Canada - République Tchèque (5 mai 1997)
Championnats du monde 1997, poule finale.
Comportement honteux ou "émotion canadienne" ?
Déjà battus deux fois, les tenants du titre tchèques abattent leur dernière carte après leur échec inattendu face aux Américains. Ils doivent battre le Canada - qui compte 2 victoires et 1 défaite - pour se remettre en course dans l'accès à la finale, qui n'ouvrira ses portes qu'aux deux premiers de cette poule des six meilleurs.
Le Canada va travailler en fond de zone dès la première présence et y obtient une faute de Kroupa, qui a retenu Bob Errey. Les Tchèques se montrent actifs en infériorité numérique et se procurent même la meilleure occasion par Robert Lang, dont le tir est dévié de l'épaule par Sean Burke. À cinq secondes de la fin de la pénalité, les blancs gagnent une mise au jeu derrière la ligne bleue offensive et devraient donc se retrouver à cinq sans encombre. Mais après avoir gagné l'engagement, le centre Rostislav Vlach ne va pas aider son ailier David Moravec dans la bande alors que Keith Primeau vient soutenir Jarome Iginla pour gagner le duel dans la bande à 2 contre 1. Iginla part en contre-attaque et centre pour Rob Zamuner, dont le tir rasant est repoussé par le gardien Román Čechmánek... sur le patin du malheureux défenseur Jiří Vykoukal qui ne parvient pas à éviter le but contre son camp (1-0, 02'34"). Les deux équipes sont prêtes à exploiter la moindre erreur adverse, ce qui augure d'un match ouvert.
À la sixième minute, Jeff Friesen laisse traîner le genou et fauche Vlach pour une pénalité évidente. La ligne Procházka-Patera-Vůjtek fait longtemps tourner le palet en jeu de puissance, sans jamais tirer, jusqu'à trouver la passe décisive de Martin Procházka qui sert Vladimír Vůjtek junior absolument seul au poteau droit avec la cage grande ouverte (1-1, 07'00"). Le jeune ailier tchèque Viktor Ujčík quitte ensuite la glace, blessé au genou gauche. Il s'agit encore d'un choc genou contre genou avec Friesen, mais sans qu'il y ait faute cette fois-ci du Canadien qui avait initialement le palet. Ce qui est toujours vrai en revanche, c'est la qualité des combinaisons du trio magnifique des Tchèques (trop seul depuis le début de ce tournoi) : depuis le centre de la glace, Pavel Patera sert sous pression de deux adversaires Vladimír Vůjtek jr, posté à droite de la ligne bleue pour un relais parfait vers Martin Procházka parti dans le dos de la défense pour une superbe déviation face à la cage (2-1, 08'38"). Du grand art !
À ce hockey d'école capable de créer le décalage parfait (Sean Burke doit même plonger et faire trébucher sans être sanctionné Procházka qui arrivait encore sur sa cage), le Canada oppose un jeu plus direct. Zamuner est le plus prompt à convertir un rebond axial de Čechmánek que n'a pas dégagé Dopita (2-2, 14'01"). Une minute plus tard, Owen Nolan intercepte une mauvaise passe en zone neutre de Libor Procházka et envoie un puissant slap en entrée de zone sur Čechmánek. Pour sa part, Dopita se rattrapera en contrant un tir de Mark Recchi, parti en infériorité numérique pendant que Zamuner est en prison pour un cross-check.
Les Tchèques ont parfois de curieuses absences : ils se font ainsi prendre à six sur la glace en deuxième période. Pendant cette pénalité, Bryan McCabe centre pour Jeff Friesen seul devant le but, mais son revers échoue à bout portant échoue sur Čechmánek. Le reste du temps, le Canada peine à construire proprement son jeu. La possession blanche est de plus en plus marquée, portée par la ligne de Patera qui joue de manière prodigieuse à chaque présence. La passe aveugle de Patera depuis le centre de la glace lance Procházka seul sur l'aile gauche, et après un tir en angle, Vůjtek finit le travail au rebond dans l'axe (2-3, 28'55").
Nolan fait trébucher Vlach, la pénalité est tuée proprement, mais juste après, Sean Burke referme de justesse l'espace entre sa mitaine et sa botte pour empêcher un nouveau but de Vůjtek. Le Canada a ensuite deux avantages numériques (Vykoukal retient Errey dans le slot puis le banc canadien fait mesurer la crosse illégale de Libor Procházka) mais sa principale occasion - un revers de Primeau servi seul face Čechmánek par Green - intervient dans les quelques secondes d'intervalle. Nolan a pourtant payé le prix de son placement dans l'enclave par des punitions constantes infigées par Slégr voire par le gardien Čechmánek, en vain, car ses coéquipiers ont peu lancé au but pendant qu'il souffrait. L'opportunité est gâchée quand Friesen accroche bêtement le bras de Dopita, même si les rouges insistent à 4 contre 4.
Le Canadien revient à 4 contre 5 pour le troisième tiers-temps... et bientôt à 3 contre 5 quand Don Sweeney fait trébucher Libor Procházka. Une situation trop belle pour les Tchèques : Martin Procházka a le champ libre pour lancer mais sert de manière altruiste Vladimír Vůjtek qui dribble le gardien pour s'offrir un hat-trick (2-4, 40'57"). Sentant que son équipe est en train de subir une démonstration, le coach canadien Andy Murray utilise son temps mort peu après. Mais les blancs monopolisent toujours la rondelle. Richard Žemlička conserve le palet dans la bande face au rugueux Pronger et centre pour Vlach qui arrive seul au but pour feinter joliment Burke (5-2, 48'29").
Quinze secondes plus tard, la crosse de Libor Procházka monte au visage de Friesen. Le Tchèque prend 2'+2' contre 2' à son vis-à-vis mais le match s'envenime à cet instant. Les Canadiens cherchent des noises aux arrêts de jeu, Keith Primeau fait déjà voler le casque de Kroupa. La pression plus forte mise sur le gardien aboutit à un but de la ligne bleue de Sweeney (Travis Green a perturbé la lecture du jeu de Čechmánek en essayant de dévier le palet), mais il est trop tard pour renverser le match.
Il n'est en revanche pas trop tard pour prendre des pénalités... À une minute et demie de la fin, des incidents éclatent loin du jeu. Le gardien Sean Burke va défier son alter ego Čechmánek qui ne répond pas. Mark Recchi poursuit Libor Procházka jusque sur le banc tchèque, mais en vain. L'entraîneur Ivan Hlinka a en effet rappelé ses joueurs : ce n'est pas le moment de se faire suspendre avant le dernier match décisif. Les Canadiens ne tiennent pas le même raisonnement : ils sont 8 sur a glace contre 4 Tchèques, les autres étant sagement rentrés à leur banc. On voit en particulier Owen Nolan porter un violent crochet à la nuque de Vůjtek alors que Donovan le tient dans une lutte à 2 contre 1. Nolan vient aussi en troisième homme sur une bagarre entre Slégr et Green où son coéquipier était en mauvaise posture.
Dans la distribution de pénalités, le Canada prend deux minutes de plus (un cinglage sifflé contre Green), ce qui met fin à une éventualité de retour in extremis. Mais les pénalités de match ont été réparties de manière équivalente : Lang et Donovan (qui ont jeté les gants dans une bagarre classique à 1 contre 1), ainsi que les protagonistes Nolan, Green, Blake, Slégr, Vůjtek et même Procházka qui s'est bien gardé de la moindre intention belliqueuse. Ils seront donc tous suspendus... ce qui était exactement ce qu'Ivan Hlinka voulait éviter en hurlant à ses joueurs de revenir au banc. Alors que le Canada a clairement provoqué cette bagarre, les deux équipes seront sanctionnées de manière égale pour la dernière journée... où tout se jouera puisqu'elles ont toutes deux 2 victoires pour 2 défaites.
Marc Branchu
Commentaires d'après-match
Andy Murray (entraîneur du Canada) : "Ne disons pas que les Tchèques sont innocents. Leurs coups de crosse n'étaient pas sifflés par l'arbitre suédois. Il faut regarder de plus près et ne pas blâmer uniquement l'émotion canadienne. L'émotion canadienne est soit positive, soit négative, selon comment on l'utilise, et normalement c'est d'une manière très positive. Ce soir, c'était le côté négatif. La défaite est décevante et maintenant nous aurons besoin de l'aide des autres. Je pense qu'on en fait trop sur cette dernière minute et demie. Nous avons été dominés par les Tchèques, c'est tout. Nous étions une équipe fatiguée après notre victoire sur la Finlande. Le jour de repos sera l'opportunité de recharger nos batteries."
Owen Nolan (attaquant du Canada) : "Quand vous amènera ces gars en Amérique du Nord, vous ne les verrez jamais sur la glace parce qu'ils auront trop peur. On n'est pas autorisé à se battre ici et ils ont leurs crosses qui volent partout. J'ai joué sept matches ici et j'ai déjà reçu six crosses dans le visage. Je n'ai jamais vu une chose pareille. J'ai des bleus de la tête aux orteils. Avec le nombre de mauvais coups subis, notre équipe s'est bien tenue jusqu'à ce soir. La frustration s'est installée. On ne peut en prendre que jusqu'à un certain point. Ce que j'ai fait, je le referai probablement encore."
Robert Reichel (capitaine de la République Tchèque, dans son livre Kapitán zlaté generace) : "Owen Nolan a frappé Vejba [David Výborný] à la tête avec son avant-bras jusqu'à ce que son casque tombe et glisse à au moins mètres. Nolan a ensuite attaqué Vlada Vůjtek, dont on a appris ultérieurement qu'il souffrait d'une commotion. L'arbitre Andersson a stoppé le jeu, Vůjtek s'est relevé en colère vers Nolan. Les Canadiens ne l'ont pas laissé partir, Keith Primeau l'a attrapé par derrière et tiré sur la glace. Quand il était à genoux, Rob Blake était encore sur lui. Travis Green, mon coéquipier de New York, a défié Slégr pour un duel qui ne lui a pas réussi. Il lui a mis plusieurs coups de poing alors que Nolan était sur son dos. Les Canadiens se comportent bien en club, mais en équipe nationale ils sont déchaînés. J'aurais aimé aller aider. Hlinka ne nous a pas autorisés à le faire, alors que le coach canadien a laissé cinq joueurs de plus monter sur la glace. Je le soupçonne même de l'avoir fait exprès. Ses joueurs étaient en surnombre. Des héros..."
Canada -
République Tchèque 3-5 (2-2, 0-1, 1-2)
Mercredi 7 mai 1997 à 16h00 à la Hartwall Arena de Helsinki. 13 111 spectateurs.
Arbitres : Peter Andersson assisté d'Yngvar Jensen
et Ulf Rönnmark
Pénalités : Canada 80' (4', 6', 10x2'+2x25') ;
République Tchèque 80' (2', 8', 10x2'+2x25').
Tirs : Canada 32 (11, 5, 16) ;
République Tchèque 27 (9, 9, 9).
Évolution du score :
1-0 à 02'34" : Zamuner
1-1 à 07'00" : Vůjtek assisté de M. Procházka et Kaberle (sup. num.)
1-2 à 08'38" : M. Procházka assisté de Vůjtek et Patera
2-2 à 14'01" : Zamuner assisté de Cross
2-3 à 28'55" : Vůjtek assisté de M. Procházka
2-4 à 40'57" : Vůjtek assisté de Patera et M. Procházka (double sup. num.)
2-5 à 48'29" : Vlach assisté de Žemlička et Kroupa
3-5 à 50'41" : Sweeney assisté de Pronger (sup. num.)
Canada
Attaquants :
Robert Errey (2') - Dean Evason (C) - Anson Carter
Chris Gratton - Jeff Friesen (6') - Mark Recchi
Geoff Sanderson - Travis Green (6') - Owen Nolan (2'+25')
Rob Zamuner (2') - Keith Primeau (A, 6') - Jarome Iginla
Shean Donovan (25')
Défenseurs :
Don Sweeney (2') - Chris Pronger
Cory Cross - Steve Chiasson
Bryan McCabe - Rob Blake (A, 4')
Joël Bouchard
Gardien :
Sean Burke [sorti de 57'46" à 58'30"]
Remplaçant : Rick Tabaracci (G). En réserve : Éric Fichaud (G).
République Tchèque (4' pour surnombre)
Attaquants :
Richard Žemlička - Jiří Dopita (A) - Viktor Ujčík puis à 07'55" Ondrej Kratena (-1)
Robert Lang (25') - Robert Reichel (C) - David Výborný
Martin Procházka (+2) - Pavel Patera (A, +2) - Vladimír Vůjtek (+2, 4')
David Moravec (-1) - Rostislav Vlach - Román Šimíček (-1, 2')
Défenseurs :
Vlastimil Kroupa (6') - Jiří Vykoukal (2')
Ladislav Benýsek - Jiří Slégr (2'+25')
František Kaberle (+1) - Libor Procházka (+1, 10')
Gardien :
Román Čechmánek
Remplaçant : Milan Hnilička (G). Absent : Jiří Veber (fracture de la mâchoire).