ans. Avec ou sans Radulov, nous avons de très bons joueurs. Le système fait que nous ne sommes pas dépendants d'un seul joueur, c'est vraiment un jeu d'équipe.

- Tu es très apprécié par les joueurs, les coaches, le public, quel bilan tires-tu au bout de 2 ans ?

C'est une bonne expérience. J'ai joué avec de bons joueurs, avec une bonne équipe, on a gagné pas mal de choses. Il ne manque que la Coupe Gagarine.

- Comment vis-tu les longs déplacements ?

C'est difficile avec le décalage horaire, car ce n'est pas nord-sud mais est-ouest. Quand on va vraiment à l'est, il est parfois difficile de rester dans les matches.

- Jusqu'en Chine cette saison...

Oui, on va faire tout le voyage : Khabarovsk, Vladivostok, puis en Chine.

- Affronter l'équipe de Damien Fleury...

Déjà, être en Chine sera vraiment bien, ce sera une première expérience pour moi, et jouer contre Damien, ça fait plaisir. Je n'ai jamais eu l'occasion de jouer contre quelqu'un de l'équipe de France en championnat. Ni en AHL, ni en NHL, ni en KHL. À part Maxime Lacroix, mais à l'époque il n'était pas encore en équipe de France.

- Parlons de ta carrière, tu es passé par Viry puis Amiens en juniors...

Oui, et aussi Dammarie-les-Lys, Évry, Yerres avant de partir une année en junior au Texas et deux ans dans l'Iowa. J'ai donné ensuite mon accord pour aller en université [Merrimack]. Tout s'est bien passé, même à l'école, j'ai passé l'équivalent du bac aux États-Unis. D'ailleurs, là, je ne suis qu'à un cours de finir mon université. La remise de diplôme sera en juin.

- Qu'as-tu ressenti lors de ton premier match de NHL avec Ottawa ?

Je ne me rendais pas trop compte de ce qui se passait. C'était un rêve de faire cela. J'étais encore un peu dans les étoiles. J'ai fait les 4 matches en fin d'année puis je suis revenu sur terre. C'est difficile de rester dans une équipe NHL.

- Tu avais ensuite un contrat à deux volets NHL-AHL...

Oui, ils voulaient que je reste en première ou deuxième ligne. Pour cela, il faut le gabarit, il faut pointer, et malheureusement je n'ai pas assez pointé.

- Qu'est-ce qu'il te manquait ?

Ils voulaient que je joue plus physique, plus agressif. Maintenant, ici, je le fais, mais avant, je ne le faisais pas assez.

- Jouer au CSKA t'a permis de développer cet aspect de ton jeu ?

Évidemment, vous verrez ce soir [contre Jokerit]. Notre équipe joue vraiment dur. On patine partout. Cela demande énormément d'efforts, donc je pense que j'ai changé de ce point de vue. Je pense que je pourrais jouer aujourd'hui en NHL.

- Ottawa était une équipe en construction, avec certes de la place pour les jeunes, mais aussi une concurrence exacerbée entre eux ?

Il y avait beaucoup de jeunes en effet et je pense qu'ils ont une préférence pour les draftés par rapport aux agents libres qui arrivent des universités.

- As-tu eu des regrets ou une déception de ne pas être drafté ?

Non, honnêtement je savais qu'à 17-18 ans je n'étais pas prêt à être drafté, à être un prospect pour la NHL. Je pense que j'ai fait le bon chemin.

- Quel est ton objectif à ce moment de ta carrière ? Retourner en NHL ?

J'aimerais bien, mais on est bien aussi ici. Pourquoi retourner aux États-Unis si c'est pour gagner moins ?

Avais-tu des idoles dans ta jeunesse ?

Oui, Sergei Fedorov en tant que joueur. Il avait un beau patinage, un bon style aussi. J'ai toujours aimé tous les joueurs techniques et rapides : Bure, Fedorov. Il y avait aussi Jagr. Ce n'était pas le plus rapide mais il était intelligent et technique.

- C'est ce qui a orienté ta façon de jouer ? Comment te caractériserais-tu ?

Pas très rapide, pas très physique [rires]. Je pense avoir une bonne lecture de jeu. Techniquement, ça peut aller aussi.

- Tu joues les power-play à CSKA ?

Oui, c'est là que je fais plus de la moitié des points.

- C'est ce qui t'a refroidi dans les propositions qu'on t'offrait en NHL ?

Oui, c'est difficile quand je ne joue pas en power-play parce que je ne joue pas en PK non plus [penalty-killing]. Quand on joue seulement à 5 contre 5, c'est dix minutes de glace ou à peine plus et c'est plus dur de marquer. Parmi les gros pointeurs, tu remarques que c'est beaucoup de points en powerplay. Je ne vais pas dire que c'est à cause de cela, mais cela m'aurait aidé.

- Tu es devenu l'idole de certains jeunes, quel conseil donnerais-tu à un jeune ?

Si tu es au-dessus en France, il ne faut pas arrêter de travailler, sinon on stagne. Peut-être envisager de partir à l'étranger pour se développer.

- Quel sentiment as-tu après le dénouement malheureux du tournoi de qualification olympique début septembre ?

Avant le tournoi, j'avais beaucoup de craintes. J'avais peur de notre niveau car lors des deux matches de préparation que j'ai vu ou joué, nous n'étions pas assez bons. On se faisait tourner autour. On s'est parlé entre nous, on a parlé tactique, et je pense qu'au final nous avons fait un bon tournoi.

Nous aurions dû battre l'Italie avant la prolongation, c'est ce qui m'a énervé un peu. Mais c'était un match piège. J'ai parlé avec Jan Mursak [coéquipier slovène au CSKA] à propos de l'Italie et ils ont eu du mal aussi en match de préparation contre eux. Cela a toujours été un adversaire difficile.

Ensuite, contre le Kazakhstan, nous faisons un de nos meilleurs matches depuis des années. Depuis 2-3 ans et le quart de finale.

Contre la Norvège, nous faisons un très bon match aussi. Je ne veux pas chercher d'excuses, mais je trouve que les arbitres n'étaient pas très bons. J'ai l'impression d'avoir vu des fautes qui n'ont pas été sifflées. Je leur en veux un peu.

- Tu mentionnais Mursak, ça fait deux fois qu'ils parviennent à renverser la hiérarchie et à se qualifier pour les JO...

Je suis un peu jaloux honnêtement. C'est mon rêve d'aller aux JO avec l'équipe de France. Nous avons tout donné. Il n'y a que Cristo et Meunier qui ont fait les JO [du groupe à Oslo]. Il y a des joueurs qui méritent d'y aller.

- Le Mondial 2017 à Paris aura une saveur particulière pour toi ?

Oui, tout à fait, c'est sûr. Il y aura toute la famille, tous les amis. Pour tous les joueurs, ce sera la première fois et ça va amener une belle fête. Nous le méritons. Depuis le quart de finale et les quelques années d'avant, on commençait vraiment à être bons. Nous ramenons de jeunes joueurs qui progressent bien. Maintenant il faut savoir passer le palier entre simplement viser le maintien et viser plus haut. Pour cela il faut l'équipe au complet d'une part, et d'autre part il faut jouer ensemble avec de l'agressivité, ne pas être trop gentil sur la glace.

- As-tu suivi la Coupe du Monde ?

Oui, c'est une belle compétition, mais c'est dur de respecter [les organisateurs] car tous les joueurs sortent d'un été sans hockey et ils vont directement à la compétition. C'est pas comme un play-off, lorsque tu as fait une année entière. C'est très court, ça ressemble à un all-star game en fait. Mais c'est sûr que ce doit être un honneur de faire partie d'une de ces équipes-là.

- Quel est ton meilleur souvenir en hockey ?

D'avoir failli gagner la coupe Gagarine l'an dernier [perdue au match 7]. Ça fait mal aussi. Mais d'être allé aussi loin dans une compétition est un bon souvenir, car je n'ai encore rien gagné en pro. Pas encore. J'espère bien que ça va arriver.

Et le quart de finale à Minsk. Je pense que c'était un des plus beaux moments parce qu'on s'entendait vraiment bien entre les joueurs. On jouait bien. On s'est éclaté pendant tout le tournoi.

- Si tu devais choisir une équipe-type idéale, en t'y incluant, qui choisirais-tu ?

[gardien] Cristobal Huet

Il a eu une grosse carrière, et encore à 40 ans, il nous sauve encore les matches en équipe de France la plupart du temps. C'est le joueur français avec le plus grand palmarès. Respect ! C'est un très grand goal.

Erik Karlsson [droitier]

Il a un patinage énorme. Il a un sens du jeu offensivement qui est très très bon. J'ai joué avec lui à Ottawa. Premier but, il me fait la passe. C'est un bon souvenir.

Yohann Auvitu [gaucher]

C'est un copain. Il vient de partir aux États-Unis. J'aimerais lui souhaiter bonne chance. C'est vraiment un travailleur. Il est devenu très fort physiquement. Il mérite d'aller en Amérique du Nord et j'espère qu'il va avoir du succès.

[centre] Stéphane Da Costa

J'ai toujours été centre (même si je joue à l'aile en équipe de France).

[ailier droit] Aleksandr Radulov

C'est un caractère, mais c'est un travailleur et un mec bien. C'est un joueur physique, vraiment physique. Pour le bouger dans les coins, c'est "bonne chance", il faut y aller à deux. Après, techniquement, il est très fort. Je me suis tellement bien entendu sur la glace. Il veut gagner, il adore gagner. Il ne lâche jamais.

[ailier gauche] Artemi Panarin

Il est aussi ailier droit, mais j'ai joué contre lui à SKA. On avait fait l'erreur la première année de mener 3-0 et perdre 4-3 [en quart de finale]. La deuxième année, on n'a pas fait la même. C'est un petit gabarit mais il patine vite, il a de bonnes mains, un très bon shoot, et sa lecture du jeu est phénoménale je pense. Il voit vraiment tout avant les autres. Techniquement, il protège aussi très bien son palet.

 

Propos recueillis en septembre 2016 par Benoît Mantel (Twitter @BenoitMantel)

 

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