Russie - États-Unis (1er mai 2000)
Championnats du Monde 2000 à Saint-Pétersbourg, premier tour, groupe D.
Après sa large victoire 8-1 sur la France, l'équipe russe s'est adjoint les services d'une nouvelle star en la personne d'Alexeï Yashin, mettant fin à un feuilleton de quelques jours. La NHL avait demandé à l'IIHF de ne pas le laisser jouer puisqu'il boycottait son club d'Ottawa pour des motifs salariaux, selon l'accord passé entre les deux organisations. Mais les Russes avaient rétorqué qu'Ottawa avait terminé sa saison, ayant été éliminé au premier tour des play-offs par Toronto, et que Yashin était donc libre. Les deux parties sont passées par une procédure d'arbitrage, qui s'est déroulée à New York. Le juge indépendant George Nicolau, à l'examen du contrat passé entre l'IIHF et la NHL, n'a mis qu'un jour pour rendre sa décision et a autorisé Yashin à intégrer l'escadron russe, qui n'avait pas besoin de ça pour être impressionnant.
Pourtant, les Américains tiennent crânement tête à l'équipe locale. Les occasions sont partagées, les plus évidentes étant les échappées de Jason Blake (par deux fois) et de Valeri Kamensky. Le jeu est ouvert, le rythme est rapide, il ne manque que les buts, la Russie ne parvenant pas à faire la différence annoncée.
Le jeu ne ralentit pas dans le deuxième tiers et Blake s'échappe une troisième fois, tente de dribbler le gardien de la même manière qu'à sa première tentative ratée, mais Bryzgalov s'interpose de la jambière. Pas le temps de reprendre son souffle, et c'est un contre immédiat de Kozlov, qui se heurte au jeune Robert Esche. Une crosse haute de Prokopiev au visage de Tancill, et le Russe est envoyé 2'+2' en prison. Peluso se démène par ses slaps en supériorité numérique, et Jason Blake parvient enfin à conclure entre les jambes de Bryzgalov. Coup de froid sur Saint-Pétersbourg : à la surprise générale, les Américains mènent 1-0 à la mi-match. Et ce n'est pas fini : Heinze ne parvient pas à cadrer son tir sur un centre de Phil Housley, mais ce dernier récupère la rondelle derrière les buts, contourne la cage et propulse le palet dans les filets. Les Russes sont poussés à la révolte, mais de façon brouillonne et désordonnée. Leur jeu se délite peu à peu, chacun tentant de faire la différence individuellement, les failles dans la cohésion de l'équipe entr'aperçues contre la France sont maintenant des gouffres béants. Kamensky et Afinogenov, entre autres, ont d'énormes occasions, mais Robert Esche, qui s'était révélé aux Mondiaux juniors, est dans un jour exceptionnel. Les Russes obtiennent une supériorité numérique, et là, c'est carrément Fort Alamo : les Américains se couchent sur tous les tirs, Esche plonge dans tous les sens, mais les vaillants défenseurs n'ont pas l'intention de mourir, même debout.
En début de troisième période, les Russes vendangent une nouvelle supériorité numérique, puis, alors qu'il reste quelques secondes de prison à Mironov, Legwand ajoute un troisième but dans l'escarcelle américaine d'un superbe tir du poignet. Les Russes sont perdus, à l'image de Kamensky, un des plus en vue, qui distribue des palets dans le vide, recherchant désespérément ses coéquipiers mystérieusement volatilisés. Les valeurs sont renversées : qui sont les individualistes ? Qui s'appuie sur un collectif soudé ? Qui semble manquer de motivation pour un match de championnat du monde ? Les rouleaux de papier toilette (il faut croire qu'au moins une personne croyait possible une défaite russe, pour avoir pensé à amener du papier hygiénique) et autres preuves d'affection peuvent pleuvoir sur les mercenaires russes. L'hymne américain est même copieusement conspué, mais ce n'est pas aux adversaires qu'il faut faire porter le chapeau de l'indigence du jeu des locaux. La fête programmée s'est transformée en cauchemar. Le championnat du monde est loin d'être terminé, mais Yakushev aura besoin de glue super-forte pour ressouder cette équipe.
Kozlov (le moins mauvais) côté russe et Esche (sans aucune contestation, mais n'oublions pas de mentionner le rapide Jason Blake) côté américain ont désignés élus joueurs du match.
Marc Branchu
Commentaires d'après-match :
Aleksandr Yakushev (entraîneur de la Russie) : "Nos adversaires nous ont surpassés dans l'envie de gagner, dans les duels individuels, dans la condition physique. Pour des raisons incompréhensibles pour moi, nous joueurs n'étaient pas dans de bonnes dispositions pour ce match. Même si on peut supposer que cette équipe américaine est très forte avec ses nombreux joueurs de NHL. L'entraîneur est toujours le premier responsable d'un échec. Aujourd'hui, nous avons été battus psychologiquement, pas tactiquement."
Aleksei Yashin (attaquant de la Russie) : "Dans le subconscient de chaque joueur, il y a la volonté de gagner à tout prix. Néanmoins, nos adversaires ont très bien joué les contre-attaques. Nous avons été inférieurs dans les duels en zone offensive et en zone neutre."
Lou Vairo (entraîneur des États-Unis) : "Il faut croire que la chance était avec nous, car les rebonds les plus invraisemblables du palet étaient tous en notre faveur. Nous sommes naturellement contents de la victoire. Nous n'avions pas de plan anti-Bure, nous avons simplement joué au hockey en prenant en considération chaque joueur russe, et nous nous sommes bien préparés à ce match que l'on savait difficile. Je ne comprends pas pourquoi on présente un entraîneur comme un génie après une victoire, et comme un idiot en cas de défaite. Aujourd'hui, chacun a fait sa part de travail, d'où le succès. Je peux seulement ajouter que si Aleksandr Yakushev était entré lui-même sur la glace, il aurait marqué au minimum trois buts ce soir. Nous avons battu l'URSS en 1960, en 1980 et aujourd'hui, donc pour les vingt prochaines années vous n'aurez pas à vous inquiéter."
Eric Weinrich (défenseur des États-Unis) : "Je veux féliciter Saint-Pétersbourg pour l'organisation remarquable de ces championnats du monde. Cette victoire face à un adversaire aussi fort que la Russie nous donnera, je l'espère, des forces supplémentaires. J'ai joué douze saisons en NHL, et le match d'aujourd'hui, dans son incandescence, dans sa tension, fait sans aucun doute partie des meilleurs que j'ai connus dans ma carrière."
Russie - États-Unis 0-3 (0-0, 0-2, 0-1)
Lundi 1er mai 2000 à 20h30 au Ledovy dvorets de Saint-Pétersbourg. 12354 spectateurs.
Arbitrage de Pavol Mihalík (SVK) assisté de Panu Bruun (EST) et Johan Norrman (SUE).
Pénalités : Russie 10' (4', 4', 2'), États-Unis 12' (4', 4', 4').
Tirs : Russie 44 (10, 22, 12), États-Unis 30 (11, 13, 6).
Évolution du score :
0-1 à 29'17" : Blake assisté de Peluso et Weinrich (sup. num.)
0-2 à 31'13" : Housley assisté de Peluso et Heinze
0-3 à 46'06" : Legwand
Russie
Attaquants :
Valeri Kamensky (-1) - Aleksei Zhamnov (A, -1) - Pavel Bure (C, -1, 4')
Viktor Kozlov - Aleksei Yashin - Oleg Petrov
Aleksandr Kharitonov (-1) - Aleksandr Prokopiev (A, -1, 4') - Maksim Sushinsky
Aleksei Kudashov - Andrei Nikolishin - Maksim Afinogenov
Défenseurs :
Aleksei Zhitnik (-1) - Sergei Gonchar (-1)
Dmitri Mironov (-1, 2') - Igor Kravchuk
Andrei Markov (-1) - Aleksandr Khavanov (-1)
Maksim Galanov
Gardien :
Ilya Bryzgalov
Remplaçants : Egor Podomatsky (G), Andrei Kovalenko.
États-Unis
Attaquants :
Steve Heinze (A, +1, 2') - Jeff Halpern - Steve Konowalchuk (+1)
Chris Tancill (+1) - David Legwand (+1) - Darby Hendrickson (+1, 2')
Mike Peluso (+1) - Derek Plante - Jason Blake
Jeff Nielsen (2') - Sean Haggerty - Brian Gionta
Eric Boguniecki
Défenseurs :
Eric Weinrich (A) - Ben Clymer (+1, 2')
Hal Gill (+1, 4') - Phil Housley (C, +2)
Chris O'Sullivan - Mike Mottau
Gardien :
Robert Esche
Remplaçant : Damian Rhodes (G).