Russie - États-Unis (3 janvier 2006)

 

Demi-finale des championnats du monde des moins de 20 ans 2006.

Demi-finale de rêve entre les États-Unis et la Russie, qui alignent deux des équipes les plus impressionnantes du tournoi (au moins sur le papier !). La Russie a fini première de son groupe et arrive fraîche et dispose pour ce match. Peu inquiétée dans sa poule elle voit avec curiosité trois équipes de l'autre groupe en demi-finales. L'équipe est expérimentée avec une moitié de joueurs présents en finale l'an dernier face au Canada. La vedette Evgueni Malkin est incontestablement le meilleur attaquant du tournoi. Radulov en attaque et Emelin en défense ont aussi été solides, mais c'est surtout le jeu du gardien Anton Khudobin qui séduit, avec seulement cinq buts encaissés. Ce match est une revanche puisque l'an dernier la Russie avait écrasé les États-Unis 7-2 à ce stade de la compétition. Il y a deux ans, la Russie battait les Américains en finale des moins de 18 ans, quasiment tous les acteurs de ce match sont désormais dans ce tournoi des 20 ans.

Le début de match se déroule assez lentement, avec deux équipes peinant à se mettre en place. Le public canadien n'a pas suivi Walt Kyle et encourage la Russie, visant surtout Jack Johnson, sifflé copieusement après son coup de coude sur Downie le 31 décembre dernier. C'est la Russie qui commence la première à trouver son rythme. Nikolaï Kulemin revient de suspension sur la ligne de Malkin et Ilya Zubov et le danger est permanent pour la défense américaine. Après plusieurs essais, Le trio part en trois contre deux après une douzaine de minutes. Zubov lance depuis le cercle d'engagement et voit son tir bloqué par Schneider. Toutefois le rebond revient sur Kulemin qui s'impose dans la défense pour ouvrir le score. Le physique russe est supérieur, à l'image d'une belle mise en échec de Kirill Lyamin sur Nathan Davis dans la neutre. Roman Voloshenko obtient lui aussi une belle opportunité mais son tir du poignet dans l'axe est sorti par Schneider. Puis, Malkin se crée une occasion en infériorité numérique sans succès. En face, Tom Fritsche tente aussi sa chance, stationné devant le but.

La Russie domine de même le début de la deuxième période. Elle impose son jeu, son rythme, obligeant les Américains à défendre dans leur zone pendant de longues périodes. Il faut attendre la huitième minute pour voir une réaction, et pour voir les États-Unis dominer la fin de tiers. Une pénalité différée contre Zubarev permet aux Américains d'aligner six joueurs en zone offensive pendant trente secondes, sans succès. Mueller, Fritsche et Schremp combinent en effet sans réussite. Sur l'avantage numérique, Robbie Schremp mène encore une fois la danse, trouvant Erik Johnson sur une belle transversale. Le slap de la bleue n'est pas cadré. En fin de tiers, les Russes doivent jouer en infériorité pendant quatre minutes par indiscipline. Ogorodnikov est suivi en prison par Malkin mais cela ne suffit pas à créer le danger. Khudobin s'en sort facilement sur l'unique occasion, un tir du poignet de Kessel depuis le cercle d'engagement gauche. La Russie joue en contre, partant en deux contre un, mais Radulov ne parvient pas à piéger l'unique défenseur, Erik Johnson, particulièrement impressionnant dans ce match. Shirokov n'avait pas eu plus de succès peu avant en trois contre deux.

Puis tout s'accélère. Les premières minutes du dernier temps sont folles. Nikolaï Kulemin marque son doublé en moins de deux minutes de jeu en traversant toute la patinoire sur la droite avant de repiquer dans l'axe, éliminant Chorney, pour un lancer du poignet en lucarne. Une quarantaine de secondes plus tard, les Américains trompent enfin Khudobin. Jack Johnson envoie un tir du poignet qui paraissait bloqué par le gardien, mais Jack Skille transforme le rebond comme un joueur de base-ball. Malheureusement, les Américains perdent leur jeu collectif. Chacun tente de devenir le héros du match et les égos s'en mêlent. L'abordage ne fonctionne pas et offre des boulevards aux attaquants russes qui n'en demandaient pas tant. Evgueni Malkin, qui se promène dans une défense bien tendre en dehors des Johnson, traverse la bleue, fixe deux défenseurs pour finalement trouver Alexei Emelin tout seul pour un tir du poignet entre les jambières. Le but du 3-1 fait mal... Les réactions désordonnées inquiètent encore Khudobin mais la concentration s'échappe au profit de la fébrilité. La Russie tue le match lorsque Lemtyugov sert Shirokov au cercle d'engagement gauche pour un slap en hauteur et le 4-1. Deux minutes plus tard, le duo récidive. Shirokov déborde à gauche et centre pour Lemtyugov qui marque entre les jambières. La fin du match dégénère avec des mauvais coups. L'entraîneur russe appelle un temps mort pour calmer ses hommes et éviter tout risque de suspension mais cela ne suffit pas. Une action dans la zone de Khudobin dégénère encore mais alors que les joueurs s'empilent devant le but, les gants ne tombent pas. Les arbitres mettent dix bonnes minutes à séparer les joueurs et donner les pénalités, avec un quatre-contre-trois pour les Américains qui n'en profitent pas. La Russie est - encore - en finale et les États-Unis échouent encore en demi.

L'attitude du public canadien a été fortement commentée par les observateurs. La plupart s'accordent à y trouver une forme de reconnaissance et de crainte de la qualité de l'équipe américaine, ainsi que d'une passion énorme du Canada pour cet événement annuel, devenu l'événement traditionnel des fêtes de fin d'année et leur "propriété". Malgré tout, certains supporters sont parfois allés un peu loin après match au point de choquer beaucoup de Canadiens eux-mêmes. Il est vrai qu'avec seulement quatre maillots américains vendus dans la patinoire, on comprend rapidement que le Canada n'encourage pas vraiment son voisin ! Les aspects politiques des relations américano-canadiennes ont sans doute aussi influencé le public. Cela dit, les États-Unis ont surtout été victime sur ce match de la fatigue du match de la veille d'une part, d'un excès d'individualisme des joueurs d'autre part. Et enfin, surtout, du talent russe.

Meilleurs joueurs du match : Nikolaï Kulemin pour la Russie et Nathan Davis pour les États-Unis.

Compte-rendu signé Nicolas Leborgne

 

Commentaires d'après-match :

Sergueï Mikhalev (entraîneur de la Russie) : "C'est notre colonne vertébrale qui a contribué à la victoire. La première ligne a bien joué, et Kulemin a inscrit le premier but toujours très important pour obliger à l'adversaire à se découvrir. Khudobin fait un bon tournoi, j'espère qu'il conservera la même forme en finale. En troisième période, nous avons forcé les Américains à patiner un peu sans palet, et ils se sont fatigués. Il n'y a rien à faire contre leur attitude à la fin, c'est dans leur manière. Il fallait bien qu'ils justifient leur faiblesse par quelque chose et qu'ils lavent l'affront."

Anton Khudobin (gardien de la Russie) : "C'était moins difficile que nous l'attendions. Je pense que la deuxième période a été capitale. Les Américains ont de bons joueurs. J'ai toujours suivi Kessel et Schremp, mais nos défenseurs ne les ont pas laissés s'exprimer entièrement. [...] Pour un gardien, la taille de la glace n'a pas spécialement d'importance. Simplement, les États-Unis ont un jeu très similaire à celui auquel je suis habitué dans la ligue junior majeur où j'évolue, la WHL."

Alexandre Radulov (attaquant de la Russie) : "Je voudrais remercier le public canadien. C'est incroyable d'avoir 18000 personnes applaudir les buts russes..."

Walt Kyle (entraîneur des États-Unis) : "Je suis certainement déçu du résultat du match. Je félicite les Russes. Ils ont un bon groupe. Ils sont bien entraînés et dirigés, et un redoutable adversaire. C'est sûr que ce n'est pas le résultat attendu mais nous avons encore une chance de faire ce que seulement quatre équipes américaines ont réussi en trente ans, décrocher une médaille. Je pense que le public était plus pro-canadien qu'anti-américain. Mais c'est décevant. Pour la finale, s'il reste des tickets, courrez les acheter car ce sera grandiose."

Robbie Schremp (attaquant des États-Unis) : "Les Russes n'ont jamais été très fair-play. Nous l'avons vu l'an dernier dans le Dakota du Nord, et vous savez, ce n'est plus une surprise. C'est juste leur façon de jouer. Nous n'attendions rien d'autre."

Jack Johnson (défenseur des États-Unis) : "J'encouragerai le Canada en finale. Simplement parce que c'est une équipe de classe, alors que la Russie est provocatrice. J'aime la manière dont le Canada joue et j'ai un ami canadien à l'université du Michigan. Les Russes ont l'équipe la plus technique mais si les Canadiens viennent avec la passion et l'intensité qu'ils avaient contre nous, ils seront là."

 

Russie - États-Unis 5-1 (1-0, 0-0, 4-1)

Mardi 3 janvier 2005 à 20h00 à la General Motors Place de Vancouver. 18630 spectateurs.

Arbitrage de Jyri-Petteri Rönn (FIN) assisté de Geff Mac Donald (CAN) et Fredrik Ulriksson (SUE).

Pénalités : Russie 51' (6', 8', 12'+5'+20'), États-Unis 41' (2', 4', 10'+5'+20').

Tirs : Russie 34 (12, 6, 16), États-Unis 35 (8, 16, 11).

Évolution du score :

1-0 à 12'32" : Kulemin assisté de Zubov et Malkin

2-0 à 41'42" : Kulemin (sup. num.)

2-1 à 42'34" : Skille assisté de J. Johnson et Bourque (sup. num.)

3-1 à 43'13" : Emelin assisté de Malkin

4-1 à 53'01" : Shirokov assisté de Lemtyugov

5-1 à 55'15" : Lemtyugov assisté de Shirokov et Buravchikov

 

Russie

Gardien : Anton Khudobin.

Défenseurs : Aleksei Emelin - Denis Bodrov ; Evgeni Biryukov - Vyacheslav Buravchikov ; Kirill Lyamin - Andrei Zubarev ; Aleksandr Aksenenko - Nikita Nikitin.

Attaquants : Nikolai Kulemin - Evgeni Malkin - Ilya Zubov ; Gennady Churilov - Nikolai Lemtyugov - Sergei Shirokov ; Roman Voloshenko - Mikhaïl Yunkov - Aleksandr Radulov ; Evgeni Ketov - Sergei Ogorodnikov - Enver Lisin.

Remplaçant : Semen Varlamov (G).

États-Unis

Gardien : Cory Schneider.

Défenseurs : Jack Johnson - Erik Johnson ; Taylor Chorney - Brian Lee ; Chris Butler - Matt Niskanen ; Mark Mitera.

Attaquants : Phil Kessel - T.J. Oshie - Chris Bourque ; Nathan Davis - Blake Wheeler - Geoff Paukovich ; Kevin Porter - Nathan Gerbe - Jack Skille ; Bobby Ryan - Robbie Schremp - Peter Mueller ; Tom Fristche.

Remplaçant : Jeff Frazee (G).

 

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