Russie - Ukraine (4 mai 1999)

 

Championnats du monde 1999, premier tour, groupe D.

Le hockey ukrainien attendait ce moment depuis l'indépendance. Dès le deuxième match de l'Ukraine dans l'élite mondiale, la répartition des groupes lui donne le privilège d'affronter son grand voisin, dont elle veut s'affranchir et se distinguer. C'est le premier Russie-Ukraine de l'histoire sur la glace. Les relations inter-étatiques viennent justement de se normaliser : le Traité d'Amitié signé en mai 1997 a été finalement ratifié cet hiver par le parlement russe, malgré une forte opposition des nationalistes qui contestent la frontière entre les deux pays (et plus particulièrement l'appartenance de la Crimée à l'Ukraine).

Le plan de jeu ukrainien est clair et appliqué à la lettre : fermer bien les espaces et rester compact. En possession du palet, on se projette vite vers l'avant pour jouer les contre-attaques, mais avec un jeu simple et vertical, peu soviétique dans l'esprit, qui ne se risque jamais à la moindre passe osée. La Russie semble gênée aux entournures. Elle est prise dans la nasse, jusqu'à une pénalité contre le capitaine ukrainien Shiryaev qui ceinture Sarmatin dans le coin de la patinoire. Le gardien Oleksandr Vyukhin bloque plusieurs lancers puissants, notamment des slaps armés de la ligne bleue par Sergei Tertyshny. Mais quand c'est au tour d'Oktyabrev d'être sanctionné pour une obstruction dans le coin, c'est l'Ukraine qui convertit son avantage numérique : Egor Podomatsky n'arrive pas à capter de la mitaine le lancer de Serhyi Klymentiev, et le palet qui lui échappe est poussé au fond par Oleg Synkov (0-1). Confortée, la défense ukrainienne se montre très concentrée, emmenée par Yuri Gunko qui sait aussi bien déboucher la vue de son gardien que contrer le palet dans la crosse de l'attaquant.

Après avoir concédé un nul contre le Bélarus, la Russie va-t-elle encore piétiner devant une autre ancienne république soviétique, au risque de voir sa qualification en danger ? Elle revient au jeu en deuxième période avec de meilleures intentions et plus d'activité. Son capitaine Aleksei Yashin, qui ne s'était guère signalé en vingt minutes que pour une pénalité bête, commence à slalomer dans la défense et se fait accrocher par Shiryaev. La Russie marque sur un jeu en triangle parfait, initié par une feinte de lancer d'Andrei Markov et poursuivi par une passe transversale de Sergei Petrenko pour le tir en angle de Maksim Afinogenov. Le gant de Vyukhin est trop court (1-1). Zavalnyuk part en prison une minute plus tard pour une obstruction inutile destinée à faciliter la relance. Markov trouve alors une passe parfaite pour Yashin venu au poteau opposé dans le dos d'Oletsky (2-1). On comprend avec ces deux buts consécutifs pourquoi le jeune défenseur de 20 ans Andrei Markov s'est rendu indispensable en supériorité numérique.

Ces deux buts sont difficiles à encaisser pour l'Ukraine qui n'a rien eu à se reprocher à cinq contre cinq. Peut-elle tenir son système dans un contexte psychologique plus délicat ? La voilà qui commet sa première erreur, quand une mise en échec en zone neutre de Khavanov sur Shakraïchuk permet à Petrenko d'envoyer Afinogenov en breakaway : Vyukhin s'interpose d'un lancer de bottes, une de ses spécialités. Une obstruction a été signalée contre Shakraïchuk sur l'action, mais cette troisième pénalité de suite a moins de conséquences : Gusmanov, encore pour une interférence (la quatrième signalée par M. Dell), puis Khavanov, pour une charge contre la bande, laissent au contraire la Russie à 3 contre 4 puis 3 contre 5. Les trios Bautin-Tertyshny-Yashin et Markov-Oktyabrev-Barkov tuent ces deux phases d'une trentaine de secondes chacune. L'Ukraine, poussive dans ces moments capitaux, a laissé passer une belle opportunité. Elle concède même un 2 contre 1 à Yashin et Markov, mais Klymentiev se couche quand il faut pour bloquer la remise du défenseur du Dynamo Moscou.

La tactique ukrainienne, consistant essentiellement à sortir le palet par la bande, semble de moins en moins contenir la poussée adverse. La Russie tend néanmoins le bâton pour se faire battre. Maksim Sushinsky accroche Gunko derrière la cage ukrainienne. Sur l'unique offensive de la supériorité numérique, une contre-attaque rapide, Tertyshny retient Markovsky : 5 contre 3, de nouveau, pour 25 secondes. Le défenseur Bautin fait alors barrage de son corps puis éloigne le palet. Quand Sushinsky sort de prison, il hérite d'un palet envoyé trop mollement par Klymentiev, part en contre et prend un lancer... En essayant de contrer le palet, Shiryaev le dévie vers Yashin qui a la cage ouverte (3-1). Fin du rêve ukrainien.

Dès le début de la troisième période, Oleksandr Vyukhin - sûrement pas coupable de la défaite jusqu'ici - laisse passer un but faible, un lancer rasant de Markov qui file entre ses jambières (4-1). Il est remplacé un peu plus tard par Yuri Shundrov, qui fait donc ses débuts dans un Mondial élite... à 42 ans et presque 11 mois ! L'âge ne fait rien à l'affaire : il garde ses cages inviolées en parant de l'épaule devant Gusmanov, ou encore en repoussant un tir à bout portant de Kudashov.

L'Ukraine est éliminée de la deuxième phase, et a surtout perdu à cause de ses unités spéciales. Elle n'a concédé qu'un seul but à cinq contre cinq, sur une erreur du gardien. Il aurait été intéressant de voir ce qui se serait passé sans ces deux buts de suite en infériorité numérique. Elle a en tout cas dignement tenu tête à la Russie pour cette première confrontation.

Désignés joueurs du match : Aleksei Yashin pour la Russie et Vadim Shakhraïchuk pour l'Ukraine.

Marc Branchu

Commentaires d'après-match

Anatoli Bogdanov (entraîneur de l'Ukraine) : "Notre équipe a mieux paru que face à la Finlande. Le tournant du match a été le 5 contre 3 en fin de deuxième période. Juste après, au lieu de 2-2, ils inscrivent le 1-3 en infériorité numérique. Nous sommes des étudiants dans ce tournoi. Le temps dira de quoi nous sommes capables mais pour l'instant nous payons nos erreurs."

Vadim Shakhraichuk (meilleur joueur de l'Ukraine) : "Nous étions proches de créer la sensation, mais la chance n'était pas de notre côté. Dans notre équipe, il n'y a pas de joueur de la classe de Yashin."

Aleksei Yashin (meilleur joueur de la Russie) : "La première période était énervante. Nous avons beaucoup attaqué, et non seulement nous n'avons pas marqué, mais en plus nous avons encaissé un but en indériorité. Néanmoins, pour la deuxième période, l'équipe a décidé de retourner le match. La victoire n'était pas facile. L'Ukraine est une bonne équipe, elle est technique, elle se sacrifie en défense et elle aime et sait attaquer."

Zinetula Bilyaletdinov (entraîneur-adjoint de la Russie) : "Notre équipe a été bien meilleure qu'au premier match. Les gars ont de la confiance, ce qui est très important parce que notre problème principal est de nature psychologique. Il réside dans le manque d'efficacité de nos attaquants. [...] Il y a beaucoup de de mauvais gestes dans notre championnat russe, et malheureusement, les arbitres ne le sanctionnent pas toujours. Cela ne rend pas service à nos équipes qui participent aux compétitions internationales. Je connais ça avec le Dynamo Moscou dont je suis l'entraîneur."

 

Russie - Ukraine 4-1 (0-1, 3-0, 1-0)
Mardi 4 mai 1999 à 16h00 à la Olympiske Amfi de Hamar. 1127 spectateurs.
Arbitrage d'Alex Dell (USA) assisté de Sylvain Cloutier (CAN) et James Garofalo (USA).
Pénalités : Russie 18' (4', 8', 6') ; Ukraine 20' (6', 8', 6').
Tirs : Russie 38 (11, 15, 1+11) ; Ukraine 22 (8, 6, 8).

Évolution du score :
0-1 à 12'22" : Synkov assisté de Klymentiev (sup. num.)
1-1 à 22'28" : Afinogenov assisté de Petrenko et Markov (sup. num.)
2-1 à 24'24" : Yashin assisté de Markov et Tertyshny
3-1 à 38'06" : Yashin assisté de Sushinsky (inf. num.)
4-1 à 40'58" : Markov assisté de Petrenko et Afinogenov
 

Russie

Attaquants :
Ravil Gusmanov (2') - Aleksei Yashin (C, +1, 2') - Oleg Petrov
Sergei Petrenko (+1) - Aleksandr Prokopiev - Maksim Afinogenov (+1)
Dmitri Subbotin - Aleksandr Barkov (A) - Valeri Karpov
Mikhaïl Sarmatin (4') - Aleksei Kudashov (A) - Maksim Sushinsky (+1, 2')

Défenseurs :
Sergei Bautin (2') - Sergei Tertyshny (+1, 2')
Andrei Markov (+2) - Aleksandr Khavanov (+1, 2')
Andrei Yakhanov - Vitali Vishnevsky
Artur Oktyabrev (+1, 2') - Dmitry Bykov

Gardien :
Egor Podomatsky

Remplaçant : Andrei Tsaryov (G). Non aligné : Aleksei Volkov (G).

Ukraine

Attaquants :
Dmytro Markovsky (2') - Vadim Shakhraichuk (2') - Vitaly Lytvynenko
Viktor Goncharenko (-2) - Vasyl Bobrovnikov (-2) - Oleg Synkov (-2)
Roman Salnikov (4') - Konstyantin Butsenko (A) - Vadim Slivchenko
Valentyn Oletsky - Danylo Didkovsky - Anatoly Stepanishchev
Kostyantin Kasyanchuk

Défenseurs :
Oleksandr Savitsky - Yuri Gunko (A)
Serhyi Klymentiev (-1, 4') - Valery Shiryaev (C, -2, 4')
Vyacheslav Zavalnyuk (2') - Oleksandr Godynyuk
Artyom Ostroushko (-1, 2')

Gardien :
Oleksandr Vyukhin puis à 42'34" Yuri Shundrov [sorti de sa cage à 59'45"]

Non aligné : Oleksandr Vasylyev (G).

 

Les championnats du monde 1999