Canada - Suède (11 mai 1997)
Finale des championnats du monde 1997, première manche.
La finale n'a pas encore commencé que Kent Forsberg est déjà en colère. Il n'est pas content du règlement qui fait du Canada l'équipe à domicile pour cette finale, au motif que ce sont les Suédois qui ont eu cet avantage lors de leur précédente confrontation. Or, comme la Tre Kronor a terminé en tête de la poule finale, elle enrage d'être ainsi défavorisée par des "règles de l'âge de pierre". Autre motif d'insatisfaction de Forsberg (qui trouve toujours matière à se plaindre de toute manière), la désignation d'un arbitre américain, Don Adam. Celui-ci laisse pratiquer un jeu très physique.
M. Adam est aussi particulièrement tolérant envers les obstructions, qu'Andy Murray peut du coup utiliser comme un outil stratégique à part entière. Il a développé une tactique spéciale, testée lors des matches amicaux contre les États-Unis. Elle consiste à faire s'avancer les deux défenseurs pour déblayer le terrain pendant qu'un attaquant remonte le palet derrière eux. Cette option de jeu qui peut paraître primaire permet de passer en force face à la non moins primaire trappe en zone neutre, employée par les Suédois. Le porteur du palet - Travis Green notamment le fait systématiquement - peut ainsi prendre de la vitesse au moins jusqu'à la ligne rouge, protégé qu'il est par ses deux gardes du corps qui lui dégagent la voie.
En trouvant une parade à la trappe, on peut se dire que les Canadiens ont fait l'essentiel. Ils ouvrent d'ailleurs le score par un très bon Mark Recchi, qui dévie un lancer de McCabe pendant que Magnus Svensson est en prison pour un cinglage. Mais Rob Zamuner est à son tour sanctionné pour la même infraction, et Jonas Höglund égalise. La Suède aurait même pu passer devant sur une superbe action du très remuant Jörgen Jönsson, qui dribble deux défenseurs mais tire sur la transversale. Les deux équipes sont dos-à-dos et le match est quand même neutralisé. Même s'il a trouvé un moyen de passer la zone neutre, le Canada n'a fait que la moitié du chemin. Il est ensuite empêtré dans une défense suédoise qui ne le laisse pas respirer, emmenée par un vrai patron, Mattias Norström, qui fait le ménage sans relâche devant Tommy Salo, imperturbable.
En dépit de leurs efforts pour masquer le gardien suédois, les attaquants canadiens n'arrivent donc pas à convertir les rebonds. Et ce sont bien les jeux de puissance qui font la différence. Mais dans ce tournoi, le Canada n'est pas prédominant dans ce domaine réservé. Lorsqu'une crosse haute de Svensson atteint Gratton juste en dessous de l'œil en début de deuxième période, il a quatre minutes de supériorité numérique. Pourtant, seul Zamuner, plus renommé pour son jeu en infériorité d'habitude, parvient à tirer à la cage pendant ce laps de temps. Ce genre d'occasions ne se manque pas. Car, quand Steve Chiasson est pénalisé pour un cross-checking, Niklas Sundblad ne demande pas son reste avant de donner l'avantage à la Suède, lancé en breakaway par Ragnarsson qui a rapidement fait la transition après avoir récupéré un palet.
C'est un jeu de patience auquel se livre les deux adversaires dans un match toujours résolument défensif. Chacun attend que l'autre commette une erreur. Et voilà qu'à six minutes de la fin, Magnus Svensson retourne encore en prison pour une charge avec la crosse. Et on retrouve les problèmes récurrents du jeu de puissance canadien : seul Blake arrive vraiment à prendre de bons lancers de la bleue, et on ne sent pas vraiment de travail collectif. Quand la pénalité est échue, Svensson sort du banc et part directement en breakaway. Sean Burke repousse mais Marcus Thuresson a suivi au rebond. C'est fini. Dominé dans le jeu sans palet, le Canada a match perdu, et comme toujours en pareilles circonstances, Cory Cross déchaîne sa colère. Il prend une double pénalité mineure pour dureté, et comme il fait savoir à l'arbitre qu'il n'est pas content, le recordman des pénalités du tournoi part déjà aux vestiaires avec une méconduite de match.
S'il a de quoi être déçu de la performance de son équipe nationale (l'élection de Curt Lindström comme deuxième meilleur entraîneur de la compétition derrière Forsberg ne lui enlèvera pas de l'idée que le sélectionneur est le responsable de cet échec), le public finlandais trouve matière à consolation dans la première manche de cette finale : les deux buteurs providentiels, Niklas Sundblad et Marcus Thuresson, jouent en effet tous les deux en SM-liiga, au TPS Turku.
Désignés joueurs du match : Bryan McCabe pour le Canada et Tommy Salo pour la Suède.
Commentaires d'après-match
Andy Murray (entraîneur du Canada) : "Beaucoup de joueurs ont évolué en dessous de leur potentiel. Je ne pense pas que notre éthique de travail était suffisante pour un match de cette importance. Nous espérions évidemment que nos hommes les plus offensifs fassent la différence. Le jeu de puissance n'est pas vraiment au niveau requis, on cherche trop le beau mouvement. On n'a pas beaucoup de temps pour le travailler, mais on doit faire mieux. Les Suédois ont eu des rebonds chanceux, les choses ont tendance à aller dans le sens de l'équipe qui est au top de son jeu. Ce n'était pas notre cas. Je suis impressionné par la Suède qui est bien la meilleure équipe depuis le début du tournoi. Elle est très patiente, très disciplinée, le genre d'adversaire contre lequel on ne peut pas se permettre d'erreurs individuelles."
Geoff Sanderson (attaquant du Canada) : "Notre problème est que nous n'avons pas mis assez de buts. Les joueurs comme moi doivent se mettre à marquer si nous voulons revenir et battre les Suédois. Les gens ne se rendent pas compte combien c'est serré défensivement ici. Même avec la grande glace, il n'y a pas beaucoup d'occasions. Le hockey est frustrant lorsque vous êtes un joueur offensif et que vous passez la majeure partie du temps sans palet."
Kent Forsberg (entraîneur de la Suède) : "Nous avons tiré avantage des erreurs canadiennes. Je suis très fier. Nous avons joué à 80% de nos capacités offensivement, mais à 100% défensivement. Ils n'ont rien gagné à jouer dur jusqu'ici. Depuis le début du tournoi, ils n'ont fait que prendre des pénalités qui ne les ont amenés nulle part. Mais le hockey n'est pas un sport mathématique. Ce n'est pas parce qu'on les a battus deux fois qu'on va le faire une troisième."
Mattias Norström (défenseur de la Suède) : "Ils ont trouvé un moyen de contrecarrer la trappe. Je n'avais jamais vu ça avant. Je pense que ça a bien fonctionné contre nous, mais je pense que l'arbitre sifflerait obstruction en NHL. Au prochain match, je pense que le Canada essaiera de venir plus fort sur notre cage. Nous essaierons de les écarter une fois de plus. J'ai joué physique toute l'année [aux Los Angeles Kings] et c'est ce que les entraîneurs attendent de moi ici. Je suis probablement plus physique que le joueur suédois typique."
Tommy Salo (gardien de la Suède) : "Les Canadiens m'ont dit un tas de choses stupides. Ils parlaient tout le temps. Je me fichais de ce qu'ils disaient. Nous avons joué intelligemment."
Canada - Suède 2-3 (1-1, 0-1, 1-1)
Dimanche 11 mai 1997 à 16h00 à la Hartwall Arena de Helsinki. 13 220 spectateurs.
Arbitrage de Don Adam assisté de Vaclav Cesky et Thomas Schurr
Pénalités : Canada 34' (8', 8', 8'+10') ; Suède 20' (4', 10', 6').
Tirs : Canada 34 (5, 16, 13) ; Suède 26 (11, 6, 9).
Évolution du score :
1-0 à 10'54" : Recchi assisté de McCabe (sup. num.)
1-1 à 15'29" : Höglund assisté de Svensson (sup. num.)
1-2 à 35'47" : Sundblad assisté de Ragnarsson (sup. num.)
1-3 à 56'05" : Thuresson assisté de Svensson
2-3 à 59'22" : Carter assisté de Primeau et Sweeney
Canada
Attaquants :
Rob Zamuner (2') - Keith Primeau (A, +1, 2') - Jarome Iginla
Geoff Sanderson (-1) - Travis Green (-1) - Mark Recchi (-1)
Jeff Friesen (6') - Chris Gratton - Owen Nolan
Robert Errey (+1, 4') - Dean Evason (C) - Anson Carter (+1)
Shean Donovan
Défenseurs :
Don Sweeney (+1) - Chris Pronger (2')
Bryan McCabe - Rob Blake (A, -1, 2')
Cory Cross (4'+10') - Steve Chiasson (2')
Joël Bouchard
Gardien :
Sean Burke
Remplaçant : Rick Tabaracci (G).
Suède
Attaquants :
Jonas Höglund (-1) - Michael Nylander (-1, 2') - Nichlas Falk
Johan Lindbom (2') - Anders Carlsson (A) - Niklas Andersson (2')
Niklas Sundblad (2') - Marcus Thuresson (+1) - Jörgen Jönsson (+1)
Per Eklund - Stefan Nilsson (C, 2') - Magnus Arvedson (-1)
Per Svartvadet
Défenseurs :
Roger Johansson - Tommy Albelin (A)
Marcus Ragnarsson - Magnus Svensson (+1, 8')
Mattias Norström (2') - Mattias Öhlund
Ronnie Sundin
Gardien :
Tommy Salo
Remplaçant : Johan Hedberg (G).