Rouen - Mulhouse (24 février 2004)

 

Demi-finale de la coupe de France 2004.

Guy Fournier, un druide ?

Dans le match qui oppose l'accident au sabotage - suppositions ou rumeurs justifiant les déboires nationaux du RHE cette saison - on doit reconnaître que la seconde hypothèse vient de marquer un point décisif. La comparaison du match des Dragons de ce soir avec celui du 6 janvier qui opposait Amiens face au même adversaire, Mulhouse, tend à rendre plus probable la mise à mal volontaire des activités sportives du club champion de France en titre.

On peut mener une comparaison, en dépit d'une équipe amiénoise évoluant dans le système d'Antoine Richer moins agressif que celui demandé par Guy Fournier à ses "boys". D'abord, les rencontres, chacune dans leur contexte, revêtaient ponctuellement la même motivation et importance sportive malgré un enjeu concret différent aux moments où elles ont eu lieu. Début janvier, proclamé favori, Mulhouse se jaugeait sérieusement, ne sachant pas encore qu'elle était un outsider - comme les autres - d'Amiens et de Grenoble. Aujourd'hui, les Scorpions, aux ambitions désormais moins élevées, étaient autant enthousiasmés à l'idée de pouvoir remporter un trophée plus modeste. Ensuite, les scénarii des deux rencontres ont été similaires avec une ouverture du score dans le premier tiers en faveur les joueurs locaux. Pour Rouen, Kimmo Salminen a repris une maître de passe de Mikka Rousu, sur une action complice menée à deux contre un. C'est Daniel Carlsson de sa zone qui a "dressé la table" pour le Suomi Duo d'une longue diagonale millimétrée (1-0 à 9'17). Dans ces conditions, Mulhouse a été mis dans les même dispositions tactiques et psychiques qu'au Coliseum. Enfin, des détails statistiques et autres morceaux choisis qu'on évoquera ci-après sont au moins similaires ou en faveur intrinsèque des Rouennais par rapport aux Amiénois... Pourtant, Amiens s'est qualifié en poule Magnus où elle joue les premiers rôles, et Rouen a été relégué au deuxième échelon national avec une équipe plus forte d'un bloc de renforts internationaux (Hård, Low, M. Rozenthal, M. Lacroix et Kantelinen, tous absents ce soir) que celle alignée ce soir !

Les joueurs de Christer Eriksson - fatigant dans l'éternel rôle du coach martyr - se sont évertués dans une tactique défensive reposant sur leur (seul ?) point fort, le titulaire du poste de gardien en équipe de France, Fabrice Lhenry. L'international a réalisé sur l'île Lacroix le même type de - bonne - performance globale. Même efficience chiffrée (88% et 89% d'arrêts) et même nombre de buts encaissés : quatre. Par contre, le gardien a dû beaucoup plus sortir, de ses bottes, plaques ou mitaine, des arrêts décisifs face aux attaquants normands, trouvant beaucoup mieux les solutions au cadenas haut-rhinois que les avants picards sobrement moins pugnaces. Le portier des visiteurs s'est ainsi employé, soit à des arrêts classiques devant Nicolas Pousset (1'15) et Simon Doreille (8'21) pour les plus convaincants des lancers cadrés rouennais, soit à de la témérité face à Alexandre Lefebvre (30'17) et à de la dissuasion lors d'un breakaway de Simon Lacroix (42'04). Et il lui a aussi fallu de la chance, comme à tout bon gardien, lors d'un foudroyant tir frappé d'Arnaud Briand - capitaine constamment à la baguette et aux manches retroussées (bravo) - heurtant un poteau (38'39).

Contre Mulhouse, dans les jeux spécifiques, les Dragons ont aussi sensiblement eu le même nombre et la même réussite que leurs ennemis - désormais virtuels - amiénois face aux même Scorpions. En supériorité, Daniel Carlsson a marqué à ras la glace, en lançant de loin, créant la cassure (2-0 à 16'20). Tout comme Kimmo Salminen a fait chanter "Et un, et deux, et trois zé-ro" à un public-supporter très motivé en reprenant instantanément au second poteau une passe précise de Daniel Carlsson orfèvre distributeur en jeu de puissance (3-0 à 34'09). En infériorité, les Dragons n'ont pas souffert à l'instar des Gothiques car le but de Juho Jokinen (4-2 à 59'39) encaissé à vingt et une secondes de la fin de la rencontre tient moins d'une défaillance "noire et jaune" que, qualification acquise, du repos du guerrier bien mérité.

On l'a vu, à distance ou lors des derbys, les Dragons se montrent au moins d'une force équivalente aux Gothiques d'Amiens qui ont hier dominé la poule ouest avant de planer au-dessus de la Magnus aujourd'hui. Dès lors, nous sommes soumis à une certitude - si ce sont bien les joueurs rouennais les seuls responsables de la qualification en finale, alors ce sont eux aussi les seuls responsables de la débâcle passée - et donc à plusieurs interrogations soustraites de cette évidence : intentionnellement et pourquoi ? À moins que Guy Fournier ne soit un druide ?

Un druide capable de faire rentablement jouer cette équipe, remplaçant cinq stars par cinq jeunes membres du C.H.A.R., au demeurant très doués, très impliqués et inspirés hier soir. Sans doute plus que jamais cette saison. Avec un jeu défensif sobre, Simon Doreille - aux côtés d'un Pourtanel revigoré - a pris ses responsabilités offensives (deux tirs dangereux). Nicolas Besch a joué en vieux briscard, style illustré par une défense parfaite, à lui seul, lors d'un deux-contre-un mulhousien (10'00). Il fut aussi un passeur précis sur une occasion de Kimmo Salminen (13'04). Tristan Lemoine, explosif et toujours plein de culot, s'est procuré deux occasions (3'05 & 28'30) avant de marquer, plein de pugnacité, le but gagnant que son compère d'alignement, Alexandre Lefebvre, aussi élégant sur la glace qu'efficace et combatif, est allé chercher dans la bande aux pieds de Mikka Ruokonen (4-1 à 34'09). À l'aube de la dernière période, Alexandre Lefebvre a démontré tout son cœur sur un geste défensif salvateur (43'09) et en ne se laissant pas marcher sur les patins, sans en rajouter, par Lilian Prunet (50'37). On termine la classe chérubin par Pierre-Édouard Bellemare. Présenté comme le plus sûr espoir du hockey mineur rouennais, il a démontré dans le championnat son sens aigu du but et de son placement. Mais ce soir, il a été omniprésent sur sa ligne. Agressif et engagé, en plus de ses qualités tactiques et techniques déjà établies, il a régulièrement apporté du poids dans l'impact physique, le pressing et la lutte contre la bande. Véritable révélation, il s'est exposé et a disputé un match plein, son meilleur de la saison. Un match référence pour Pierre-Édouard Bellemare sous les yeux du sélectionneur Heikki Leime.

Compte-rendu signé Thierry Frechon.

 

Commentaires d'après-match (dans Paris Normandie et les Dernières Nouvelles d'Alsace)

Daniel Carlsson (défenseur de Rouen) : "Bien sûr, on a des regrets, mais on a tourné la page de l'élimination en championnat. Pour tout le club et les supporteurs, la Coupe de France est très importante. On a très envie de la remporter. C'est le seul trophée que l'on peut ramener à Rouen cette saison, d'autant qu'une victoire en finale pourrait nous permettre de nous qualifier pour la Coupe d'Europe. Tout le monde a joué de façon très stricte, on savait qu'on n'avait pas le droit à l'erreur. Mais on avait aussi très bien joué contre Angers en poule Nationale. En tout cas, ça fait du bien d'affronter une bonne équipe comme Mulhouse. C'est vrai que j'ai eu des contacts pour partir. Mais j'aime bien jouer ici, ça marche bien pour moi. Cela aurait été stupide de partir ailleurs sans savoir exactement où vous allez mettre les patins."

Christer Eriksson (entraîneur de Mulhouse) : "Rouen était simplement plus fort que nous ce soir. Avec une telle équipe, ils peuvent battre n'importe qui. On savait leur jeu de puissance très dangereux, mais on a quand même multiplié les fautes. Elles viennent simplement d'une frustration liée au fait qu'on était systématiquement en retard dans les duels. C'est artificiel de faire monter les défenseurs en attaque. Cela peut passer une fois ou l'autre, mais pas toujours. Mais il fallait bien faire quelque chose en étant mené 2-0 après un tiers. Sur la glace comme en dehors, certains joueurs ne prennent pas leurs responsabilités."

Fabrice Lhenry (gardien de Mulhouse) : "J'ai 31 ans et j'aurais aimé enrichir mon palmarès. Ce soir, on a été dominé physiquement, alors qu'en face il y avait sept juniors. Ce n'est pas normal. Depuis Noël, on joue sans jouer. Il faut être prêt à se battre dans les coins et devant la cage et on ne l'est pas. On a peut-être été impressionné par l'ambiance, mais il faut savoir en faire abstraction. Quand tu joues une demi-finale de Coupe de France, tu dois te sortir les tripes. On prend des buts sur des détails qu'on devrait maîtriser après six mois ensemble."

Allan Carriou (défenseur de Mulhouse, formé à Rouen) : "J'ai revu tant de visages familiers. Chacun avait un petit mot sympa. Je ne suis pas parti en mauvais termes, ni avec les joueurs, ni avec le club, ni avec le public. Le contexte était délicat. Ce n'était pas évident de revenir dans un match, avec un tel enjeu. J'ai été très nerveux pendant toute la partie. J'ai joué avec mon instinct, plus qu'en réfléchissant. J'ai pris un mauvais coup en fin de match et j'ai eu une mauvaise réaction. C'est vrai que le résultat n'a pas été en notre faveur, mais ma pénalité de match a complètement gâché la fête. Une telle ferveur, c'est fantastique. C'est la première fois que je la vivais de l'autre côté de la barrière. J'ai compris qu'il est vraiment difficile de venir défier une équipe si bien soutenue."

 

Rouen - Mulhouse 4-2 (2-0, 2-1, 0-1)

Mardi 24 février 2004 à 20h00 sur l'Île Lacroix. 2912 spectateurs.

Arbitrage de Frédéric Bachelet assisté de Savice Fabre et Éric Bouguin.

Pénalités : Rouen 14' (2', 4', 8'), Mulhouse 65' (6', 6', 8'+10'+10'+5'+20').

Tirs : Rouen 38 (14, 13, 11), Mulhouse 33 (10, 17, 6).

Occasions : Rouen 9 (3, 3, 3), Mulhouse 4 (1, 2, 1).

Évolution du score :

1-0 à 09'17" : Salminen assisté de Rousu et Carlsson

2-0 à 16'20" : Carlsson assisté de Rousu et Karjalainen (sup. num.)

3-0 à 34'09" : Lemoine assisté de Vogin et Lefebvre

3-1 à 36'16" : Prunet assisté de Brisard

4-1 à 37'09" : Salminen assisté de Carlsson et Rousu (double sup. num.)

4-2 à 59'39" : Jokinen assisté de Bilbao et Michou (sup. num.)

 

Rouen

Gardien : Éric Raymond.

Défenseurs : Daniel Carlsson - Simon Lacroix ; Nicolas Pousset - Nicolas Besch ; Benoît Pourtanel - Simon Doreille.

Attaquants : Miikka Rousu - Sami Karjalainen - Kimmo Salminen ; Thibault Geffroy - Arnaud Briand - Pierre-Édouard Bellemare ; Alexandre Lefebvre - Alain Vogin - Tristan Lemoine.

Remplaçants : Landry Macrez (G), Damien Raux et Adrien Dufournet.

Absents : Veli-Pekka Hård (genou), Benoît Quessandier (blessé), Niko Kantelinen (malade).

Mulhouse

Gardien : Fabrice Lhenry.

Défenseurs : Lilian Prunet - Dusan Brincko [jusqu'à 20'00"] ; Allan Carriou - Miikka Ruokonen ; Mathieu Mille [jusqu'à 20'00"] - Patrik Scibran.

Attaquants : Guillaume Chassard - Lionel Bilbao - Steve Michou ; Luc Tardif [puis Brincko à 20'00"] - Francis Ballet [puis Jokinen à 20'00"] - Juho Jokinen [puis Mille à 20'00"] ; Richard Kazda - Étienne Croz - Pierre Brisard.

Remplaçants : Benjamin Jubien (G) et Jérémie Bigot.

Absents : Pavol Segla et Vincent Bringuet (blessés, saison terminée).

 

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