Suède - Finlande (18 février 1998)
Quart de finale des Jeux Olympiques 1998.
Passeport invalidé pour la médaille
Très proche des favoris canadiens lors de la phase de poules, la Suède a montré qu'elle était une sérieuse candidate à la médaille d'or. Elle est la favorite de ce quart de finale, mais elle l'a préparé de manière particulière. On a en effet découvert que son défenseur Ulf Samuelsson... n'était tout simplement plus suédois ! Il a en effet pris récemment un passeport américain pour se faciliter les démarches administratives, comme le font parfois les hockeyeurs européens de NHL. Or, la loi suédoise n'autorise pas la double nationalité. Le joueur avait négligé ce détail : sa femme Jeanette lui avait quand même suggéré de vérifier qu'il était toujours en règle, mais il n'avait pas tenu compte de son conseil... Le directoire de l'IIHF l'a donc exclu du tournoi, et encore a-t-il fait preuve d'une certaine mansuétude. Selon le règlement, la Suède aurait en effet pu perdre toutes ses rencontres par forfait pour avoir aligné un joueur inéligible. Mais la bonne foi de sa fédération a été retenue, même si son président Rickard Fagerlund est très critiqué pour n'avoir pas procédé à des vérifications.
Personne n'avait intérêt à voir le tableau du tournoi faussé par des défaites suédoises sur tapis vert. Personne, vraiment ? La rumeur a couru que la télévision américaine CBS aurait poussé à pénaliser la Suède pour permettre ainsi sa "finale rêvée" Canada - États-Unis, impossible maintenant que les deux pays sont dans la même partie du tableau. Mais c'est en fin de compte la République tchèque qui a posé réclamation devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS). Cela lui aurait permis d'affronter le Bélarus en quart de finale au lieu des Américains. Mais les Tchèques avaient aussi un compte à régler qui date du dernier championnat du monde : ils s'étaient jugés injustement floués par les suspensions infligées après la fameuse bagarre générale déclenchée par les Canadiens, et qui les avaient affaibli au match suivant qu'ils avaient perdu... contre la Suède. Mais le TAS a rendu son jugement rapidement et confirmé hier soir la décision de l'IIHF en estimant que sanctionner la Suède "affecterait négativement plusieurs équipes innocentes". Elle a donc permis que ce tournoi olympique puisse se jouer uniquement sur la glace... mais sans évidemment Samuelsson.
Le match commence par quelques nouvelles mésaventures pour les Suédois. Leur star Peter Forsberg fait un peu trop mumuse avec le palet sur sa première présence et se fait contrer par Niinimää. Heureusement pour eux que Sami Kapanen rate sa passe et gâche la contre-attaque qui se profilait... Après quatre minutes, le vétéran Esa Tikkanen - qui joue sans visière - est coupé à la paupière droite par une crosse haute de Michael Nylander : 2'+2'. L'agressivité sur le palet de Mikael Renberg puis de Daniel Alfredsson permet de passer la première minute d'infériorité. Le jeu de puissance finlandais, qui tourne à 39% de réussite depuis le début du tournoi olympique, s'installe par la suite pour un puissant slap du cercle gauche de Jari Kurri. Alfredsson donne alors un violent cross-check dans le dos de Saku Koivu : la Suède risque de jouer à 3 contre 5 pendant près de deux minutes ! Une énorme occasion que gâche le capitaine finlandais Koivu en laissant traîner sa crosse devant les jambes de Lidström pour une pénalité idiote. Les meilleures situations de tir sont suédoises pour Forsberg, fonçant seul à 4 contre 5, puis pour Nylander, lancé par une magnifique passe de Sundin quand on revient au complet.
Pendant dix minutes, on a assisté à une possession finlandaise avec quelques transitions suédoises. La seconde moitié de la période donne lieu au scénario inverse : une domination jaune un peu stérile, avec un revers de Sandström sur engagement et quelques lancers imprécis. La seule contre-attaque surnuméraire bleue est contrôlée quand Tommy Albelin gêne bien Peltonen à 2 contre 1 et détourne la passe. Seul Sami Kapanen se procure deux tirs cadrés.
Ce jeu défensif se poursuit en deuxième période avec un rythme assez faible et peu de jeu construit. Une séquence réveille le public à la mi-match : une minute plus animée s'achève par une belle offensive lancée par Juha Ylönen et par un centre de Teppo Numminen pour Mika Nieminen, que Renberg ne rattrape que par un coup de crosse. Mikael Andersson commence l'infériorité numérique qui s'ensuit de façon souveraine en interceptant les passes de Koivu et de Niinimää, et les défenseurs Norström et Lidström poursuivent ce travail de récupération. Mais la qualité du penalty killing est bien le seul point positif d'une Tre Kronor qui produit peu de jeu. La Suède, elle non plus, n'obtient aucun tir pendant son propre avantage numérique (après une charge incorrecte de Laukkanen sur Forsberg). Et pourtant, elle se crée une énome occasion à deux minutes de la pause ! C'est la négligence au repli de la légende Jari Kurri qui a permis à son vis-à-vis direct (puisque l'ancien ailier de Gretzky s'est reconverti au centre dans ce tournoi) Michael Nylander provoquer l'entrée de zone puis d'être seul au rebond du tir à mi-distance d'Ulf Dahlén. Son revers est bloqué in extremis par le lancer de botte de Jarmo Myllys.
Hormis une action de Peter Forsberg, sur sa force individuelle pour garder le palet, la Suède subit nettement le jeu au début du troisième tiers-temps. Cela annonce donc le premier but, même si celui-ci naît d'une grossière erreur de Niklas Sundström qui lâche un palet dans le vide au sortir de sa ligne bleue. Teppo Numminen piège Nicklas Lidström par un billard contre la bande pour envoyer Teemu Selänne en 2 contre 1 : sachant que Tommy Salo a tendance à suivre la passe, le buteur fait mine de servir Koivu pour mieux décocher un tir fulgurant à ras glace (0-1, 44'12").
Obligée de revoir son plan tactique, la Suède va-t-elle soudain trouver des solutions qu'elle n'a jamais imaginées jusqu'ici ? La Finlande ne tolère que des lancers de la ligne bleue et contre tout palet qui s'approche de l'enclave. Quand Ville Peltonen fait trébucher Tomas Sandström, cela ressemble à la seule chance de la Tre Kronor. Raimo Helminen remporte la première mise au jeu en zone défensive, Numminen dégage au loin. Les Suédois en panne de créativité ne font qu'envoyer le palet en fond. La première fois, le gardien Jarmo Myllys retourne à l'envoyeur. La seconde fois, Dahlén est forcément en retard sur Laukkanen et lève sa crosse qui l'atteint à la tête. À 4 contre 4, Myllys repousse un bon tir de Renberg et Timonen se couche devant le lancer de Norström. L'avantage numérique passe à la Finlande. Tommy Salo fait deux beaux arrêts des jambières face à une déviation de Jere Lehtinen puis à un tir du cercle droit de Saku Koivu. Mais le gardien ne peut plus rien à la reprise du jeu : Lehtinen attire les défenseurs en servant de relais au cœur de la boîte suédoise et Koivu peut alors servir Selänne seul face au but pour un doublé (0-2, 52'43"). Et cela aurait pu faire 3-0 quand Tikkanen intercepte une passe téléphonée d'Öhlund et décale Nieminen dont le tir du poignet est paré par Salo.
La seule nouveauté que tente la Suède consiste à faire jouer ensemble ses stars Sundin, Forsberg et Alfredsson. Mais cela ne s'accompagne d'aucune ambition collective nouvelle. À 6 contre 5 après la sortie du gardien, Peter Forsberg marque enfin en extirpant le palet de la mêlée formée dans l'enclave (1-2, 59'48"). Mais il est trop tard, il ne reste que douze secondes.
Le champion olympique en titre est donc éliminé sans gloire dès les quarts de finale. On ne cherchera pas trop d'excuses sur le cas d'Ulf Samuelsson car la défense de la Suède reste son point fort. En revanche elle a peu brillé offensivement. Elle s'est beaucoup trop souvent débarrassée du palet au cours de ce match, alors que sa force était de le contrôler. Elle n'a jamais trouvé la solution de la trappe finlandaise en zone neutre. N'ayant pas une si grande densité en attaque, elle a semblé vainement chercher le miracle de la part de ses quelques stars.
Étoiles du match Hockey Archives : *** Teemu Selänne / ** Teppo Numminen / * Jere Lehtinen et Peter Forsberg
Marc Branchu
Commentaires d'après-match :
Kent Forsberg (entraîneur de la Suède) : "Je pensais avant le match que toute la turbulence autour d'Ulf ne nous affecterait pas. Mais nous n'étions pas prêts mentalement."
Barry Smith (entraîneur-adjoint de la Suède) : "Nous n'étions pas le même groupe ce soir. Je ne sais pas si l'affaire Samuelsson a été un facteur. Toute cette histoire dure depuis 24 heures et a pu être une distraction. Nous n'avons pas joué ensemble, et notre attitude n'était pas bonne."
Saku Koivu (capitaine de la Finlande) : "Nous menions 2-0 et nous avons arrêté de patiner. Nous ne devons pas faire ça et nous devons garder le même jeu en demi-finale. Nous savions que des joueurs comme Mats Sundin n'aiment pas prendre des mises en échec, donc nous avions décidé avant le match de leur infliger ces mises en échec. Il y avait beaucoup plus d'espaces autour de leur but. Samuelsson leur a manqué, mais ils ont créé le problème. Avant le tournoi, tout le monde disait que la Finlande ne pouvait pas gagner parce qu'elle n'avait pas de gardien. Mais à ce moment, Myllys est un des meilleurs gardiens du tournoi."
Teemu Selänne (attaquant de la Finlande) : "Si vous regardez les compositions des équipes participantes, il y en a probablement cinq qui sont meilleures que nous sur le papier. Personne ne nous donnait une chance, mais nous aimons que ce soit comme ça. L'important est que nous avons joué une défense dure. Si nous jouons à ce niveau, nous pouvons battre n'importe qui. C'est toujours un sentiment agréable de marquer, mais aujourd'hui, c'était particulièrement agréable."
Suède - Finlande 1-2 (0-0, 0-0, 1-2)
Mercredi 18 février 1998 à 18h45 à l'Aqua Wing de Nagano (JAP). 5044 spectateurs.
Arbitrage de Kerry Fraser (CAN) assisté de Vaclav Cesky (TCH) et Gérard Gauthier (CAN).
Pénalités : Suède 12' (8', 2', 2'), Finlande 8' (4', 2', 2').
Tirs cadrés : Suède 17 (4, 6, 7), Finlande 19 (5, 6, 8).
Tirs bloqués : Suède 12 (2, 3, 7), Finlande 11 (4, 5, 2).
Tirs non cadrés : Suède 4 (1, 2, 1), Finlande 8 (2, 4, 2).
Évolution du score :
1-0 à 44'12" : Selänne assisté de Lumme Numminen
2-0 à 52'43" : Selänne assisté de Koivu et Lehtinen (sup. num.)
2-1 à 59'48" : Forsberg
en noir, la feuille de match officielle ; en rouge, les corrections de Hockey Archives
Suède
Attaquants :
13 Mats Sundin (A, -1) - 37 Niklas Sundström (2') - 34 Mikael Andersson (-1)
11 Daniel Alfredsson (2') - 21 Peter Forsberg (+1) - 19 Mikael Renberg (+1, 2')
17 Tomas Sandström - 92 Michael Nylander (+1, 4') - 22 Ulf Dahlén (2')
24 Patric Kjellberg - 41 Mats Lindgren - 38 Andreas Johansson
Défenseurs :
14 Mattias Norström - 4 Nicklas Lidström (A)
3 Tommy Albelin - 6 Calle Johansson (C)
33 Marcus Ragnarsson - 2 Mattias Öhlund
Gardien :
35 Tommy Salo [sorti à 58'23"]
Remplaçants : 30 Tommy Söderström (G), 20 Jörgen Jönsson. En réserve : 1 Johan Hedberg (G). Exclu : 5 Ulf Samuelsson (absence de nationalité).
Finlande
Attaquants :
20 Jere Lehtinen - 11 Saku Koivu (C, 2') - 8 Teemu Selänne (A)
10 Esa Tikkanen - 17 Jari Kurri (A) - 40 Mika Nieminen
16 Ville Peltonen (2') - 37 Juha Ylönen - 24 Sami Kapanen
19 Juha Lind - 14 Raimo Helminen - 25 Kimmo Rintanen
Défenseurs :
27 Teppo Numminen (+1) - 44 Janne Niinimaa (+1)
5 Aki-Petteri Berg (-1) - 21 Jyrki Lumme (-1)
4 Kimmo Timonen (2') - 12 Janne Laukkanen (2')
Gardien :
35 Jarmo Myllys
Remplaçants : 31 Ari Sulander (G), 6 Tuomas Grönman (D), 15 Antti Tormänen (A). En réserve : 30 Jukka Tammi (G).