Jeux Olympiques de Turin 2006, groupe A.

Chacun ses ennuis depuis hier soir. Dans le camp allemand, on regrette la blessure à l'épaule de Sebastian Furchner contre les Tchèques, alors que la quatrième ligne venue de Cologne avait fait un bon match. Les examens ont révélé qu'il devra être opéré, et le polyvalent Lasse Kopitz, qui peut aussi jouer à l'attaque, a comme prévu été le réserviste appelé en remplacement.

Chez les Canadiens, la polémique autour de la sélection de Todd Bertuzzi a soudain été relancée parce que Steve Moore, le désormais ex-joueur de NHL qu'il avait agressé, a porté plainte hier au civil devant un tribunal de Toronto. Que cette action en justice intervienne le jour du début du tournoi olympique peut apparaître comme un vicieux coup par derrière (un prêté pour un rendu, en somme), mais l'avocat de Moore a expliqué que cette date était due au délai de prescription, qui aurait été dépassé le lendemain. L'affaire Bertuzzi a donc à nouveau éclipsé l'affaire Gretzky...

Les deux équipes ont fait tourner leur gardien pour ce second match en deux jours. Roberto Luongo, le Montréalais d'origine napolitaine, succède à Brodeur pour une première apparition sur le sol italien. Et surtout, le junior Thomas Greiss, révélation de la saison qui a toujours le meilleur pourcentage d'arrêts de DEL, prend la place de Kölzig. Ses grands débuts en compétition officielle se font donc aux Jeux Olympiques, et face au Canada. On n'imagine pas un challenge plus délicat.

Pronger retient Martinec derrière sa cage, mais les Canadiens, qui étrennent un inédit maillot noir, ne permettent à l'Allemagne de s'installer que pendant les vingt dernières secondes de la supériorité. Une indication du déséquilibre des forces. En fait, le tournant du match intervient dès la cinquième minute : récupérant un palet contre la bande dans son camp, le toujours étonnant Tino Boos tente une longue passe aérienne qu'Eduard Lewandowski a la possibilité de réceptionner en zone offensive. Luongo sort de ses cages et devance l'Allemand d'un souffle avec son poke-check, mais Alexander Sulzer a suivi, rabat le palet avec le gant et tire en direction des filets déserts. Adam Foote, qui s'est couché en catastrophe, sauve la patrie en danger... et sur la contre-attaque, Simon Gagné et Wade Redden partent en deux contre un. La passe levée du Québécois passe au-dessus de la crosse de Seidenberg et Thomas Greiss ne peut que toucher le tir du défenseur d'Ottawa malgré son plongeon désespéré (1-0 à 04'52"). Dur, dur, pour les Allemands, qui vont avoir du mal à s'en remettre.

Felski charge Doan avec le coude et les Canadiens transforment ce premier jeu de puissance : passe abandon de Bertuzzi pour tir de Nash et rebond pris dans un angle impossible par le capitaine Joe Sakic (2-0 à 07'29"). Un cinglage de Heatley sur le poignet de Sulzer est annulé par un accrocher de Kreutzer en zone offensive. À quatre contre quatre, Robyn Regehr envoie le palet devant la cage où Simon Gagné s'arrache malgré la crosse de Leask pour inscrire le troisième but (3-0 à 10'49"). Un score qui ne suffit pas à Martin Saint-Louis qui plonge pour être sûr que soit sifflée une faute de Sulzer. Cette infériorité permet à Greiss de prendre confiance en captant enfin quelques palets. L'Allemagne aurait ensuite mérité de réduire le score sur une passe de Dennis Seidenberg bien déviée par Marcel Goc... sur le poteau.

Toujours pas vernis, les Allemands, quand un tir de Daniel Kreutzer passe entre les jambières de Luongo pour longer simplement le poteau (23'36"). Dans la continuité de l'action, Christian Ehrhoff accroche Rick Nash, mais, malgré un tour de cage de ce même Nash, la pénalité est tuée. McCabe retient Kreutzer et Pronger fait obstruction sur Seidenberg : en théorie, cela fait près de deux minutes à cinq Allemands contre trois Canadiens, mais ceux-ci partent tout de suite à deux contre un et Florian Busch, en retard, doit commettre une faute. La configuration reste intéressante à cinq contre trois et l'Allemagne mise sur les lancers à la bleue de Christian Ehrhoff. Ses premières tentatives sont détournées, mais il persévère et prend un lancer à mi-hauteur qui trompe Luongo masqué, alors que McCabe venait de rentrer sur la glace (3-1 à 29'13"). Le Canada doit réagir, et Thomas Greiss se replace bien quand Ryan Smyth a la cage ouverte après un premier tir de Foote. Le jeune Busch fait trébucher Iginla et le public lance une ola pour saluer le jeu de puissance. Pris de vitesse à son tour, Ehrhoff fait trébucher Heatley et les Allemands passent cent secondes terribles à trois contre cinq. Ils tiennent bon et le déplacement latéral de Greiss est excellent sur une passe devant la cage d'Iginla pour Sakic. Une résistance malheureusement inutile : dès le retour à cinq, un lancer frappe le fond de la bande et revient près de la cage. Heatley attrape le palet au vol comme au baseball, avec la crosse en dessous de la ligne des épaules comme le prouve le recours à la vidéo (4-1 à 35'37").

Tino Boos est malmené physiquement au début du troisième tiers-temps : il se fait par exemple stopper par la barrière douanière Robyn Regehr en un contre un, mais la charge de Bryan McCabe à la tête du centre de Cologne est dangereuse et justement sanctionnée de 2'+10'. Mais en supériorité, les Allemands n'arrivent pas à rester très longtemps dans l'enclave canadienne. Avec une bonne mitaine de Greiss sur une contre-attaque de Ryan Smyth, l'Allemagne semble capable de préserver un score honorable, finalement identique à celui d'hier, ce qui n'était pas gagné au début. Mais à la dernière minute, Shane Doan fait un tour de cage et s'éloigne, attendant pour tirer que Greiss ouvre naïvement un espace à son poteau pour anticiper une hypothétique passe (5-1 à 59'26").

D'abord déboussolés par la tournure des évènements, les Allemands ont peu à peu abandonné leurs complexes pour retrouver la mobilité et la volonté dont ils avaient fait preuve hier. Thomas Greiss a eu droit pour sa part à un apprentissage accéléré du niveau international. Il a montré beaucoup de vivacité mais doit encore acquérir du métier sur certains points, par exemple dans son jeu derrière la cage, même si ses deux hésitations n'ont pas porté préjudice.

Roberto Luongo, assez chanceux sur le tir de Kreutzer, a été aussi moyen que Brodeur hier, et le débat est reporté à une date ultérieure, d'autant que Pat Quinn n'a pas exclu de tester aussi son troisième gardien Marty Turco.

Compte-rendu signé Marc Branchu

Commentaires d'après-match

Todd Bertuzzi (attaquant du Canada) : "J'ai découvert la plainte de Moore à la télé hier soir. J'ai déjà discuté tout ça longtemps à Vancouver, et je ne veux pas avoir à le refaire ici. L'équipe n'a rien à y voir, je suis le seul concerné et je m'en occuperai à mon retour. Je fais avec. Sur la glace, je me sens bien."

Uwe Krupp (entraîneur de l'Allemagne) : "Le match était prévisible. Ils se sont établis en première période et ensuite ils ont fait juste ce qu'ils fallait pour remporter la victoire. Nous avons l'équipe la plus jeune du tournoi et elle était excitée à l'idée de bien jouer contre le Canada, les meilleurs du monde. Je suis fier d'eux et de leurs efforts."

Christoph Schubert (défenseur de l'Allemagne) : "L'atmosphère ici est tout autre qu'aux derniers championnats du monde. Uwe [Krupp] fait un super boulot, il est à notre écoute, c'est un plaisir de jouer sous ses ordres. Mais bien sûr on ne peut pas rejeter toute la responsabilité sur Greg [Poss]. Nous autres joueurs avons aussi notre part dans la relégation. Maintenant, c'est un peu plus cool. Les entraîneurs nous donnent du temps libre, ils nous demandent ce que nous voulons faire. La chimie est bonne, on travaille bien ensemble."

Canada - Allemagne 5-1 (3-0, 1-1, 1-0)

Samedi 16 février 2006 à 20h05 au Palasport Olimpico de Turin. 8554 spectateurs.

Arbitrage de Christer Lärking (SUE) assisté de Miroslav Halecky (SVK) et Thor Eric Nelson (USA).

Pénalités : Canada 24' (6', 4', 4'+10'), Allemagne 18' (8', 8', 2').

Tirs : Canada 40 (9, 18, 13), Allemagne 12 (2, 6, 4).

Évolution du score :

1-0 à 04'52" : Redden assisté de Gagné et Thornton

2-0 à 07'29" : Sakic assisté de Bertuzzi et Nash (sup. num.)

3-0 à 10'49" : Gagné assisté de Regehr et Richards (sup. num.)

3-1 à 29'13" : Ehrhoff assisté de Schubert et Ustorf

4-1 à 35'37" : Heatley assisté de Foote

5-1 à 59'26" : Doan assisté de Smyth

Gardien : Roberto Luongo.

Défenseurs : Chris Pronger - Rob Blake ; Wade Redden - Adam Foote ; Robyn Regehr - Jay Bouwmeester ; Bryan McCabe.

Attaquants : Kris Draper - Joe Sakic (C) - Jarome Iginla ; Simon Gagné - Joe Thornton - Rick Nash ; Dany Heatley - Vincent Lecavalier - Martin Saint-Louis ; Todd Bertuzzi - Brad Richards - Ryan Smyth ; Shane Doan.

Remplaçant : Martin Brodeur (G).

Gardien : Thomas Greiss.

Défenseurs : Rob Leask - Sascha Goc ; Stefan Schauer - Dennis Seidenberg ; Christian Ehrhoff - Christoph Schubert ; Alexander Sulzer - Andreas Renz.

Attaquants : Klaus Kathan - Stefan Ustorf (C) - Daniel Kreutzer ; Tomas Martinec - Marcel Goc - Florian Busch ; Sven Felski - Alexander Barta - Petr Fical ; Eduard Lewandowski - Tino Boos - Lasse Kopitz.

Remplaçant : Robert Müller (G). Absents : Olaf Kölzig (G), Sebastian Furchner (opéré demain de l'épaule).

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