Briançon - Rouen (28 février 2005)

 

Finale de coupe de France 2005.

Méribel... La patinoire du tournoi de hockey des Jeux Olympiques d'Albertville, des exploits de l'équipe de France et notamment du jeune Stéphane Barin, salué ce soir par une cérémonie d'avant-match. Le lieu de cette finale nous replonge treize ans en arrière, en 1992, justement l'année où les Diables Rouges étaient pour la dernière fois en position de remporter un titre, avant que la liquidation judiciaire ne les plonge en enfer. Il n'y a pas meilleure patinoire, donc, pour accueillir le retour au sommet de Briançon. Sept cents de leurs supporters ont fait le déplacement, et les Alpes sont teintées de rouge ce soir pour voir un de leurs clubs imiter Villard-de-Lans il y a deux ans et étoffer son palmarès d'un second titre majeur. Car en 1992, Briançon avait gagné la Coupe des As en battant en finale... Rouen.

Entre les Briançonnais, qui possèdent avec leur futur adversaire en play-offs Mulhouse l'attaque la plus impressionnante de la Ligue Magnus, et les Rouennais, qui ont dans leurs rangs les meilleurs arrières, mais majoritairement des défenseurs offensifs, on peut s'attendre à un beau match. Et ça part effectivement très vite et très fort.

Guy Fournier avait annoncé que Besse, légèrement blessé à mi-match à Morzine, pourrait s'ajouter à Broz dans la liste des forfaits, et que Nicolas Besch pourrait passer à l'avant pour compenser son absence. Et effectivement, celui-ci se présente sur la glace en lieu et place de l'autre jeune international Bellemare, sur un troisième bloc aligné en premier. Sauf que Guillaume Besse prend normalement sa place sur la présence suivante. À l'évidence, le staff rouennais a eu l'intention d'entamer une partie de bluff... et il rafle la mise ! Besse passe de derrière la cage à Adrien Dufournet qui fusille Beaubien (0-1 à 01'07"). Cette finale part sur des bases folles, puisque Briançon repart aussitôt à l'attaque et que Julien Desrosiers, le roi actuel des buteurs, prend un rebond victorieux (1-1 à 02'17"). Après quatre minutes de jeu, le dernier défenseur Kramny empêche Arnaud Briand parti seul à la cage de tirer. Kimmo Salminen transforme le tir de pénalité entre les jambières de Beaubien (1-2 à 04'11"). Trois buts en moins de cinq minutes ! Les joueurs se sont-ils trompés de date ? Le match des étoiles, c'était pourtant la semaine dernière...

Les Dragons se retrouvent bientôt à trois : Pourtanel est envoyé en prison pour un dégagement en tribune (04'36"), et Besse le rejoint après un cinglage sur le poignet de Terglav (04'59"). On ne peut pas dire que les gardiens aient été à la fête jusque là, mais au cours de cette double infériorité numérique, Éric Raymond est le premier à réussir un gros arrêt, un réflexe de la mitaine face au joueur de NHL Mark Rycroft, parfaitement décalé, qui croyait sans doute déjà au but tout fait dans la cage ouverte. C'est ensuite au tour de son compatriote Frédérik Beaubien d'être sollicité pendant une forte période de domination rouennaise. Et il s'incline finalement de façon inattendue sur un lancer-réflexe masqué de Pierre-Édouard Bellemare en angle fermé (1-3 à 15'56"). Briançon a l'opportunité de revenir grâce à une pénalité de Besch, surtout quand Orsolini intercepte un dégagement en excellente position dans l'enclave, mais Raymond fait l'arrêt.

Le deuxième tiers-temps s'ouvre par une situation de deux contre un pour Paré et Lemoine. Le centre canadien choisit le dribble mais ne parvient pas à tromper Beaubien avec son revers. Le jeu devient ensuite brièvement plus fermé, les Briançonnais ont alors du mal à sortir de leur zone, mais ils font sauter les verrous un à un. La zone neutre non plus ne reste pas cadenassée bien longtemps par les Rouennais. Un débordement de Rycroft donne l'impulsion, et après cette action personnelle, la pression rouge se fait de plus en plus forte. La ligne bleue normande devient poreuse et les Dragons sont sauvés par leur poteau pour la seconde fois de la soirée. Peu avant la mi-match, Edo Terglav feinte un tir et parvient à duper les défenseurs et le gardien. Le Slovène sert alors parfaitement son capitaine Éric Blais qui conclut dans les filets déserts (2-3 à 28'37").

La tactique n'aura pas pris le dessus très longtemps, les espaces s'ouvrent à nouveau, et on a droit à des actions des plus insolites. On voit même Bellemare envoyer Paré en deux contre un grâce à une... passe du casque. Néanmoins, la défense normande n'est pas à son aise, et Robitaille et Raymond s'embrouillent lorsque le défenseur veut ramener le palet vers son gardien après un travail de Lionel Orsolini derrière la cage. Les Rouennais tuent une nouvelle pénalité de Pourtanel et sont encore dangereux en contre, avec Stéphane Robitaille qui contourne Vandecandelaere couché et provoque des rebonds intéressants, ou encore avec Kimmo Salminen qui échoue à deux reprises sur Beaubien à bout portant, d'abord sur un centre de Karjalainen puis sur un palet perdu dans sa zone défensive par Filip. Le public de Méribel et de Sport+ se régale de ce hockey spectaculaire et débridé, où les occasions s'enchaînent. Briand est pénalisé pour une obstruction en zone offensive, mais l'inefficacité en supériorité numérique fait la différence en défaveur de Briançon pour l'instant.

Rouen peut se penser supérieur en jeu de puissance, et a donc l'occasion de faire le break après une charge à la tête de Pousset en début de troisième période... Tout au contraire, dans les dernières secondes de la supériorité, Daniel Carlsson mal inspiré relance dans l'axe en zone neutre, Jodoin intercepte alors et lance Cyril Trabichet qui tire une première fois et prend son propre rebond, derrière la ligne de but, pour marquer en renard via le patin de Raymond (3-3 à 45'34"). Briançon a le vent en poupe, les Rouennais sont maintenant fébriles, et Carlsson commet une autre relance du même genre. Certes Jodoin fait trébucher Robitaille, mais les Diables Rouges tuent de nouveau la pénalité. Dans ces minutes difficiles, le sauveur normand s'appelle Éric Raymond, qui s'interpose à bout portant face au jeune Sébastien Rohat. Les maladresses et pertes de palet se font plus fréquentes, la tension est perceptible, et le RHE est tout sauf serein. Toute la technique de plongeon de Martin Filip ne suffit pas à faire siffler M. Bachelet une première fois, mais la seconde est la bonne, la faute de Briand étant réelle ce coup-ci.

Cette pénalité peut être décisive à une minute et demie de la sirène, mais c'est Guillaume Besse (qui ne joue pas, rappelons-le...) qui s'échappe en infériorité, et Tomas Divisek se jette dans ses patins. Le tir de pénalité est indiscutable. Kimmo Salminen s'élance une seconde fois face à Beaubien. Le gardien canadien ne veut pas d'un deuxième palet entre ses jambières, et il ouvre donc la voie au Finlandais côté plaque (3-4 à 58'44").

Guy Fournier, accoutré comme s'il partait pêcher la truite, exulte sous son bob. En face, Luciano Basile, tiré à quatre épingles, a le masque malgré son beau costard. Cela ne plairait sans doute pas à un Larry Huras, très exigeant en matière vestimentaire envers ses confrères, mais les pouilleux ont gagné ce soir. Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences, car ils avaient sans doute plus d'un tour caché dans les manches...

À peine Salminen a-t-il marqué que des cannettes, des bouteilles plastiques et même un cône de chantier volent. Les débris jonchant la glace ne manqueront évidemment pas d'aider la promotion télévisuelle du hockey français. L'année prochaine, si les Rennais posent de nouveau leur candidature pour organiser la finale, ils pourront rajouter dans leur dossier leur avantage géographique, en arguant que les supporters briançonnais n'amèneront sans doute pas leurs accessoires jusqu'en Bretagne...

Orsolini, Filip et Kramny ont déjà pris des méconduites de match. Et pourtant, les Briançonnais n'ont pas encore perdu, d'autant que Briand est toujours en prison. Beaubien peut sortir pour porter le surnombre, mais du fait de l'infériorité, Rouen a l'avantage de pouvoir dégager sans compter et sans se poser de questions. La rencontre s'achève donc sur ce score. Trabichet prend lui aussi une méconduite de match, et Maillot un retrait de licence. Attendons de savoir ce qu'il adviendra de Pousset, qui s'est rué sur l'arbitre après la sirène, avant d'être raisonné par des coéquipiers. Ambigu, Luciano Basile a ramené un moment ses joueurs à la raison, mais est également allé dire ses quatre vérités à l'arbitre. Les Briançonnais, qui ont réalisé une grande finale pendant cinquante-huit minutes, se sont desservis en n'acceptant pas un résultat qui fait partie du jeu et en trouvant un classique bouc émissaire rayé. La Coupe de France et le parcours des Diables Rouges méritaient un meilleur épilogue.

En levant la coupe dans un climat hostile, Guillaume Besse pourrait presque se croire dans son Coliséum chéri. Rouen remporte sa troisième Coupe de France en quatre ans. Et pendant que les meilleurs défenseurs rouennais bafouillaient par moments leur hockey, le leader offensif Kimmo Salminen, première étoile du match mercredi dernier au "All Star Game", a encore fait étalage de toute sa classe. Il n'a pas marqué dans le jeu malgré plusieurs occasions franches, mais quand il a été lancé dans ses deux tirs de pénalité, il n'a laissé aucune chance à Beaubien.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match (au micro de Sport+)

Guy Fournier (entraîneur de Rouen) : "C'est dommage que l'émotion ait pris le dessus sur la fin. Mais je suis très content. Cette semaine a été très dure physiquement, il y a des joueurs qui ont fait cinq matches en sept jours, et ils ont tout donné. Cette Coupe de France nous a fait beaucoup de bien l'an dernier, et même si nous sommes pas mal axés sur le championnat, même si nous sommes éprouvés physiquement, nous sommes allées la chercher."

Arnaud Briand (attaquant de Rouen) : "On était cuits, mais on s'est serré les coudes, et Éric Raymond a encore fait un très gros match. Ils ont fait un gros match, et sur beaucoup de choses, ils nous ont peut-être dominés, mais la coupe est pour nous."

 

Briançon - Rouen 3-4 (1-3, 1-0, 1-1)

Lundi 28 février 2005 à 20h30 à la patinoire olympique de Méribel. 2225 spectateurs.

Arbitrage de Frédéric Bachelet assisté de Damien Bliek et Damien Velay.

Pénalités : Briançon 155' (6', 0', 4'+10'+10'+20'+20'+20'+20'+20'+25'), Rouen 12' (6', 4', 2').

Tirs : Briançon 42 (16, 16, 10), Rouen 38 (13, 15, 10).

Engagements : Briançon 38 (14, 13, 11), Rouen 33 (14, 9, 10).

Évolution du score :

0-1 à 01'07" : Dufournet assisté de Besse et Lemoine

1-1 à 02'17" : Desrosiers assisté de Trabichet

1-2 à 04'11" : Salminen (tir de pénalité)

1-3 à 15'56" : Bellemare assisté de Paré et Besse

2-3 à 28'37" : Blais assisté de Terglav et Desrosiers

3-3 à 45'34" : Trabichet (inf. num.)

3-4 à 58'44" : Salminen (tir de pénalité)

 

Briançon

Gardien : Frédérik Beaubien (sorti de sa cage à 58'50").

Défenseurs : Michal Divisek - Tomas Kramny ; Jean-François Jodoin (A) - Frédéric Borgnet ; Nicolas Pousset - Olivier Vandecandelaere.

Attaquants : Éric Blais (C) - Martin Filip - Edo Terglav ; Cyril Trabichet - Julien Desrosiers - Mark Rycroft ; Cédric Boldron (A) - Arnaud Blanchard - Lionel Orsolini ; Yannick Maillot - Sébastien Rohat.

Remplaçant : Sébastien Muret (G). Absents : Jasmin Gélinas (commotion cérébrale), Gary Levêque (genou).

Rouen

Gardien : Éric Raymond.

Défenseurs : Jonas Elofsson - Nicolas Besch ; Stéphane Robitaille - Benoît Quessandier ; Daniel Carlsson - Benoît Pourtanel.

Attaquants : Kimmo Salminen - Arnaud Briand - Sami Karjalainen ; Adrien Dufournet - Guillaume Besse - Tristan Lemoine ; Alexandre Lefebvre - Jean-Philippe Paré - Pierre-Édouard Bellemare.

Remplaçants : Stéphane Burnet (G), Simon Doreille. Absent : Ludek Broz.

 

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