Suède - Canada (14 février 1998)

 

Jeux Olympiques 1998, phase finale, deuxième journée.

Le jeu est moins ouvert qu'au premier match entre Suédois et Américains, mais les stars sont bien au rendez-vous. Après deux minutes de jeu, Keith Primeau rate sa reprise, seul face au but, sur une offrande du revers de la légende Wayne Gretzky. La vedette suédoise Peter Forsberg est de son côté dangereux à chaque présence, et il finit par subir un cinglage de Rob Zamuner en zone neutre. Le Canada défend bien pendant cette première infériorité numérique, et Éric Desjardins lance même une contre-attaque relayée par Primeau pour un slap du cercle droit de Steve Yzerman, mais Chris Pronger donne un coup de crosse revanchard à Forsberg après l'avoir percuté en se joignant à cette offensive. La Suède peut jouer alors à 5 contre 3. Mats Sundin est envoyé au point d'engagement, comme à chaque mise au jeu importante, et il s'occupe de gagner le palet qui se met à circuler. Peu après le retour du quatrième Canadien, Patrick Roy ne peut pas refermer les jambières assez vite sur le slap à mi-distance de Nicklas Lidström (0-1).

Les Suédois se mettent eux aussi en difficulté tout seuls par de l'indiscipline. Tommy Albelin fait inutilement trébucher Theo Fleury alors que son équipe a récupéré le palet. Les Canadiens cherchent clairement le lancer lourd bien connu d'Al MacInnis, mais la botte gauche de Tommy Salo bloque deux de ses missiles. Ulf Samuelsson prend très à coeur sa mission de gardien du slot, mais il rudoie tellement Corson qu'il part à son tour en prison six secondes avant la pause. Le Canada commence donc la deuxième période par 20 secondes à 5 contre 3. Un délai très court, mais suffisant pour que Joe Nieuwendyk gagne l'engagement central face à Sundin et pour que MacInnis arme son lancer dévastateur avec deux rebonds dangereux pour Nieuwendyk et Gretzky. La Suède défend le restant d'infériorité avec des intercptions de Calle Johansson et Niklas Sundström. Dans les dernières secondes de la pénalité, Lidström lance même Patric Kjellberg infiltré dans le dos de la défense, mais Rob Zamuner plonge pour lui enlever magnifiquement le palet de la crosse.

Le Canada a donc été moins efficace dans les situations spéciales, ce qui n'est pas son habitude. En plus, la Suède semble maîtriser le jeu à 5 contre 5. Mais une anicroche anodine hors du jeu entre Albelin et Fleury fait basculer la rencontre. Les rouges prennent le dessus pendant cette phase de jeu à 4 contre 4. Joe Nieuwendyk a retrouvé sa qualité de patinage et le prouve en allant nettement plus vite qu'Öhlund pour aller conquérir un palet envoyé au fond, puis venir se placer près du poteau pour dévier le tir de la ligne bleue de Rob Blake (1-1). Les Canadiens imposent des duels de plus en plus physiques et Mats Lindgren est envoyé en prison pour un cross-check sur Theo Fleury. Un palet mal contrôlé par Blake à la bleue permet à Sandström de décaler Forsberg pendant l'infériorité numérique, mais Roy s'interpose de l'épaule droite. Dans les dernières secondes du jeu de puissance canadien, Nieuwendyk sort encore vainqueur de la mise au jeu contre Sundin. Al MacInnis feinte deux fois le lancer lointain pour faire s'avancer Tommy Salo et se décaler sans cesse vers un angle de tir plus ouvert (2-1). La prise du pouvoir du Canada est totale sur une dernière attaque rapide à sept secondes du retour aux vestiaires : Joe Nieuwendyk entre en zone et décale Rob Blake qui exécute un tir du poignet entre les bottes de Salo depuis le cercle droit (3-1).

L'histoire de ce match n'est pourtant pas encore écrite. Au début du troisième tiers, Joe Sakic retient Peter Forsberg, qui aura donc provoqué à lui seul les trois supériorités numériques (dont deux enchaînées) de son équipe. Les Canadiens résistent à l'instar de Steve Yzerman et Trevor Linden qui se couchent devant les lancers canadiens. Ils ont même la possibilité de tuer le match lorsque Yzerman reprend à bout portant une passe du revers du "bureau de Gretzky". Mais cette fois, la situation de 4 contre 4 (échange de cinglages entre Forsberg et MacInnis) est favorable à la Suède. Mattias Norström - déjà souverain en défense ce soir - attend le bon moment en entrée de zone pour effectuer une superbe passe du revers qui passe dans le dos de la paire défensive Pronger-Foote. Mats Sundin se retrouve alors en 2 contre 0 avec Alfredsson et conclut lui-même entre les bottes de Patrick Roy (3-2).

Le Canada pourrait récolter le bouquet de la victoire sur une action dont les noms des protagonistes pourraient réjouir les botanistes : une passe du revers de Fleury décale Desjardins ! Mais c'est en se regroupant en défense que les rouges préservent leur succès. Ils restent physiquement intense, jusqu'à la limite pour Theo Fleury qui "cueille" Peter Forsberg à la ligne bleue. À deux minutes de la fin, Tomas Sandström centre dans le slot pour Ulf Dahlén... Poteau ! Kent Forsberg ne sort pas son gardien, préservant la possibilité d'une égalité à trois si les Américains battaient le Canada. Son équipe, qui a battu les États-Unis 4-2, serait à +1...

La dernière période de domination n'aura donc pas permis à la Suède de renverser ce match. Elle n'avait guère été autorisée à s'approcher du but canadien pendant deux périodes, mais au troisième tiers, elle a su prendre des tirs en bonne position malgré la défense acharnée du slot par les Canadiens. Cette rencontre a peut-être opposé les deux meilleurs alignements défensifs du tournoi, et ils se sont vraiment illustrés. Les joueurs de talent savent utiliser leurs atouts avec intelligence, tel Al MacInnis quand on lui laisse le temps d'armer - ou pas - son célèbre slap, ou encore Joe Nieuwendyk avec sa science des déviations héritée de la pratique du lacrosse. Même dans une configuration de jeu moins ouverte et avec une forte densité physique, la classe des gestes de certains vétérans est évidente.

Étoiles du match Hockey Archives : *** Joe Nieuwendyk et Mattias Norström / ** Peter Forsberg et Al MacInnis / * Rob Blake

Marc Branchu

Commentaires d'après-match :

Kent Forsberg (entraîneur de la Suède) : "Nous sommes bien partis pendant les dix premières minutes, mais ensuite nous avons eu deux infériorités numériques qui nous ont mis sur les genoux. Ils sont devenus plus forts, et nous plus faibles."

Marc Crawford (entraîneur du Canada) : "L'an dernier [Joe Nieuwendyk] a eu une grave commotion qui a ralenti son début de saison et il a dû trouver sa place dans l'alignement des Stars de Dallas. C'est juste un cas où il a toujours été un grand joueur qui est plus confortable avec sa stature. Il a franchi un pas. [...] On a une avance et on n'essaie de ne pas s'asseoir dessus, mais on le fait quand même. Mais il faut donner du crédit à l'équipe suédoise, elle a de grands joueurs et porte extrêmement bien le palet. Nous allons laisser nos esprits reposer. Il y a largement le temps demain pour se préparer au prochain match."

Joe Nieuwendyk (attaquant du Canada) : "Je me sens vraiment bien. Les deux dernières années ont été difficiles. Je me sens revenu en pleine forme. La deuxième période a été une grande émotion. Nous avons montré de la patience, nous avons attendu et exploité les opportunités quand nous le devions. Chaque but est magnifié ici. En NHL, c'est un calendrier de 82 matches. Ici, il y en a juste six. Chaque fois qu'on marque, c'est grand. Notre équipe tire une grande fierté de la possession du palet. Ils ont quelques gars durs aux mises au jeu, Forsberg et Sundin. Mais je pense que nous avons pris le meilleur sur eux. Il n'y a pas de doute que ce sera un match très physique [contre les États-Unis], nous devrons rester disciplinés dans ce que nous ferons."

 

Suède - Canada 2-3 (1-0, 0-3, 1-0)
Samedi 14 février 1998 à 18h45 au Big Hat de Nagano (JAP). 9945 spectateurs.
Arbitrage de Mark Faucette (CAN) assisté de Kevin Collins (USA) et Janne Rautavuori (FIN).
Pénalités : Suède 14' (8', 4', 2'), Canada 14' (8', 2', 4').
Tirs cadrés : Suède 29 (7, 6, 16), Canada 30 (8, 18, 4).
Tirs bloqués : Suède 9 (4, 1, 4), Canada 6 (2, 3, 1).
Tirs non cadrés : Suède 10 (1, 5, 4), Canada 9 (5, 4, 0).
Engagements : Suède 24 (10, 10, 4), Canada 34 (12, 10, 12).

Évolution du score :
1-0 à 15'27" : Lidström assisté de Renberg et Alfredsson (sup. num.)
1-1 à 31'56" : Nieuwendyk assisté de Blake et Lindros
1-2 à 37'02" : MacInnis assisté de Nieuwendyk (sup. num.)
1-3 à 39'53" : Blake assisté de Nieuwendyk et Fleury
2-3 à 49'31" : Sundin assisté de Norström et Lidström
 

Suède

Attaquants :
11 Daniel Alfredsson (+1) - 21 Peter Forsberg (2') - 19 Mikael Renberg (2')
13 Mats Sundin (A, -1) - 37 Niklas Sundström (-1) - 34 Mikael Andersson (-2)
24 Patric Kjellberg - 92 Michael Nylander - 22 Ulf Dahlén
17 Tomas Sandström - 41 Mats Lindgren (2') - 20 Jörgen Jönsson

Défenseurs :
3 Tommy Albelin (4') puis 33 Marcus Ragnarsson à 40'00" - 6 Calle Johansson (C, -1)
14 Mattias Norström (+1, 2') - 4 Nicklas Lidström (A, +1)
5 Ulf Samuelsson (-1, 2') - 2 Mattias Öhlund (-2)

Gardien :
35 Tommy Salo

Remplaçants : 30 Tommy Söderström (G), 38 Andreas Johansson. En réserve : 1 Johan Hedberg (G).

Canada

Attaquants :
27 Shayne Corson - 88 Eric Lindros (C) - 17 Rod Brind'Amour
16 Trevor Linden - 91 Joe Sakic (A, -1, 2') - 14 Brendan Shanahan
55 Keith Primeau - 99 Wayne Gretzky - 19 Steve Yzerman (A)
7 Rob Zamuner (+1, 2') - 25 Joe Nieuwendyk (+2 +1) - 74 Theoren Fleury (+1, 2')
8 Mark Recchi

Défenseurs :
24 Chris Pronger (-1, 2') - 52 Adam Foote (-1, 2')
77 Raymond Bourque (+2) - 44 Rob Blake (+2)
2 Al MacInnis (2') - 4 Scott Stevens
37 Éric Desjardins (2')

Gardien :
33 Patrick Roy

Remplaçant : 30 Martin Brodeur (G). En réserve : 31 Curtis Joseph (G).

en noir, la feuille de match officielle ; en rouge, les corrections de Hockey Archives

 

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