Interview d'Alan Jacob

 

Arrivé à Chamonix début février pour sauver le club de la relégation, l'entraîneur canadien Alan Jacob y a resigné un contrat de trois ans.

- Pouvez-vous résumer votre carrière de joueur au Canada avant votre venue en Europe ?

J'ai joué mon hockey mineur au Québec, à Cap-de-la-Madelaine, pour les Barons, jusqu'à junior où j'ai joué pour les Draveurs de Trois-Rivières de la Ligue Junior AAA. Alain Vigneault, actuel entraîneur des Canucks de Vancouver, a été mon entraîneur à ma dernière saison, nous remportons le coupe Purolator remise aux champions et je termine meilleur pointeur de la ligue.

Ensuite, en 1988, je suis invité aux camp des agents libres (joueur sans contrat) des Bruins de Boston. Suite à ce camp, les Maple Leafs de Toronto m'offrent un contrat de ligues mineures, en ECHL avec option AHL si essai concluant. Mais suite au camp et au fait que je n'avais pas de contrat, j'ai vite réalisé que mes chances étaient minces de faire carrière en Amérique.

Lors de matches en été, je fais la connaissance de joueurs et entraîneurs qui travaillent en Europe. Jean-Claude Tremblay, un ancien grand défenseur, trouve que j'ai le style européen, et voilà comment je me retrouve le temps de deux tournois avec une équipe de Canadiens dans des tournois européens. La suite, vous la connaissez, j'y travaille depuis bientôt 20 saisons et j'y suis très heureux.

- Où a commencé votre carrière d'entraîneur ?

J'ai été joueur à Gap, Morzine, Dunkerque, avant de partir en Angleterre à Blackburn. Ensuite, blessure et début de carrière d'entraîneur-joueur à Cergy-Pontoise, Sonthofen en Allemagne, et l'île de Wight en Angleterre.

Je suis devenu entraîneur à temps plein à Asnières en division 1, ensuite Villars-sur-Ollon en Suisse, La Haye aux Pays-Bas et maintenant Chamonix.

- Quels souvenirs gardez-vous de votre passage à Cergy ?

J'ai de très bons souvenirs de Cergy où je remplaçais Pete Laliberté qui avait des problèmes de santé. J'ai vraiment pris goût au job d'entraîneur à Cergy, Pete a aussi été pour quelque chose dans cette reconversion car il m'a tellement transmis son amour et sa passion que j'ai de suite aimé.

- Votre saison à Asnières en 2003/04 avait été compliquée puisque des joueurs avaient quitté l'équipe tant que vous étiez là. Pourquoi aviez-vous eu tant de difficultés à appliquer votre système de jeu ?

Premièrement, je n'ai pas été licencié à Asnières, j'ai quitté pour la Suisse en mars. Quant aux problèmes de systèmes, il y avait entre 8 et 12 joueurs par entraînement, dont la moitié en retard et jamais les mêmes ! Si un entraîneur sait faire prendre une mayonnaise avec si peu de collaboration, je lui lève mon chapeau.

- En 2005/06, vous vous êtes occupé de Bruxelles, au deuxième niveau belge (division 1) ? Comment situeriez-vous ce club par rapport aux championnats français ?

À Bruxelles, c'était avant tout un retour aux études, mais mon équipe a agréablement surpris, nous avions terminé premiers et nous avions un très bon groupe. Je situerais le niveau près de la division 2 française.

- Le hockey belge est mal connu en France. Va-t-il se développer selon vous ?

Le hockey belge est difficile à developper, les structures belges ne favorisent pas le développement du sport, il n'y a qu'à voir avec le foot.

- La saison passée, vous êtes resté entraîneur neuf jours seulement à Deurne et votre arrivée à Groningue a été annulée deux jours après l'annonce du club. Que s'est-il passé ?

À Deurne, c'était suite aux difficultés à Den Haag. Il manquait de l'argent pour commencer la saison, j'ai donc accepté une offre de Deurne en Belgique avec une option pour un meilleur challenge. Résultat, une semaine après, Den Haag trouvait le sponsor qui nous permettait de partir.

Je n'ai par ailleurs jamais entraîné à Groningen, on s'est rencontré mais pour une discussion seulement. J'ai d'ailleurs quitté pour Chamonix en cours de négociation, le défi de Chamonix étant autrement plus intéressant.

- Comment avez-vous vécu votre licenciement à La Haye ?

À Den Haag, je me fais licencier alors que mon équipe avait fini première de la coupe, qui constitue la première partie du championnat. Nous avions d'ailleurs perdu la finale contre Heerenveen. Mes relations avec le propriétaire était intactes, mais bon, le manager en a décidé autrement. Ils ont d'ailleurs fini troisièmes dans la deuxième partie de leur championnat.

- Quand et comment avez-vous été en contact avec Chamonix ?

J'ai été en contact avec Chamonix le 1er février, et je suis arrivé le 8 février.

- Avez-vous pu rencontrer le précédent entraîneur Peter Hrehorcak ? Qu'avait-il laissé comme héritage ?

J'ai rencontré Hrehorcak et je n'ai aucun commentaire. Je crois qu'il a fait de son mieux, il n'avait peut-être pas le style pour ce genre de groupe.

- Quelles sont les première mesures que vous avez voulu mettre en place pour redresser Chamonix ?

La première chose en arrivant était de faire un bilan de la situation mentale du groupe. Je devais leur redonner envie de jouer et surtout de gagner, ensuite reformer des blocs plus homogènes avec des tâches bien précises pour chacun des joueurs, et ensuite le système et affûter le powerplay. Ce groupe m'a donné de grandes sensations en très peu de temps. Je leur ai donné envie de jouer et de gagner, mais ils m'ont donné envie de continuer mon métier, surtout que je m'étais remis en question, étant prêt à rejoindre l'équipe junior dont je suis co-propriétaire à Boston.

-Comment avez-vous géré la pression du barrage de relégation contre Caen ?

La pression du barrage est horrible à vivre, tu joue ton futur en deux semaines, j'ai été positif continuellement, en essayant de trouver les mots justes à chacune des situations. C'est important quand le temps joue contre toi, je n'avais pas beaucoup de temps pour y arriver.

- Ressentez-vous un poids de l'histoire à Chamonix ?

Travailler comme entraîneur à Chamonix est sûrement différent d'ailleurs de par son histoire, mais c'est le genre de défi que je recherche.

- Pensez-vous que la passion du hockey puisse revenir à Chamonix ?

La passion du hockey à Chamonix est toujours vivante, elle est seulement en sommeil. À nous, dirigeants, partenaires, entraîneur, joueurs et supporters de réveiller tout ce monde, et même les fantômes de cette patinoire.

- Chamonix a fait le pari de jouer avec deux jeunes gardiens français. Quel bilan tirez-vous de cette expérience ? Plus généralement, quelle est la meilleure voie pour que les jeunes gardiens français progressent ?

La progression des gardiens francais passe par du temps de jeu, il vaut mieux tenir la baraque d'une équipe de division 1 tous les matchs que faire banquette en Magnus. La mise en place d'écoles de gardien serait aussi à envisager, un travail régulier à l'année avec eux aiderait.

- Le départ de Yannick Riendeau chez un concurrent direct vous gêne-t-il ?

Yannick Riendeau a été mon atout, celui que j'ai utilisé à toutes les sauces dans le maintien de Chamonix. J'aime le joueur et l'homme, j'ai souhaité le garder, je crois sincèrement avoir tiré le meilleur de lui et il a montré sa vraie valeur, mais je ne suis pas seul dans la reconduction des contrats. Yannick avait la chance de rester, aux mêmes conditions certes, mais il pouvait rester, je lui souhaite d'ailleurs bonne chance.

- Quel style de hockey voulez-vous mettre en place à Chamonix ?

Je souhaite un style volontaire, guerrier, où chaque joueur s'entraîne, joue et respecte le système sans avoir aucun regret à la suite des resultats. Je crois que de cette façon nos supporters seront plus que jamais derrière nous, de plus ce groupe surprendra encore.

- Vous a-t-on laissé carte blanche sur le recrutement ? Qui s'en occupe et qui valide ?

Au niveau recrutement, nous travaillons en comité restreint en ce qui concerne les contrats à renouveler. Pour les nouveux arrivants, je propose, et avec Alain Gobet, le manager sportif, et Franck Cotet, le comptable, on voit si ça passe ou pas. Mais je dois vous dire que négocier avec le plus petit budget de la ligue n'est pas facile, il faut beaucoup de mots et d'arguments. Même si on est à Chamonix, le nerf de cette guerre, c'est le fric !

- Quelles sont les priorités que vous vous fixez dans la constitution de l'équipe ?

Un solide gardien starter, Heinonen, un bon back-up, Charton, au cas où !  Les défenseurs, deux nouveaux étrangers pour encadrer les très jeunes Francais et 3 ou 4 attaquants dont deux étrangers.

- Vous avez amené un gardien finlandais que vous avez connu à La Haye. Pouvez-vous nous présenter son style de jeu ?

Sami Heinonen a un style très agressif, il défie et challenge constamment les joueurs, il fera tout pour arrêter le puck. Comme dirait mon collègue Alain Gobet, ancien gardien, il le fera avec ses "couilles" s'il le faut. C'est un gars super, très drôle et relax dans le vestiaire, mais qui déteste voir un puck derrière lui, il sera bon !

- Curieusement, le club rival, le HC Mont-Blanc, a aussi recruté un de vos anciens joueurs à La Haye, Marek Babic : est-ce un bon choix selon vous ?

Il n'a joué que 4 ou 5 matchs pour Den Haag, son essai n'a pas été concluant, mais c'est un arrière capable d'aider le Mont-Blanc.

- Les ennuis extra-sportifs vécus l'an passé (une arrestation pour une altercation dans une soirée) par votre recrue Rebernik vous ennuient-ils ? Avez-vous évoqué le sujet avec le joueur ?

Les ennuis de Chris sont du passé, il a sûrement appris. C'est quelqu'un de brillant, j'étais en contact avec lui déjà l'an dernier et ça ne change en rien sa valeur de hockeyeur et d'homme. Ces histoires de bistrot et de bar, ça arrive tous les jours à monsieur tout le monde, alors pourquoi pas à un joueur de hockey !

- Qu'est-ce qui vous a plu chez Thibault Geffroy ?

Thibault Geffroy m'a plu par son intensité et sa vitesse. Maintenant, j'espère découvrir un jeune qui veut devenir encore meilleur par le travail, un joueur qui accepte son rôle dans un groupe et qui s'amuse toutes les fois qu'il enfile son équipement.

- Parmi les jeunes joueurs de Chamonix, quel est celui qui a le plus de potentiel selon vous ? Jusqu'où pensez-vous pouvoir l'emmener ?

Des jeunes comme Vincent Kara et Marc Slupski sont amenés à de belles carrières, ils ont encore une grande marge de progression. Ils doivent cependant travailler continuellement et savoir mettre leurs priorités en avant. Je crois posséder deux jeunes avec lesquels je vais sûrement avoir un certain plaisir en tant qu'entraîneur, ils en auront pour leur argent s'ils en veulent !

Les jeunes arrières Torfou, Claret-Tournier et Veydarier ont aussi une marge de progression. Former un arrière prend plus de temps, je compte sur leur ambition et leur désir de bien faire, surtout qu'ils sont chamoniards.

Propos recueillis le 21 mai 2008 par Marc Branchu

 

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