Suède - République Tchèque (7 septembre 2004)

 

Quart de finale de la coupe du monde 2004.

Petite devinette : qui avant ce match a la pire fiche +/- de la coupe du monde ? Vous pensez logiquement à des joueurs allemands, et effectivement la première paire défensive germanique Seidenberg-Lüdemann fait partie du lot. Il y aussi Miroslav Šatan, et la présence de leur capitaine dans ce classement peu reluisant en dit long sur la prestation des Slovaques dans ce tournoi. Et enfin, toujours ex-æquo avec -4, il y a... Peter Forsberg et Markus Näslund, deux des joueurs les plus fréquemment cités au chapitre "meilleur hockeyeur du monde actuellement".

Étrange trajectoire que celle de ses joueurs de la même génération, nés au nord de la Suède dans la petite ville d'Örnsköldsvik et formés à l'incroyable école du club local, MoDo. En juniors déjà, ils étaient des phénomènes, très proches d'un de l'autre. Mais leurs routes ont semblé diverger au moment où ils sont allés en NHL. Forsberg s'y est vite imposé comme une superstar, alors que Näslund a dû attendre pas moins de six années pour vraiment percer. Aujourd'hui, leurs chemins se croisent à nouveau dans cette coupe du monde... mais c'est le doute qui les réunit. Forsberg n'en finit plus de se dire insatisfait de son jeu, précisant que cela n'a rien à voir avec ses blessures mais qu'il ne retrouve pas son patinage et sa technique. Quant à Markus Näslund, qui n'a jamais fait montre d'une grande impatience à rejoindre l'équipe nationale, son retour est un véritable fiasco. Il est si médiocre qu'une partie de l'opinion suédoise pense qu'il ne mérite plus d'être titulaire et qu'il devrait céder sa place à un des remplaçants, tout en sachant que cela a peu de chances d'arriver (Ron Wilson n'a pourtant pas hésité à écarter Brett Hull dans l'équipe américaine).

Ce n'est pas un hasard si l'engagement symbolique donné avant le match par Börje Salming, le légendaire défenseur suédois - applaudi par un public debout - qui avait été la première vedette européenne de NHL, est pris par Mats Sundin. D'une part, celui-ci joue aux Toronto Maple Leafs comme son illustre aîné, mais surtout, c'est lui et personne d'autre qui est le meilleur joueur de la Tre Kronor. On pensait que sa supériorité sur Forsberg dans les compétitions internationales était dû à un hockey plus adapté au jeu sur grande glace, mais la coupe du monde, où Sundin a toujours excellé, prouve le contraire. Et Sundin déteint sur ses compagnons de ligne. On disait de Daniel Alfredsson - qui reçoit un bouquet avant la rencontre pour honorer son centième match international - qu'il n'était jamais vraiment convaincant avec la Suède, ce n'est plus le cas aujourd'hui. La ligne Modin-Sundin-Alfredsson a été la principale contributrice des Scandinaves dans ce tournoi, mais cette bonne nouvelle pour elle n'en est pas une pour les autres, car on attendait de ce riche effectif suédois qu'il ait au moins deux lignes exceptionnelles. Ce qui nous ramène à notre duo Forsberg-Näslund...

Si l'on s'interroge surtout à propos de la Suède, c'est qu'on a l'habitude que sa pire ennemie soit elle-même. Mais on n'est pas à Salt Lake City, et en face, ce n'est pas le Bélarus. C'est une équipe tchèque sacrément talentueuse si elle parvient à retrouver son jeu collectif. Et justement, c'est le cas. Elle ouvre le score sur une belle attaque frontale menée avec beaucoup de maîtrise par Prospal et Straka, qui marque en troisième homme grâce au retard au marquage de Ragnarsson. Cela paraît déjà facile, mais ce n'est rien à côté du deuxième but : un magnifique une-deux entre Eliáš et Havlát au milieu des plots que sont crosses et patins suédois, comme à l'entraînement. Cela va si vite et c'est si précis que Martin Havlát n'a plus qu'à pousser le palet dans la cage vide pour conclure. Tellqvist est aussi désorienté que ses défenseurs. Dans cette première période, les Tchèques ont gagné les duels dans les coins, ils ont eu le contrôle de la zone neutre, et ils ont pu placer des actions collectives comme ils les aiment, avec des passes fortes et précises.

Maintenant, on va voir ce que les Suédois ont dans le ventre, car ils doivent impérativement retrouver leur solidarité perdue. Mais la comparaison individuelle est en faveur des Tchèques. Il est incroyable de voir comment Martin Havlát dépose Mathias Öhlund sur sa seule vitesse de patinage. L'arrière de Vancouver s'étale sur la glace impuissant mais ne peut empêcher le centre devant la cage ouverte. Sauf que Tellqvist a compris qu'il est désormais la dernière chance de rattraper sa défense. Il anticipe et réussit un arrêt déterminant à bout portant. Le destin fait des clins d'œil à la Suède - comme quand Havlát ne contrôle pas le palet en très bonne position de tir après avoir de nouveau fait la différence - mais elle ne semble pas les avoir remarqués. Elle essaie d'accélérer, mais elle est crucifiée en fin de période. Martin Straka part en deux contre un avec... le défenseur Marek Zidlický, qui piège Tellqvist au premier poteau.

C'est à 0-3 et sous la bronca que les Suédois quittent la glace. Et c'est dans une attente silencieuse et angoissante qu'ils y reviennent. Mais la pression scandinave est improductive face à des Tchèques désormais bien regroupés, dont on sait qu'ils peuvent placer une contre-attaque fatale dès qu'ils récupèrent le palet. Påhlsson est ainsi obligé de faire trébucher un adversaire pour empêcher une situation de trois contre deux. Eliáš le rejoint un peu plus tard en prison, et alors que le passage à 4 contre 4 s'achève, un boulevard s'ouvre pour Radek Dvorák, qui a carrément le temps de freiner et d'attendre la passe devant la cage pour marquer, car Marcus Ragnarsson a - une fois de plus - trois métros de retard dans le repli défensif. Opération portes ouvertes dans l'enclave suédoise avec un dégagement raté et le cinquième but de Hejduk.

La ligne magique de jeu de puissance suédois (Sundin-Forsberg-Näslund-Holmström-Lidström) sauve finalement l'honneur quand Tomas Holmström tire sans joie entre les jambières de Vokoun pendant une prison de Malik. C'est aussi un changement par rapport à la première phase, l'arbitrage qui avait été tatillon est devenu plus laxiste. Les rares supériorités numériques ont eu moins d'influence sur le déroulement de la rencontre, or la Suède y avait un peu trop bâti ses succès. Cette nouvelle donne a révélé ses lacunes à cinq contre cinq, où ses lignes se sont démantelées. On attendait un réveil de Forsberg ou Näslund, c'est en fait toute l'équipe qui s'est endormie, sans exception. On blâmait les défenseurs "offensifs" et ce sont les "défensifs" qui ont été pris de vitesse. Et ce n'est sûrement pas des attaquants qu'il fallait attendre de l'aide. Note à toutes fins utiles : à l'avenir, il faudra penser à remettre les bouquets et à organiser les ovations après le match, pas avant.

Dans un dernier baroud d'honneur (avant licenciement ?), Hardy Nilsson sort son gardien à trois minutes et demie de la fin pour un semblant d'orgueil désespéré, auxquels même ses joueurs ne croient pas. Milan Hejduk lui dit merci, cela lui fait un but de plus.

Les prochains adversaires des Tchèques sont prévenus : contre eux, il faudra ouvrir le score... ou se préparer à passer une sale soirée.

Marc Branchu

Commentaires d'après-match :

Hardy Nilsson (entraîneur de la Suède) : "Nous avons quelques bonnes présences au début du match. Puis les Tchèques ont pris la tête et nous avons perdu notre jeu. C'était probablement la pire performance de l'histoire de l'équipe de Suède - du moins au Globen."

Andreas Johansson (attaquant de la Suède) : "C'était mon rêve de jouer un match important au Globen, et nous n'avons même pas livré bataille. Pendant une longue saison, on joue peut-être six ou sept matches aussi mauvais, mais pas un quart de finale de coupe du monde. Je suis désolé pour les spectateurs et pour Tellqvist, qui n'a vraiment pas eu de soutien du reste de l'équipe."

Jaromír Jágr (attaquant de la République Tchèque) : "Nous avons appris que nous ne pouvions pas commettre des fautes stupides qui auraient laissé les Suédois en jeu de puissance et leur auraient donné de bonnes opportunités. De plus, nous voulions marquer les premiers. Les Suédois ont dû ouvrir leur défense et ont employé plus de risques dans leur jeu. Nous en avions assez bien profité. J'ai arrêté de jouer au cours de la troisième période car je me suis étiré les abdominaux et je ne veux pas aggraver la blessure avant la demi-finale."

 

Suède - République Tchèque 1-6 (0-2, 0-1, 1-3)
Mardi 7 septembre 2004 à 19h00 au Globen de Stockholm. 11957 spectateurs.
Arbitrage de Marc Joanette et Don Koharski (CAN) assisté de Greg Devorski et Brad Lazarowich (CAN).
Pénalités : Suède 4' (2', 0', 2'), République Tchèque 8' (2', 2', 4').
Tirs : Suède 18 (4, 7, 7), République Tchèque 32 (11, 9, 12).

Évolution du score :
0-1 à 06'16" : Straka assisté de Prospal
0-2 à 13'30" : Havlát assisté d'Eliáš
0-3 à 36'08" : Zidlický assisté de Straka
0-4 à 48'17" : Dvorák assisté de Cajánek (inf. num.)
0-5 à 54'37" : Hejduk assisté de Zidlický
1-5 à 56'29" : Holmström assisté de Näslund (sup. num.)
1-6 à 58'15" : Hejduk assisté de Cajánek
 

Suède

Attaquants :
Fredrik Modin - Mats Sundin (C) - Daniel Alfredsson
Peter Forsberg - Jörgen Jönsson - Markus Näslund
Per-Johan Axelsson - Henrik Zetterberg - Andreas Johansson (2')
Marcus Nilson - Samuel Påhlsson (2') - Tomas Holmström

Défenseurs :
Nicklas Lidström - Kim Johnsson
Mattias Norström - Marcus Ragnarsson
Mattias Öhlund - Dick Tärnström

Gardien :
Mikael Tellqvist

Remplaçant : Tommy Salo (G). Réservistes : Daniel Tjärnqvist, Christian Bäckman, Henrik Sedin, Daniel Sedin, Nils Ekman et Henrik Lundqvist (G).

République Tchèque (2' pour surnombre)

Attaquants :
Martin Straka - Václav Prospal - Jaromír Jágr
Patrik Eliáš (2') - David Výborný - Martin Havlát
Martin Rucinský - Milan Hejduk - Petr Cajánek
Radek Dvorák - Jirí Dopita - Robert Reichel (C)

Défenseurs :
Jirí Fischer - Marek Zidlický (2')
Tomáš Kaberle - Jaroslav Špacek
Román Hamrlik - Marek Malík (2')

Gardien :
Tomáš Vokoun

Remplaçant : Román Cechmánek (G).Réservistes : Jirí Šlégr (blessé à la cuisse, commente le match à la télévision tchèque), Petr Sýkora, Tomáš Vlasák, Josef Vašícek, Martin Škoula et Petr Briza (G).

 

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