République Tchèque - Russie (1er mai 1997)
Championnats du monde 1997, poule finale.
Les Tchèques ont débuté ce Mondial par trois petites victoires qui témoignent surtout de leur qualité défensive. On comprend tout de suite pourquoi : certes Kroupa perd le palet dans sa zone face à Sarmatin et l'accroche dès la première minute. Mais les hommes de Hlinka et Lener sont bien en place dans ce début de match et ne concèdent pas la moindre occasion.
L'inconvénient d'une tactique défensive, c'est qu'il suffit d'une erreur doublée d'un exploit personnel pour la prendre en défaut. Et contre les Russes, c'est le genre de choses qui peut arriver : la passe de Jiri Slegr est interceptée en zone neutre par le jeune Aleksandr Korolyuk qui réalise alors un festival. Il passe la bleue, feinte le lancer, dribble Benysek qui finit à genoux puis fait de même avec le gardien pour conclure du revers dans le but grand ouvert (0-1). À l'image de Sergueï Petrenko qui entre en zone au milieu de quatre joueurs, les Russes se reposent sur leur technique individuelle pour faire la différence. Petrenko ne pourra pas le faire longtemps car il rentre prématurément aux vestiaires, une épaule en berne.
Il y a plus de travail collectif tchèque dans les bandes, et le capitaine russe Sergueï Bautin fait faute sur Simicek derrière sa cage. Lors de la supériorité numérique, le pauvre Maksim Mikhaïlovsky est masqué par son défenseur Marat Davydov et ne voit pas venir un slap à mi-hauteur de Slegr qui rachète son erreur (1-1). Les malheurs du gardien russe et de son capitaine ne sont pas terminés. Mikhaïlovsky repousse de la jambière un tir de Libor Prochazka de la zone neutre, et Bautin semble devoir s'emparer tranquillement du rebond... C'est compter sans Pavel Patera qui soulève la crosse du défenseur de Luleå, prend le palet et tire instantanément dans la lucarne (2-1).
La deuxième période commence doucement, jusqu'à une séquence un peu folle : après un rebond d'Aleksei Chupin paré de façon acrobatique par Roman Cechmanek, la première ligne tchèque remonte joliment le palet, mais l'action est avortée par le backchecking de Nikolishin sur Zemlicka. Aussitôt, Epanchintsev remonte dans l'autre sens et dribble magnifiquement Jiri Vykoukal. Son tir en angle fermé échoue sur Cechmanek qui reste allongé un moment. Tout le monde a besoin de souffler après une telle action ! Sur l'engagement, pourtant gagné par Patera, c'est la défense tchèque qui s'accorde une pause de trop : la relance trop molle de Vykoukal est contrée par Korolyuk. Le jeune Maksim Afinogenov, qui avait buté sur le gardien en début de tiers dans une bonne position, prend un tir anodin qui est bêtement dévié par la crosse de Kroupa et qui surprend ainsi Cechmanek entre les bottes (2-2). Il y a du spectacle offensif sur la glace et de la ferveur dans les tribunes, où une ola enjouée fait le tour de la patinoire.
Le match a été ponctuée de scènes d'intimidation à la plupart des arrêts de jeu, avec le hargneux Dopita souvent impliqué. Dans un de ces moments de tension, Vladimir Vujtek junior pointe sa palette tel un harpon vers la hanche de Boutsaïev. Même si le geste ne fait pas mal, l'intention est suffisante pour que le Tchèque prenne une méconduite pour le match, à une poignée de secondes à peine de la fin du deuxième tiers-temps.
La Russie reprend donc la partie en supériorité, mais ne concrétise pas les bons lancers de Dmitri Erofeev (qui joue à Vitkovice dans le championnat tchèque). Elle n'arrive pas à accélérer et ne trouve pas de bonne option de jeu puissance face à un adversaire qui vient par moments la presser dans sa zone mais qui reste groupé à d'autres moments. La République Tchèque croit tenir son adversaire tactiquement, mais est mise en échec sur un but-gag : un tir à mi-hauteur dans un angle impossible de Boutsaïev, même pas cadré, qui glisse de la mitaine de Cechmanek vers les filets (2-3).
La défaite tchèque est à la fois la conséquence de petites bévues et du talent adverse. Ce match a révélé Aleksandr Korolyuk. Le joueur des Krylia Sovietov, parti en Amérique du nord en cours de saison, était surtout célèbre pour avoir frappé un arbitre en IHL, ce qui avait failli le priver aussi de Mondial. L'IIHF l'avait d'abord suspendu jusqu'au 31 décembre à la demande de la fédération canadienne, puis avait trouvé un compromis après l'appel des Russes en lui appliquant une suspension de trois rencontres. Korolyuk a donc débuté aujourd'hui et montré une autre facette de sa personnalité aujourd'hui, celle d'un dribbleur impénitent. Déchaîné, il a fini par gagner des doubles présences en troisième période, où il a occupé définitivement la place en première ligne qui était tournante depuis la blessure de Petrenko.
Moins spectaculaires, les sacrifices défensifs et le travail dans les bandes de la deuxième ligne russe ont également beaucoup servi à cette victoire. Andrei Nikolishin a ainsi provoqué l'ultime pénalité de Slegr qui a tué le match. Lors de la conférence de presse d'après-match, les journalistes finlandais - contents de la défaite tchèque qui relance leur équipe - applaudissent l'entraîneur Igor Dmitriev. Celui-ci est surpris car il avait l'impression que le public encourageait ses adversaires. On luio explique alors que "Venäjä" - ce que criait les spectateurs de Helsinki - signifie "Russie".
Désignés joueurs du match : Aleksandr Korolyuk pour la Russie et Jiri Vykoukal pour la République tchèque.
Marc Branchu
Commentaires d'après-match
Slavomir Lener (co-entraîneur de la République tchèque) : "Malheureusement, nous étions incapables d'établir une connection entre la défense et l'attaque, ce qui est probablement le mérite des Russes. À mon avis, ce match est leur meilleur jusqu'ici dans ce championnat. L'équipe de Russie s'est notablement améliorée avec l'apparition d'un joueur comme Koroloyuk, qu'est-ce que sera quand Yashin montera sur la glace ?"
République Tchèque - Russie 2-3 (2-1, 0-1, 0-1)
Jeudi 1er mai 1997 à 19h00 à la Hartwall Arena de Helsinki. 13 004 spectateurs.
Arbitrage de Don Adam assisté de Darren Gibbs et Tim Kotyra
Pénalités : République Tchèque 20 (9, 5, 6), Russie 31 (11, 9, 11).
Tirs cadrés : République Tchèque 41' (12', 2'+5'+20', 2'), Russie 16' (10', 4', 2').
Évolution du score :
0-1 à 08'37" : Korolyuk
1-1 à 17'23" : Slégr assisté de Lang (sup. num.)
2-1 à 18'04" : Patera assisté de L. Procházka
2-2 à 26'21" : Afinogenov assisté de Korolyuk
2-3 à 51'33" : Butsaev assisté de Prokopiev
République Tchèque
Attaquants :
Richard Žemlička - Jiří Dopita (A, 2') - David Výborný
Rostislav Vlach (-1) - Robert Reichel (C, -1, 4') - Robert Lang (-1)
Martin Procházka (-1) - Pavel Patera (A, -1) - Vladimír Vůjtek (-1, 5'+20')
David Moravec - Román Šimíček - Viktor Ujčík
Défenseurs :
Vlastimil Kroupa (-2, 2') - Jiří Vykoukal (-2, 2')
František Kaberle (+1) - Libor Procházka (+1, 2')
Ladislav Benýšek (-1) - Jiří Šlégr (-1, 4')
Gardien :
Román Čechmánek [sorti à 59'56"]
Remplaçants : Milan Hnilička (G), Ondrej Kratěna. Absent : Jiří Veber (rentré à Prague se faire opérer d'une fracture de la mâchoire).
Russie
Attaquants :
Sergei Petrenko [sorti sur blessure à 12'] - Aleksandr Barkov - Aleksei Morozov
Aleksei Chupin (A) - Andreï Nikolishin (2') - Mikhaïl Sarmatin
Aleksandr Prokopiev (+1, 2') - Vyacheslav Butsaïev (+1, 4') - Oleg Belov (+1, 2')
Denis Afinogenov (+1) - Vadim Epanchintsev (+1) - Aleksandr Korolyuk (+1)
Défenseurs :
Anatoli Fedotov - Sergei Fokin (A, 2')
Andrei Skopintsev (+1) - Marat Davydov (+1)
Dmitri Erofeïev (+1) - Sergei Bautin (C, +1, 4')
Gardien :
Maksim Mikhaïlovsky
Remplaçants : Sergei Fadeïev (G), Dmitri Krasotkin.