Spartak Moscou - Ak Bars Kazan (27 septembre 2004)

 

Match comptant pour la onzième journée de la Superliga russe 2004/05.

Le deuil. Le Spartak est en deuil ce soir. Le matin même, le club a appris le décès, suite à ses blessures, de son attaquant Anatoli Oustiougov. Agressé la semaine dernière par un ou des inconnus alors qu'il rentrait chez lui, dans le nord de Moscou, le joueur de 27 ans, arrivé en début de saison au Spartak, n'a pu être ramené à la vie par les médecins. En sa mémoire, une minute de silence précède la rencontre et ses coéquipiers jouent avec un brassard noir.

Au-delà de l'effroi suscité par ce drame (le pauvre a baigné dans son sang gisant sur le trottoir durant toute une nuit avant qu'un passant ne le découvre), c'est "l'affaire" Kovaltchouk qui déchaîne les passions ! Ilya Kovaltchouk, la merveille du hockey russe, n'a pas "profité" du lock-out outre-Atlantique pour revenir dans le club qui l'a vu "naître", soit, justement, le Spartak de Moscou. Non, la star d'Atlanta a préféré les "roubles tatars" et signer chez les riches de Kazan. Du coup, la polémique a enflé toute la semaine, bien relayée par la presse russe qui aime bien cela, pour son tirage. Déjà oubliée l'affaire Kovalenko, voilà le cas Kovaltchouk. Avec cette question subsidiaire : que ferait le hockey russe sans ses "Ukrainiens" ? Kovalenko et Kovaltchouk étant des noms de famille typiquement ukrainiens...

Les supporters du Spartak eux ont leur opinion sur le degré de reconnaissance du prodige Kovaltchouk par rapport à son ancien club, ils le résument par un slogan sur une banderole : "Alors Ilya, t'as retrouvé ton club ?". Quoi qu'il en soit, Ilya sera bien sur la glace de Sokolniki ce soir, mais sous le maillot de Kazan, aux couleurs vertes et rouges du Tatarstan. Il sera sur la même ligne qu'un autre joueur en provenance de la LNH, Alexeï Morozov (Pittsburgh) dont personne ne parle à longueur de pages dans les journaux pour se demander pourquoi il n'est pas rentré dans son club formateur des Krylia Sovietov de Moscou. Et là je dis : "Alors, Locha (diminutif d'Alexeï), t'as retrouvé ton club ?" Comment ça, les Krylia Sovietov n'ont qu'à jouer en Superliga ! Pff...

En plus de cette grande affaire nationale au sujet de la reconnaissance du ventre des vedettes du hockey russe, ce match revêt une importance certaine pour les deux équipes. Le Spartak reste sur un derby totalement raté (et d'ailleurs perdu !) sur la glace du CSKA (7-0) et doit donc impérativement se remettre dans le sens de la marche. Quand à Kazan, le club sort de l'affaire (encore !) Vladimir Vujtek. L'entraîneur tchèque double champion avec le Lokomotiv était arrivé la saison passé avec comme mission de ramener le titre au Tatarstan. Lassé des pressions et des interférences du pouvoir politique de la République du Tatarstan qui gère pratiquement directement le club, le technicien tchèque a préféré jeter l'éponge et rentrer au pays. Pour faire l'intérim, on trouve sur le banc ce soir Sergueï Kotov, en attendant l'arrivée de l'actuel entraîneur national et ancien coach du Dynamo Moscou, le Tatar Zinetula Bilyaletdinov.

Un match attendu donc, mais visiblement plus par les journalistes que par le public. Sokolniki est presque vide, 1 500 spectateurs pour un pareil choc. Il faut dire que nous sommes lundi, qu'avec ce calendrier démentiel il y a un match tous les deux jours, que la télévision retransmet des rencontres tous les quarts d'heure et que le Spartak est en queue de classement.

Et en plus, il ne faut pas arriver en retard. Le match n'est commencé que depuis un peu plus d'une minute, lorsque le défenseur spartakiste Sergueï Zimakov se retrouve en prison. Et ça fait boum d'entrée. Un travail derrière la cage du "traître aux KS", puis une passe en retrait pour le "traître au Spartak" et cela fait 1-0 pour Ak Bars ! En clair, passe au millimètre d'Alexeï Morozov pour Ilya Kovaltchouk qui fusille le jeune Andreï Medvedev qui garde la cage spartakiste ce soir après sa belle prestation deux jours plus tôt au CSKA où il a été bien meilleur que le titulaire Alexeï Volkov qui s'était pris cinq buts.

Cela part bien ! Voilà Kovaltchouk, le centre d'intérêt de la rencontre, qui fait parler la poudre d'entrée. En signe de provocation, comme pour dire "Laissez-les parler sur mon compte, moi je marque", Ilya met son doigt sur ses lèvres pour faire "chut !". Le public n'apprécie pas vraiment...

Juste après ce but, le Spartak a l'occasion de répondre de la même manière suite à une pénalité infligée à Vitali Iatchmenev (encore un joueur de talent formé à Chelyabinsk dans l'Oural). Mais les Rouges et Blancs du Spartak ne parviennent pas à troubler le gardien de Kazan, le Canadien Fred Brathwaite, arrivé à l'intersaison de la LNH (Columbus) mais pas à cause du lock-out. Mais les Spartakistes jouent bien ce soir, ils veulent vraiment se reprendre après la déroute au CSKA. Petit à petit, ils se remettent dans le match et finalement, à moins de deux minutes de la première pause, ils parviennent à leur fin en égalisant par Mikhaïl Ivanov. Un Moscovite qui entame sa troisième saison au Spartak après être passé par le Dynamo et les Krylia Sovietov. 1-1 à la pause, le Spartak a fait l'essentiel, rester à flot après la grosse vague Kovaltchouk du début.

D'ailleurs, le deuxième tiers est très équilibré. Le Spartak répond à chaque offensive venue du Tatarstan et le jeune gardien Andreï Medvedev (21 ans) a autant de répondant que son expérimenté vis-à-vis Fred Brathwaite (32 ans). La différence se fait une fois encore sur les prisons... et le talent d'un certain I.K. À quatre contre quatre, il ne se passe rien (Dimitri Chandourov pour le Spartak et Enver Lissine pour Ak Bars partant sur le banc d'infamie à la 26eme), à cinq contre quatre non plus (Vladimir Motchalov pour le Spartak emprisonné à la 33eme) mais à quatre contre quatre en revanche cela va faire tilt. C'est d'abord le tatar Alexandre Tcherbaiev qui est pénalisé (37eme), avant d'être rejoint par le Spartakiste Andreï Samokhvalov quelques secondes plus tard. Cela suffit au premier bloc de Kazan. Alexeï Morozov lance sur orbite Ilya Kovaltchouk qui file comme une flèche, ajuste Medvedev et trouve même le temps d'éviter le gardien moscovite en lui sautant par-dessus. Et revoilà Ilya qui fait chut avec son doigt. Ce soir, c'est Ilya Kovaltchut ! Le public n'aime toujours pas... En tout cas, cela fait 1-2 à la seconde pause.

Mais, on vous l'a dit, ce soir le Spartak n'abdique pas. Ce n'est pas dans la tradition de ce club à l'histoire prestigieuse. Petit à petit on sent que les locaux sont en train de prendre le pouvoir dans ce match. Les Rouges et Blancs se font de plus en plus pressants et Ak Bars est progressivement mis sous l'éteignoir. Cela se confirme d'ailleurs rapidement. Une fois encore, Mikhaïl Ivanov qui se charge de la besogne en battant de près Fred Brathwaite pour l'égalisation. Et ce n'est pas terminé. Le défenseur international Alexandre Gouskov lève sa crosse un peu trop haut et prend deux minutes, mais comme le joueur adverse saigne, il en prend deux autres. Et qui ressurgit de sa boîte ? Mikhaïl Ivanov pardi ! L'attaquant moscovite expérimenté (33 ans) est idéalement placé en face de la cage tatare pour lancer un tir puissant qui permet à son équipe de mener pour la première fois dans la partie à six minutes de la fin. Et en plus en toute logique. Il va falloir se secouer chez les Tatars, car perdre chez un promu quand on vise le titre...

Kazan a l'occasion de revenir lorsque l'arbitre envoie le Tchèque Tomas Zizka en prison également pour un coup de crosse. Le capitaine de Kazan, Vadim Epantchintsev, se pince bien le nez pour voir si un filet de sang, même maigre, n'en sortirait pas et récupérer ainsi une deuxième pénalité... En vain, son nez est sec.

Le Spartak se recroqueville en défense. Ak Bars se jette dans la mêlée. Les Tatars sortent même leur gardien dans la dernière minute, mais rien ne passe. Le Spartak tiens à sa réputation de tombeur de gros. Après sa victoire chez le champion Omsk, le 13 septembre (5-1), c'est donc un autre favori qui est terrassé par les hommes de Sergueï Chepelev. Des joueurs qui peuvent dédier cette précieuse victoire à leur camarade disparu le matin même.

Quant à "l'affaire" Kovaltchouk, le quotidien Sport Express résume d'un titre ironique : "Kovaltchouk marque deux buts en silence... Ivanov en marque trois à la manière Kovaltchouk !" Ce dernier interrogé sur le changement d'entraîneur à Kazan déclare "Ce n'est pas mon affaire...". C'est vrai que pas grand-chose ne semble être son affaire... à part les roubles tatars.

Meilleurs joueurs du match selon Sport-Express : Ivanov (Spartak), Kovaltchouk (Ak Bars), Chandourov (Spartak).

Compte-rendu signé Bruno Cadène

  

Spartak Moscou - Ak Bars Kazan 3-2 (1-1, 0-1, 2-0)

Lundi 27 septembre 2004 à 19h00 au palais des sports Sokolniki, Moscou. 1500 spectateurs.

Arbitrage de M. Feofanov (Moscou).

Pénalités : Spartak 10', Kazan 14'.

Tirs : Spartak 29 (10, 9, 10), Kazan 26 (9, 9, 8).

Évolution du score :

0-1 à 02'51" : Kovalchuk assisté de Morozov et Zinoviev (sup. num.)

1-1 à 18'19" : Ivanov assisté de Shandurov

1-2 à 38'27" : Kovalchuk assisté de Morozov

2-2 à 46'23" : Ivanov assisté de Shandurov

3-2 à 54'04" : Ivanov assisté de Shandurov (sup. num.)

 

Spartak Moscou

Gardien : Andreï Medvedev.

Défenseurs : Sergueï Zimakov - Tomas Zizka (TCH) ; Evgueni Shaldybin - Sergueï Reshchetnikov (c) ; Andreï Lopatin - Alekseï Komarov ; Vladimir Korsunov - Mikhaïl Donika.

Attaquants : Andreï Samokhvalov - Igor Shevtsov - Dmitri Leonov ; Ruslan Zaïnullin - Dmitri Semin - Dmitri Obukhov ; Mikhaïl Ivanov - Aigars Cipruss (LET) - Dmitri Shandurov ; Vladimir Mochalov - Martin Strba (TCH) - Anton Nosov.

Remplaçant : Alekseï Volkov (G).

Ak Bars Kazan

Gardien : Fred Brathwaite (CAN), sorti de sa cage à 58'50".

Défenseurs : Denis Denissov - Aleksandr Guskov ; Dmitri Balmin - Vitali Proshkin ; Konstantin Korneïev - Sergueï Klimentiev (UKR) ; Andreï Pervyshin.

Attaquants : Alekseï Morozov - Sergueï Zinoviev - Ilya Kovalchuk ; Aleksandr Cherbaïev - Vadim Epanchintsev - Vitali Yachmenev ; Aleksandr Drozdetski - Denis Arkhipov - Denis Platonov ; Danis Zaripov - Evgueni Fedorov - Enver Lisin.

 

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