Dynamo Moscou - Kärpät Oulu (8 janvier 2006)

 

Coupe d'Europe des champions 2006, groupe B.

Piotr Makarenko, le directeur de Tele-sport-marketing, l'agence organisatrice de la compétition, se présente tout sourire à la conférence de presse d'avant-match. Il rappelle que l'an dernier un journaliste avait promis de manger son journal si jamais un match de hockey à Saint-Pétersbourg sans la présence du club local attirait plus de trois mille spectateurs. Mais au moment où Makarenko rentre dans la salle, il sait que les billets pour les tribunes supérieures ont déjà toutes été vendues, malgré l'habitude russe de prendre les places à la dernière minute, qu'on a encore observé les jours précédents où les gradins finissaient de se remplir pendant le premier tiers. Il ne reste plus à vendre que les places les plus chères, et cette deuxième finale de la nouvelle Coupe d'Europe se joue donc devant plus de dix mille spectateurs. René Fasel annonce que Saint-Pétersbourg, ville organisatrice jusqu'en 2007, s'est portée candidate pour deux années supplémentaires, une hypothèse qui devient crédible. Le président de l'IIHF a aussi à nouveau évoqué une confrontation entre le champion d'Europe et le vainqueur de la Coupe Stanley, mais sans avoir obtenu de la NHL plus qu'un assentiment de principe. Ce ne sera donc pas avant l'an prochain.

Le public pétersbourgeois ne snobe pas le Dynamo, et au besoin, c'est aux cris de "Ro-ssi-ya" (Russie) que le champion national est encouragé. Cette ferveur patriotique suffira-t-elle à mettre un terme à son incroyable série d'échecs européens ? Le Dynamo a participé neuf fois à la compétition européenne majeure depuis quinze ans, sans jamais aller au bout, échouant chaque fois aux portes de la consécration comme lors des trois premières finales de l'EHL toutes perdues.

Ce n'est pas de leur adversaire que les Moscovites ont peur, c'est d'eux-mêmes. D'ailleurs ils avaient battu Kärpät 6-2 en amical en août, mais ils avaient alors dans leurs rangs un certain Pavel Datsyuk et leur gardien Vitali Eremeïev, qui aurait dû être titulaire dans ce tournoi si sa blessure n'en avait pas décidé autrement. Une blessure d'ailleurs moins grave que prévu. Elle devrait le tenir éloigné des glaces pendant trois semaines seulement, ce qui lui permettra d'être aux Jeux Olympiques de Turin avec le Kazakhstan.

Compte tenu de son passif, on imagine le Dynamo nerveux. Et après une minute de jeu, il est déjà réduit à trois par des pénalités de Vyshedkevich et Shakhraïchuk. A-t-il oublié qu'il devait sa qualification aisée en finale à sa bonne adaptation à la sévérité arbitrale ? Mais si 21 des 27 buts de la phase de poules ont été marqués en jeu de puissance, cette double supériorité non exploitée par Oulu indique que ce ne sera pas le cas aujourd'hui. Le premier but est inscrit à cinq contre cinq, sur une contre-attaque rondement menée et conclue par Aleksandr Kharitonov, par contre l'égalisation en deuxième période est permise par une pénalité inutile de Kanareïkin.

Les prisons sont toujours nombreuses, mais les phases de cinq contre trois ne sont pas exploitées. Pas par Kärpät, et pas non plus par le Dynamo car Maksim Sushinsky manque une cage complètement ouverte. Mais sur la même présence, "Su-33" persévère et marque alors que les Finlandais sont entre-temps revenus à cinq. Décidément, il fait tout... même les erreurs coûteuses. À quelques instants de la fin du deuxième tiers-temps, il oublie inexplicablement de monter sur un tir à la bleue, et Oulu revient ainsi à nouveau à hauteur à deux secondes de la sirène.

Ce coup du sort n'abat pas les Russes. Mikhaïl Grabovsky confirme son titre de meilleur buteur du tournoi en leur redonnant l'avantage, puis l'inévitable Sushinsky ajoute une assistance à son tableau d'honneur sur le 4-2 de Leonid Kanareikin, dont le tir dévié par le patin d'un défenseur semble indiquer que le destin a tourné. Enfin, la poisse a arrêté de s'acharner. Enfin, le Dynamo touche au but. Le public fait déjà la ola. Comme si c'était si simple de vaincre une malédiction... Il reste moins de quatre minutes à jouer, et Vyshedkevich se fait sanctionner pour accrocher, une faute idiote au plus mauvais moment. L'engagement est en zone offensive, le meilleur joueur finlandais Jari Viuhkola le remporte, et Mika Pyörälä conclut joliment du revers. Puis, une minute plus tard, le lancer dévié est cette fois en faveur de Viktor Ujcik, anormalement démarqué dans l'enclave. Quatre partout.

D'autres pourraient s'effondrer. Mais le Dynamo de ce soir a trouvé une volonté inexpugnable, et il repart à l'offensive durant la prolongation. Une défaite serait une terrible injustice après un tel match. Tout se joue aux tirs au but, comme en quart de finale des derniers championnats du monde entre Finlandais et Russes. Le gardien Niklas Bäckström n'avait alors rien pu faire face aux artistes de la Russie comme Datsyuk et Afinogenov, qui avaient aussi contribué au titre du Dynamo. Mais ils ne sont plus là, il ne reste que Kharitonov, qui avait à l'époque trouvé le poteau après s'être débarrassé du gardien. Mais Bäckström a appris et ne s'en laisse plus compter ce soir. Il arrête ensuite les tentatives de Sushinsky puis de Vishniakov. L'Ukrainien Vadim Shakhraïchuk en vient finalement à bout, mais aussitôt Kalle Sahlstedt réplique par un tir haut. Surprise, le dernier tireur du Dynamo, c'est Igor Mirnov, qui connaît une saison noire et qui avait même été un temps sorti de l'effectif titulaire par Krikunov. Le paria parfait pour une nouvelle défaite du Dynamo ? Non. Mirnov marque sous la barre. Le tir de Viuhkola est détourné par Sergueï Zvyagin. C'est fini. Plus de retournement de situation. Plus de nouvelle catastrophe.

Après un match mémorable qui a usé les nerfs des onze mille spectateurs, le Dynamo est enfin champion d'Europe ! Les supporters en bleu et blanc sont au bord des larmes, ils en croient à peine leurs yeux. Le trophée tant convoité se remplit de champagne, et jamais ces joueurs n'auront goûté de gorgée aussi savoureuse. Élu meilleur joueur du tournoi comme l'an dernier, Maksim Sushinsky est plus que jamais prophète en son pays dans sa ville natale de Saint-Pétersbourg. Et Aleksandr Kharitonov a prouvé par son travail défensif infatigable qu'il méritait sa place dans la sélection olympique.

La plus improbable série noire du hockey européen prend fin. Le Dynamo n'est plus un loser. Battu en prolongation l'an dernier par Omsk et aux tirs au but cette année, Kärpät prend date pour l'an prochain pour ne pas en devenir un à son tour. Il y a une autre suite d'échecs répétés dans le hockey international : depuis que la Russie concourt sous ce nom, elle n'a jamais remporté la moindre médaille d'or mondiale ou olympique. Dans un mois à Turin, Sushinsky, Kharitonov, Bykov et leur entraîneur Krikunov sauront-ils s'inspirer de cette soirée pour obtenir un nouveau titre historique ?

 

Commentaires d'après-match

Vladimir Krikunov (entraîneur du Dynamo) : "Avant le match, franchement, j'ai essayé de ne pas penser aux neuf défaites passées. Maus au moment où le score est passé à 4-4, une pensée négative a resurgi. Je me suis demandé si le destin s'acharnait sur ce club pour le priver de la possibilité d'être champion d'Europe. Je n'ai aucun spécialiste des penaltys, sauf peut-être Kharitonov, qui n'a pas marqué... Ce qu'il y a de bien, c'est que nous avons pu observer Bäckström au cours de la séance de tirs au but. Je pensais qu'il s'avancerait vers le tireur, à la canadienne, mais il est resté en retrait et il n'était donc pas possible de le contourner, même si Sushinsky est passé très près d'y arriver. Quand est arrivé le dernier penalty, j'avais remarqué qu'il descendait rapidement avec les jambes écartées, alors j'ai dit à Mirnov de viser entre ses bottes, ou bien de tirer haut comme l'avait fait Shakraïchuk. On avait réfléchi longtemps à l'identité du dernier tireur. Je voulais envoyer Grabovsky, mais il a refusé."

 

Dynamo Moscou - Kärpät Oulu 5-4 (1-0, 1-2, 2-2)

Samedi 7 janvier 2006 à 18h30 au Palais de Glace de Saint-Pétersbourg. 10700 spectateurs.

Arbitrage de Christer Lärking (SUE) assisté d'Anatoli Elistratov et Yuri Oskirko (RUS).

Pénalités : Dynamo 22' (6', 10', 4', 2'), Kärpät 16' (6', 6', 2', 2').

Tirs : Dynamo 43 (10, 17, 8, 8), Kärpät 23 (4, 11, 6, 2).

Évolution du score :

1-0 à 11'57" : Kharitonov assisté de Mirnov

1-1 à 26'41" : Sahlstedt assisté de Vallin et Jaakola (sup. num.)

2-1 à 36'44" : Sushinsky assisté de Kulyash

2-2 à 39'58" : Haataja assisté de Mikkola et Loponen

3-2 à 44'33" : Grabovsky assisté de Kharitonov et Ryazantsev

4-2 à 46'42" : Kanareikin assisté de Grabovsky et Sushinsky

4-3 à 56'18" : Pyörälä assisté de Viuhkola (sup. num.)

4-4 à 57'35" : Ujcik assisté de Vallin et Mikkola

Tirs au but :

Dynamo Moscou : Kharitonov (arrêté), Sushinsky (arrêté), Vishniakov (arrêté), Shakhraïchuk (réussi), Mirnov (réussi).

Kärpät Oulu : Tenkrat (arrêté), Ujcik (arrêté), Bros (à côté), Sahlstedt (réussi), Viuhkola (arrêté).

 

Dynamo Moscou

Gardien : Sergei Zvyagin.

Défenseurs : Dmitri Bykov - Sergei Vyshedkevich (4') ; Aleksandr Ryazantsev - Evgeni Korolev (4') ; Leonid Kanareïkin (2') - Denis Kulyash (4') ; Yakov Rylov.

Attaquants : Aleksandr Kharitonov - Mikhaïl Grabovsky (2') - Maksim Sushinsky (C) ; Albert Vishniakov - Vadim Shakhraïchuk (2') - Igor Mirnov ; Dmitri Shitikov - Aleksandr Skugarev - Pavel Rosa ; Vaclav Pletka (2') - Dmitri Kazionov - Egor Mikhaïlov (2') ; Konstantin Romanov.

Remplaçant : Oleg Romashko (G). Absents : Vitali Eremeïev (aine), Evgueni Fedorov (ménisque), Oleg Orekhovsky (fracture du tibia).

Kärpät Oulu

Gardien : Niklas Bäckström.

Défenseurs : Mikko Lehtonen - Lasse Kukkonen (C, 4') ; Ari Vallin (2') - Topi Jaakola ; Jouni Loponen - Ilkka Mikkola ; Oskari Korpikari.

Attaquants : Mika Pyörälä - Jari Viuhkola (4') - Petr Tenkrat (4') ; Viktor Ujcik (2') - Kalle Sahlstedt - Janne Pesonen ; Juha-Pekka Haataja - Michal Bros - Pekka Saarenheimo ; Tomi Mustonen - Tommi Paakolanvaara - Jyri Junnila.

Remplaçants : Mika Pietilä (G), Juhamatti Aaltonen.

 

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