Interview de Dimitrios Kalyvas

 

Le capitaine grec témoigne des difficultés à faire reconnaître le hockey dans son pays, englué dans des difficultés politiques et structurelles. Sans patinoire, l'équipe nationale se réunit ponctuellement pour des stages en République Tchèque.

- Vous êtes né et avez grandi à Montréal, avant de partir en Grèce à la fin des années 1980.

Nous ne voulions pas vraiment quitter le Canada, mais au cours d'un séjour à Athènes, mon père nous a téléphoné pour nous dire que le hockey était pratiqué en Grèce, et donc que nous pourrions continuer à jouer. Cela a facilité notre départ.

- Quel en était le niveau à votre arrivée ?

Je ne connaissais rien du hockey grec, que j'ai découvert en arrivant à Athènes. Le niveau était bon, du fait de l'arrivée de joueurs revenant du Canada, de République Tchèque et de Russie. Le championnat était bien structuré.

- La Grèce n'a pas tardé à prendre part aux compétitions internationales...

En 1990, les juniors ont participé aux championnats du monde en Yougoslavie, puis en 1991 en Italie. L'année suivante, les seniors se sont envolés pour l'Afrique du sud, où nous avons décroché une médaille de bronze.

- Cette médaille fut glanée après seulement deux semaines d'entraînement. Avec 500 joueurs, le hockey pouvait prendre son envol ?

Après la médaille de bronze, nous pensions que le gouvernement nous aiderait, mais rien ne s'est passé à cause d'un changement de majorité. Malheureusement, le président de la fédération faisait partie du camp perdant. Au niveau financier cela devenait de plus en plus difficile car l'aide économique a cessé.

Cette période difficile s'est poursuivie par la fermeture de la patinoire de Moschato, en 2001, et la baisse du nombre de pratiquants à environ quarante joueurs. La Grèce a disparu de la scène mondiale.

- Comment avez-vous pu remonter la pente ?

En voyant qu'à Riga la fédération internationale avait accepté la Mongolie, nous avons souhaité alerter l'IIHF, pour qu'elle prenne conscience de nos difficultés. À Moscou en 2007, nous avons sollicité la reconnaissance d'une exception grecque, car sans glace nous ne devrions pas pouvoir participer aux championnats du monde. De retour de Russie, nous avons communiqué par e-mail des photos et les feuilles de matchs de rencontres disputées en République Tchèque. L'IIHF a alors enquêté, envoyant des émissaires qui ont certes déploré l'absence de patinoire, mais ont reconnu l'existence d'une équipe et d'une fédération. En septembre, à Vancouver, le feu vert nous a été donné pour une participation aux qualifications.

- Vous êtes donc arrivés en Bosnie-Herzégovine en février en partant dans l'inconnu. Comment avez-vous abordé ce tournoi ?

Après avoir assisté à l'entraînement des Bosniaques, nous avons pris conscience de nos capacités à les battre. Tout s'est passé comme prévu. Contre l'Arménie, nous allions rencontrer des difficultés et il convenait de s'appliquer sur le plan défensif. Après deux tiers, la marque était de 6-2 et malgré un léger retour arménien, nous n'avons pas lâché.

- Comment cette performance a-t-elle été accueillie au pays ?

Journaux et télévision ont relayé notre victoire. Une patinoire provisoire de 45 mètres x 45 mètres a été installée pour nous permettre de nous préparer pour les championnats du monde.

- Un projet plus important est prévu à Athènes. Où en est-il ?

Il est actuellement bloqué, car certains pensent avant tout à leurs intérêts personnels. Beaucoup nous apportent leur soutien, mais malheureusement toujours pas le gouvernement, trop tourné vers le football et le basket. Il ne croit pas aux sports de glace, expliquant que la Grèce est un pays de plage et de sports d'été. Les ministres nous disent "oui" mais rien ne change. On est le seul pays européen sans patinoire avec l'Albanie.

- Quelle est la cause du blocage du chantier ?

Des riverains ont évoqué des problèmes d'environnement. Ils pensaient sans doute que c'était une centrale nucléaire, que cela allait provoquer un holocauste et qu'en buvant l'eau ils auraient trois yeux. Nous sommes allés; au ministère de l'environnement, qui nous a dit que tout était OK. Mais ils trouvent un autre motif et le projet reste bloqué. Personne ne tape du poing sur la table.

- En dehors de la République Tchèque, où vous vous rendez régulièrement, d'autres pays vous ont-ils tendu la main ?

Des joueurs de Thessalonique ont participé à quelques rencontres en Bulgarie, sans suites.

- Avez-vous cherché le soutien de joueurs de NHL d'origine grecque ?

Nous avions laissé un lien sur le web pour nous contacter. Nikos Tselios nous a envoyé un message : "Good luck". Quant à Chris Chelios, il compte participer aux épreuves olympiques de bobsleigh, une discipline chapeautée par notre fédération, mais ne s'est jamais manifesté. Je n'ai plus d'espoir avec lui.

- L'équipe nationale se compose de joueurs natifs d'autres pays européens et d'autres nés outre-Atlantique, comme vous. Existe-t-il un style prédominant ?

À part trois joueurs, tout le monde vit au pays. Nous croyons dans un style grec.

- Quels sont vos objectifs dans le Mondial de troisième division ?

Ce tournoi a un impact important. Nous espérons prendre une des deux premières places, tout en étant conscients que participer est déjà une victoire. Finalement, toute place, sauf la dernière, nous conviendrait.

- Êtes-vous optimiste pour l'avenir ?

Nous espérons que le gouvernement va nous aider en nous voyant ici, au Luxembourg, participer aux championnats du monde, sans patinoire dans notre pays. Mes espoirs ne sont tout de même pas élevés car après la médaille remportée en 1992 rien n'a changé. Si le projet de patinoire est mené à son terme, l'espoir est permis. Sinon, les jeunes ne se tourneront pas vers notre sport et celui-ci s'éteindra dans quelques années. Je crains que, s'il n'y a pas de patinoire, le prochain championnat du monde sera notre dernier.

Propos recueillis le 31 mars 2008 par Mathieu Hernaz

 

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