Ak Bars Kazan - Avangard Omsk (30 mars 2002)

 

Demi-finale du championnat de Russie 2001/2002, cinquième manche.

Tout le monde s'accorde pour dire qu'Omsk est beaucoup mieux pourvu en talent que son adversaire. Mais ce n'est pas toujours l'équipe la plus douée qui gagne, et chacun en est parfaitement conscient. Dans leur patinoire, Kazan n'a perdu que quatre matches cette saison, et a toujours fait preuve d'un "fighting spirit" capable de renverser des montagnes. En outre, les Bars s'étaient déjà retrouvés dans la même situation il y a deux ans, en demi-finale contre Magnitogorsk. Après avoir remporté les deux premières manches à domicile, ils avaient été poussés jusqu'à un cinquième match... et l'avaient remporté.

La cuvée 2002 des Bars prend le même chemin après un début de match idéal : pénalité contre Ramil Saïfullin après seulement trente-sept secondes, et but en supériorité de Mikhaïl Sarmatin qui dévie un lancer de la bleue d'Aleksandr Zavyalov. Omsk encaisse un deuxième but sur une erreur de Vyukhin, pourtant si bon lors des deux matches précédents : sur un tir de Benda, le palet lui file entre les pattes et Vladimir Tsyplakov, opportuniste, envoie la savonnette au fond des filets.

Mené de deux buts, l'Avangard se retrouve dos au mur à la pause. Suchinsky est alors sollicité plus que jamais, aligné à la fois sur la deuxième ligne avec Prokopiev et Zatonsky et sur la troisième avec le duo Patera-Prochazka. Il est vrai qu'à Omsk, on a de quoi inventer de nouveaux dictons : "Suchinsky marqueur, la victoire est à l'heure. Suchinsky muet, vous l'avez dans le cornet"... Enfin, quelque chose dans ce goût-là, mieux trouvé probablement. Mais l'Avangard a grillé son atout maître trop tôt. Déduisez-en ce que vous voulez sur l'issue du match... Kazan résiste vaillamment dans ces moments fatidiques où les joueurs les plus brillants des visiteurs s'épuisent à l'attaque.

Finalement, l'Avangard réussit quand même à revenir au score, mais ce sont les deux autres blocs qui amènent cette égalisation. Tout d'abord par un exploit personnel d'Andreï Subbotin, qui décoche un tir précis dans la lucarne au milieu de trois adversaires. Puis par Alekseï Koznev, dont le but plonge la patinoire dans un silence de cathédrale. Dès lors, Kazan est acculé dans sa zone jusqu'à la fin et est en passe de tout perdre. Revoilà d'ailleurs Maksim Suchinsky, il va encore être décisif, la cage est ouverte devant lui, le but ne fait plus de doute... mais Tsarev revient à temps faire obstacle avec son bouclier.

Il est clair que Suchinsky ne fera plus de miracles, et lorsque la sirène finale retentit, la confiance change de camp. C'est Kazan qui domine les dix minutes de mort subite, et il faut de bons arrêts de Vyukhin, ainsi qu'une hésitation de Tsyplakov à l'heure de conclure un bon service de Kvartalnov, pour que l'on en vienne à la fatidique séance de tirs au but. Les deux entraîneurs avaient déjà exprimé leur avis sur cette loterie, et avaient avoué qu'ils préfèreraient que la prolongation se poursuive jusqu'à ce qu'un but soit marqué. Mais le règlement est ce qu'il est, et c'est sur une séance de penaltys que se décide le nom du deuxième qualifié pour la finale du championnat russe. Omsk gagne le tirage au sort, et Saïfullin est le premier à s'élancer. En le voyant si peu sûr de lui, on comprend bien vite que l'exercice sera dominé par les gardiens. Effectivement, ceux-ci arrêtent tout, tireur après tireur. 0-0 après quatre tentatives de chaque côté, et Zatonsky ne fait pas mieux et ne parvient pas à tromper Tsarev. Il ne reste plus que Jan Benda : l'attaquant germano-tchèque démarre lentement, et Vyukhin le suit dans sa feinte. Alors qu'il est excentré, il finit par tirer au ras de la glace. Le palet disparaît sous l'équipement du portier... et en ressort en direction des filets. Kazan est en finale.

Les Bars se mettent alors à danser sur la glace, jonchée de bouteilles et de programmes, les spectateurs lançant tout ce qui leur passe sous la main pour exprimer leur joie. Conscients que leur qualification s'est jouée à rien, la plupart des gens de Kazan n'en ont néanmoins pas rajouté dans leurs commentaires. Malheureusement, le bouillant entraîneur Youri Moïseïev n'a pas fait preuve de la même réserve, et est allé provoquer le banc adverse avec des gestes déplacés. L'encadrement et les joueurs d'Omsk sont restés dignement stoïques face à l'énergumène, ravalant leur déception. Tous les observateurs les avaient un peu tôt envoyés en finale, et ils ont rarement connu désillusion aussi amère. A des milliers de kilomètres de là, à Omsk, la prostration est la même dans les gradins de la patinoire, où les supporters s'étaient rassemblés pour suivre la rencontre à distance sur écran géant.

 

Commentaires d'après-match :

Youri Moïseïev (entraîneur de Kazan) : "Merci aux journalistes qui nous ont soutenus... Et les autres, je les remercie aussi. [...] A mon avis, l'égalité à deux manches partout dans cette série reflétait le vrai rapport de forces entre nos deux formations. Ils auraient pu remporter une manche chez nous et nous une chez eux, car les deux équipes ont joué un excellent hockey. Aujourd'hui, nous étions largement meilleurs que nos adversaires dans les deux premières périodes et durant la prolongation. Il n'y a que dans le troisième tiers-temps où l'Avangard a eu un sursaut qui lui a permis d'égaliser. Néanmoins la justice a triomphé. Les tirs au but sont une loterie, mais les cieux ont rendu leur verdict - nous méritions plus la victoire. Ceux qui avaient déjà décidé à l'avance que la finale serait Yaroslavl-Omsk ont parlé trop vite. Nous avions également des ambitions de finale. Sur les deux derniers tiers du championnat, nous étions la meilleure équipe, mais curieusement on ne nous a pas pris en considération. [...] Je n'ai pas placé Benda comme dernier tireur par hasard. C'est une force de la nature, qu'on ne peut briser ni physiquement, ni psychologiquement. [...] Pour ce qui est des gestes obscènes... Vous savez, tout est remonté en moi, notamment l'arbitrage à mon sens partial du troisième match, et c'est difficile de contrôler ses émotions. Je présente mes excuses aux joueurs et aux entraîneurs d'Omsk."

Jan Benda (qui a marqué le tir au but vainqueur de Kazan) : "J'avais d'abord décidé de lever le palet et de tirer en lucarne, mais, en rentrant sur la glace, j'y ai repensé et j'ai choisi de tromper Vyukhin par en dessous. Quand je suis parti avec le palet du centre de la glace, j'ai vu ses jambières bouger. Une ouverture est apparue et je l'ai visée."

Farid Mohamedchin (président des Ak Bars Kazan et du parlement du Tatarstan) : "Nous sommes à notre place, comme n'importe quelle autre équipe. Le succès actuel, c'est, avant tout, une affaire d'honneur et de prestige pour le club, Kazan, la république du Tatarstan, et enfin l'entraîneur. Nous avons pris de gros risques quand nous avons changé d'entraîneur en début de saison, mais ce n'était pas un mauvais calcul, comme on a pu s'en rendre compte. Youri Moïseïev a su insuffler de la confiance à cette équipe et l'a amené à son plein potentiel pour les matches décisifs. Rien que pour le travail de Moïseïev, cette qualification en finale est méritée."

Guennadi Tsygurov (entraîneur d'Omsk) : "Je félicite Kazan pour leur qualification en finale. Cependant, le geste obscène que Youri Moïseïev a fait en direction de notre banc juste immédiatement après la rencontre, il n'honore pas son auteur, qui plus est quand celui-ci est un entraîneur. Pour cette raison, mes joueurs m'ont demandé de ne pas lui serrer la main en entrant dans cette pièce, mais j'en ai décidé autrement. [...] Subbotin a été très sûr aujourd'hui. Quand il a raté sa tentative, j'ai compris que la réussite n'était pas de notre côté. [...] Non, je n'ai pas fait d'erreurs en choisissant mes tireurs. Dans ces cas-là, c'est surtout une question de chance. Aujourd'hui, elle a souri aux Ak Bars."

Igor Zhilinsky (entraîneur-adjoint d'Omsk) : "Depuis plusieurs années, nous sommes systématiquement battus lors des tirs au but. J'espérais que cette série noire prendrait fin aujourd'hui. Hélas..."

 

Ak Bars Kazan - Avangard Omsk 2-2 a.p. (2-0, 0-1, 0-1, 0-0) / 1-0 aux tirs au but

Samedi 30 mars 2002 à 17h00 au palais des sports de Kazan. 3845 spectateurs (guichets fermés).

Arbitre : M. Buturlin.

Tirs : Kazan 36 (11, 12, 7, 6), Omsk 35 (5, 15, 8, 4).

Pénalités : Kazan 14', Omsk 14'.

Évolution du score :

1-0 à 02'24" : Sarmatin assisté de Zavyalov et Trofimov (sup. num.).

2-0 à 13'46" : Tsyplakov assisté de Benda et Kvartalnov.

2-1 à 30'15" : Subbotin assisté de Chargorodsky.

2-2 à 49'49" : Koznev assisté de Popov.

Tirs au but :

Omsk : Saïfullin (arrêté), Prochazka (arrêté), Patera (arrêté), Subbotin (arrêté), Zatonsky (arrêté).

Kazan : Zolotov (arrêté), Tchupin (arrêté), Zhdan (à côté), Trofimov (à côté), Benda (réussi).

 

Ak Bars Kazan :

Gardien : Tsarev (7,5).

Défenseurs : Prochkin (6) - Erofeïev (6) ; Zavyalov (7) - Balmin (7) ; Zhdan (6) - Bykov (6).

Attaquants : Tsyplakov (7) - Benda (7,5) - Kvartalnov (6,5) ; Sarmatin (7) - Tchupin (7) - Trofimov (6,5) ; Zolotov (6) - Fedorov (6) - Kudermetov (6) ; Dobrychkin (6) - Nikitenko (6,5) - Tertytchny (6).

Avangard Omsk :

Gardien : Vyukhin (6,5).

Défenseurs : Chargorodsky (6) - Chalnov (6) ; Ryabykin (6) - Panov (6) ; Batyrchin (6) - Korobolin (6) ; Koltsov (6) - Nikitin (6,5).

Attaquants : Saïfullin (6,5) - Gorchkov (6,5) - Subbotin (7,5) ; Suchinsky (6,5) - Prokopiev (6,5) - Zatonsky (6,5) ; Prochazka (6,5) - Patera (6,5) - Chastin (5,5) ; Gorbuchin (6) - Koznev (6,5) - Popov (6,5).

Les notes (sur 10) sont celles attribuées par le quotidien russe Sport-Express.

 

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