Brest - Angers (9 mars 1996)
Quart de finale du championnat de France élite 1995/96, match 5.
Comment une série si serrée, remplie de retournements de situation et de suspense, a pu se retrouver en une parodie de hockey...
En effet, après être venu gagner lors du premier match à Brest puis avoir confirmé en ne perdant qu'en prolongation le deuxième match et en ayant gagné le troisième, Angers a poussé les favoris brestois dans leurs retranchements. Malheureusement, cette "finale" de la série où le gagnant s'en va en demi finale s'est achevée... enfin, a pris fin au bout de 30 minutes de jeu lorsque les Angevins ont quitté définitivement la glace au cours du deuxième tiers.
Avant cela, les Brestois avaient confirmés leur regain de forme dans un début de match en fanfare. Benoît Groulx gagne l'engagement et lance d'une passe au millimètre Roger Dubé qui prend à froid un Gravel éblouissant lors des quatre matchs précédents. Il n'a fallu que neuf secondes aux Albatros pour prendre leur envol, et moins de trois minutes plus tard, lors de leur première supériorité numérique, Niedzolka remet le couvert (2-0 à 03'14"). La domination de Brest est totale, le tiers est en sa faveur et seule une défense physique et un Gravel très bon, malgré tout, permet aux Angevins de ne pas prendre l'eau. Mais le débat semble déséquilibré, pour preuve le premier palet touché par Vallière n'intervient qu'au bout de dix-huit minutes de jeu ! Et les tirs sont au nombre de 18 pour Brest et 3 pour Angers. Ce premier tiers est à l'avantage total des Bretons qui d'ailleurs aggravent le score à la fin de ce tiers par Hartogs, évidement en supériorité numérique.
Le deuxième tiers prend une tournure différente, avec cinq premières minutes équilibrées où Angers retrouve ses vertus qui lui permettent d'être toujours en course et où Vallière fait étalage de son talent plusieurs fois notamment devant un grand Konstantinidis. Les Angevins sont à nouveau sanctionnés et Akoulinin puis Hartogs portent le score jusqu'à 5 à 0 en moins de deux minutes. Les visiteurs essayent de réagir en mettant à contribution à nouveau Vallière avant qu'une nouvelle pénalité à l'encontre de Claesson ne rende furieux Jagr qui rappelle son équipe à regagner le vestiaire définitivement.
Rien ne redonne aux Angevins l'envie de revenir, et la victoire brestoise, bien qu'évidente, semble inachevée. Que dire aux supporters bretons qui ne virent qu'une moitié de match ?
Le retour au vestiaires des angevins sera justifié par la suite, par un "écoeurement" de l'arbitrage de monsieur Macron. De nombreux commentaires expliquent cette sortie prématurée :
Jaroslav Jagr (entraîneur d'Angers) : "J'ai pensé que ça allait terminer en bagarre générale. Je n'ai jamais vu un arbitre comme celui là. Alors qu'à Amiens, c'est un arbitre suisse qui a dirigé le cinquième match, nous on a eu le plus mauvais. Soit quelqu'un l'a fait exprès, soit on nous a sous-estimés. Une seule équipe était pénalisée. Le niveau de l'arbitrage était vraiment trop faible. C'est la première fois que je prend cette décision qui est très lourde et fâcheuse. Mais il n'était pas possible d'agir autrement. On a joué pratiquement tout le match en infériorité numérique. Par trois fois, les fautes brestoises avant le quatrième but n'ont pas été sanctionnées. M. Macron est fait pour arbitrer un match de poussins, pas un match décisif pour lequel il aurait fallu convoquer un arbitre étranger. J'ai l'impression que tout était prévu d'avance."
André Péloffy (entraîneur de Brest) : "Ce soir, c'est le Brest des bons soirs, motivé et solidaire, qui a appliqué le système de jeu à fond et notamment sur le plan défensif. Des soirées comme celle que M. Jagr vient de passer, j'en ai eu des nombreuses. Je suis content que pour une fois ce ne soit pas nous qui en souffrions. Sachant à quel arbitre nous allions avoir affaire, j'ai été strict avec mes joueurs en leur demandant une discipline encore plus forte et de la fermer... Les prisons ont plu pour eux. Brest est une équipe qui n'a pas encore d'identité, des matches comme celui-là lui en donnent."
Sylvain Beauchamp (capitaine d'Angers) : "Au match d'avant, on avait déjà pris beaucoup de prison. Eux donnent le premier coup, et nous, on prend des pénalités quand on réplique. Pour moi, ça ressemble à une mascarade. Les Brestois voulaient leur série, ils l'ont eue. Je pense qu'"on" ne pouvait pas concevoir une demi-finale sans Brest."
Rodolphe Garnier (attaquant d'Angers) : "La ligue a su quel arbitre mettre ce soir. On a 54 minutes de prison contre 8. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Ceci dit, je n'enlève rien à la performance de Brest à qui je souhaite bonne chance pour la suite. J'estime qu'il devrait y avoir un classement des arbitres comme il existe un classement des buteurs. Je suis désolé pour le public de Brest."
Michel Galarneau (attaquant de Brest) : "Angers nous a quand même fait peur au cours de cette série. Puis nous avons commencé à percer le mur Gravel. Le but de Roger Dubé dès la neuvième seconde nous a donné un bon coup de pouce. La décision prise par Angers de quitter le match : c'est dommage et stupide. À leur place, j'aurais durement accepté que tout le travail effectué soit remis en cause ainsi."
Le retrait prématuré de l'équipe d'Angers a entraîné un jugement par la suite du Comité National de Hockey sur Glace (CNHG) et de la Ligue des arbitres. Le résultat a bien évidement été homologué et autorise les Brestois à affronter les Amiénois lors des demi-finale. Angers a une amende de 30 000 francs et doit suspendre pour trois rencontres René Albert, président de l'ASGA, et Jaroslav Jagr, l'entraîneur angevin. À l'issue de cette commission exceptionnelle : René Albert et Joël Franco se sont exprimés ainsi qu'André Peloffy.
Joël Franco (président de la section hockey de l'ASGA et membre du CNHG) : "M. Macron a été considéré comme un excellent arbitre, et tout ce que nous avons pu faire, c'est finalement donner un coup de bistouri dans la plaie."
André Peloffy (entraîneur de Brest) : "Il m'est arrivé une fois dans ma carrière de quitter la glace, mais nous y sommes remontés ensuite. C'était à Tours et l'arbitre de la rencontre était M. Macron..." (La veille de la rencontre, l'entraîneur brestois s'était prononcé afin que ses dirigeants récusent l'arbitre marseillais)
René Albert (président de l'ASGA) : "À la fin du premier tiers, nous avions accumulé 38 minutes de pénalités contre 4 ou 6 à Brest. Au milieu du deuxième tiers, il a infligé dix minutes de pénalité à Claesson, un joueur qui dans toute la saison n'en avait reçu que six. À ce moment-là, nous étions à 74 minutes de pénalités au total contre 8 au crédit de Brest. Du coup, notre entraîneur a demandé aux joueurs de quitter la glace en signe de protestation."
Robert Megy, délégué général de la Ligue française des arbitres, revient sur le choix de monsieur Macron et sur l'état de l'arbitrage français à cette date :
"Je dispose seulement de 6 arbitres principaux. Samedi, je n'en avais que cinq, Savaria étant en Slovénie pour les championnats du monde féminins. Des 5 qui restaient, Macron était le dernier à ne pas être allé à Brest cette saison. Et comme je n'avais pu obtenir le renfort que d'un arbitre suisse et que M. Désérable (le président du CNHG) considérait que le match le plus serré se déroulerait à Amiens, je n'avais plus le choix."
"Monsieur Macron part le 23 mars pour arbitrer le Mondial B. Il est reconnu au niveau international et il n'est pas apprécié en France parce qu'il s'agit d'un arbitre qui se fait respecter. Je voudrais aussi dire qu'un arbitre peut passer à travers un match comme un joueur ou un entraîneur. Mais quoi qu'il advienne, on ne quitte pas la glace ! C'est le règlement. Les Angevins ont fait une faute lourde qui pénalise tout le hockey français. Nous sommes en élite, et pas chez les ploucs ! Nos avons tous eu l'impression qu'à 5-0, ils n'ont pas eu peur de tout détruire. Des erreurs d'arbitrage, il y en a tous les week-ends."
"Nous, les arbitres, évoluons dans un sport professionnel, tout en étant amateurs. Je vous l'ai dit, je ne dispose que de 6 arbitres principaux qui travaillent par ailleurs. La situation est telle qu'Éric Malletroit, un de nos meilleurs éléments, va arrêter à la fin de cette saison. Il en a marre. Je ne sais toujours pas qui va le remplacer parmi ceux qui arbitrent en division 1. Il faut savoir, et Angers n'en fait pas partie, que certains clubs de l'élite ne forment aucun arbitre. Je peux citer Amiens et Brest par exemple. Il faut dire également que les clubs se moquent de nous. Pensez qu'à Brest, les arbitres doivent traverser le public pour rejoindre leur vestiaire. Sachez aussi que dans la nouvelle patinoire d'Amiens qui reçoit 3500 spectateurs, le vestiaire des arbitres doit représenter quatre mètres carrés et ne possède pas de douche ! Il y a en France un terrible manque de considération envers les arbitres. On leur demande beaucoup et on leur donne peu."
En définitive, la victoire de Brest n'a pas à être remise en cause tant leur domination dans le match fut impressionnante et digne de leur début de saison régulière. Le départ des Angevins a été compris comme en témoignent les faibles sanctions infligées. L'arbitrage en France est un problème et Robert Megy a expliqué le malaise qui règne actuellement autour des arbitres; l'objectif étant d'éviter que de tels mouvements d'humeur se produisent à nouveau.
Brest - Angers 5-0 (3-0, 2-0, match arrêté à 31'43")
Samedi 9 mars 1996 à 20h00 à la patinoire de Bellevue. 800 spectateurs.
Arbitrage de M. Macron assisté de MM. Rousselin et Bergamelli.
Pénalités : Brest 8', Angers 74'.
Évolution du score :
1-0 à 00'09" : Dubé assisté de Groulx et Hartogs
2-0 à 03'14" : Niedzolka (sup. num.)
3-0 à 17'42" : Hartogs assisté de Dugal (sup. num.)
4-0 à 27'38" : Wahlsten assisté de Calder et Niedzolka
5-0 à 29'02" : Akoulinin
Brest
Attaquants :
Roger Dubé - Tom Hartogs - Benoît Groulx
Pekka Peltola - Krysztof Niedzolka - Sami Wahlsten
Andrei Vittenberg - Michel Galarneau - André Coté
Frédéric Asselineau - Olivier Bordas - Igor Akulinin
Défenseurs :
Mike Pellegrims - Stéphane Dugal
Marko Halonen - Éric Calder
Timo Kulonen - Kazimierz Jurek
Gardien :
Michel Vallière
Remplaçants : Charles Thillien (G), Christophe Bappel. Absents : Luc Marengère (arthrose à un genou), Éric Lemarque (dos), Arto Heiskanen (blessé).
Angers
Attaquants :
Marius Konstantidinis - Rodolphe Garnier - Alain Savage junior
Pierre Allard - Sylvain Beauchamp - Robert Ouellet
François Ferrari - Claude Devèze - Lionel Orsolini
David Opacko
Défenseurs :
Stéphane Gachet - Henrik Johansson
Stefan Claesson - Miguel Baldris
Vladimir Domin - Denis Montessuit
Gardien :
François Gravel
Remplaçant : Franck Urtizberea (G). Absent : Tom Karalis.