Interview de James MacEachern

 

L'entraîneur canadien de la Turquie évoque les perspectives du hockey dans ce pays, qui n'a pas réussi à remonter à l'issue des championnats du monde de division III au Luxembourg.

- Comment êtes-vous arrivé dans le hockey turc ?

J'ai habité en Turquie il y a dix ans. Je venais de terminer mes années universitaires en business management, et j'avais également obtenu le TESOL, le diplôme qui permet d'enseigner l'anglais comme langue étrangère. C'était l'occasion de voir le monde, alors j'ai passé un an en Équateur puis un an en Turquie en tant que professeur d'anglais.

De retour au Canada, j'ai suivi un cursus de management sportif et, baignant dans le hockey depuis l'âge de 3 ans, j'ai coaché à différents niveaux, en Junior A et B et en Senior A et B.

Il y a trois ans, la position d'entraîneur national en Turquie s'était ouverte, mais j'étais déjà sous contrat à cette époque. Il y a six mois, elle s'est ouverte de nouveau, et j'ai signé un contrat de trois ans.

- Votre séjour en Turquie a-t-elle facilité votre désignation ?

C'est certain, car je connaissais déjà le pays, la culture. C'est un avantage indéniable : l'an passé, il y avait déjà un entraîneur canadien, et il y avait eu des problèmes d'adaptation, à la fois du côté du coach et des joueurs.

- Communiquez-vous facilement avec les joueurs ?

Je suis en train d'apprendre le turc. Au moins la moitié de mes joueurs parlent anglais, de même que mon assistant-coach Tarik Gocmen. De toute façon, le hockey est un langage universel. C'est à ça que servent ce tableau de coach et ce marqueur !

- Vivez-vous toute l'année en Turquie ?

Oui. Je travaille à Ankara, où se situe le siège de la fédération, même si je me rends aussi dans l'autre patinoire du pays, à Izmit près d'Istanbul. Je rentre deux semaines au Canada cet été pour voir mes parents, c'est tout. Je n'ai pas d'autres attaches, je suis célibataire, et c'est aussi pour ça que j'ai pris ce job maintenant et pas plus tard dans ma vie.

- Vous a-t-on fixé des objectifs en vous confiant ce poste ?

Non, mais je m'en suis fixé moi-même. Des objectifs à court terme, l'amélioration immédiate à chaque match, et des objectifs à long terme, puisque les Universiades d'hiver 2011 ont été attribuées à la Turquie. Elles constituent un challenge pour les gamins.

- Quel bilan tirez-vous de ce Mondial de division III ?

Il y avait une équipe nettement plus forte, la Corée du nord, et une équipe nettement plus faible, la Mongolie. Les autres équipes se tenaient, et je ne suis pas surpris que ce soit l'Afrique du sud qui soit passée. Elle joue un bon hockey, très défensif.

- L'attaquant canado-turc Cengiz Ciplak (9 des 15 buts turcs en division II l'an passé !) vous a-t-il beaucoup manqué ?

Bien sûr, Ciplak nous manque. Toute équipe privée de son meilleur joueur en souffrirait. Malheureusement, il a été retenu par ses obligations professionnelles.

- Y a-t-il eu d'autres absences ?

Notre meilleur défenseur, Galip Hamarat, s'est fracturé la mâchoire au premier match. Il y a d'autres joueurs qui manquent et qu'on aurait voulu prendre, mais je ne vais pas vous dire leurs noms, par égard pour ceux qui ont été sélectionnés.

- Au vu des performances assez différentes de la Turquie selon le match, on a l'impression qu'il faudrait que vous convainquiez vos joueurs que tous les adversaires sont grecs !

Exactement... C'est ce genre d'émotions dont nous aurions besoin à chaque match. Contre le Luxembourg, nous avons bien joué dans les deux premières périodes, avant un troisième tiers indiscipliné où nous n'avons pas patiné. Contre la Corée du nord, nous avons bien joué, mais seulement à partir de la quinzième minute alors que le score était de 5-0 contre nous. Mais dès qu'on rentre, on travaille pour préparer l'an prochain.

- Comment vous êtes-vous préparé à ce Mondial ?

Pas beaucoup. Le gros problème turc est le temps de glace, avec deux patinoires seulement dans le pays. L'an prochain, la fédération a promis plus de temps de préparation.

De plus, je coache les quatre équipes nationales. La semaine dernière, juste avant de partir pour le Luxembourg, j'étais donc en Roumanie avec les féminines. Elles ont encaissé cinquante buts cette année contre cent l'an passé, signe qu'il y a du progrès...

- Quel est le niveau du championnat turc ? Y a-t-il des joueurs étrangers ?

Le niveau est correct, j'espère que bientôt il sera meilleur. Il y a trois étrangers par équipe, des Canadiens et surtout des Slovaques. Souvent, ils s'occupent aussi de coaching et aident à progresser.

- Quelle est la concurrence pour le temps de glace sur les patinoires existantes ?

Ce sont le patinage artistique, très apprécié en Turquie, et les séances publiques, mais rien qu'avec le hockey, la concurrence est énorme. Rendez-vous compte, à Ankara, il y a 6 équipes sur les 8 de la superligue, plus 9 équipes féminines plus 10 équipes de première ligue, tout cela pour une seule patinoire. Et je ne parle là que des seniors !

Le résultat, c'est que chaque équipe a droit à deux entraînements par semaine, de 40 minutes chacun... et sur un tiers de glace !

- Le patinage artistique et le hockey sur glace sont-ils sous la même fédération ?

Il y avait une fédération commune, mais lorsque l'IIHF a imposé à ses membres d'avoir une fédération spécifique pour le hockey sur glace, les deux sports se sont séparés. Les deux fédérations et le ministère savent cependant travailler ensemble sur la question des patinoires.

- Quelles sont les perspectives de patinoires en Turquie ?

Une nouvelle patinoire ouvrira en septembre à Istanbul. Une autre est prévue à Bolu, mais la construction n'a pas commencé. Dans le cadre des Universiades qui se dérouleront dans la ville d'Erzurum, dans les montagnes, trois patinoires y seront installées. L'une est destinée à être permanente, les deux autres pourront être démantelées et réimplantées en d'autres endroits du pays.

Propos recueillis le 6 avril 2008 par Marc Branchu

 

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