Épinal - Dijon (7 janvier 2006)

 

Match comptant pour la dix-neuvième journée de la Ligue Magnus 2005/2006.

Dijon, duc de Lorraine

Rossés peu avant les fêtes à Rouen (0-6) sous la férule du fameux trio québécois Thinel-Mallette-Fortier et contraints au silence devant un bon Ramon Sopko, les Spinaliens ont conclu par ce revers un dernier trimestre 2005 convenable. Bien calés dans le milieu du classement et plus que jamais candidats aux places qualificatives, les Spinaliens ont fait oublier en trois mois une dernière saison calamiteuse, décrochant de bons résultats à la maison et parvenant à produire par moments un jeu agréable, par l'activité de maîtres d'śuvre comme le virtuose slovaque Ján Plch, le virevoltant Jussi Haapasaari ou encore l'explosif Ján Šimko et ce, malgré le style plus défensif apporté par le nouveau coach Joakim Nilsson. S'ils ont conclu l'année par cette défaite quasi-inévitable compte tenu de l'implacable domination rouennaise sur l'élite hexagonale, les Dauphins étrennent en revanche le nouvel an face un adversaire plus "prenable" bien qu'étant reconnu comme l'un des trublions de ce début de saison.

Et pourtant, cet adversaire était bien mal en point lors du premier volet du seul "derby de l'est" subsistant depuis le retrait de Mulhouse. Blanchi sur sa glace lors du match aller (0-3), Dijon a depuis subi une véritable métamorphose, enchaînant les bons résultats et contrariant match après match les projets des "gros" de Ligue Magnus. En fait, depuis cette soirée du 9 octobre dernier, Dijon n'a connu que trois fois la défaite et se retrouve même dans le dernier carré de la Coupe de France. D'ailleurs, on se souvient qu'en seizième de finale, Dijon avait écarté sans trop de peine de fades spinaliens (4-1)...

Cela fait maintenant cinq saisons que Bourguignons et Vosgiens se sont retrouvé en division 1. Et depuis, ces deux-là ne se quittent pas d'une semelle, ravivant une vieille rivalité spinalo-dijonnaise ayant atteint son apogée au début des années 80. Depuis, les deux ont suivi des voies différentes et Dijon a dû patienter avant de retrouver son rival d'antan. Principal artisan du renouveau dijonnais, l'ex-gardien international devenu entraîneur Daniel Maric qui a franchi bien des paliers depuis le sacre de division 2 au printemps 2000, conduisant le club des sommets de la division 1 (finaliste contre Villard en 2002) aux places d'honneur en élite.

Autour de Maric, deux autres sont restés fidèles au chandail dijonnais : le capitaine Julien Tiphaigne et le robuste défenseur slovaque Milan Tekel. Articulé cette saison autour d'une véritable colonie slovaque, le CPHD avait pourtant misé ces dernières saisons sur un bon contingent de Français (principalement issus du club formateur de Viry-Châtillon ou de région parisienne) mais la principale caractéristique de ce CPHD 2005/06 est ainsi de posséder une véritable "âme slave" avec la présence d'une dizaine de ressortissants slovaques dont la révélation offensive de la saison, le buteur Miroslav Kristin ou encore le bombardier de la ligne bleue Anton Poznik, venu de Tours. Parmi ce collectif sans failles et ses compatriotes, le remuant Erik Bochna, translucide lors de son expérience dunkerquoise, se trouve littéralement transfiguré, s'affichant lui aussi comme une des surprises de cette Ligue Magnus alors que le fantasque Vladimir Hiadlovský, connu pour son irrégularité à son époque tourangelle, se porte comme un charme devant son filet et s'affiche comme l'un des meilleurs spécialistes du championnat à son poste.

Travailleurs et combatifs, à l'instar du centre américain Dave Thomas - peu à son aise statistiquement mais fort apprécié du public de Trimolet pour son engagement et sa pugnacité - les Ducs possèdent bien leur péché mignon, l'indiscipline. Deuxième équipe la plus pénalisée derrière Gap (554'), Dijon compense par des unités spéciales performantes avec le meilleur jeu de puissance de Ligue Magnus (21,5%) et un jeu en désavantage numérique solide (troisième derrière Amiens et Rouen).

La tâche s'annonce rude pour l'ICE et ce derby de l'Est s'annonce serré. La gestion des indisciplines s'annonce prépondérante entre deux formations au fort accent slovaque (seize Slovaques alignés de part et d'autre, sans compter le naturalisé Roman Trebaticky et le Tchèque Martin Kotásek). La rugosité aura sans doute sa place dans cette rencontre et charge aux Spinaliens de ne pas tomber dans le piège. Mais quoiqu'il en soit, ce "derby" risque bien d'être fidèle à la tradition.

Soirée portes ouvertes ?

Les premières présences sont bien dijonnaises en ce début de partie avec des infiltrations de Drotár (0'45") et Gueguen (2'57"). Montrant quelques ouvertures à l'arrière, Épinal se procure pourtant la première grosse occasion du match avec ce service devant la cage de Mazerolle à destination de Trebaticky mais le Franco-Slovaque, qui avait semble-t-il fait le plus dur, envoie le puck dans les cieux malgré une cage ouverte (3'22"). Une première pénalité appelée à l'encontre de Poznik (retenir à 5'48") peut permettre aux locaux de tester une première fois leur jeu de puissance. Il ne faut guère de temps aux Spinaliens pour faire trembler une première fois les filets, Tobias Åblad plein axe adressant de la ligne bleue un lancer flottant dévié dans la mêlée par Luc Mazerolle (1-0 à 6'10"). Pas de chance pour Vladimir Hiadlovský, mais ses ouailles ne vont pas se laisser envahir par le doute, tentant de réagir rapidement et exploitant les erreurs locales pour créer l'égalité. Ainsi le Finlandais Jussi Haapasaari parti en contre-attaque côté gauche commet-il l'erreur de mal appuyer sa passe en retrait. Celle-ci se voit interceptée par le percutant Erik Bochna, qui file côté droit, sert dans l'axe son compatriote Andrej Mrena puis se trouve au point de chute du rebond pour égaliser de près (1-1 à 8'38").

La domination dijonnaise commence à s'installer après ce but, forçant Épinal à procéder par contres, et sur l'un deux, Ján Plch récupère la rondelle dans le coin droit et trouve son compère Roman Trebaticky, bien placé dans le slot et dont la reprise touche la cible (2-1 à 11'58"). Malheureux après un premier essai vendangé, le vieux renard a retrouvé sa précision au meilleur moment, mais un instant d'égarement amène le Dijonnais Rastislav Palov, esseulé en zone offensive, à expédier un palet flottant sous la barre de Petrik (2-2 à 12'24"). Quatre buts en douze minutes de jeu ! Cette entame de partie semble déjouer tous les pronostics connaissant les aptitudes des deux protagonistes à évoluer dans un registre plutôt défensif...

Dijon poursuit sur sa lancée, s'essayant parfois à venir titiller Petrik mais le penalty-killing vosgien se montre à la hauteur. Au contraire d'un powerplay désorganisé, ce qui fut aussi une constante au cours de ce derby. Doublement pénalisés, les Ducs passent la fin de cette première période en infériorité, manquant de peu d'assister à un remake de l'ouverture du score, mais cette fois-ci la petite déviation de Mazerolle sur le tir flottant d'Åblad passe de peu à côté (19'21") et le lancer excentré d'Haapasaari est bien bloqué par Hiadlovský (19'54"). Sur cette dernière action, Anton Poznik se fait une seconde fois prendre en flagrant délit (19'54"), offrant de surcroît une quarantaine de secondes aux Spinaliens de double avantage numérique. À voir si ceux-ci, assez poussifs au cours des vingt premières minutes, seront capables d'en profiter !

Et bien non car cette supériorité numérique, comme toutes les autres d'ailleurs, n'apportera strictement rien, la faute aussi à une organisation défensive implacable, mais les Ducs, menaces certifiées dans ce genre de situation, peinent eux aussi à installer leur jeu de puissance. Après une première période ouverte, les défenses reprennent logiquement le dessus, même si Šimko s'extirpe de la tenaille dijonnaise pour s'en aller échouer sur Hiadlovský (26e) et les quelques lancers de part et d'autre trouvent rarement le cadre. Le Dijonnais Aymeric Gillet et le Spinalien Ján Plch étant envoyés simultanément au cachot (26'10"), un quatre-contre-quatre se dessine et permet au match de s'aérer quelque peu même si Haapasaari ne parvient pas à reprendre le service de Slovak devant la cage (27'27"). Sur le contre qui en découle, le capitaine visiteur Milan Tekel trouve Stanislav Petrik sur son chemin (27'37"). Mais voilà, un Radoslav Regenda trop attentiste à la ligne bleue offensive voit Thomas Gueguen surgir pour lui subtiliser la rondelle. Filant comme un bolide sur le flanc gauche, l'éphémère Brestois (c'était au cours de l'automne 2003) ne voit personne revenir sur lui et se charge de repiquer vers le gardien pour mieux placer le palet sous la barre, dans un angle assez fermé (2-3 à 28'51").

À sens unique

Cette grossière erreur du défenseur-relanceur des Dauphins est le point de départ d'une intense présence bourguignonne dans la zone spinalienne. La plaque de Petrik dévie l'essai en entrée de zone de Rastislav Palov (30'09"), le poteau celui de Miroslav Sucko (30'14"), et Martin Jeannette, posté à la gauche du cerbère spinalien, ne parvient pas à cadrer (30'20"). Il s'en faut donc de bien peu pour que le score s'emballe en faveur des visiteurs et ce même Petrik doit avoir la mitaine autoritaire pour stopper le tir à bout portant de Miroslav Kristin (31'16"). Réduits au silence et confinés dans leur zone, les hommes de Joakim Nilsson subissent mais un jaillissement du duo Ribanelli-Chassard (31'26") et surtout un cinglage de Kristin (31'35") vont, ou plutôt doivent, leur permettre d'enfin se montrer dans la zone d'attaque. Doit car si, en théorie, une situation d'avantage numérique doit amener son bénéficiaire à installer le jeu de puissance, celle-ci ne profite pas vraiment à des Spinaliens incapables de contrarier des Bourguignons souverains.

Au contraire, ce sont mêmes les Ducs qui parfois se montrent aux avant-postes... Dijon a clairement pris le dessus au cours de ce tiers médian et une reprise en boulet de canon du meilleur réalisateur dijonnais, Miroslav Kristin, tutoie le montant de Petrik en laissant l'illusion d'un quatrième but. Illusion seulement car le puck a en fait terminé sa course dans le petit filet gauche et donc à l'extérieur de la cage vosgienne (34'56")... Les Ducs assiègent littéralement la zone défensive de l'ICE et Plch propose une relative accalmie en provoquant un accrocher de son compatriote Anton Poznik (35'58"). Le slap de Sejna à cinq contre quatre (36'04") ne trompe pas Hiadlovský et une dernière mitaine de Petrik devant Tekel (39'23") scelle une période où Épinal, nettement dominé, semble s'en tirer à bon compte en ne comptant qu'une unité de retard au panneau d'affichage.

La poigne dijonnaise se détend au cours de troisième tiers et un joli mouvement de Mazerolle, trouvant le relais de Haapasaari, offre au troisième larron Martin Kotásek une bonne opportunité dans le slot mais Vladimir Hiadlovský ferme bien son angle et voit l'ailier tchèque à caractère défensif de l'ICE toucher le montant (41'37"). Alors que Dijon gère sans l'ombre d'un souci une autre infériorité numérique malgré un bon slap d'Åblad (44e), Épinal équilibre le jeu et tente de réagir en égalité numérique mais les coups de butoirs des Haapasaari, Mazerolle, Šimko (qui s'est trop régulièrement empalé dans le bloc défensif des Ducs) et autres Plch (au champ d'action très réduit) se heurtent à la redoutable assise défensive du CPHD. Et même lorsque celle-ci autorise quelques libertés, comme ce deux-contre-un mal exploité par Trebaticky qui préfère temporiser pour adresser un petit tir entre les bottes (49'51"), ce débordement (50'15") ou cette déviation d'Haapasaari (50'38"), les attaquants locaux ne parviennent pas à déjouer le dernier rempart visiteur. L'ICE propose tout de même plus de lancers en cette fin de match et jette ses dernières forces dans la bataille pour revenir au score mais doit garder un śil sur des contres dijonnais toujours dangereux, à l'image de ce centre au cordeau de Brodin vers Palov (55'34"). Consentant à sortir son gardien pour les ultimes secondes de cette partie, Épinal ne tire aucun dividende de la situation, manquant de peu de terminer la soirée avec un quatrième dans la musette, mais ce diable d'Erik Bochna, à la récupération d'un palet à proximité de la cage désertée, se voit trop court pour y glisser le disque (59'39").

Dijon décroche dans les Vosges un précieux succès lui permettant de conforter un peu plus sa quatrième place au général alors qu'Épinal a payé cash ses erreurs individuelles et son manque de réalisme

Dijon est venu, a tenu, a vaincu

Au terme d'un match défensif sentant pleinement la reprise, Dijon a su faire corps défensivement pour s'adjuger la manche retour. Reposant sur des lignes arrières sans faille, d'une grande homogénéité à leur ligne bleue et bloquant un grand nombre de lancers, le CPHD a remporté sans coup férir un succès mérité qui s'est dessiné au cours d'un deuxième tiers-temps à sens unique, ou presque. Opportunistes car exploitant toutes les failles du jeu vosgien, les Ducs n'ont jamais vraiment tremblé en désavantage numérique mais n'ont en revanche pas montré grand-chose dans leur domaine de prédilection, le jeu de puissance. Il est vrai que les Lorrains se sont particulièrement montrés disciplinés dans un match où la roublardise, notamment du côté des visiteurs, a parfois fait se dresser les cheveux des partisans locaux.

Souvent mis à contribution, les arrières spinaliens ont pu compter sur un Stanislav Petrik solide alors que leurs homologues de l'attaque se sont régulièrement cassé les dents en entrée de zone sur la cuirasse des Ducs. En dépit de quelques bons mouvements de-ci de-là, venant parfois d'un Christophe Ribanelli régénéré ayant disputé là son meilleur match de sa saison, ceux-ci ont vu nombre de portes se fermer dès l'approche de la zone de vérité, non sans avoir tenté de les forcer. Stanislav Petrik n'a pas connu, à l'image de sa saison, une soirée irréprochable, en se montrant parfois hésitant, mais il a tenu sa place.

L'un des autres points fâcheux de la soirée a été la gestion des supériorités numériques. L'ICE, en manque de rythme et gênée par le travail de sape des Bourguignons, n'a pu débuter la nouvelle année sous les meilleurs auspices. Les Ducs étaient plus forts et il convient désormais de redresser la barre avec en premier lieu ce voyage en Normandie chez des Drakkars de Caen lessivés à Grenoble (4-11). La partie sera aussi d'importance à Dijon où les Ducs accueilleront une formation du Mont-Blanc ensevelie sous une avalanche de buts face au grand Rouen (0-9).

Compte-rendu signé Jérémie Dubief

 

Épinal - Dijon 2-3 (2-2, 0-1, 0-0)

Samedi 7 janvier 2006 à 20h15 à la patinoire de Poissompré. 1100 spectateurs.

Arbitrage de Didier Bocquet assisté de Sébastien Moine et Jérémy Rauline.

Pénalités : Épinal 6' (2', 4', 0'), Dijon 14' (6', 6', 2').

Tirs : Épinal 28 (13, 6, 9), Dijon 28 (11, 10, 7).

Évolution du score :

1-0 à 06'11" : Mazerolle assisté d'Åblad et Haapasaari (sup. num.)

1-1 à 08'38" : Bochna assisté de Mrena et Dugas

2-1 à 11'58" : Trebaticky assisté de Plch

2-2 à 12'24" : Palov

2-3 à 28'51" : Gueguen

 

Épinal

Gardien : Stanislav Petrik [sorti de sa cage à 59'28"].

Défenseurs : Radoslav Regenda - Lubomir Duda ; Peter Slovák - Milan Sejna ; Borislav Ilic [puis Lionel Simon] - Tobias Åblad.

Attaquants : Ján Šimko - Roman Trebaticky - Ján Plch ; Christophe Ribanelli - Anthony Maurice - Guillaume Chassard (C) ; Luc Mazerolle - Jussi Haapasaari - Martin Kotásek.

Remplaçants : Franck Constantin (G), Gaëtan Gavoille, Djamel Zitouni, Guillaume Papelier. Absent : Shawn Allard.

Dijon

Gardien : Vladimir Hiadlovský.

Défenseurs : Miroslav Sucko - Aymeric Gillet ; Andrej Mrena - Sébastien Rousselin ; Anton Poznik - Milan Tekel (C).

Attaquants : Martin Drotár - Dave Thomas - Rastislav Palov ; Stephen Dugas (A) - Erik Bochna - Miroslav Kristin ; Mickaël Brodin (A) - Thomas Gueguen - Martin Jeannette ; Antoine Amsellem.

Remplaçants : Fabien Chardon (G), Kevin Dugas. Absent : Julien Tiphaigne.

 

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