Canada - Russie (9 mai 1997)

 

Championnats du monde 1997, poule finale.

La bagarre provoquée par les Canadiens contre les Tchèques est encore le principal sujet de conversation deux jours plus tard. Juhani Syvainen, le chroniqueur du Helsinki Sanomat, le principal journal finlandais, a écrit que "les Canadiens ont attaqué les Tchèques de façon si organisée que l'on pourrait soupçonner leur coach d'en avoir donné l'ordre". Andy Murray a repoussé ces accusations en répliquant que la République tchèque pratiquait le hockey le moins propre d'Europe en raison de leurs mauvais gestes avec la crosse.

L'incident, outre qu'il entachera pour longtemps l'image du hockey européen puisque le diffuseur du tournoi Eurosport a gardé les images pour l'inclure dans tous ses bêtisiers, décidera-t-il aussi des finalistes ? Il a déjà été fatal aux Tchèques, et les instigateurs canadiens vont-ils être punis de la même manière ? L'annulation d'une partie des suspensions en appel pourrait leur être plus favorable, car ils récupèrent Travis Green et surtout leur pilier défensif Rob Blake. Il ne manque ainsi que Nolan et Donovan, sachant que ce dernier avait de toute façon déjà un temps de jeu très faible.

Le seul ennui est qu'il ne reste que onze attaquants, et que le défenseur Joël Bouchard est obligé de jouer à l'aile pour faire le nombre. Mais la Russie est dans la même situation : avec Petrenko et Nikolishin out, elle est également contrainte d'aligner un arrière - Marat Davydov - comme ailier. Et c'est sans compter avec les blessés qui jouent quand même : Skopintsev a une légère entorse au genou droit, Krasotkin est touché au coude et Chupin est présent malgré le coup de crosse qu'il a pris sur le bras face aux Américains. La situation empire dès la cinquième minute, quand Oleg Belov est mis dehors par une charge de Rob Blake. Sa place sur le deuxième bloc est prise par Boutsaïev, mais à partir de cet instant, Igor Dmitriev ne tourne plus qu'avec trois lignes. Et en début de troisième période, c'est au tour de Prokopiev de rejoindre le banc plié de douleur. Une vraie hécatombe...

L'arbitre fait savoir immédiatement qu'il ne laissera pas se reproduire les évènements d'avant-hier : une petite anicroche entre Gratton et Bautin devant la cage russe est tout de suite sanctionnée. À quatre contre quatre, Fedotov capte mal le palet à la bleue et Keith Primeau déboule à toute vitesse et dribblant Sergueï Fokin, mais il échoue sur Maksim Mikhaïlovsky. Dans ce premier tiers-temps fermé entre deux équipes bien en place, c'est d'un nouveau contre très rapide que vient la décision, un tir croisé du poignet de Primeau que le gant de Mikhaïlovsky n'arrive pas à attraper. Keith Primeau est l'attaquant dominant ce soir dans l'équipe canadienne, car il faut aussi souligner son travail défensif face à Yashin.

Le gracié Rob Blake est cependant le joueur le plus en vue dans le camp canadien, et c'est lui dont la longue passe levée a lancé Zamuner et Primeau vers l'ouverture du score. Blake distribue de spectaculaires mises en échec, mais il prend aussi la seule pénalité canadienne de la première moitié du match, en passant sa crosse entre les jambes de Morozov à la bleue défensive. Sur l'égalisation russe, Blake s'est retrouvé tout seul : Recchi n'a pas sorti le palet assez vite et McCabe s'est retrouvé hors de position sur la belle passe du revers de Dmitri Krasotkin pour Slava Boutsaïev. Celui-ci donne à Korolyuk sur la gauche, et Blake tente un plongeon désespéré en direction du palet, sans pouvoir empêcher l'attaquant russe de remettre à Boutsaïev qui contrôle du patin et marque un but imparable.

En fin de deuxième période, la Russie a deux occasions de prendre l'avantage, dont elle se mordra les doigts. Aleksandr Prokopiev rate le cadre, seul au second poteau sur un joli centre du revers de Barkov. À quatre contre quatre, c'est Aleksei Yashin (photo de gauche) dont le tir frôle la lucarne après un bon décalage de Boutsaïev.

Comme un clin d' il du destin, les joueurs qui auraient dû être suspendus sont décidément au centre de l'attention. Le but décisif est en effet accordé à Travis Green... qui n'a pourtant même pas eu à toucher le palet ! Alors qu'il a gagné des engagements importants en zone défensive, c'est en perdant une mise au jeu dans le camp russe - consécutive à une pénalité contre Davydov pour crosse haute - que Green devient la tête d'affiche du jour. Aleksandr Barkov remporte ce face-à-face, mais son défenseur Anatoli Fedotov passe le palet en retrait, et il est dévié dans ses propres filets par son coéquipier Sergueï Fokin.

Les Canadiens, qui se sont tenus à carreau ce soir, prennent tout de même deux pénalités dans les dix dernières minutes, pour un cross-checking de Chiasson et pour un surnombre, mais Green, Primeau et Friesen défendent vaillamment en infériorité.

Si ses défenseurs avaient toujours fait preuve de la même maîtrise du palet que ses attaquants, peut-être que les Russes auraient pu accéder à la finale... Il leur suffisait d'un point aujourd'hui.

C'est presque sur un accident du hasard que le Canada s'est qualifié à leur place, avec l'aide de joueurs qui ont bénéficié d'une certaine clémence des instances. De quoi renforcer encore son image d'équipe mal-aimée, copieusement sifflée à son entrée sur la glace. Il faut dire que, malgré ses suspensions, elle affrontait une équipe encore plus amoindrie qu'elle, mais par les blessures. Le Canada a tout de même su prendre le dessus physiquement sur les techniciens russes, à l'instar de Don Sweeney ou d'un Bryan McCabe de plus en plus solide au fil du match pour contenir le flamboyant Morozov.

Désignés joueurs du match : Keith Primeau pour le Canada et Vyacheslav Butsaev pour la Russie.

Marc Branchu

Commentaires d'après-match

Andy Murray (entraîneur du Canada) : "Vous ne pouvez pas imaginer la pression que j'ai ressentie ces dernières 48 heures. Cet incident arrive, et que vous puissiez le contrôler ou non, vous devez en prendre la responsabilité en tant que coach. Dans la nuit de mercredi à jeudi, j'étais au téléphone jusqu'à six heures du matin pour répondre aux appels de tous les talk shows. Certains ont même appelé la nuit dernière. Ce match a été un réel accomplissement. Nous avons joué à la canadienne, avec tout le monde qui tirait sur la corde."

Travis Green (attaquant du Canada) : "Je pense qu'il n'y a jamais eu de doute sur la bonne décision à prendre : je ne devais pas être suspendu. C'est toujours un sentiment spécial de jouer contre la Russie, surtout quand il y a une médaille d'or au bout du chemin. Ils ont une équipe très offensive, comme toujours avec les Russes. Mais nous nous sommes adaptés au style européen pendant ce tournoi et nous faisons en sorte d'avoir toujours un attaquant en retrait pour aider la défense. Cela paie. Nous essayons de pratiquer un jeu défensif et d'attendre les buts quand ils viennent. Notre équipe n'a pas encore atteint son sommet. Je pense que nous pouvons amener notre jeu à un autre niveau contre la Suède."

Alekseï Yashin (attaquant de la Russie) : "Le Canada a très bien joué et a eu beaucoup d'occasions avant ce but décisif. J'ai vu une action du même genre se produire en play-offs NHL avec Ottawa, quand j'ai mis un palet dans ma propre cage sur une mise au jeu, et ce n'est pas un sentiment agréable. Je souhaite bonne chance aux Canadiens pour la finale. Je pense qu'ils ont une bonne équipe."

 

Canada - Russie 2-1 (1-0, 0-1, 1-0)
Vendredi 9 mai 1997 à 16h00 à la Hartwall Arena de Helsinki. 13 147 spectateurs.
Arbitrage de Don Adam assisté de Janne Rautavuori et Panu Bruun
Pénalités : Canada 8' (2', 2', 4'), Russie 8' (0', 6', 2').
Tirs : Canada 34 (12, 12, 10), Russie 22 (9, 5, 8).

Évolution du score :
1-0 à 14'18" : Primeau assisté de Zamuner et Blake
1-1 à 35'33" : Butsaïev assisté de Korolyuk
2-1 à 46'26" : Green (sup. num.)
 

Canada (2' pour surnombre)

Attaquants :
Geoff Sanderson (-1) - Travis Green (-1) - Mark Recchi (-1)
Rob Zamuner (+1, 2') - Keith Primeau (A, +1) - Jarome Iginla (+1)
Robert Errey - Dean Evason (C) - Anson Carter
Jeff Friesen - Chris Gratton (2') - Joël Bouchard

Défenseurs :
Bryan McCabe - Rob Blake (A, 2')
Don Sweeney - Chris Pronger
Cory Cross - Steve Chiasson (2')

Gardien :
Sean Burke

Remplaçant : Rick Tabaracci (G). Absents : Owen Nolan, Shean Donovan (suspendus).

Russie

Attaquants :
Aleksandr Prokopiev - Aleksandr Barkov - Aleksei Morozov
Oleg Belov [sorti sur blessure à 4'45"] - Aleksei Yashin - Aleksandr Korolyuk (4')
Vyacheslav Butsaïev (+1) - Aleksei Chupin (A) - Mikhaïl Sarmatin (2')
Marat Davydov (-1, 2') - Vadim Epanchintsev - Denis Afinogenov

Défenseurs :
Anatoli Fedotov (-1) - Sergei Fokin (A, -1)
Dmitri Erofeïev - Sergueï Bautin (C, +1, 2')
Andrei Skopintsev (+1) - Dmitri Krasotkin

Gardien :
Maksim Mikhaïlovsky

Remplaçant : Sergei Fadeïev (G). Absents : Sergei Petrenko (épaule), Andrei Nikolishin (genou droit).

 

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