Ak Bars Kazan - Lokomotiv Yaroslavl (19 mars 2005)

 

Quart de finale de la Superliga russe 2004/05, deuxième manche.

Quelle surprise ! Hier lors de la première manche des quarts de finale, Ak Bars Kazan a été défait dans sa patinoire par l'ancien champion de Russie, le Lokomotiv Iaroslavl, qui avait perdu son titre l'an passé au profit de l'Avangard Omsk. Une victoire 2-1 des visiteurs qui a plongé le Tatarstan dans un abîme de perplexité. Comment l'équipe la plus riche du pays - et certainement du monde en l'absence de la LNH cette saison - a-t-elle pu rater son entrée en matière dans les play-offs. Déjà que la sélection mondiale, comme on l'appelle en Russie, n'a pu faire mieux que quatrième de la saison régulière, ce qui n'est pas top du point de vue du rapport qualité-prix. Mais comme l'on dit que ce sont les play-offs de vérité, l'on va bien voir...

Et ce que l'on voit dans un premier temps, c'est une patinoire de Kazan archi-comble et une glace où il faut chercher un centimètre carré de blanc au milieu de la foule de sponsors qui recouvrent la dalle. Et bien en évidence sur la glace, les annonces des célébrations du millième anniversaire de la création de Kazan qui "justifient" les somptueuses dépenses du gouvernement de la République du Tatarstan pour son "cher" Ak Bars...

Ce sont pourtant les visiteurs (une fois encore soutenus par de nombreux supporters venus depuis Iaroslavl... C'est loin !) qui mettent le feu en premier. Un tir dangereux d'Anton Bout, dès la première minute, mais sans réel danger pour Nikolai Khabibouline, le gardien de Tampa Bay à Kazan pendant la cessation des activités de la LNH. Mais les "Galactikov", ou "Galactikoulline" pour faire plus tatare, ne se laissent pas faire. Une belle passe en retrait de Dany Heatley est reprise instantanément et magistralement par son coéquipier d'Atlanta Viatcheslav Kozlov (arrivé en cours de saison de son club formateur de Voskresensk). Le tir en pleine lucarne de l'attaquant tatar est imparable pour le gardien canadien Marc Lamothe, et cela fait 1-0 (4'02).

Cela démarre bien ! Kazan met une pression terrible sur le Lokomotiv qui souffre. Alekseï Morozov tente même un tour de cage audacieux, mais Marc Lamothe veille. Une petite explication musclée entre Heatley et Riazantsev envoie les deux hommes en prison, mais le défenseur du Loko y reste deux minutes de plus que l'attaquant de Kazan. Ça tourne dans tous les sens dans la zone défensive de Iaroslavl, qui cependant ne cède pas et commence même à mettre un patin dehors à partir de la dixième minute.

Le Loko en profite même pour égaliser suite à une pénalité infligée à l'attaquant tatar Vadim Epantchintsev (formé au Spartak). Et c'est une star de LNH... mais de Iaroslavl qui égalise... Alekseï Iachine (New York Islanders), tout seul en embuscade au deuxième poteau comme on dit en foutchebole, n'a plus qu'a pousser la rondelle au fond, au fond, au fond de tes filets... Le Loko a profité de sa première occasion pour revenir au score, certes suite à un "oubli" de la défense de Kazan, mais suite également à une grosse pression sur cette supériorité numérique.

Mais les Tatars ne sont pas (encore...) battus. Deux minutes plus tard, un magnifique une-deux entre Alekseï Morozov et Sergueï Zinoviev se conclut par une superbe lucarne du revers de ce dernier. Quel but ! La tension monte d'un cran en fin de tiers. C'est d'abord Ivan Tkatchenko, le redoutable attaquant du Lokomotiv, qui écope de deux minutes pour avoir donné un coup de poing, alors qu'il avait été retenu auparavant, cette première faute n'ayant pas été sifflée par l'arbitre. Vingt secondes plus tard, l'attaquant local Kozlov et le défenseur visiteur Krassotkine échangent des amabilités qui les conduisent sur le banc d'infamie. Profitant du dégarnissement certain de l'arrière-garde du Lokomotiv, le Canadien Vincent Lecavalier (Tampa Bay) en profite pour donner deux buts d'avance à Ak Bars, d'un autre but incroyablement spectaculaire de derrière la cage. Même le ralenti de la télévision russe a du mal à saisir l'exploit du Québécois. 3-1 à la fin de la première période, la sélection mondiale du Tatarstan est bien partie pour prendre sa revanche de la veille.

Mais dès les premières secondes de la deuxième période, Ivan Tkatchenko sonne la charge du réveil de Iaroslavl. Une occasion en or, bien annihilée par Nikolaï Khabibouline. Mais ce n'est que partie remise. En deux minutes, le Loko revient dans le match. Artiom Krioukov est laissé absolument tout seul, sans opposition devant la cage de Kazan et n'a plus qu'à inscrire le deuxième but de son équipe. Cela fait deux fois que la défense locale dort. Peut-être pense-t-elle à la beauté romantique de la steppe tatare... Ivan Tkatchenko qui avait secoué le cocotier (au Tatarstan, des cocotiers ?) remet cela. Il est intenable dans ce tiers. Et petit à petit, cette furia va faire douter Kazan, qui est de moins en moins présent et qui fait des fautes (les renforts de NHL Kovalev, Lecavalier et Salei partent tour à tour en prison). Le problème, c'est que cela cafouille également sur le banc. Quarante secondes après la pénalité infligée à Salei, Ak Bars se prend deux minutes pour surnombre ! Comment dit-on "aïe" en tatar ? À peine Ruslan Salei libéré qu'Alekseï Iachine, encore lui, remet les deux équipes a égalité. Le Loko tente même de poursuivre en dominant largement les deux dernières minutes du tiers. Une période où Kazan a soudainement lâché alors que les locaux pensaient être à l'abri...

Ak Bars tente bien de reprendre les choses en main en tout début de tiers, profitant d'une pénalité infligée sur la sirène du tiers précédent à l'attaquant "cheminot" Dimitri Vlassenkov. Mais cela ne donne rien. Petit à petit, Ak Bars perd pied, les Tatars ne savent plus comment s'en sortir. Leurs réactions sont désorganisées et individuelles. Chaque vedette de l'équipe, et Allah sait s'il y en a dans l'équipe tatare, essaie de trouver la solution. Même deux pénalités de Denis Chvidkyi ne permettent pas à Kazan de prendre l'avantage. Encore plus terrible sur cette deuxième prison, le Lokomotiv inscrit lui son quatrième but ! Une passe lumineuse d'Alexei Iachine trouve la voie entre deux défenseurs tatars endormis et arrive dans la crosse de Nikolaï Antropov - l'attaquant du Kazakhstan qui a été viré par Ak Bars en cours de saison ! - qui file battre de près Nikolaï Khabibouline. 3-4 a cinq minutes de la fin. "Grosse catastrophe" déclare le commentateur de la chaîne Sport. Tu l'as dit ! En plus, humiliation suprême, ce but des visiteurs a quand même été inscrit en infériorité numérique.

Dans les cinq dernières minutes, les Tatars tentent bien le tout pour le tout, Ilia Kovaltchouk a même une belle occasion, mais tout cela manque de cohésion. La hargne et la détermination sont du côté des joueurs de Iaroslavl qui se jettent comme des morts de faim sur tous les palets. Marc Lamothe est parfait dans sa cage et Ak Bars s'éteint à petit feu. Les passes n'arrivent plus, Kazan est sans âme, sans révolte. C'est fini, Kazan a débuté ces quarts de finale de la pire des manières en s'inclinant par deux fois sur sa glace. Et désormais, il faut aller dans la magnifique patinoire de Iaroslavl avec le public le plus nombreux et l'un des plus chauds de Russie. "Bienvenue dans le monde réel" pourrait être la morale de cette histoire. Une équipe sur le papier n'a jamais donné obligatoirement une équipe sur la glace. Désormais, les talents incroyables qui composent cet effectif n'ont plus le choix. Est-ce dans ces conditions que l'on va enfin voir cette équipe concrétiser les choses magnifiques entr'aperçues par instants ? Le premier tiers de Kazan a été parfait, ensuite, pschiiiit...

Franchement, je n'aimerais pas être à la place de l'entraîneur tatar Zinetoula Bilialetdinov. La pression doit être incroyablement insupportable ! Ses joueurs n'ont pas le choix, ils doivent impérativement se sortir de là où ils se sont mis tous seuls. Enfin, pas le choix, je n'en sais même rien, car après tout, ils doivent s'en moquer de ne plus jouer à Kazan l'an prochain. Au contraire, ils auront pris leur argent avant de repartir vers de nouvelles aventures lucratives ailleurs. Les mille ans de Kazan ne doivent pas vraiment les concerner. Enfin, on verra rapidement...

Dans les autres matches, cela sent également le roussi pour le champion en titre. Avangard Omsk a perdu son deuxième match à Magnitogorsk, avec une victoire du Metallurg, 2-1. Omsk va-t-il pouvoir refaire le coup de la finale de l'an passé où, mené deux manches à rien après les deux premiers matches à Magnitogorsk, les Sibériens avaient réussi à s'imposer trois manches à deux aux tirs au but de l'ultime partie ? Cela ne va guère mieux pour l'autre club tatar de ces quarts de finale. Le Neftekhimik de Nijnekamsk a perdu à Moscou son deuxième match contre le Dynamo 4-2, mais personne ne demande aux Tatars de Nijnekamsk de gagner absolument...

Et puis, surprise dans le bassin de la Volga, où les Sibériens du Metallurg Novokouznetsk ont égalisé à une victoire partout en s'imposant aux tirs au but sur la glace du Lada Togliatti après un match nul un partout. On oublie tout et l'on repart lundi pour la troisième manche !

Étoiles du match : *** Alekseï Yachine (Iaroslavl), ** Nikolaï Antropov (Iaroslavl), * Ivan Tkatchenko (Iaroslavl).

Compte-rendu signé Bruno Cadène

  

Commentaires d'après-match

Kari Heikkilä (entraîneur de Yaroslavl) : "Nous avons fait une mauvaise première période. Bien que nous savions qu'ils se préparaient à jouer agressivement et à forechecker, nous avons cédé physiquement. Mais en deuxième période nous nous sommes adaptés au style de notre adversaire et nous avons commencé à prendre le dessus. C'est bien : même si Kazan joue encore de cette manière, nous saurons à quoi nous attendre."

Alekseï Yashin (attaquant de Yaroslavl) : "Peu importe ce que disent les journaux, on ne peut pas comparer Ak Bars avec les New York Rangers. Ce sont des équipes qui n'ont rien à voir. Assez parlé de Kazan, je préfère discuter de notre match. Il fallait vider de nos têtes les deux buts ennuyeux qui avaient porté la marque à 3-1, et ne plus penser au score. La relative facilité avec laquelle nous sommes revenus à égalité en dit long sur le caractère de ce Lokomotiv. La clé du match a été notre résistance en infériorité numérique. Ceux qui ont défendu sur la glace à ce moment-là mériteraient une statue. Les jeux de puissance font la différence, c'est toujours pareil en play-offs, en Amérique comme en Russie."

Zinetula Bilyaletdinov (entraîneur de Kazan) : "Pas de problèmes en première période, où l'équipe a bien joué. Mais ensuite, il y a eu des problèmes de discipline. Nous sommes restés deux fois à trois, ce n'est pas possible en play-offs. Nous avons pris deux buts en infériorité. Nous nous sommes précipités pour marquer et nous avons commis une erreur fatale. Notre jeu de puissance laisse beaucoup à désirer..."

Alekseï Simakov (attaquant de Kazan) : "Non, l'entraîneur n'est pas venu dans le vestiaire. Nous avons eu une discussion sur le match entre nous. Nous nous sommes soutenus mutuellement. Nous nous sommes dit qu'il était trop tôt pour baisser les bras... Le match a été éprouvant nerveusement. À la deuxième pause, nous avions décidé de retrouver notre jeu de la première période. Et là, paf, nous prenons un but en supériorité. En général, le Lokomotiv nous a dominés dans les unités spéciales. Ce qui s'est passé au premier match [deux prisons de Simakov, deux buts], c'est le sport. Je n'avais pris de pénalité depuis dix rencontres, et là ça m'arrive deux fois, pas de chance. On nous avait déjà prévenu de ne pas prêter attention à la réaction des spectateurs. En cas d'échec, ils commencent à siffler. Ce n'est pas correct, ils devraient nous soutenir dans les moments difficiles. Les supporters ne veulent que des victoires. Surtout avec un tel effectif."

 

Ak Bars Kazan - Lokomotiv Yaroslavl 3-4 (3-1, 0-2, 0-1)

Samedi 19 mars 2005 à 17h00 au Sport Saraï (palais des sports en tatar) de Kazan. 3900 spectateurs.

Arbitrage de M. Gorski (Saratov) assisté de MM. Anisimov et Khimich.

Pénalités : Kazan 16', Yaroslavl 14'.

Tirs : Kazan 13 (10, 1, 2), Yaroslavl 24 (6, 10, 8).

Évolution du score :

1-0 à 04'02" : Kozlov assisté de Heatley

1-1 à 14'23" : Yashin assisté de Ryazantsev et Antropov (sup. num.)

2-1 à 16'29" : Zinoviev assisté de Morozov

3-1 à 19'03" : Lecavalier assisté de Kovalchuk (sup. num.)

3-2 à 22'03" : Kryukov assisté de Schastliv et But

3-3 à 38'00" : Yashin (sup. num.)

3-4 à 55'06" : Antropov assisté de Yashin (inf. num.)

 

Ak Bars Kazan

Gardien : Nikolaï Khabibulin (sorti de sa cage à 59'23").

Défenseurs : Alekseï Zhitnik - Vitali Proshkin ; Denis Denissov - Ruslan Saleï (RUS/BLR) ; Dmitri Bykov - Darius Kasparaitis (RUS/LIT) ; Andreï Pervyshin - Konstantin Korneïev.

Attaquants : Enver Lisin - Sergueï Zinoviev - Alekseï Morozov ; Ilya Kovalchuk - Vadim Epanchintsev (c) - Alekseï Kovalev ; Vyacheslav Kozlov - Vincent Lecavalier (CAN) - Dany Heatley (CAN) ; Danis Zaripov - Denis Arkhipov - Alekseï Simakov.

Remplaçant : Fred Brathwaite (G, CAN).

Lokomotiv Yaroslavl

Gardien : Marc Lamothe (CAN).

Défenseurs : Alekseï Vassiliev - Curtis Murphy (CAN) ; Karel Rachunek (TCH) - Aleksandr Ryazantsev ; Aleksandr Karpovtsev - Dmitri Krassotkin (c) ; Sergueï Zhukov.

Attaquants : Ivan Nepraïev - Igor Korolev - Dmitri Vlasenkov ; Ivan Tkachenko - Nikolaï Antropov (RUS/KAZ) - Alekseï Yashin ; Piotr Schastlivy - Artiom Kryukov - Anton But ; Denis Shvidky - Vladimir Antipov - Aleksandr Galimov.

 

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