Clermont-Ferrand - Villard-de-Lans (2 octobre 2004)

 

Match comptant pour la cinquième journée de Ligue Magnus.

La mémoire et l'oubli

Depuis un certain soir d'avril 1999, les Clermont-Villard gardent une saveur particulière. Dire qu'il y avait 2 200 personnes cette fameuse nuit où Clermont conquit son seul titre seniors ! Oh, ce n'était qu'un titre de Nationale 1, mais il fut fêté en Auvergne comme un suprême couronnement national. Dans la ville qui s'adosse à la chaîne des Puys, les Sangliers arvernes firent la une des journaux locaux, comme de véritables champions de France. Dans les conversations, leur nom fut de plus en plus souvent prononcé, toujours avec fierté, et il devint, pour quelques mois du moins, aussi naturel d'évoquer le hockey que le rugby ou le football. Qu'importe qu'il y eût une division au-dessus de la Nationale 1, l'immense majorité des Auvergnats ignoraient jusqu'à l'existence même de l'Elite. On intronisa au panthéon sportif local ces drôles d'animaux, rappelant confusément les banquets d'Astérix et les combats de Vercingétorix. Ils rejoignirent ainsi les rugbymen montferrandais, les footeux du Clermont-Foot-Auvergne, et les volleyeuses de Riom. Ah ! Que de souvenirs !

Mais, cinq ans plus tard, combien de personnes, ce soir d'octobre brumeux, pour partager avec moi le souffle grisant de l'épopée clermontoise ? Et combien de fidèles pour apprécier à sa juste valeur le délice périlleux d'une présence en Ligue Magnus, et pour la préférer à la routine anesthésiante de feue la Nationale 1 ?

Bien peu à l'évidence. Les spectateurs de la patinoire Clermont-Communauté donnent, depuis le début de la saison, l'étrange impression d'attendre de l'équipe locale qu'elle accroche impérialement les écuries les plus monstrueuses. Ils sont si nombreux ceux qui grommellent et se plaignent de l'inconsistance du jeu développé par l'équipe locale...

"Le hockey français n'a pas de mémoire" se plaint Marc Branchu. À Clermont, le hockey a bien une mémoire, mais celle-ci est atrophiée. Le souvenir vague d'une gloire passée a tout recouvert. Le titre de 1999 est partout, pesant, mais, dans les esprits, il est un fantôme qui se glisse toujours hors d'atteinte : l'année même du titre est à beaucoup inconnue.

Le souvenir flou est peut-être pire que l'oubli : il déforme, hypertrophie ici, oblitère là... Résultat : cette ambiance, tiède jusqu'à la nausée, qui règne dans les tribunes de Clermont-Communauté, ces gestes d'énervement des supporteurs locaux, cette absence de soutien constant, bref, ce silence, pesant pour tous, qui donne un goût amer aux soirées de hockey clermontoises.

Cependant, ce soir, miracle, quelqu'un s'est souvenu. "Villard-de-Lans"... Ce nom a encore une sonorité familière aux oreilles auvergnates.

Est-ce le club qui a donné des instructions ? Certains joueurs de l'époque ? Un quelconque Marc Branchu local ? Toujours est-il qu'une trentaine d'adolescents ont été mobilisés pour faire du bruit en haut de tribune. Et ça marche. 550 personnes, c'est peu, et les souvenirs des campagnes de Nationale 1, parfois menées devant 1 250 spectateurs de moyenne, planent encore sur les tribunes de la patinoire de Clermont-Communauté, mais c'est assez pour mettre le feu. Les adolescents sont renforcés par le kop embryonnaire qui avait animé, dans l'indifférence du reste du public, les deux premiers matchs à domicile. Et ça donne la meilleure ambiance observée à Clermont-Communauté en saison régulière depuis de longues années.

Révoltés

Et sur la glace, les joueurs clermontois semblent sentir le soutien qui descend des tribunes. Il faut dire qu'ils viennent d'accrocher sérieusement les mythiques Gothiques dans leur antique Coliséum (défaite 4-2), et qu'ils sont bien décidés à concrétiser leur regain de forme. Un jeune défenseur, fraîchement débarqué d'Extraliga slovaque, se fait rapidement remarquer pour son deuxième match sous ses nouvelles couleurs. Andrej Mrena ne se pose pas de question et ouvre le score d'un tir puissant sur sa première occasion, faisant fructifier un raid audacieux de Jean-Michel Bortino. Trois minutes plus tard, les deux capitaines-courage, Nilly et Roux, convertissent une supériorité numérique, celui-ci sert celui-là, qui lance à mi-distance, et ça fait 2-0. Pour un peu, la grave blessure de Frédéric Brodin, dont l'annonce à l'orée du match avait fait l'effet d'un coup de tonnerre, passerait inaperçue (à propos d'absence inaperçue, notons ici la grande première - sur le banc - du troisième gardien clermontois Camille Vigier, 18 ans, qui vient pallier la blessure de Fabien Chardon à l'entraînement).

Le début de match clermontois est tonitruant. Villard domine pourtant largement dans tous les domaines de la maîtrise technique, mais les absences de Roh, Billieras, Bourgey et Reid paraissent bloquer l'inspiration des présents. Et puis, il y a Radek Lukes, encore lui, encore impeccable. C'est bien autour de lui qu'est construite l'équipe clermontoise. Et puis l'autre pôle du CAHC cette année, c'est Luc Mazerolle, capable de créer le danger lorsque l'équipe adverse s'endort sur une nette domination. Pour la première fois de la saison, l'équipe auvergnate, encore surclassée ce soir, semble quand même assez solide dans son organisation pour plier mais ne pas rompre. Cependant, un certain Luc Tardif Jr est décidé à étrenner son nouveau maillot dans d'honorables conditions. Pour son deuxième passage cette saison en Auvergne (il était déjà venu avec les Scorpions de Mulhouse début septembre), le jeune transfuge alsacien marque en fin de tiers et remet sa nouvelle équipe sur les rails.

Le début du deuxième tiers-temps voit les Ours du Vercors attaquer pied au plancher. La récompense est quasi-immédiate : Damien Chalons vient prendre le rebond de Pierrick Bazin (d'ailleurs passé par Clermont il y a deux ans) pour égaliser. À partir de cet instant, la domination iséroise se fait moins nette. Le jeu se poursuit sur un rythme alerte mais non dénué de déchets, jusqu'à cette faute (retenir) du défenseur Stéphane Guillot-Diat, qui va coûter cher aux Villardiens. Les Clermontois ont probablement travaillé les supériorités numériques à l'entraînement suite aux fiascos à répétition qu'ils se sont vus infligés dans cette configuration sur leurs premières sorties de la saison... Pourtant, cela ne se voit pas, a priori : le jeu de puissance ne s'installe toujours pas, les gardiens adverses traversent sans encombre un désert de tirs. Sauf que ce soir, Alexis Billard avait de la chance. Oh, la partie du jeune ailier droit fut quand même dans l'ensemble très satisfaisante, à la hauteur de ce qu'il lui était demandé, sur la première ligne où il a été promu ce soir au côté de Kelley et Mazerolle. D'ailleurs, depuis le savon que lui a passé Nilly, en public, lors de la rencontre face à Dijon, l'ancien Bisontin semble prendre une nouvelle dimension. Cependant, ce soir, sur ce tir précisément, il faut bien parler de chance. Situation : lors de la supériorité numérique sus-mentionnée, le palet est dans les crosses clermontoises, dans la zone d'attaque. Billard est décalé par Mrena sur le côté droit, à hauteur du point d'engagement. Le joueur formé à Rouen contrôle la rondelle puis décoche un slapshot de faible puissance. Favarin est surpris, le tir est en tout cas bien placé, la rondelle glisse entre les bottes du gardien des Ours, et entre très lentement dans la cage villardienne. Alexis Billard vient de marquer son premier but sous les couleurs auvergnates, alors qu'il évolue au club depuis septembre 2003... Son tir victorieux est fêté comme un titre par ses coéquipiers, qui le portent en triomphe. Il y beaucoup de fraternité mais aussi un peu d'humour dans cette équipe clermontoise.

Mouly comme un bleu... d'Auvergne

Le reste du tiers est haletant. Malgré le niveau technique des deux formations laissant à désirer, il y a de l'électricité, de la tension, entre elles. Et c'est beau à voir. Villard domine nettement, Clermont apparaît à nouveau bien fragile, mais résiste avec vaillance.

Au retour des vestiaires pour la troisième période, Nicolas Nogaretto remplace Favarin devant les cages villardiennes, alternance probablement souhaitée par Dennis Murphy. Tout au long de cette dernière période, et au fil des minutes, la pression des Ours se fait plus forte. Dans les tribunes, on a senti que la victoire relevait maintenant du domaine mental, et on donne de la voix pour garder cette si précieuse avance d'un but. L'ambiance est là. Avec des supporteurs soudainement bouillants, qui n'attendaient que ce moment pour donner de la voix, la fin de match se déroule sous des chants réguliers, ce qui était devenu bien rare dans le glaçon clermontois. Les Villardiens commettent trop de fautes et gâchent leur supériorité technique par une fâcheuse indiscipline. Les dix dernières minutes voient les deux équipes livrer tout ce qu'elles ont. À deux minutes de la fin, au sortir d'une pénalité contre Villard, William Mouly se fait encore remarquer pour une faute stupide, qui laisse son équipe en infériorité jusqu'à la fin du match (çui-là, alors, boudiou ! Bah, p't'êt' qu'avé l'temps, y s'bonifiera, comme un bon fromache deu par cheu nous zôtes !). Mais les Sangliers arvernes, bien regroupés autour de Lukes résistent à Metro and co, et arrachent leur premier succès de la saison.

Mention spéciale à Andrej Mrena qui, à vingt-trois ans, a déjà une cinquantaine de matchs en Extraliga slovaque à son actif. S'il ne présente pas le CV de quelques autres stars de la Ligue Magnus, c'est peut-être à cause de son âge. En tout cas, il représente un renfort de poids pour la défense clermontoise. Il semble capable d'endosser le rôle de remplaçant de Frédéric Brodin. Ce dernier, annoncé comme le messie par la presse locale, avait montré une grande assurance sur la glace et une capacité d'adaptation hors du commun. Réputé pour son jeu dur à Amiens, il n'avait récolté sur les quatre matchs disputés aucune prison, malgré le temps de glace énorme dont il bénéficie. Cette première victoire clermontoise arrive pile au bon moment pour montrer que, même privée de sa meilleure recrue, Clermont est capable d'arracher une belle victoire sur son glaçon.

Même si le succès clermontois doit avant tout être attribué à Radek Lukes, il y a eu un énorme et salutaire travail d'équipe ce soir, un bon Mazerolle devant, et un Billard buteur, c'est une nouveauté, sur la première ligne.

À Villard, les racines de l'échec sont à trouver dans le match moyen des Favarin, Metro et de tous les rouages essentiels de l'équipe, un peu grippés ce soir. À l'opposé, les raisons d'espérer s'appellent Tardif, Nogaretto ou encore Chalons et Bazin.

Compte-rendu signé Jocelyn

 

Clermont-Ferrand - Villard-de-Lans 3-2 (2-1, 1-1, 0-0)

Samedi 2 octobre 2004 à 20h00 à la patinoire de Clermont-Communauté à 20h00. 550 spectateurs.

Arbitrage de Didier Bocquet assisté de Thibaud Juret et Jean-Charles Llorca.

Pénalités : Clermont 12' (2', 6', 4'), Villard-de-Lans 14' (4', 4', 6').

Evolution du score :

1-0 à 02'37" : Mrena assisté de Bortino

2-0 à 06'06" : Nilly assisté de Roux (sup. num.)

2-1 à 16'04" : Tardif Jr assisté de Goncalves

2-2 à 22'50" : Chalons assisté de Bazin

3-2 à 28'49" : Billard assisté de Mrena (sup. num.)

 

Clermont-Ferrand

Gardien : Radek Lukes.

Défenseurs : François Martin - Carl Michaelson ; Andrej Mrena - Lionel Simon ; David Sarliève - Yann Lecompère.

Attaquants : Luc Mazerolle - Paul Kelley - Alexis Billard ; Frédéric Nilly (C) - Christophe Roux (A) - William Mouly ; Jean-Michel Bortino - Martin Jeannette - Cyril Gavalda.

Remplaçants : Camille Vigier (G), Laurent Ballet, Cyrille Gaby, Paul Mottet. Absents : Fabien Chardon (blessure à l'entraînement), Frédéric Brodin (blessé pour la saison, rupture des ligaments).

Villard-de-Lans

Gardien : Pascal Favarin puis Nicolas Nogaretto à 40'00".

Défenseurs : Sami Siltavirta - Jean-Marc Girard ; Mathieu Guidoux - Stéphane Guillot-Diat ; Christopher Lepers - Roland Fougère.

Attaquants : Xavier De Murcia - Jamie Herrington - Christophe Negro (C) ; Luc Tardif Jr - Alexandre Goncalves - Rich Metro ; Damien Chalons - James Cruz - Pierrick Bazin.

Remplaçants : Fabrice Gornisecz, Mathieu Denise, Jonathan Eynaud. Absents : Pierre Bourgey (blessure), Jarret Reid (adducteurs), Franck Billieras (déchirure à la cuisse), Martin Roh (blessure).

 

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