États-Unis - Canada (24 février 2002)

 

Finale des Jeux Olympiques 2002.

Tandis que les Américains se réfèrent sans cesse au Miracle sur Glace de 1980, le Canada doit lui se rappeler une échéance bien plus ancienne. Cela fait exactement cinquante ans que le Canada n'a plus remporté de médaille olympique. Depuis la prise de pouvoir de l'URSS, les équipes d'amateurs à la feuille d'érable avaient dû se contenter des accessits, comme le père de Martin Brodeur, médaillé de bronze à Cortina d'Ampezzo en 1956, et à qui son fils rend hommage sur son casque, avec la volonté affichée de ramener un bien meilleur métal pour la deuxième tentative des professionnels. Pour cette grande finale que toute l'Amérique du Nord attendait, les billets se négocient au marché noir jusqu'à 7500 $. En dépit de la rumeur, le président George W. Bush n'est finalement pas de la fête, contrairement, à celui qui lui avait volé la vedette après l'attaque du 11 septembre sur le World Trade Center, l'ancien maire de New York, Rudolf Giuliani. Les Américains, dont le collectif a fait impression, ont les faveurs des pronostics dans la mesure où les Canadiens n'ont pas encore battu d'équipe de premier plan, même s'ils sont lentement mais sûrement montés en puissance.

Le Canada domine pourtant et semble bien tenir la zone américaine, mais à la neuvième minute, Doug Weight, voyant l'opportunité de contre, plonge magnifiquement sur le palet devant un Owen Nolan abasourdi, et ce geste fort inspiré envoie la rondelle sur Tony Amonte, qui choisit le lancer en situation de 2 contre 1 et trompe Brodeur. On peut difficilement imaginer jeu de transition plus rapide que sur ce premier but, et le Canada, qui avait été plutôt agressif sur le palet jusque là, sait qu'il faudra l'être encore plus. Encore surpris par un 2 contre 1 de Roenick et Tkachuk (qui faisait sa rentrée après une légère entorse au genou), où Brodeur ne se laisse plus prendre au tir direct du premier nommé, le Canada parvient à égaliser quand Mario Lemieux ne fait intelligemment qu'accompagner sans la toucher une passe de Chris Pronger jusqu'à Paul Kariya, bien mieux placé pour une reprise. Les meilleurs Canadiens du tournoi répondent présent dans cette finale. Après la première ligne, c'est celle de Joe Sakic qui fait mouche. Le meilleur joueur de NHL de la saison dernière centre au second poteau pour le meilleur buteur de cette année, Jarome Iginla, qui marque de près. Ce n'est que justice pour le Canada, qui a imposé son jeu dans le premier tiers, et qui a de plus su maîtriser le jeu de puissance américain quand Niedermayr et Fleury ont purgé des pénalités.

Plus détendus, les Canadiens font enfin étalage de leur technique individuelle en début de deuxième tiers-temps. C'est le cas de Sakic, mais surtout de Theo Fleury, qui dribble toute la défense américaine dans une incroyable percée à laquelle seul Mike Richter peut faire obstacle. Le gardien américain montre également d'insoupçonnés talents de contorsionniste : alors qu'une pénalité différée est appelée contre Brett Hull, Niedermayr et Lindros partent en deux contre un et le palet passe sous Richter... avant de rencontrer un obstacle inattendu, la jambe du portier complètement repliée derrière lui. Dans cette position pas forcément confortable, Richter tombe sur le dos et enterre le palet sous lui. Après une crosse haute de Miller au visage de Nolan, les Américains se retrouvent à 3 contre 5. Servi par une passe du patin d'un coéquipier sur un rebond, Lemieux a alors la cage grand ouverte mais trouve le moyen de manquer l'immanquable, de ne pas déguster ce "caviar", comme l'appelleraient les commentateurs de football. Il a de quoi s'en mordre les doigts ultérieurement quand brian Rafalski égalise en supériorité numérique d'un tir dévié par la crosse du malheureux Pronger. Mais le Canada convertit lui aussi un jeu de puissance grâce à un lancer dévié, signé Sakic, qui retombe entre les jambières d'un Richter masqué et impuissant.

Toujours un petit but d'avance pour les Canadiens avant la dernière période. Ils ne se laissent pas déstabiliser par la pression physique et s'appliquent surtout à contrôler parfaitement leur zone en ne laissant qu'un seul forechecker devant. Même quand Bill McCreary siffle une pénalité contre Yzerman, le Canada ne tremble pas. Et il se détache à quatre minutes de la fin grâce à un puissant lancer d'Iginla, le buteur métis de l'Alberta enfin en réussite dans cette finale. Dans les tribunes, Wayne Gretzky explose de joie, lui qu'on s'était tellement habitué, au cours de ces JO comme aux derniers championnats du monde, à voir extrêmement tendu, le visage pris entre ses mains. Il sera définitivement soulagé à l'avant-dernière minute quand la victoire est définitivement acquise par une contre-attaque de Joe Sakic. Le Canada tient son or olympique et peut savourer une cérémonie de remise de médailles dont la caméra de Steve Yzerman ne perd pas une miette.

Les deux équipes n'ont pas changé radicalement de visage dans cette finale : les Canadiens ont peu à peu trouvé leur hockey et ont finalement joué à la hauteur de leur talent, alors que les Américains ont trouvé plus forts qu'eux. Eux qui n'avaient rencontré ni les Suédois ni les Tchèques se sont frottés pour la première fois à une équipe à leur mesure. Les Canadiens se sont fait prendre deux fois au premier tiers par le jeu de transition américain, mais ont parfaitement serré la vis par la suite. Quant à John LeClair, il n'a pas pu faire figure d'homme providentiel et est resté dans l'ombre. Il a pourtant bel et bien été le patron dans l'enclave, mais comme aucun bon tir ou bon rebond n'arrivait, son travail devenait inutile. Le Canada a parfaitement neutralisé son adversaire et a amplement mérité son succès.

Marc Branchu

Commentaires d'après-match :

Jarome Iginla (attaquant du Canada) : "Les gens disent que l'on surestime l'importance de la confiance, mais je ne crois pas. Si l'on regarde de mon premier match olympique, où je ne tirais presque pas, jusqu'à cette finale, c'est évident. Si [Joe Sakic] a jamais pensé que passer de la ligne de Mario à la nôtre, il ne l'a jamais montré."

Brendan Shanahan (attaquant du Canada) : "Je n'ose imaginer ce que ça doit être dans les rues au Canada. Je dois aller jouer deux matches de suite pour Florida et Tampa Bay, mais j'aimerais prendre un avion directement pour le Canada."

Jeremy Roenick (attaquant des Etats-Unis) : "C'était un honneur de jouer ce match contre le Canada. Je n'ai pas dormi la nuit dernière parce que si vous m'aviez dit il y a dix ans que je jouerais cette rencontre face à Mario et tout le monde je ne l'aurais pas cru. Je range ses souvenirs à jamais, juste de voir Joe Sakic patiner, et la défense canadienne, et la tête de Mario après qu'il a manqué la cage ouverte. Je m'en suis presque évanoui ! Des choses merveilleuses sont ressorties de ce tournoi. C'est malheureux que nous ayons perdu mais nous avons perdu contre les meilleurs joueurs du monde. Je suis fier de ma médaille d'argent, elle me rappellera que j'ai joué avec les meilleurs au monde."

 

États-Unis - Canada 2-5 (1-2, 1-1, 0-2)
Dimanche 24 février 2002 à 13h00 au E-Center de West Valley City. 8599 spectateurs.
Arbitrage de Bill McCreary assisté de Mike Cvik et Antti Hämäläinen.
Pénalités : Etats-Unis 6' (0', 6', 0'), Canada 8' (4', 2', 2').
Tirs : Etats-Unis 33 (10, 14, 9), Canada 39 (11, 17, 11).

Évolution du score :
1-0 à 08'49" : Amonte assisté de Weight et Poti
1-1 à 14'50" : Kariya assisté de Pronger et Lemieux
1-2 à 18'33" : Iginla assisté de Sakic et Gagné
2-2 à 37'30" : Rafalski assisté de Modano et Hull (sup. num.)
2-3 à 38'19" : Sakic assisté de Jovanovski et Blake (sup. num.)
2-4 à 56'01" : Iginla assisté d'Yzerman et Sakic
2-5 à 58'40" : Sakic assisté d'Iginla
 

États-Unis

Attaquants :
Jeremy Roenick - Scott Young - Keith Tkachuk
Chris Drury - Brian Rolston - Tony Amonte
Brett Hull - Mike Modano - John LeClair
Adam Deadmarsh - Mike York - Bill Guerin
Doug Weight

Défenseurs :
Aaron Miller - Brian Leetch
Chris Chelios - Gary Suter
Phil Housley - Brian Rafalski
Tom Poti

Gardien :
Mike Richter

Entraîneur : Herb Brooks.

Canada

Attaquants :
Ryan Smyth - Eric Lindros - Owen Nolan
Paul Kariya - Steve Yzerman - Mario Lemieux
Simon Gagné - Joe Sakic - Jarome Iginla
Brendan Shanahan - Mike Peca - Theoren Fleury
Joe Nieuwendyk

Défenseurs :
Chris Pronger - Al MacInnis
Adam Foote - Scott Niedermayer
Ed Jovanovski - Rob Blake
Eric Brewer

Gardien :
Martin Brodeur

Entraîneur : Pat Quinn.

 

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