Grenoble - Rouen (9 mars 2004)

 

Finale de la Coupe de France.

Le champion de France en titre Rouen, qui compte sur cette épreuve pour sauver sa saison même s'il a voulu désamorcer la pression en disant penser déjà à préparer la suivante, affronte le nouveau favori du championnat Grenoble, qui a émis l'intention de réaliser un historique doublé coupe-championnat, dont cette finale à domicile pourrait constituer la première moitié. Mais les Brûleurs de Loups sont privés de Benjamin Agnel et Laurent Meunier, blessé au genou à la suite d'un choc en entrée de zone contre Barin en demi-finale, alors que l'incertitude plane sur l'état de Josef Podlaha qui souffre d'une pubalgie.

Les premières accélérations et tentatives sont grenobloises avec Podlaha et Shchevelev, mais la première occasion de Rouen est au fond. Après seulement deux minutes de jeu, Kimmo Salminen effectue un bon travail sur la gauche en feintant le défenseur et en fonçant vers la cage pour prendre le tir, et son compatriote Sami Karjalainen exploite le rebond (0-1 à 2'13"). La vitesse ne fait pas tout, car la défense rouennaise est solidaire, alors que le système grenoblois est parfois pris en défaut par manque de pressing et d'énergie. Les Brûleurs de Loups dominent, mais il n'est pas si facile de désarçonner une équipe normande qui a pris confiance. Le coup de pouce vient d'un surnombre de Rouen. Profitant du bon travail d'écran de Simon Bachelet devant la cage, Laurent Deschaume récupère un rebond et égalise dans le but ouvert (1-1 à 10'15"). Mais si Grenoble a converti sa deuxième supériorité, le jeu de puissance rouennais est nettement plus impressionnant d'efficacité. Dès sa première sortie, il s'installe en zone offensive, et le premier lancer de la bleue de Daniel Carlsson est le bon (1-2 à 12'58"). Nicolas Besch est pénalisé pour avoir eu un temps de retard avant de regagner son banc alors qu'il avait perdu son casque dans un duel, mais le jeu collectif grenoblois est très défaillant en supériorité numérique. À la dernière minute du tiers-temps, Forsell attire les défenseurs et Podlaha s'infiltre dans l'enclave, mais malgré cet ultime sursaut les Grenoblois rejoignent les vestiaires menés au score.

Au retour sur la glace, Rouen subit un sérieux avertissement quand Jesse Saarinen profite d'un changement de ligne balbutiant pour réaliser une relance plein axe en direction de Tero Forsell, qui est parti au cœur de la défense mais échoue sur Raymond. Mais la sérénité revient vite dans le camp normand, car Grenoble n'est pas à son aise pour faire le jeu. Les bonnes intentions n'auront pas duré bien longtemps dans ce deuxième tiers-temps, les Brûleurs de Loups paraissent reculer sans pour autant être exempts de moments d'absence. La configuration du match est de plus en plus confortable pour Rouen qui se crée les occasions les plus dangereuses. Les carences dans la construction du jeu isérois deviennent franchement problématiques. Et celui qui fait la différence, ce n'est ni Forsell ni Kaartinen... C'est, dans l'autre sens, le junior rouennais Tristan Lemoine, qui exécute un splendide petit pont sur Stéphane Gachet en un contre un avant d'expédier le palet en lucarne (1-3 à 34'41"). Rien ne va plus pour Grenoble. La réaction d'orgueil est là, Forsell dévie victorieusement un centre de Podlaha... mais le but est refusé car les Brûleurs de Loups étaient en surnombre ! Le tournant du match ? Cela y ressemble, surtout que Rouen marque sur la supériorité numérique, Rolland étant masqué sur le lancer de Rousu (1-4 à 38'52"). Tout porte à croire que la Coupe de France ne restera pas en Isère.

L'équipe grenobloise ne sait pas créer du jeu, et quand elle envoie le palet au fond, ce sont Lacroix, Karjalainen & co qui gagnent les duels contre les bandes. Ce n'est qu'à six minutes de la fin qu'il y a enfin le feu dans la défense des Dragons. Une action chaude, un dégagement raté, un tir que Raymond ne fait que dévier... et le palet passe à quelques centimètres du poteau. Le gardien canadien ne présentera plus la moindre faille ensuite, que ce soit sur une déviation à bout portant ou sur un breakaway de Christophe Tartari. Grenoble boira le calice jusqu'à la lie, complètement absent sur le cinquième but inscrit dans les dernières secondes par le toujours présent Simon Lacroix (1-5 à 59'54").

Peu inspiré, le jeu de Grenoble, c'est le moins que l'on puisse dire. La panne de créativité offensive est telle que celui qui a le plus provoqué d'actions dangereuses... c'est le défenseur Jesse Saarinen, qui sur la foi de quelques passes judicieuses et relances renversantes a été le meilleur bleu ce soir. En attaque par contre, c'est le désert sur le plan du jeu collectif, et c'est inquiétant pour le prétendant n°1 au titre. À voir ce match, on s'étonne que les Isérois soient parvenus à mener la poule Magnus malgré les blessures. En effet, les absences ont l'air de priver les deux premières lignes de leurs automatismes. Podlaha était à court de compétition et les deux autres membres du premier bloc (Forsell et même le junior Tartari) ont été décevants. Sur le deuxième bloc, Benoît Bachelet est sans doute orphelin de sa complicité avec Laurent Meunier, car ses quelques accélérations n'ont finalement abouti à rien de concret.

Meilleur gardien depuis le début de la Poule Magnus, Patrick Rolland a été fébrile au début de match, alors qu'Éric Raymond, oublié dans les limbes de la Poule Nationale, s'est rappelé au bon souvenir de tous. Il a donné le ton dès les premières minutes en lâchant peu de rebonds. Même avec le départ de plusieurs piliers présumés après la faillite sportive en championnat, Rouen a toujours un potentiel intact, et cette jeune équipe travailleuse a bien mérité de soulever un vrai trophée cette année. Elle a combiné l'expérience des anciens, le talent du trio offensif finlandais et l'énergie des juniors.

Enfin, il faut dire un mot sur le retour du hockey français à la télévision. Les craintes exprimées sur le passage du couple Sport+ / Directoire au duo Eurosport / FFSG étaient fondées. Non seulement le hockey sur glace a tourné le dos à un partenaire un peu fidélisé, mais il a aussi perdu en qualité de couverture. Pas de promotion médiatique de l'évènement, pas d'introduction et de présentation claire des enjeux et du cadre pour les non-initiés, aucun sujet pendant les pauses, pas de statistiques, moins de caméras, réalisation parfois à la rue, l'implication d'Eurosport a laissé à désirer. Le commentateur choisi (Jérôme Papin) était novice et a donné l'impression d'être parachuté dans la nature, sans l'envie de bien faire et d'apprendre que l'on sentait chez Nicolas Baillou. Il a heureusement bénéficié du métier de Stéphane Barin, lui aussi débutant comme consultant mais qui a fort bien assumé le rôle-piège. On espère que la finale du championnat aura droit à un meilleur traitement.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match (au micro d'Eurosport) :

Gérald Guennelon (entraîneur de Grenoble) : "C'est une déception car il semblait qu'on avait abordé ce match avec sérénité. Rouen a un fameux premier bloc et c'est clair qu'il nous a fait mal. Maintenant, je ne sais pas quelles sont les traces que ce match va laisser, comme je l'avais déjà dit. Placer cette finale de Coupe à huit jours des quarts de finale d'un championnat de cette intensité et de ce calibre, c'est limite. J'espère que mes joueurs s'en remettront physiquement et psychologiquement."

Guy Fournier (entraîneur-manager de Rouen) : "Ça nous fait plaisir. On voulait jouer une coupe européenne au cas où une place serait donnée au vainqueur de la Coupe de France. On était très déçu de ne pas faire partie de la Poule Magnus, mais c'est la loi du monde merveilleux du sport. Les joueurs ont été impeccables, les jeunes ont été concentrés et émotifs, on a un très beau groupe. Éric Raymond est un gars de play-offs, il est solide quand la pression monte et a encore fait un gros match."

Arnaud Briand (capitaine de Rouen) : "C'était un gros défi, c'était un des objectifs de la saison et on l'a bien préparé. On n'oubliera pas la saison difficile qu'on a vécu, mais c'est un petit plaisir pour tous les gars qui ont continué à bosser jusqu'au bout. Il ne faut pas en faire trop sur eux trop tôt, mais les juniors on bien intégré le groupe et compris ce qu'il fallait faire pour jouer à ce niveau-là. Ils n'ont pas démérité, et le plus beau but du match a même été inscrit par un junior."

 

Grenoble - Rouen 1-5 (1-2, 0-2, 0-1)

Mardi 9 mars à 19h00 à la patinoire Pôle Sud de Grenoble. 3500 spectateurs.

Arbitrage de Gilles Durand assisté de Nicolas Barbez et Damien Bliek.

Pénalités : Grenoble 8' (2', 4', 2'), Rouen 12' (8', 2', 2').

Évolution du score :

0-1 à 02'14" : Karjalainen assisté de Salminen

1-1 à 10'15" : Deschaume assisté de B. Bachelet (sup. num.)

1-2 à 12'58" : Carlsson assisté de Rousu

1-3 à 34'41" : Lemoine assisté de Carlsson

1-4 à 38'52" : Rousu assisté de Bellemare

1-5 à 59'54" : Lacroix assisté de Salminen et Rousu

 

Grenoble

Gardien : Patrick Rolland.

Défenseurs : Jesse Saarinen - Jean-François Bonnard (A) ; Baptiste Amar (A) - Simon Bachelet ; Stéphane Gachet - Roland Fougère ; Timo Bayon.

Attaquants : Christophe Tartari - Tero Forsell - Josef Podlaha ; Sami Kaartinen - Benoît Bachelet (C) - Cyril Papa ; Andrei Shchevelev - Laurent Deschaume - Xavier De Murcia.

Remplaçants : Fabrice Agnel (G), Martin Millerioux, Romain Bachelet, Romain Laugier et Kévin Enselme. Absents : Laurent Meunier (fracture du plateau tibial et déchirure ligamentaire), Benjamin Agnel (fracture du bassin), Nicolas Antonoff (ligaments du genou).

Rouen

Gardien : Éric Raymond.

Défenseurs : Daniel Carlsson - Simon Lacroix ; Nicolas Pousset - Nicolas Besch ; Benoît Pourtanel - Simon Doreille.

Attaquants : Miikka Rousu - Sami Karjalainen - Kimmo Salminen ; Thibault Geffroy - Arnaud Briand - Pierre-Édouard Bellemare ; Alexandre Lefebvre - Alain Vogin - Tristan Lemoine.

Remplaçants : Landry Macrez (G), Niko Kantelinen et Adrien Dufournet. Absents : Veli-Pekka Hård (genou), Benoît Quessandier (blessé).

 

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