Canada - États-Unis (9 avril 2005)

 

Finale des championnats du monde féminins 2005.

Les arrières canadiennes se seraient presque ennuyées jusqu'ici. Elles n'ont encaissé aucun but dans le tournoi avant cette finale, et elles ont rarement eu l'occasion d'avoir à défendre dans leur zone. Selon les mots de Melody Davidson, leur entraîneur, elles sont comme des chevaux sauvages prêtes à être relâchés, elles piaffent d'impatience. Qu'elles se rassurent, elles auront plus que leur part de travail ce soir face aux attaquantes américaines.

La victoire de la Suède un peu plus tôt dans l'après-midi a pu donner des idées aux États-Unis. Les Scandinaves n'avaient réussi qu'une fois à monter sur le podium, c'était à Salt Lake City. De même, les Américaines n'avaient gagné qu'un seul titre, c'était à Nagano. Il ne fait aucun doute que ces consécrations olympiques ont plus de valeur, néanmoins ces deux équipes avaient dans l'idée de concrétiser aussi aux championnats du monde. Il n'y a pas de raison que ce ne soit pas le cas. Les duels canado-américains ont toujours été serrés, et la finale de l'an passé, avec son but refusé aux Américaines après appel à la vidéo, est encore dans les esprits. La différence de niveau est telle chez les féminines entre l'Amérique et l'Europe qu'elle est encore plus sensible au niveau de l'arbitrage. C'est pourquoi c'est toujours une Canadienne ou une Américaine qui arbitrait la finale, ce qui ne faisait qu'amplifier les polémiques. Depuis l'an dernier, c'est la Finlandaise Anu Hirvonen qui s'y colle, sans que la controverse d'éteigne. La solution serait d'appeler un arbitre masculin européen, mais cela ne correspond pas à la politique de l'IIHF, et il n'y en a donc pas qui soit habitués aux subtilités de jugement du hockey féminin.

Par rapport au match pour la troisième place, cette finale offre plus de maîtrise technique, plus de vitesse, plus de discipline aussi, avec un très faible nombre de pénalités. On le comprend car les rares jeux de puissance sont au point et créent du danger. Il n'y a pas une ou deux joueuses qui font la différence techniquement, c'est plus sérieux, ce n'est pas le même hockey, pas le même niveau. Il y a donc moins d'espaces, et entre deux équipes qui se connaissent parfaitement, on a parfois l'impression que le jeu est plus bloqué. Pour tout dire, les buts se font attendre.

Les gardiennes sont également d'une dimension supérieure, elles ne sont jamais prises en défaut d'inattention. On connaissait la valeur de Kim Saint-Pierre, l'expérimentée Canadienne, et c'est grâce à elle que le score est encore vierge à la fin de la première période. Ses arrières, qui ont enfin du travail, y ont été vite surchargées, et parfois lentes à dégager les palets.

Dans l'ensemble, hormis une période de répit dans la seconde moitié du deuxième tiers-temps, les Américaines dominent l'essentiel de la rencontre, en partie grâce à leur supériorité en patinage. Si l'on parle beaucoup de la ligne Wickenheiser-Goyette, force est de constater que les Américaines ont maintenant des attaquantes au moins aussi talentueuses que leur voisine du nord. La petite et rapide Natalie Darwitz dispose d'une excellente vision du jeu, parfaitement complémentaire avec l'expérience de Cammi Granato, qui a sans doute la meilleure occasion en trouvant le poteau. Et puis il y a Krissy Wendell, joueuse universitaire de l'année aux États-Unis, la grande révélation du tournoi.

Les Canadiennes sont plus discrètes aujourd'hui, mais elles tiennent bon. Ce n'est pas la première fois que les États-Unis les mettent en difficulté, mais depuis sept ans elles sont toujours sorties gagnantes, et leur confiance en elles est leur atout. La gardienne américaine Chanda Gunn a elle aussi des arrêts importants à effectuer. La titulaire Pam Dreyer s'était blessée avant le tournoi, mais elle a parfaitement résisté à la pression pour sa première grande finale.

Ce qui départagera les deux gardiennes, ce sera les tirs au but. Une épreuve mal-aimée par les Nord-Américains, qui préfèrent que la mort subite dure jusqu'à ce qu'une des deux équipes craquent. Mais avec 0-0 après quatre-vingt minutes de jeu, on aurait pu continuer longtemps, d'autant que le jeu s'est fermé en prolongation car les deux équipes étaient attentives.

Pour les Canadiens, les tirs au but n'appartiennent pas au hockey car ils ne sont pas une épreuve collective. Ceci dit, quand deux adversaires se neutralisent, il faut bien que les talents individuels fassent la différence un moment ou l'autre. Le sens du but de Darwitz par exemple, car elle va droit sur Saint-Pierre pour tirer en lucarne côté mitaine. Sarah Vaillancourt répond avec une copie conforme, le palet étant simplement un peu moins haut. L'excellente arrière offensive Angela Ruggiero est la première à tenter une feinte, et elle a le temps de se mettre sur son revers pour placer le palet.

Tout le monde a donc réussi au moment où s'élance Hayley Wickenheiser, la star, celle qui a joué en tant que professionnelle avec les hommes en Finlande. Elle part à gauche puis à droite mais Gunn est restée parfaitement placée. L'avantage est donc aux États-Unis. Helen Resor n'a pas plus de réussite dans sa tentative, mais Jayna Hefford, réputée pour ses buts décisifs, non plus, car son revers est stoppé du bout de la jambière par Chanda Gunn, qui est en train de prendre l'ascendant psychologique.

Krissy Wendell réussit une superbe feinte à grande vitesse juste devant la gardienne pour trouver un trou de souris au ras de poteau, et les Américaines ne sont plus qu'à une pointe de crosse du sacre. La pression est sur Caroline Ouellette, qui décide d'employer les grands moyens. Elle part loin à droite et revient très latéralement vers la gauche, mais ce mouvement compliqué ne réussit pas plus que les précédents à désarçonner Gunn.

Les États-Unis remportent donc leur premier titre mondial et mettent un terme à la domination canadienne qui n'avait eu que Nagano comme accroc. Le Canada tenait pourtant particulièrement à cette neuvième victoire consécutive, car ces neuf couronnes mondiales d'affilée correspondent au record établi par l'URSS chez les messieurs. Les Canadiennes s'arrêtent donc à huit, et vu le faible écart qui sépare les deux équipes, il n'est pas certain qu'une telle série soit établie de sitôt.

Élues meilleures joueuses du match : Kim Saint-Pierre pour le Canada et Julie Chu pour les États-Unis.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Melody Davidson (coach du Canada) : "On n'encaisse pas un seul but en cinq rencontres plus la prolongation, et on ne gagne quand même pas. Je ne sais pas si cela arrive souvent. C'est dur, et ça le restera tant que nous n'aurons pas une chance de gagner de nouveau."

Hayley Wickeneheiser (attaquante du Canada) : "Voir leur drapeau être hissé et pas le nôtre, c'est quelque chose qui est toujours difficile à avaler. Je me souviens de ce sentiment en 1998 [aux JO de Nagano] et c'est quelque chose que nous utiliseront pour motiver notre équipe."

Cammi Granato (capitaine des États-Unis) : "Je suis la seule joueuse à avoir participé aux neuf championnats du monde, et cette médaille d'or aura mis du temps à venir. C'est un moment historique pour le hockey américain. Dans la perspective des JO de Turin, cela aide de savoir que nous pouvons les battre."

 

Canada - États-Unis 0-0 (0-0, 0-0, 0-0, 0-0) / 1-3 aux tirs au but

Samedi 9 avril 2005 à 20h00 au Cloetta Center de Linköping. 4468 spectateurs.

Arbitrage d'Anu Hirvonen (FIN) assistée de Sanna Mattila (FIN) et Jana Zitkova (TCH).

Pénalités : Canada 6' (2', 0', 2', 2'), États-Unis 6' (2', 2', 0', 2').

Tirs : Canada 26 (7, 6, 6, 7), États-Unis 49 (15, 11, 14, 9).

Tirs au but :

États-Unis : Darwitz (réussi), Ruggiero (réussi), Resor (manqué), Wendell (réussi).

Canada : Vaillancourt (réussi), Wichenheiser (arrêté), Hefford (arrêté), Ouellette (arrêté).

 

Canada

Gardienne : Kim Saint-Pierre.

Arrières : Cheryl Pounder - Becky Kellar ; Geraldine Heaney - Colleen Sostorics ; Carla MacLeod - Correne Bredin.

Attaquantes : Sarah Vaillancourt - Hayley Wickenheiser - Danielle Goyette ; Caroline Ouellette - Jayna Hefford - Jennifer Botterill ; Cassie Campbell - Vicky Sunohara - Dana Antal ; Gina Kingsbury - Kelly Bechard - Cherie Piper.

Remplaçante : Charline Labonte (G).

États-Unis

Gardienne : Chanda Gunn.

Arrières : Lyndsay Wall - Angela Ruggiero ; Molly Engstrom - Courtney Kennedy ; Helen Resor - Jamie Hegerman.

Attaquantes : Katie King - Jenny Potter - Kelly Stephens ; Natalie Darwitz - Cammi Granato - Krissy Wendell ; Kathleen Kauth - Julie Chu - Sarah Parsons ; Shelley Looney - Kim Insalaco - Kristin King.

Remplaçante : Megan van Beusekom (G).

 

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