Finlande - Suède (7 mai 2003)

 

Quart de finale des championnats du monde 2003.

Avant le match, c'est déjà un crève-cœur de se dire qu'une de ces deux équipes sera éliminée ce soir. Elles ont cherché leur jeu jusqu'ici, mais si elles retrouvent leur plein potentiel, cela promet une soirée de feu, dans une Hartwall Arena bien évidemment bondée. La Finlande a quelques contre-performances à se faire pardonner, et le public espère qu'elle le fera contre le voisin et grand rival suédois. Aravirta réserve déjà une première (demi-)surprise avant le coup d'envoi en titularisant finalement Jani Hurme à la place d'un Nurminen qui n'a pas su convaincre.

La tension monte encore d'un cran avec l'ouverture du score suédoise après cinq minutes de jeu. Mats Sundin bénéficie d'une passe très intelligente de Mikael Renberg contre la bande du fond, ce qui prend à revers toute la défense (0-1 à 04'45"). Dans la foulée, Forsberg accroche Koivu parti en contre-attaque, et Selänne égalise en supériorité en déviant un lancer de Niinimää (1-1 à 07'31"). Pas le temps de respirer : deuxième pénalité suédoise, deuxième but de Teemu Selänne, c'est la folie dans la patinoire (2-1 à 09'13"). Et tout cela en moins de dix minutes... Pourtant, on n'a encore rien vu.

On attend encore le collectif suédois, à la peine pour l'instant face à la furia suomi. Portés par le public en délire, les Finlandais se sentent pousser des ailes, et Tomi Kallio, champion de Suède cette année avec Frölunda, tente un tir dans un angle complètement fermé, qui passe au-dessus de Tommy Salo mais sous la transversale (3-1 à 18'35"). Ce but inimaginable est ce qui pouvait arriver de pire à la Suède avant la rentrée aux vestiaires.

Elle essaie de réagir, mais les Finlandais mènent une contre-offensive très rapide conclue par Rintanen après un rebond mal dégagé (4-1 à 25'26"). Pire, Salo prend une pénalité à la suite de ce but pour avoir cogné Jokinen, qui avait en fait été poussé sur lui par Tärnström. C'est comme si la Suède encaissait deux buts d'un coup, puisque la supériorité est transformée par Selänne, dont le tir est dévié contre son camp par Mattias Norström (5-1 à 26'44"). Hardy Nilsson met alors fin au calvaire de Tommy Salo, qui vit une nouvelle humiliation sous le maillot de la Tre Kronor après celle des JO, dont un nouveau but-gag, celui de Kallio, au passage.

À ce moment du match, les carottes semblent cuites, et même bouillies. Nerveux et agressifs, les Suédois réduisent pourtant rapidement le score par une déviation de Jörgen Jönsson juste devant Hurme, ce qui permet de garder espoir (5-2 à 28'04"). Surtout qu'Eloranta écope de 2'+10' pour une charge dans le dos et que Peter Forsberg vient chercher un rebond du revers pendant la supériorité (5-3 à 29'27").

En deux minutes, la nervosité est repassée dans l'autre camp. Le volume sonore a soudain diminué dans la patinoire. Les spectateurs sont interloqués et un peu inquiets de voir ce match pas encore gagné. Mais ils reprennent bien vite en chœur les "Suomi Suomi" qui doivent convaincre leur équipe de reprendre du poil de la bête. Selänne bénéficie d'une échappée, mais il est un peu arrêté au moment de sa feinte et permet à Mikael Tellqvist de prendre confiance avec un premier bon arrêt. Le match a changé d'âme, et la défense finlandaise trop statique, gardien compris, est crucifiée par la reprise de Jonas Höglund (5-4 à 37'20"). Quel scénario absolument incroyable !

Hannu Aravirta estime que la pause n'est pas suffisante pour que ses joueurs retrouvent le moral, et il ajoute le choc psychologique d'un changement de gardien. C'est un risque important puisque la Finlande mène toujours au score, et cette décision étonnante ne semble pas du goût de Hurme qui revient avec retard sur le banc. En tout cas, Pasi Nurminen profite de l'aubaine et réussit deux arrêts de la jambière à bout portant devant Höglund. Mais cela ne peut pas suffire face aux assauts répétés des Suédois. Et si la différence n'est pas faite par Sundin, c'est donc Peter Forsberg qui réalise un exploit individuel : parti de derrière sa cage, il déborde et fixe toute la défense puis contourne la cage pour un but splendide (5-5 à 48'22").

Alors que Nurminen oublie le palet devant lui et fait passer un frisson dans toute la Hartwall Arena, Mikael Tellqvist se rappelle au bon souvenir de tout le monde sur un rebond pris à bout portant par Olli Jokinen. Mais c'est la crosse haute de Koivu sur Zetterberg qui amène la décision. Mats Sundin met le feu dans la défense mais son revers est en angle très fermé... Pasi Nurminen fait un exceptionnel arrêt de la mitaine sur un tir de Jörgen Jönsson... Et finalement, à la dernière seconde de la pénalité, c'est un lancer de Ronnie Sundin dévié par Axelsson qui passe entre les jambières du gardien finlandais (5-6 à 55'06"). Mais ce n'est pas fini. Jönsson laisse traîner son bras qui retient Rintanen, et c'est au tour de la Finlande de se retrouver en avantage numérique. Mais elle n'y croit plus vraiment et manque de confiance face à une équipe euphorique.

Que peut-on dire après un tel match ? Les énumérations de qualificatifs grandioses ne suffiraient pas à le décrire. Tout juste peut-on regretter que cette incroyable rencontre n'ait pas eu lieu en finale. Cela aurait eu une autre gueule que celle de 1998, où la Suède et la Finlande avaient effectué une prestation historique (1-0 et 0-0 en deux matchs) par son jeu défensif extrême. Désormais, les dernières rencontres du Mondial auront du mal à dépasser en émotion celle de ce soir, surtout sans le pays organisateur.

Les Finlandais ne se sont pas assez souvenus que la Suède avait remonté un 0-3 contre eux pour accrocher la médaille de bronze l'an dernier. Ils viennent de vivre la plus grande désillusion de leur histoire, peut-être plus grande que lorsqu'ils menaient 2-0 en finale face aux Tchèques. Ils étaient chez eux, ils avaient constitué une équipe de rêve, et, pire que tout, ils ont été humiliés par les Suédois. Après des années d'échecs cuisants, la Tre Kronor voit peut-être le bout du tunnel. Elle vient de réussir ce qui est sans doute la plus formidable remontée de l'histoire des championnats du monde. Désormais, elle peut chasser ses fantômes et viser cette médaille d'or que son jeu offensif mérite.

Élus meilleurs joueurs du match : Teemu Selänne pour la Finlande et Peter Forsberg pour la Suède.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Hannu Aravirta (entraîneur de la Finlande) : "Quitter le tournoi ainsi est un cauchemar pour nous. Je suis fier de mes joueurs. Nous avons essayé autant que nous avons pu."

Hardy Nilsson (entraîneur de la Suède) : "Il est difficile d'expliquer comment nous avons pu gagner alors que la Finlande menait 5-1. Les deux buts en une minute nous ont redonné confiance et ont rendu la Finlande nerveuse. Peut-être ai-je fait sortir Salo trop tard, mais il n'a pas été mauvais. Il a été malchanceux, et tout le talent du monde ne peut rien contre la malchance."

 

Finlande - Suède 5-6 (3-1, 2-3, 0-2)

Mercredi 7 mai 2003 à 21h00 à la Hartwall Areena de Helsinki. 13441 spectateurs.

Arbitrage de Rick Looker (USA) assisté de Dean Laschowski (CAN) et Petr Blumel (TCH).

Pénalités : Finlande 18' (2', 2'+10', 4'), Suède 16' (6', 6', 4').

Tirs : Finlande 36 (14, 11, 11), Suède 29 (10, 6, 13).

Évolution du score :

0-1 à 04'45" : M. Sundin assisté de Renberg et Axelsson

1-1 à 07'31" : Selänne assisté de Niinimää et Koivu (sup. num.)

2-1 à 09'13" : Selänne assisté de Koivu et Peltonen (sup. num.)

3-1 à 18'35" : Kallio assisté de Miettinen et Santala

4-1 à 25'26" : Rintanen

5-1 à 26'44" : Selänne assisté de Koivu et Niinimää (sup. num.)

5-2 à 28'04" : Jönsson assisté de Nordström et Höglund

5-3 à 29'27" : Forsberg assisté de Zetterberg et Tärnström (sup. num.)

5-4 à 37'20" : Höglund assisté de Jönsson et Nordström

5-5 à 48'22" : Forsberg assisté de R. Sundin

5-6 à 55'06" : Axelsson assisté de R. Sundin (sup. num.)

 

Finlande

Gardien : Jani Hurme puis Pasi Nurminen à 40'00" (sorti de sa cage de 59'11" à 59'31" et de 59'49" à 60'00").

Défenseurs : Janne Niinimää - Kimmo Timonen ; Aki-Petteri Berg - Petteri Nummelin ; Ossi Väänänen - Toni Lydman ; Sami Helenius.

Attaquants : Ville Peltonen - Saku Koivu - Teemu Selänne ; Kimmo Rintanen - Olli Jokinen - Tomi Kallio ; Niklas Hagman - Juha Ylönen - Mikko Eloranta ; Antti Miettinen - Tommi Santala - Tony Virta ; Lasse Pirjetä.

Surnuméraires : Marko Kiprusoff (grippé), Esa Pirnes, Kari Lehtonen (G).

Suède

Gardien : Tommy Salo puis Mikael Tellqvist à 26'44".

Défenseurs : Daniel Tjärnqvist - Dick Tärnström ; Mattias Norström - Thomas Rhodin ; Ronnie Sundin - Magnus Johansson ; Niklas Kronwall.

Attaquants : Henrik Zetterberg - Peter Forsberg - Mathias Tjärnqvist ; Peter Nordström - Jörgen Jönsson - Jonas Höglund ; Per-Johan Axelsson - Mats Sundin - Mikael Renberg ; Niklas Andersson - Johan Davidsson - Mika Hannula ; Mathias Johansson.

Surnuméraires : Marcus Nilson (blessé), Per Gustafsson, Henrik Lundqvist (G).

 

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